Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 mai 2006 6 06 /05 /mai /2006 07:26

Alors que Stéphane Oliva et François Raulin sortent un «Echoes of Spring» en hommage aux pianistes de stride, revenir sur Ellington s’impose régulièrement comme un passage obligé bien que risqué. Avec "Echoes of Ellington", le hautboïste Jean Luc Fillon, musicien au parcours original, qui a toujours souhaité faire se croiser les chemins de la musique, est allé braconner sur les terres voisines de l'improvisation. Après un remarqué Oboa, où il tentait déjà le passage, il sort résolument du répertoire de son instrument et s‘attaque à un des géants du jazz classique. Reprendre Duke Ellington n’est jamais facile, car dans l’œuvre démesurée du Duke ne retrouve-t-on pas le jazz dans son intégralité ? L’instrumentation mérite une mention particulière : le cor anglais -encore plus rare en jazz que le hautbois, est un instrument étrange encore plus qu’étranger : ni cor ni anglais, il fait partie des vents, anche double qui sonne aussi une quinte au-dessous du hautbois. Le hautbois n’a pas en général les faveurs du grand public (le son parfois décrié comme aigrelet et nasillard, se rapproche tout de même du soprano) : instrument noble -il donne le "la" à l’orchestre- fragile et complexe, il lui faut s’adapter aux paysages du jazz avant de prétendre à une légitimité qu’il peut acquérir avec l’adaptation des classiques du grand orchestre de Duke. Claude Carrière, le génial producteur sur France musique, de la série des « Tout Duke », ne s’y est pas trompé : dans des notes de pochette impeccables, il présente le travail précis, original et néanmoins fidèle à l’esprit de ces thèmes éternels qui retraversent une bonne partie de l’histoire du jazz : de l’inoxydable « The mooche » (1928) à « Wig wise » de 1962 qui marque la rencontre "moderne" de Duke avec Mingus et Roach, excusez du peu. Comme le chef savait écrire pour « ses » hommes, les Cootie Williams, Johnny Hodges, Lawrence Brown, Ray Nance et braquer les projecteurs sur eux, ces partitions redonnent la part belle à des « solistes » brillants. Le trombone velouté, enjôleur de Glenn Ferris assure l’alliage-alliance rutilant autant qu'indispensable, tout en virevoltes et caresses. Il peut aussi reprendre avec vigueur et jubilation « Caravan » et « Perdido » , les chevaux de bataille de Juan Tizol avec une rythmique entraînée à jouer ces compositions rendues "simples" par un swing imparable (l’impeccable contrebassiste Jean Jacques Avenel et le percutant Tony Rabeson entretiennent une belle tension ). Le pianiste coloriste, fidèle complice de JL Fillon, le portugais Joao Paulo prend de belles échappées en duo sur « I got it bad » ou dans le final « Warm valley ».
 Jean Luc Fillon montre qu’il sait s’emparer d’une forme musicale en plasticien stylé, user de la paraphrase et de la variation, s’inspirer tout en détournant de façon pertinente, revivifier de façon astucieuse la tradition sans que l’on puisse un seul instant oublier l’original (« I'm beginning to see the light »). Car si rejouer serait contraire à l’esprit du jazz, phagocyter les thèmes ellingtoniens est impossible. Cette relecture de toute une époque dans une perspective moderne, qui n’oublie pas la lisibilité, est le coup de chapeau d‘un arrangeur qui sait aussi s’effacer devant son héros.
La caravane continuera de passer longtemps.

 

 

 

Sophie Chambon

 

 

 

Partager cet article
Repost0
2 mai 2006 2 02 /05 /mai /2006 08:01

Miracle céleste ! Accomplissement divin ! L’autre jour un des reporters des DNJ qui a ses entrées un peu partout et notamment au paradis des musiciens surprit du côté de chez Saint Pierre cette conversation entre Ellington et Basie : « t’as entendu ce Badini et sa sacrée machine à swinguer ! Quand tu penses que c’est moi qui lui ait tout appris ! ». « Mais non pas du tout répondit le Duke, c’est moi. D’ailleurs t’as qu’à voir, dès que j’ai eu le dos tourné il s’est empressé de me piquer Sam Woodyard, mon batteur ». «  Il n’empêche, interrompit Basie, ce gars là à fait trop de bonnes choses pour le swing, je crois qu’il mérite qu’on lui fasse un petit cadeau ». Et les deux hommes de sa taper dans la paluche et de se renvoyer mutuellement leur clin d’œil.

 

 

Sur ces entre faits, alors que le gars Badini dormait bien profondément chez lui du côté de Deauville, il se réveilla en pleine nuit pour aller pisser mais ne parvint plus à retrouver le sommeil. Un nom lui revenait en tête, Scriabine, Scriabine, Scriabine ! C’est curieux parce que ce compositeur est un contemporain de Debussy sur qui Badini avait déjà travaillé et que dans les projets de Gérard il y avait plutôt Ravel. Mais non, ce Scriabine lui revenait tout le temps en tête. Alors il se plongea la tête la première dans l’œuvre du compositeur et y découvrit de pure merveilles. Au petit matin, alors qu’il n’avait toujours pas remarqué l’auréole qui flottait au dessus de sa tête il se précipita sur le téléphone et appela son copain Stan (Lafferière) et lui demanda de rappliquer illico en prenant au passage notre Paul Gonsalves national, André Villeger, parce que là il y avait du boulot, du génie à moudre.

 

 

Et le résultat vous l’avez là devant vous. Un cadeau du ciel. Un bijou. Un pur chef d’œuvre !

 

 

Gérard Badini et sa super swing machine se lancent âmes et flammes sur les traces du compositeur russe. Avec un délicieux souci de lisibilité et pour bien nous faire saisir leur travail chaque morceau est précédé de la version « originale » interprétée par le jeune prodige russe Igor Tchetuev. Chaque fois avec l’aide de Stan Lafferière sont mis en places des phrases interludes qui poursuivent le fil classique et préparent leur entrée au répertoire jazz. La reprise de ces opus mis en regard nous montrent de manière limpide tout le travail de Badini. Quel travail d’arrangement ! Quel swing ! Quels solistes nom d’un petit bonhomme. Il faudrait citer Villeger bien sûr mais aussi Michel Pastre, Sylvain Gontard, le génial Jerry Edwards, Pierre Christophe sans oublier le jeune Olivier Zanot et tous les autres.

 

 

Le big band de Badini c’est l’intelligence de Ellington et le son de Basie.

 

 

Rarement nous avons été conquis à ce point. Jubilant d’un instant à l’autre de ce chef d’œuvre. Et Badini ne nous fait pas que swinguer du feu de Dieu, il nous donne en plus et aussi l’envie de nous plonger aussi dans l’oeuvre de Scriabine.

 

 

Alors si nous devions alors prononcer le mot de la fin nous ne dirions que deux mots : «  Victoires, victoires ! »

 

 

Jean Marc Gelin

 

 

Partager cet article
Repost0
30 avril 2006 7 30 /04 /avril /2006 17:41

Poursuivant l’aventure de Flench Wok, le guitariste sudiste Jean Philippe Muvien persiste, et signe Air libre (titre de Daniel Humair) sur le nouveau label Algorythm qu'il a créé et que distribue Abeille.
Dès les premières secondes, on reconnaît la batterie de Daniel Humair qui continue à enregistrer aux côtés de jeunes musiciens avec lesquels il partage le bonheur du collectif.
Le graphisme sort directement de l’atelier de Philippe Ghielmetti qui ne perd jamais de vue les artistes qu’il aime… et Humair est du nombre. Le batteur comptait en effet parmi les artistes emblématiques du label Sketch, depuis le premier album triple jamais sorti en France Hum en 1999. Gageons qu’à présent le guitariste fait partie des musiciens de la « famille ».
Sans piano, mais avec "des" noms, cette formation pluri-générationnelle illustre le niveau de création auquel sont parvenus les musiciens actuels. Comme les formations régulières sont rares, habitude est prise de s’inviter les uns les autres… et de tracer son sillon. A la paire initiale composée de Humair et Muvien viennent donc s’ajouter de vieux complices du batteur, les maîtres Celéa à la contrebasse et Sclavis aux clarinettes. Ils se glissent partout où il peuvent, et l’espace ne manque pas dans cette musique à la fois construite et ouverte. Les autres invités, plus jeunes, ne sont pas en reste, apportant chacun leur contribution et leurs timbres originaux : finesse et délié du phrasé de Vincent le Quang au soprano, accords mélancoliques de Vincent Peirani à l’accordéon (avouons une préférence pour la couleur "bleue" de ses interventions). Il y a aussi Maja Pavloska instrumentalisant sa voix sur les deux derniers titres, Vlada et ce Drôle d’endroit qui conclut le disque en feu d’artifice. Les irisations de la guitare de Jean Philippe Muvien comblent largement l’absence de piano. Il joue sur l’éclat, entre vivacité cinglante et harmonies décalées. Son phrasé plus harmonique que mélodique, se combine aux emportements plus mélodiques des souffleurs. C'est bien sa propre voix que nous entendons à chaque occasion, au fil de ses rencontres, faisant passer la recherche du son avant l'affirmation de soi.
Huit compositions particulièrement enlevées, souvent co-écrites par le guitariste et le batteur, tiennent sur une longueur quasi-idéale de 46 minutes. Deux d’entre elles rendent hommage au pianiste intense Joachim Kühn, partenaire d’un autre trio historique autant qu'éphémère, le "Triple entente" de Humair-Kühn-Jenny-Clark.
Jean Philippe Muvien parvient à donner consistance à son projet de concilier liberté, invention et respect des règles du rebondissement. Du free son, des accents rock tels que nous les aimons avec une batterie plus subtile : une musique qui respire, électrisante, impatiente et souvent fébrile.
Le guitariste a trouvé en Daniel Humair un partenaire idéal. Les entendre jouer de concert est un régal, car ils ont l'art de nous entraîner à leur suite dans une course folle.
Rien n’est imposé… vous êtes prévenus… seul vous est offert le plaisir de s’abandonner au travail de l’ensemble.

 

 

Partager cet article
Repost0
30 avril 2006 7 30 /04 /avril /2006 17:38

Le dernier album de Paul Motian est vraiment gonflé. Sur la forme Motian ose une formule inédite avec 2 sax ténors (remarquables Chris Cheek avec le sublime et délicat Tony Malaby) + 3 guitares + une basse + une batterie. Il ouvre l’album en s’attaquant avec ce format inédit à deux morceaux légendaires de Mingus dont le réputé très difficile Pithecantropus Erectus et le blues plus que lent Goodbye Pork Pie hat et réussit à faire revivre ces thèmes avec une lecture aussi originale qu’intelligente.  L’association de Tony Malaby et de Chris Potter est exceptionnelle. Chacun des deux au sax ténor apporte une sonorité différente, créent donc de faux unissons ou chacun jouant la même partition fait entendre deux voix différentes et pourtant harmonieuses, jouent en surimpression l’un de l’autre  Les 3 guitares, rarement sur l’avant scène, apportent une sorte de tapis moelleux à l’ensemble dans une sorte de conception nouvelle d’une rythmique évanescente. Mais surtout cet album est un véritable album de batteur où Motian y tient comme à son habitude un rôle époustouflant. Là encore il invente la notion du contrepoint rythmique dévolu à la batterie. Il n’est que d’entendre cette mélodie répétitive, Mesmer, où Motian  joue tout sauf ce que l’on attendrait d’un batteur classique. On le sait Motian est avant tout un coloriste qui dépasse l’instrument et lui donne une réelle place instrumentale. Avec un art consommé de l’architecture, Motian commence et termine l’album avec quatre grands thèmes du jazz, place au milieu  un émouvant Bill de Jérome Kern que l’on imagine dédié à son regretté compagnon, Bill Evans et nous livre 7 compositions allant des plus simples aux plus complexes, montrant encore une fois un sens de l’écriture fait de profondeur que d’évanescences subtiles. Avec un très parkerien Cheryl en fin d’album contrastant avec les couleurs éthérées de l’ensemble, Motian sait aussi brouiller les pistes et jouer la carte de l’éclectisme histoire de rallier les malheureux sceptiques.

 

 

 

Cet album représente un vrai point d’étape dans la construction moderne du jazz. Inventif sur la forme et le fond il représente un passage fondamental dans l’œuvre de Motian. Dont il faut découvrir et déceler toute l’inventivité et de pas refermer trop vite cette page si bien écrite. Qui pourrait bien ouvrir de larges espaces au jazz moderne.

 

 

 

Jean Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
30 avril 2006 7 30 /04 /avril /2006 17:36

Le label Cam Jazz sait y faire en matière de duos. Souvenez vous il nous avait gratifié le mois dernier d’un beau duo entre le guitariste Jim Hall et la pianiste Enrico Pieranunzi.

 Dans l’album entre Solal et Douglas il y a un peu le même esprit qui flotte en studio. Celui d’une vraie rencontre, d’un vrai dialogue. Entre les complexités harmoniques de Martial Solal et les abstractions Zorniennes de Dave Douglas, les deux hommes ont trouvé ici un terrain d’entente évident sur des thèmes  originaux (chacun a apporté trois compositions de son cru) autant que sur les standards qui viennent conclure le dernier tiers de l’album. Il y a chez Solal un amusement évident dans sa façon de suivre le trompettiste, de faire la course en tête, de l’anticiper ou de jouer des Walkin bass, à se transformer seul en une vraie section rythmique. Douglas de son côté n’a jamais été aussi Bix Beiderbecke que jamais. L’hommage que les deux hommes rendent à Steve Lacy dans Blues for Steve Lacy est un des moments poignantissime de cet album où la sonorité de Dave Douglas avec un son feutré arrache des phrases perçantes et torturées. A cet instant on pense justement au fameux duo de Mal Waldron avec le regretté saxophoniste soprano. Elk’s club est un des points culminant de l’album d’improvisation/dialogue.  On croirait les entendre commenter une sorte de film muet. Comme s’ils voyaient les mêmes images au même moment. Et nous avec. Il y a beaucoup de respect dans cet album lorsque l’on sait par exemple que Dave Douglas sur For Suzannah alors qu’il devait rejoindre le pianiste après son intro préféra s’adosser au piano et écouter le maître. Et comme l’on sort des sonorités bixiennes de Douglas on pense inévitablement sur ce morceau à la possible inspiration de In a Mist. Et lorsque les deux hommes en viennent aux standards c’est avec un réel bonheur. Loin des expériences du Massada de John Zorn, Dave Douglas montre un réel amour du répertoire et les versions de Body and Soul, Here’s that rainy day ou All the things you are sont absolument admirables.  Un beau moment d’échange de haute volée. Reste à savoir si Martial Solal qui se dit plutôt incompris par les amateurs de jazz a réalisé cet album pour se faire réellement plaisir ou pour se réconcilier avec une partie du public qui l’a toujours boudé. On se gardera bien de trancher dans ce débat pour ne garder qu’une chose, le sentiment qu’au-delà de toutes les polémiques les deux hommes retrouvent dans un partage d’amour les digressions mélodiques avec un sens commun de l’émotion profonde ou joyeuse.

 

 

 

 

 

 

Jean Marc Gelin

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
30 avril 2006 7 30 /04 /avril /2006 17:36

Le saxophoniste Laurent Bardaine, le guitariste Maxime Delpierre et le batteur David Ankin doivent partager une sorte de vision cinématographique de la musique. Car avec Limousine, le groupe qu’ils ont fondé, les trois hommes créent un véritable climat, un univers presque irréel entre les grands espaces à la Wim Wenders et les no man’s land d’un Jim Jarmusch. Par touches délicatement insensées, Limousine à chaque morceau nous raconte une séquence. Une sorte de road movie. Lente déambulation de somnambules dans des paysages éthérés où les rencontres les plus fantasmagoriques deviennent possibles au détour du chemin ou à l’occasion d’un interstice subrepticement ouvert. A coup de grands travellings musicaux les trois musiciens sillonnent des espaces oniriques, des univers en apesanteur où l’on croise même des petits bals où se dansent parfois des petites valses dérisoires (Valse, Patinages). Une mélodie triste à trois notes tourne inlassablement sur elle même (Les Noces). Des silences de fin du monde s’installent (Lilas) suivis de petites mélodies enfantines. Bardaine alterne le sax avec les claviers tandis qu’il émerge de la guitare de Delpierre des harmonies subtiles de guitare folk métallisées à la Ry Cooder. Il y a une force incroyable de cet album dans lequel il ne se passe pas rien. Éloge de la lenteur et de l’espace vide- habité  où les trois hommes déroulent la toile avec une infinie patience.  Pas de musiciens performants lançés dans de vains chorus. Juste une pâte sonore faite à petites touches sensibles. Magnifique poésie cinématographique de cet album à l’ineffable  mélancolie.

 

 

Jean Marc Gelin

 

 

Partager cet article
Repost0
30 avril 2006 7 30 /04 /avril /2006 17:30

Parlez-vous "contrebasse"? Renaud Garcia-Fons oui!
D'ailleurs, il ne fait pas que parler...il "respire" contrebasse. Quelques photos sur la pochette toute simple : Garcia-Fons en vibration avec sa contrebasse, yeux clos, la joue et l'oreille collées au bois, les mains en caresses énergiques..."Entre Continentes" nous offre un solo de ces moments volés où  l'homme soupire avec son instrument : indiscrétion d'un érotisme sulfureux...Le ton est donné. Il est le matador audacieux de l'arène, l'enivrante volute d'opium, le trait d'union solaire d'avec ses deux compères. On est immédiatement captivé par ces trois univers interactifs en perpétuelle conversation : -Antonio "Kiko" Ruiz est à la guitare ce que l'araignée est à sa toile : fine dentelle et force saisissante, une tarentule qui fait la tarentelle  "Anda Loco"
-Negrito Trasante le percussionniste, n'en finit pas d'hypnotiser au point de nous insuffler un nouveau rythme cardiaque comme une nouvelle conscience ("Entremundo" et "Entre Continentes" percutantes transes, est-ce possible?!)

 

 

Ce trio là n'en est pas à son 1er "voyage". Et ça s'entend. Au-delà de sa musique jazz, world, flamenca, très inspirée, c'est sa complicité alchimique qu'il nous donne à savourer : un bijou ethnique d'une réjouissante universalité. Plus de frontières, pas de limites, la virtuosité lumineuse d'Arcoluz nous embarque dans un nouveau langage où échange, partage, rencontre sont les mots clé à la sauce
impro. Le plat servi en live donne un rendez-vous authentique aux accents de liberté. Les rythmes de "Berimbas", délicatement, amorcent la frénétique mélopée Garcia-Fonsienne (s'en serait presque un pléonasme!) totalement décoiffant. A peine remis (improbable), l' "Anda Loco" (la marche folle) vous rattrape, envoûtante, mystérieuse, jusqu'à la fièvre...Vous êtes azimuté!
Est-ce l'effet 5ème corde de la contrebasse? Fons "le chercheur" fou, l'a en effet rajoutée à son arc pour notre plus grand plaisir; de l'ivresse pure.
C'est furieusement bon. Fons à donf!

 

 

Anne Marie Petit

 

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2006 7 12 /03 /mars /2006 14:30

JJJJ MICHEL SARDABY: “Night in Paris  

 

 

 

 

Paris Jazz Corner 2006

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JJJJ

 

 

 

 

A 70 ans, Michel Sardaby, grand pianiste bop des années 60 fait son retour sur scène après 20 ans d’absence pendant lesquelles le pianiste martiniquais s’est beaucoup plus consacré à l’enseignement de la musique (il a même obtenu un award en 2004 pour son œuvre en matière éductative) qu’à jouer lui même. A l’occasion d’un concert donné pour fêter d’autres septuagénaires (les 70 ans de Jazz Hot), l’équipe de Paris jazz Corner (Arnaud Boubet en tête) a eu l’idée de restituer en un double CD, dans son ordre original ce concert donné à l’Archipel un soir d’avril 2005. A côté du fringuant pianiste on retrouve une rythmique d’une redoutable efficacité composée de deux petits jeunes,  Reggie Johnson à la contrebasse et John Betsch à la batterie. Et c’est dans cette ambiance  de club, bon enfant et devant un public tout acquis à leur cause que ce trio livra durant près de deux heures un concert autour des standards du répertoire bop. C’est sans souci et sans arrières pensée que les trois hommes revisitent des thèmes ultra connus ( Don’t Explain, Crazeology, Lush life, On green Dolphin street, Rythm a ning etc…) d’autres un peu moins (comme ce Canadian sunset du très grand et méconnu pianiste, Eddie Heywood) ou encore deux compositions originales du pianiste. Le résultat, du moins pendant tout le premier set est absolument jubilatoire. Certes Sardaby c’est parfois Ray Bryant par son inspiration et son phrasé. Mais Sardaby démontre aussi à chaque phrase musicale combien il est parvenu à s’émanciper de ses maîtres d’hier. Sardaby surprend. Son phrasé dans le même mouvement alterne des attaques franches autant que les caresses légères de l’ivoire sous ses doigts. Véritable modulation aérienne de l’intensité du jeu. Jamais dans la facilité harmonique, Sardaby parvient toujours à se libérer des contraintes de la grille pour y revenir l’instant d’après ( il n’est que d’entendre ce qu’il fait sur Green Dolphin street où il est capable de s’embarquer sur d’autres pistes mélodiques et de nous ramener ensuite au thème). Rythmiquement il parvient à une sorte d’entente télépathique avec John Betsch comme lorsqu’il suspend sa phrase musicale et que Betsch s’arrête instinctivement de jouer, alors que nous autres attendions une descente straight de toute la longueur du clavier. A l’aise dans toutes les atmosphères (remarquable blues plus que lent sur Blues for JP and N, thème de sa composition), Sarbady est capable de réinventer voire de simplifier Monk au point d’en faire un pur pianiste bop (ce que lui reprocherons peut être certains). Très largement au dessus des pianistes de club, Sardaby dégage une véritable force jubilatoire. Au sommet de son art ce pianiste au phrasé et au lyrisme délicat ne cherche pas à moderniser les thèmes qu’il joue. Au contraire sa façon de les reprendre sur le mode de la musique bop est empreinte d’une véritable modernité. Pas la modernité tapageuse tape à l’œil et révolutionnaire. Non, plutôt celle de la réinvention quasi dialectique d’un discours bien connu.

 

 

 

 

Jean Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JJJJ

 

 

 

 

Musicien mythique au Japon, pianiste de collectionneurs (certains de ces albums s’arrachent sur ebay), connu en France mais de façon bien plus raisonnable, le martiniquais Michel Sardaby, est en train de faire son grand "retour" dans notre pays, même s'il a rarement quitté la métropole.  Il n'y jouait pas beaucoup, très estimé par la profession, mais peu connu du public.

 

 

 

 

Ce nouvel album fut enregistré en direct lors de la  double soirée anniversaire donnée à l’Archipel  en avril 2005, pour les 70 ans de la revue Jazz Hot et du pianiste (son premier disque «Blue Sunset» remonte à 1965). Paris Jazz Corner, à l’origine de cet album, est bien plus jeune, fêtant seulement quatorze années fertiles en rééditions bienvenues. Le pianiste  se produisait ce soir là en trio avec Reggie Workman à la contrebasse et John Betsch à la batterie. Sa discographie nous confirme qu’il a déjà joué avec ce trio au Japon, enregistrant un autre "Intense moment" en juin 1997. 17 titres gravés sur deux Cd, soit plus de deux heures de musique qui restituent le concert dans son intégralité.

 

 

 

 

Plutôt que de faire découvrir ses propres compositions (il n’y en a que deux sur l’ensemble des titres proposés), Michel Sardaby a choisi ce qui est certainement un exercice des plus périlleux aujourd’hui : reprendre des standards, de Gershwin à Ellington (Dont’ you know I care et Billy Strayhorn (Lush life), de Billie Holiday ( Don’t explain ) à Miles et Monk. Le public jubile sur certains titres, et on les comprend quand il s’agit de  In walked Bud ,  Rhythm-a-ning » et  Blue Monk .

 

 

 

 

Sardaby est souverain dans les thèmes bop qu’il exécute avec efficacité et originalité. Le bop est bien l’une des périodes les plus illustratives de cette musique de partage. A l’écoute de cette musique captée sur le vif, l’auditeur est frappé par le naturel avec lequel elle mêle audaces formelles, puissant flux vital et appel à la danse. On ne se lasse pas d'entendre les mêmes morceaux… parce qu'ils ne sont jamais les mêmes. C'est à un véritable bain de jouvence que nous sommes conviés, et les amateurs les plus coriaces (et les plus éclairés) y trouveront matière à découverte. Un vrai travail de relecture de toute une époque. Ayant de l’intérêt pour les mélodies, Michel Sardaby sait les adapter à son goût fervent, les imaginant à chaque fois différentes. Imposant sa manière dans une nouvelle "construction", il n' y a rien de moins convenu que la rencontre de ces trois musiciens qui s'inscrivent dans les modalités d'un chant venu des profondeurs, et qui produit dans son énonciation les formes de sa modernité. On y croit à nouveau, au moment même de son surgissement. Il ne faut pas se priver de ces petits bonheurs quand ils surviennent. Le jazz est assurément la musique de l'instant.

 

 

 

 

Sophie Chambon

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2006 7 12 /03 /mars /2006 14:29

JJJ  Nicolas rageau / yves brouqui / grantr stewart / Philip Stewart / Joe MAGNARELLI: “Made in ”

 

 

 

Elabeth 2006

 

 

 

 

 

 

Il y a deux mois nous ne tarissions pas d’éloges envers le saxophoniste canadien, Grant Stewart que nous avions pu entendre au Small’s à New York et qui sortait un album très Rollinsien chez Criss Cross (Grant + 4). Il faut dire que cela fait plus de dix ans que le saxophoniste a élu domicile dans le petit club du Village.  Et justement dans les années 94/95 Grant Stewart tournait là bas avec deux français le contrebassiste Nicolas Rageau et le guitariste Yves Brouqui , tous deux amateurs de la même musique hard bop. C’est justement cette formation à laquelle s’ajoute Philip Stewart (le frère de Grant) à la batterie et l’incroyable trompettiste Joe Magnarelli que l’on retrouve 10 ans plus tard pour enregistrer un album tournant essentiellement autour des compositions du trop méconnu pianiste, Elmo Hope. Le pianiste constituait dans les années 60 l’un des fers de lance de Blue Note mais surtout du label espagnol Fresh Sound chez qui il grava quelques monuments en compagnie de Harold Land (ts), Leroy Vinegard (cb), ou Curtis Counce.

 

 

 

Le quartet/quintet réuni ici perpétue cette tradition et joue impeccablement cette musique connue par cœur de tous les amoureux du jazz de cette époque. On ne pourra que louer le jeu de Grant Stewart encore et toujours dans une verve à la Sonny Rollins avec qui il ne coupe décidément pas le cordon et, tiens c’est vrai maintenant que vous le dites, pourquoi pas aussi Harold Land dont il rappelle les lignes mélodiques nettes et chaleureuses. Yves Brouqui à la guitare est d’une redoutable efficacité assez élégante mais dans un jeu dont il est difficile d’éviter les stéréotypes. Une mention toute particulière pour le jeu de Joe Magnarelli dont la sonorité évoque Blue Mitchell, sonorité tendue et cristalline.

 

 

 

Alors ces 5 là, perpétuent un son. Ces cinq là montrent qu’ils ont tout assimilé et dans leur façon de rendre hommage la musique de Elmo Hope nous incitent à y retourner ( à quand un album dédié à Herbie Nichols ou à Phinéas Newborn !). Sorte de voyage dans le temps pas déplaisant du tout. Bon moyen pour des générations nouvelles de découvrir ce versant adouci du jazz dont les émules se garde bien toutefois des folies harmoniques des maîtres du hard bop pour rester là dans une épure qui, simplifiée à l’extrême revêt forcement un caractère facilement consensuel.

 

 

 

Jean Marc Gelin

 

 

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2006 7 12 /03 /mars /2006 14:27

JJJ  SUSIE ArIOLI BAND:  Learn to smile again”

 

 

 

Justin Time Records 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Learn to smile again » est un album-hommage au chanteur de country Roger Miller (1936-1992) qui reçut au cours de sa carrière 11 Grammy Awards. Excusez du peu ! Six des ballades de Miller sont interprétées par Susie Arioli avec la nonchalance qui convient bien à ce type de musique. Chemin de traverse pour cette chanteuse de jazz, habituée du Festival International de Jazz de Montréal et qui dans son précédent album, « That’s for me », ne chantait que des standards. Sur ce répertoire qui évoque les rocking-chairs, les longues chevauchées dans la plaine texane, les colts de John Wayne, le duo composé par la chanteuse montréalaise et Jordan Officer à la guitare et aux arrangements fait merveille. Leur complicité est absolument magique : elle, dans la plus pure tradition des chanteurs de country, lui dans un registre plus jazzy. Le son d’ensemble du Susie Arioli Band est capiteux et rond avec de belles guitares acoustiques, une discrète section rythmique et un harmonieux tapis vocal de Jason et Sheldon Valleau. On est sous le charme à l’écoute de cet album : du  magnifique standard de jazz By Myself revisité en folksong au très célèbre By the time i get to Phoenix de Jimmy Webb, en passant par les pièces composées par Jordan Officer et interprétées à la Django Reinhardt. Un album sans coup d’éclat et sans virtuosité extravagante. Ils sont dans le Less and Less (au passage sublime chanson de Miller). Avec eux, on part sur les routes à la rencontre de l’Amérique profonde et bien sûr on finit le voyage avec un bon blues à la papa composé par Jordan Officer, Leo’s blues.

 

 

 

Régine Coqueran

 

 

 

Partager cet article
Repost0