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14 février 2022 1 14 /02 /février /2022 09:30

Sylvain Cathala (saxophone ténor, compositions), Olivier Laisney (trompette), Benjamin Moussay (piano), Frédéric Chiffoleau (contrebasse), Maxime Zampieri (batterie)

Les Lilas, 4 décembre 2020

Le Triton TRI-21564 / l'autre distribution

 

Un disque enregistré au Triton à l'issue d'une résidence de création, lors d'un concert sans public, peu de temps avant la fin du second confinement de l'année 2020. France Musique avait enregistré ce concert pour une diffusion dans l'émission 'Jazz Club' du 12 décembre. Le disque restitue l'essentiel de ce concert, non dans la prise de son en 'direct 2 pistes' réalisée par la radio, mais dans un enregistrement multipiste de l'équipe du Triton, mixé quelques semaines plus tard.

Comme toujours, Sylvain Cathala fait valoir la singularité de sa démarche. Jazzman accompli, il développe une ambition formelle, nourrie des libertés conquises par le jazz depuis une quarantaine d'années, des libertés qui concernent autant la combinaison des rythmes que les lignes mélodiques distendues ou les harmonies en tension presque permanente. Il en résulte une musique qui est à la fois intensément vivante, à fleur de peau, et pourtant toujours inscrite dans la perspective d'une forme élaborée, en mutation constante. Dès la première plage la ligne de saxophone s'énonce sur un mode qui mêle mélancolie et pulsation, chant et sinuosité. La trompette se joint à ces phrases qui essaiment en de multiples bifurcations, arbitrées par le surgissement d'un solo de piano. Le langage se joue de la tonalité sans toutefois la récuser. C'est tendu, expressif, riche d'invention. Ce sera ainsi de bout en bout : un jazz vivant qui ne se contente pas de s'écouter vivre, mais qui chaque fois s'offre l'ambition de franchir la balustrade du possible. Et tous les membres du quintette sont engagés dans ce qui devient une sorte de création collective. À écouter, et déguster, avec l'attention qui s'impose. Y revenir permet de dévoiler encore un nouvel horizon : l'assurance que l'on est bien en présence d'une œuvre, au plein sens du terme.

Xavier Prévost

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Lien de réécoute du Jazz Club du 12 décembre 2020 sur France Musique

https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/jazz-club/sylvain-cathala-au-triton-4853350

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La vidéo du concert sur le site du Triton (accès payant, 2 €)

https://vod.letriton.com/trit-on-air-les-replays/04122020-20h30.html

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Un extrait de 6 minutes sur Youtube 

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13 février 2022 7 13 /02 /février /2022 21:39

Geoffroy Gesser (saxophone ténor, clarinette, réalisation des entretiens), Simon Henocq (électronique), Prune Bécheau (violon), Aymeric Avice (trompette), Joel Grip (contrebasse), Francesco Pastacaldi (batterie), Cécile Laffon (montage des entretiens), La Peuge en mai (compositions et improvisations)

Pantin, La Dynamo des Banlieues Bleues, 31 janvier 2020

Coax Records COAX044PEUG

https://www.collectifcoax.com/label/la-peuge-en-mai

 

Une entreprise artistique et musicale hors du commun : en 2016, le saxophoniste Geoffroy Gesser enregistre un entretien avec ses grands-parents à propos de leur enfance pendant la seconde guerre mondiale, puis de la vie ouvrière aux usines Peugeot de Montbéliard. De ce premier recueil de témoignages est né le désir d'en savoir plus sur les grèves de Mai 1968 dans cette région et autour de cette entreprise très symbolique d'une époque et de son industrie. Le musicien recueillera ensuite la parole de 15 femmes et hommes, témoins de ces événements plus que marquants. Un montage des entretiens est réalisé, dans un esprit de documentaire sonore. Et les musicien(ne)s vont construire autour de ce document sonore une œuvre singulière qui pourrait être un atelier de création radiophonique de France Culture, et qui est un concert : poing levé, mémoire en éveil. Le disque (CD et LP) fait revivre le quatrième concert public de cette belle aventure aussi musicale que puissamment sociale. La musique est en dialogue avec les témoignages, avec parfois des séquences qui jaillissent comme autant d'insurrections musicales. Inclassable, et totalement pertinent, à tout point de vue.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

 

Concert de sortie du disque le mardi 15 février à 20h30 à Paris, au Carreau du Temple, dans le cadre de l'émission "A l'improviste" d'Anne Montaron pour France Musique

Infos en suivant ce lien https://www.maisondelaradioetdelamusique.fr/evenement/emission-en-public/concert-limproviste-5

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13 février 2022 7 13 /02 /février /2022 17:29
HEALING ORCHESTRA       FREE JAZZ FOR THE PEOPLE

HEALING ORCHESTRA FREE JAZZ FOR THE PEOPLE

 

 

Paul WACRENIER : direction et composition, piano, vibraphone

Invité Sylvain Kassap : Clarinette et Clarinette basse

 

Fanny MENEGOZ : flûtes

Sarah Colomb : violon

Xavier BORNENS et Leo JEANNET: trompettes,

Arnaud SACASE sax alto, Jon VICUNA: sax baryton, Jean-François PETITJEAN: sax ténor

Victor Aubert /Blaise Chevalier: contrebasse,

Mauro BASILIO: violoncelle,

Benoist RAFFIN: batterie, Sven CLERX: percussions

Prise de son, mixage, mastering : Ananda Cherer

 

 

On est dans le vif du sujet, le vif d’un jazz jeune et vigoureux avec le Healing Orchestra qui, sur le label LFDS, sort un double album dont la genèse a été quelque peu perturbée par la pandémie. Le projet de cet ensemble depuis sa création est de donner à entendre des formes diverses du  free jazz, musique libre, organique : The Fraternity Suite ( sur le CD2 ) composée de trois parties Fraternity, A rare but pleasant feeling, Blooming in Tough days fut enregistrée en live en janvier 2020 lors du Festival SONS D’HIVER, au Théâtre Jacques Carat de Cachan, deux partenaires essentiels de l’enregistrement. Des jours difficiles allaient arriver, puisque les autres compositions ont été captées sans public au Petit Faucheux de Tours, autre soutien précieux, en octobre 2020. Une histoire mouvementée pour ce double album, enfin sorti le 1er février 2022.

Il faut écouter sans a priori cette musique de Paul Wacrenius, pianiste, percussionniste (qui s’est aussi intéressé à la bombarde bretonne, à la Kalimba, M’bira de la tradition Shona, Likembe des musiques urbaines congolaises et Guembri), compositeur, à la direction de cet orchestre Grands Formats de 13 musiciens épatants.

Free Jazz for the people s’adresse à tous, réjouissant, flamboyant, baroque au sens d’irrégulier, en équilibre instable; l’orchestre déconstruit, exacerbe jusqu’au débordement, faisant craquer les coutures, mais aura aussi un effet apaisant, si ce n’est curatif, sur les plages douces, dans cette ballade dédiée à Mal Waldron, “Spirit of Mal”, où le collectif accompagne de façon totalement improvisée.

Une acalmie provisoire également après le déluge du premier morceau “Article 35 de l’an 1”, tout un programme en soi, un manifeste de lutte révolutionnaire, puisqu’il s’agit d’une référence à la constitution, jamais appliquée de l’an 1, soit 1793.

Une esthétique parfaitement définie et coordonnée dès la pochette dont on apprécie les vibrations colorées, le graphisme dense, joyeux de Maïda Chavak. A l’intérieur, la palette explosive et lumineuse, graffitée de citations de William Parker (Revolution is a life-time process...We live, breath, think and walk in the rhythm of this vision…) entoure les notes toujours excellentes d’ Alexandre Pierrepont qui prolonge et développe les mots de William Parker.

La beauté de la forme est démesurée et elle coule à flot. 

Ces mots lourds de sens engagent un programme structurant, radical et pourtant simple. La forme vient après, seulement vecteur de cette vision. La connection est faite,  pont entre l’AACM et Paris et le leader Paul Wacrenier fait partie de la deuxième génération de The Bridge, entreprise de longue haleine, réconciliatrice des musiciens de free américains et européens. Une aventure initiée par Pierrepont, réflexive et réversible, une succession de voyages aller-retour, de traversées de l’Atlantique avec des équipages différents pour chaque sens! C'est une démarche unificatrice pour une musique qui suit les recommandations, jamais édictées en précepte, prônant débordement, ensauvagement.

Les musiciens s’exécutent, dirigeant par exemple notre attention vers ce “Confluences”, qu’il faut écouter toute affaire cessante, la pièce la plus folle : tous se jettent dans la bataille du son, se jouant de la structure qu’ils respectent pourtant dans une succession de solis vifs et de merveilleux unissons de tous les pupitres comme dans un vrai big band.

La rythmique ( batterie, percussions, vibraphone du leader qui abandonne aussi son piano) est souple et soutenue, en tension permanente; les cuivres musclés, les trois sax sonnent comme un seul homme et les deux trompettes strient la matière sonore, sans oublier les cordes, les flûtes et le chant de Fanny Menegoz.

La mise en scène virevoltante et inspirée souligne un dérèglement réglé justement car dans cet engagement collectif, sans direction établie, cet élan très impulsif, les arrangements sont de la troupe. Et pourtant ça ne part pas dans tous les sens. Dans ce champ passionnément complexe, l’interprétation fièvreuse obéit à des choix tranchés, le jeu paraît débridé alors que l’ensemble très soudé permet à chacun de se retrouver et de vivre pleinement sa partie au sein du groupe. Le son jaillit dans tous ses états et éclats dans des textures rugueuses, mais soyeuses grâce aux cordes ou aux flûtes.

 Virevoltant dans la rigueur, cette musique ardente dans ses commencements est à savourer aussi dans une introspection plus douce ( “Pouvoir du dedans”), exaltée par les solos du vétéran qui garde intacte la flamme, le clarinettiste Sylvain Kassap, suivi des solos respectifs de Blaise Chevallier à la contrebasse, Mauro Basilio au violoncelle, et Sarah Colomb au violon. Voilà magnifiée une science subtile des couleurs et de leurs nuances, des rencontres de timbres insolites qui fusionnent bien.

Accrocheur, pugnace, tendre aussi, cet orchestre gravit des pentes abruptes, expérimentales qui ne déplairont pas aux non initiés. Si cet album mérite l’écoute, entonnons une fois encore le slogan ajmien

Le meilleur moyen d’écouter du jazz c’est d’en voir! 

 Voici donc indiquées les dates des futurs concerts, près de chez vous peut-être, car ces performances méritent d’être suivies en live où l’on saisit pleinement la teneur poétique, la maîtrise à un tel niveau d’intensité et de justesse de ces formes ouvertes, suffisamment libres pour qu’on les reprenne et retravaille, qui se démultiplient, construisent en déconstruisant, soufflent et apaisent aussi. Tous ces musiciens portent ce style à son acme, à la suite des grands qui ont montré la voie, le Liberation Orchestra, le supersonique et vrombissant Sun RA, et Charles Mingus dans ses workshops impulsifs, en recherche d’un certain désordre mis en scène avec soin.

Une musique addictive, catharsis à coeur et ciel ouvert qui fonctionne sur une durée, justement adaptée. Plus que réjouissant!

Sophie Chambon

 

4 Mars 2022 Le Petit Faucheux, Tours (37)

29 Mars 2022 au Studio de l'Ermitage, Paris 

26, 27 & 28 mai 22 résidence-concert à La Fraternelle, Saint-Claude (39)

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11 février 2022 5 11 /02 /février /2022 16:22
IDANTITÂ FLORIAN FAVRE

IDANTITÂ FLORIAN FAVRE

Piano, piano préparé, voix

 

Sortie le 21 janvier 2022

CONCERT DE SORTIE 8 Février au SUNSET

 

www.florianfavre.com

 

Traumton records Traumton - Label, Musikproduktion & Studios

 

Florian Favre a déjà beaucoup enregistré dans toutes les configurations possibles, en solo, duo, avec son propre trio créé en 2011 et en quintet. Huit albums à son actif et des projets très variés comme ce Neology dans lequel ce pianiste Suisse s'essaie au slam.

Il est certain que pendant le premier confinement, il y a bientôt deux ans, nous nous sommes tous interrogés sur le futur, la vie d’après et les artistes avec plus d’acuité, car ils ont vécu cet isolement en n’ayant souvent d’autre ressource que de travailler seul leur instrument.

Lors de cette période d’angoisse, propice à toutes les interrogations existentielles, Florian Favre est retourné chez lui, dans la région de Fribourg et s’est mis à travailler un solo que nous écoutons aujourd’hui, Identitâ, après son précédent Dernière Danse en 2014.

Sur les douze titres de cet album, quatre compositions sont de sa plume dont la première éponyme, mais il est allé puiser aux sources du pays natal en adaptant des compositions qui parlent au coeur des Helvètes, celles du maître de chapelle Joseph Bovet. Ce nom ne nous évoque pas grand chose, à nous Français, mais si je vous dis “le vieux chalet”…un fredon resurgira, une madeleine pour moi, une boîte à musique que mes parents avaient acheté en Suisse justement, lors d’un séjour dans le canton de Fribourg. Un chalet d'où sortait cette musique qui égrènait :

"Là-haut sur la montagne, était un vieux chalet

Mur blanc toit de bardeaux

Devant la porte un vieux bouleau..."

Terriblement exotique pour moi mais le pianiste en donne une version enlevée qui transfigure la mélodie simple de cette chansonnette, avec un final très expressif.

Ce sont des histoires de lutins, de montagnes, d’exil, de beauté naïve sur un beau pays, un imagnaire collectif revisité afin de monter qu’une tradition, figée est une tradition morte”...Objectif réussi, on ne saurait mieux dire.

C’est après la réussite esthétique d’un petit film tourné sur le lac de Gruyère, pour le thème populaire “Adyu mon bi payi” que Florian Favre a recherché d’autres morceaux entendus et chantés parfois jusqu'au ressassement dans les chorales,  selon la tradition dans chaque village du canton de Fribourg. Il sait faire résonner son piano de son jeu alerte, vigoureux, jamais mièvre et rendre ces mélodies tout de suite accrocheuses.

L’album est conçu avec soin dans une intelligente alternance des thèmes: sur quelques pièces de sa composition, il cherche et obtient ce son de caisse claire en triturant, farfouillant, bricolant dans le ventre de l’instrument. Il se sert d'un piano préparé, avec l’écharpe dont il ne se défait jamais, coincée dans les cordes par exemple sur “Dont’ burn the witch”, morceau en 5/8 plus percussif de ce fait, aux accents métalliques, aux motifs secs et répétitifs.

Une seule composition est de Cole Porter “I Got a crush on you” qu’il délivre avec humilité sur un tempo lent, qu’il revisite en explorant la part de l’ombre d’un amour peut être non partagé. Rien à voir avec la version solaire de Sinatra, sûr de lui quand il proclame son béguin. Et cette interprétation est sans doute un hommage plus juste au véritable tempérament du songwriter américain.

Si Florian Favre avoue travailler comme un fou les standards américains et apprendre tous les jours de la fréquentation des grands pianistes comme Oscar Peterson ou Bill Evans, il confie que les Suisses n’osent pas s’accaparer un patrimoine musical qui ne leur appartient pas. Une question de légitimité et quand il est question de racines et d’identité, autant aller puiser dans les ressources  de son pays. Une démarche intègre qui me fait songer au trio cent pour cent helvète de Humair/Blaser/ Kanzig dans leur 1291. L’Amérique reste un territoire fantasmé cependant, une source d’inspiration et s'il existe des convergences, Florian Favre s'amuse à les traiter finement  dans “Our cowboy”, en pensant aux gardiens de troupeaux suisses. Avec une interpétation chaloupée, dansante, un certain swing, on est dans un film, un western dans les alpages...

Ecouter ses émotions, s’affranchir peut être de ce que l’on ne veut pas être, aller plus loin, Florian Favre ne se limitera pas au seul folklore suisse : il rêve d’ expansion peut-être, en introduisant des instruments de cultures différentes comme le oud, de se retrouver non plus au coeur mais à un carrefour d’identités.

Lyrique mais jamais sentimentale, atmosphérique, fougueuse, cette musique semble le fait d’un groupe et non d’un seul homme. Le pianiste a su admirablement gérer les qualités harmoniques, mélodiques et rythmiques de son instrument, swingant comme un combo pour le moins dans “La fanfare du printemps”, un titre qui est une gajeure en solo!

Avec une grande sincérité dans son engagement pianistique, Florian Favre sort un album combatif et plein d’espoir. Avec cette version triste, romantique de Cole Porter qu’il a gardée pour la fin, il évolue en équilibre sur des émotions pures, modifiant les climats de sorte que l'album s’écoute d’un trait. Recette instinctive et pourtant réfléchie que l’on adopte instantanément. On se désaltère à cette source fraîche, ayant envie d’y replonger très vite.

Sophie Chambon

 

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8 février 2022 2 08 /02 /février /2022 19:29

Sébastien Texier (saxophone alto), Gautier Garrigue (batterie), Henri Texier (contrebasse)

Les Lilas, 27 février 2021

Label Bleu LBLC 6743 / l'autre distribution

 

Un nouvel exemple des musiques nées du confinement : au printemps 2020, le contrebassiste a pris l'habitude de jouer régulièrement avec son fils Sébastien, confiné comme lui, et qui réside dans le même village de l'Essonne. Et le répertoire s'est naturellement tissé, entre des standards du jazz et d'anciennes compositions. À l'orée du troisième confinement, ils se sont retrouvés sur la scène du Triton pour un concert sans public, et avec le renfort du batteur Gautier Garrigue, partenaire régulier depuis plus de 5 ans. Un concert diffusé en direct sur France Musique dans l'émission 'Jazz Club' d'Yvan Amar, concert prolongé d'une enregistrement pour Label Bleu. Le répertoire, et le disque, sont à l'image des libertés que donne cette formule du trio : plaisir des standards, joués dans la richesse de leur évidence mélodique (Round About Midnight, Besame Mucho) ou abordés 'à la hussarde' en entrant directement dans l'improvisation et la paraphrase, en esquivant l'exposé du thème. Sur What Is This Thing Called Love, Sébastien Texier pratique cet exercice de voltige, cher au regretté Lee Konitz, et qui consiste, dès la première mesure, à se jeter dans l'inconnu avec pour seul filet la trame harmonique. Avec un thème du batteur, un autre du saxophoniste, et deux anciennes compositions du contrebassiste, c'est un programme qui fait vibrer l'essence même de cette formule instrumentale : clarté des lignes, liberté d'une interaction rendue plus grande encore par un effectif intime, avec un espace privilégié pour l'expressivité et le lyrisme. Le nouveau thème composé par Henri Texier, Bacri's Mood, est une évocation du comédien Jean-Pierre Bacri, mort quelques semaines avant l'enregistrement du disque. Comme une touche supplémentaire de cette belle mélancolie qui traverse quelques plages du disque, et nous va droit au cœur.

Xavier Prévost

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Le trio jouera le 9 février à Auxerre (au Silex), le 12 à Paris (Théâtre de l'Athénée) et le 25 à Tours (Petit Faucheux)

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Un avant-ouïr sur Youtube

 

Sur le site du Triton, une entrevue du contrebassiste avec Stéphane Olivier

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6 février 2022 7 06 /02 /février /2022 19:35

Deux nouveaux CD, deux rencontres de leaders, et deux albums marquants. Pour OGJB Quartet, c'est le deuxième disque, après « Bamako », enregistré trois ans plus tôt. Et pour l'autre CD, c'est la réunion de trois musiciens qui, à des moments différents, ont été les partenaires de Cecil Taylor

The OGJB QUARTET «Ode to O»

Oliver Lake (saxophones alto & soprano), Graham Haynes (cornet, electronique), Joe Fonda (contrebasse), Barry Altschul (batterie, percussion)

New York, 7 & 8 juin 2019

TUM Records TUM CD 058 / Orkhêstra

 

Chaque membre apporte des compositions, que complètent des titres conçus collectivement. La première plage, qui est le thème-titre de l'album, est signée Barry Altschul. C'est un hommage à Ornette Coleman, dont le souvenir nourrit une partie de cette musique. Au fil des plages tend en effet à prévaloir une conception tendue de la musique, sur le plan mélodique comme dans les harmonies. Et ce goût d'aller loin, jusqu'au bord du point d'équilibre, à la limite entre la continuité du rythme et l'explosion en vol. On trouve aussi, comme chez Ornette, des thèmes lents et mélancoliques, dont les phrases déchirées marquent la fin d'un monde musical et sa mutation. Le tout respirant un esprit de profonde liberté, qui s'épanouit encore dans les deux plages totalement improvisées. C'est à la fois un manifeste pour une histoire assumée (celle du free jazz) et pour son prolongement dans le présent ; et, à ce double titre, précieux.

 

ANDREW CYRILLE, WILLIAM PARKER & ENRICO RAVA «2 Blues for Cecil»

Enrico Rava (bugle), William Parker (contrebasse), Andrew Cyrille (batterie)

Paris, 1er et 2 février 2020

TUM Records TUM CD 059 / Orkhêstra

Enregistré à Paris (studio Ferber), au lendemain d'un concert au festival Sons d'Hiver, ce disque restitue les traces d'une aventure doublement commune : celle que fut, pour chacun d'eux, le fait de jouer avec Cecil Taylor, et celle aussi qui consiste à se rassembler dans le souvenir de ces expériences pour donner naissance à de nouvelles musiques.

©Luciano Rossetti 

 

Quatre improvisations, dont deux blues (hétérodoxes et pourtant reliés à l'esprit de cette musique, et au sens de l'évocation de Cecil Taylor), et deux digressions très libres, chargées de l'esprit du jazz. Et aussi des compositions de chacun d'eux, où l'individualité se fond dans le projet collectif. Pour conclure, ce sera un standard, My Funny Valentine, peuplé par le souvenirs des fantômes (Miles, Chet) et pourtant doté d'une singularité neuve. Le grand art du standard en somme : pétrir le passé pour un horizon encore inédit. Bref ce trio est vraiment une belle rencontre, pour un grand moment de musique.

Xavier Prévost

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4 février 2022 5 04 /02 /février /2022 09:24

Bill Charlap (piano), Peter Washington (contrebasse), Kenny Washington (batterie).
Studio Sear Sound, New-York. 24-25 mai 2021.
Blue Note/Universal.

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Un quart de siècle! Le pianiste Bill Charlap joue en trio avec Peter Washington, contrebassiste et Kenny Washington, batterie, depuis 1997. Et même s’il n’existe aucun lien de parenté entre Peter, californien, et Kenny, new-yorkais, ces trois là s’entendent et s’écoutent comme « larrons en foire ».

 

Avec le temps, ils sont parvenus à un état de grâce fait de lyrisme, de sensibilité, cet art de dire tant avec si peu. Leur dernier album s’intitule « Street of Dreams », une composition de Victor Young datant de 1932.

 

Les autres titres enregistrés fleurent bon aussi le répertoire classique du jazz et des musiques improvisées, relevant ainsi de l’univers de Duke Ellington (Day Dream, œuvre co-signée avec Billy Strayhorn, et The Duke, hommage de Dave Brubeck) ou de Michel Legrand (What Are You Doing The Rest of Your Life, de la bande originale de The Happy Ending en 1969).

 

Tout effet est banni dans cet enregistrement soigné par un ingénieur du son de référence (James Farber), on se laisse emporter au fil des notes. Que demander de plus ?

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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2 février 2022 3 02 /02 /février /2022 21:23

Joe McPhee (saxophones ténor & soprano), voix), Michael Bisio (contrebasse), Fred Lonberg-Holm (violoncelle), Juma Sultan (percussions)

 Hurley (État de New York), 26 janvier 2021

Rogue Art ROG-0114 CD

https://roguart.com/product/the-sweet-spot/182

 

Comme une explosion cathartique après la contention provoquée par la pandémie. Dès la première plage, percussions et pizzicati donnent le ton d'un courant libérateur qui va circuler tout au long du disque, puis le sax soprano fait une entrée en jubilation. Le ton est donné, la musique se libère, une fois de plus, d'un joug temporaire (un temps très long....). Le titre de l'album suggère que l'on se trouve au point d'écoute optimal. Effectivement, on est aux premières loges pour déguster cette énergie créative et musicale. Improvisations bien sûr, mais aussi thèmes proposés par les membres du groupe, et aussi des emprunts aux musiciens révérés. Après une impro en trio sans le le sax, le quartette joue un thème de Charlie Haden, structuré de bout en bout autour d'un capiteux son de basse. À la plage suivante le violoncelle prend la main et entraîne ses partenaires à sa suite. Vient le thème-titre, où la voix et le saxophone de Joe McPhee se font incantatoires. Et le CD se conclut par une composition en hommage à Django, signée Henry Grimes qui avait enregistré ce titre en 1965 pour le label ESP avec Perry Robinson et Tom Price : éloge de la liberté, de la première à la dernière plage. 

Simultanément Rogue Art assure la diffusion dans notre pays d'un disque du tromboniste Steve Swell, sous le label Silkheart, en Hommage à Luciano Berio, entre liberté absolue et cadre formel élaboré. Avec lui la vocaliste Ellen Christi, les saxophones de Marty Ehrlich & Sam Newsome, le marimba de Jim Pugliese, et la batterie de Gerald Cleaver. Autre manière de dire la liberté en musique

https://roguart.com/product/steve-swells-hommage-x-3/188

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Xavier Prévost

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29 janvier 2022 6 29 /01 /janvier /2022 17:42
BENOIT MOREAU TRIO          REVE PARTY

 

BENOIT MOREAU TRIO REVE PARTY

 

Sortie 21 janvier 2022

Inouïe Distribution

 

Benoît Moreau guitare/compositions  Olivier Pinto contrebasse Raphaël Sonntag batterie

Issus du Conservatoire National à Rayonnement Régional Pierre Barbizet de la cité phocéenne, les musiciens du trio du guitariste Benoît Moreau, connus de la scène Marseillaise, sont les acteurs d’un premier album prometteur Rêve Party.

On est vite frappé par l’homogénéité du son, l’équilibre constant des voix, le souci d’un chant mélodieux, dans ce triangle équilatéral parfait (guitare,contrebasse, batterie ) dès le “Stellar” originel qui prend jusqu’au crescendo final. Tout semble couler de source sous les doigts du guitariste qui sait doser les effets de réverb et de saturation, ne jouant jamais d’éclats trop tranchants ni de riffs torturés fréquents avec l’électrique.

Benoît Moreau installe avec cette suite de huit morceaux qui évoluent sans se perdre comme dans cet “Encore” qui débute pop pour virer à un rock plus énergique, ou flottant comme dans la ballade étrange, suspendue “Aurinko”. “Day Fever” est contre toute attente plutôt raisonnable, alors que le titre qui sonne résolument jazz est ce “Blues boppers” dansant de façon plus endiablée.

Si le guitariste est un passionné et virtuose du skate, il semble loin des acrobates-joueurs un peu trop impulsifs. Peut-être compulsif dans l’utilisation de tout un jeu de figures dans l’espace sonore ( l’équivalent des “tricks”du skate), il exploite les silences, occupant l’espace sonore avec des variations subtiles d’intensité.

La musique de ce Rêve Party a un style certain, une  qualité introspective traversée d’un souffle original. C'est une épure accrocheuse par la clarté des plans et des traits, les articulations soigneusement amenées, la fluidité et sophistication du phrasé.

Ce disque d’une juste durée, cohérent dans l’enchaînement des titres, creuse une veine souvent instrospective, jamais froide, ni sentimentale, distillant un climat onirique, aux effets souvent hypnotiques. La rythmique n’y est pas étrangère : jamais dans l’énergie brute, elle suit, soutient, relance en parfait accord. La pulse est tenue vigoureusement mais avec finesse tout du long, le tempo se nourrit d’un groove moelleux, délicieusement triste parfois (“5321”), la contrebasse sinue souterrainement sans précipitation avec une intensité palpable, magnétisante.

Doté d’une musicalité certaine jouant de l' alliage heureux des timbres, cette première réalisation est une réussite. L’album se referme avec une douceur et une grâce qui détourne astucieusement le titre “She says I talk too much about my music”.

 

 

Sophie Chambon

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28 janvier 2022 5 28 /01 /janvier /2022 09:44

Fred Hersch (piano, compositions), Drew Gress (contrebasse), Jochen Rueckert (batterie), Regento Boccato (percussions) et le Crosby Street String Quartet (Joyce Hammann, Laura Seaton, violons; Lois Martin, alto; Jody Redhage Ferber, violoncelle).
Samuraï Hotel. Astoria (NY) août 2021.
Palmetto Records/L’autre distribution.
Sortie le 28 janvier en cd et vinyl.
En concert au Bal Blomet (75015) du 11 au 14 mai.


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Nous étions en novembre 2017. Fred Hersch nous confiait : « J’ai 62 ans. Je n’ai plus rien à prouver à qui que ce soit. Je fais seulement ce que je fais ». Serein, épanoui, le pianiste américain n’a rien perdu de son état d’âme durant la (trop) longue période de confinement entamée voici deux ans.


Seul à son domicile rural de l’état de New York, Fred Hersch avait donné rendez-vous chaque soir à ses fans sur la toile pour un concert intime, enregistrements publiés en 2020 ("Songs from Home" -Palmetto). Un exercice qui passe aujourd’hui pour une mise en oreille quand sort une suite composée dans le même environnement bénéficiant d’un quatuor à cordes. Le pianiste se souvient de ses jeunes années où à Cincinnati il écoutait le prestigieux Quatuor Lassalle et de sa formation initiale qui le conduisit plus tard à consacrer un album ("The French Collection : Jazz Impressions of French Classics". Angel/EMI) à Ravel, Debussy, Fauré ou encore Satie.

Que le lecteur-auditeur ne se méprenne pas. The Sati Suite ne constitue pas un hommage au compositeur des Gymnopédies et autres Enfantillages pittoresques. Fred Hersch a trouvé son inspiration dans la méditation bouddhique Vipassana où le terme sati correspond à la pleine conscience. Les huit mouvements proposés, de sa propre main, sont autant d’incitations à la réflexion, à la méthode nécessaire pour y parvenir, en contrôlant notamment sa respiration dans le titre « Breath by Breath ». Cette introspection à laquelle nous invite Fred Hersch se conclut par un hommage à Robert Schumann, titré Pastorale.

Inclassable, aérien, intime, d’un charme par moment suranné, « Breath by Breath » révèle une autre facette de la personnalité de Fred Hersch, musicien rare.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

En concert au Bal Blomet (75015) du 11 au 14 mai.
Artiste en résidence en mars à Leuven (Belgique) www.leuvenjazz.be, Fred Hersch se produira également en Italie notamment en duo avec le trompettiste Enrico Rava en mars (Bergame, le 18 et Rome le 20).

 

©photo X. (D.R.)

 

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