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23 janvier 2022 7 23 /01 /janvier /2022 17:00
RHODA SCOTT   LADY ALL STARS
RHODA SCOTT   LADY ALL STARS

RHODA SCOTT LADY ALL STARS

 

Sortie d’album le 15 janvier 2022

Label SUNSET RECORDS/ BACO

 

Un septet féminin qui entoure la célèbre organiste? On croit rêver, la chose est assez rare pour qu’on s’interroge une fois encore sur la place des femmes dans le jazz. Les musiciens de jazz ont toujours aimé les femmes auxquelles ils ont consacré fort aimablement de nombreuses compositions, cherchant celles qui font rêver ou qui sont inspiratrices. Sans vraiment leur laisser une autre place. Dans l’histoire du jazz, il y eut pourtant des femmes formidables, souvent pianistes, car il faut bien l’admettre, les anches et les cuivres n’étaient pas prédominantes. Si on admet que la femme est un homme comme les autres, dans cet univers masculin pour ne pas dire machiste, les choses évoluent et les jazzwomen n’ont rien à envier à leur petits camarades.

L’organiste aux pieds nus, Rhoda Scott, plus de quatre vingt ans, installée en France depuis 1968, est l’une de ces pionnières qui continua d’innover en créant dès 2004 un premier Lady Quartet, avec Sophie Alour au saxophone tenor, Airelle Besson à la trompette et Julie Saury à la batterie. Puis l’arrivée de la saxophoniste alto Lisa Cat Berro, se substituant à Airelle Besson, transforma le groupe en un quartet à deux saxophones. Ces musiciennes ayant l’étoffe de leaders, avec des projets définis et leur propre groupe, la formation devint un collectif selon les disponibilités de chacune, accueillant de nouvelles venues, Géraldine Laurent et Anne Pacéo, puisque l’idée était de garder un personnel exclusivement féminin. Du souffle et une puissante rythmique! Cet septet girl power accompagnant une véritable lady du jazz, qui prit des leçons d’harmonie et de contrepoint auprès de la grande Nadia Boulanger, fut nommé Lady All Star par Stéphane Portet, le patron du club Sunset/ Sunside de la mythique rue des Lombards. Ce club ouvert en 1982, essentiel à la jazzosphère, pas simplement hexagonale, ouvert 7 jours sur 7, fête fin janvier ses 40 ans au Châtelet, et dans ce qui sera une fête illuminant comme dans le standard (sublimé par Fred Astaire, Chet Baker) "the night and the music", le groupe de Rhoda Scott a sa place!

Rhoda Scott qui a toujours ses entrées au club a d’aillleurs joué en quartet le 31 décembre dernier. Et c’est sur le label du Sunset que fut enregistré en live cette formation cuivrée et musclée, qui ne manque pas de charme, tant il est vrai que cet équipage a toutes les qualités, bousculant joyeusement un certain ordre établi sans renoncer à la tradition du jazz dans l’interplay et l’improvisation collective.

Ecoutons donc cette wild party de  HUIT musiciennes qui font le jazz français actuel. L’album est emblématique de sensibilités et de jeux différents et complémentaires qui concourent à une mise en oeuvre collective autour de huit compositions sans recyclage, un matériau neuf pour cette rencontre au sommet de musiciennes aguerries, Rhoda Scott et Lisa Cat-Berro apportant deux titres, Julie Saury, Sophie Alour, Airelle Besson et Paceo Anne un seul, sans oublier les interventions décisives des saxophonistes baryton et alto, Céline Bonacina et Géraldine Laurent. Un mariage des timbres des plus heureux que tous ces cuivres, anches donc bois qui se réajustent en permanence. Les musiciennes surgissent, se glissent et se fondent, plus qu’elles ne s’effacent dans la masse orchestrale. Nous ayant définitivement conquis, elles emmènent sans effort, partageant l’affiche de la barefoot contessa, avec une complicité et un respect mutuels concourant à la réussite musicale de l’ensemble. Du lyrisme certes mais du rythme et de la vigueur impulsée aussi par nos deux batteuses, complétée par les ponctuations du baryton et le jeu de la ligne de basse de l’orgue Hammond grâce au pédalier. Pas vraiment de ballades sentimentales, seuls “Les châteaux de sable” d’Anne Paceo introduisent un climat délectable mais élégiaque. Les thèmes, accrocheurs, sont d’une efficacité certaine, mélodies lumineuses à la tension très moderne, que l’on a envie très vite de retenir et de fredonner. On aime toutes ces compositions sans distinguo “City of the rising sun”, “Escapade”, “I wanna move” qui contribuent au bel équilibre de l’album. Rhoda Scott ouvre le bal avec un premier thème de son cru, “R&R” où sa vitalité et sa créativité sont intactes, son chant hérité du blues et du gospel privilégiant conviction et urgence qui fusionnent en harmonie. Elle ferme la marche avec un “Short Night Blues”, où elle se déchaîne, soutenue par de subtils unissons et des chorus toujours vifs. C’est enlevé, allègre et ça swingue du tonnerre avec l’orgue qui ronfle de plaisir. Plus que réjouissant et hautement conseillé pour oublier ces temps difficiles!

 

Sophie Chambon

 

 

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16 janvier 2022 7 16 /01 /janvier /2022 16:47

Tim Berne (saxophone alto, composition), Gregg Belisle-Tchi (guitare acoustique)

Woodstock, 15 mai 2021

Intakt Records CD 374 / Orkhêstra

 

Un disque très singulier, et qui frappe dès les premières notes par l'excellence de la composition comme de l'interprétation-improvisation. Le guitariste Gregg Belisle-Tchi avait enregistré en 2020 un disque en solo consacré aux compositions de Tim Berne («Koi», Screwgun Records). Il est cette fois son partenaire pour un duo, sur des compositions du saxophoniste, arrangées conjointement. Comme toujours, les thèmes de Tim Berne nous embarquent dans des lignes vertigineuses d'une absolue rigueur. Et comme toujours on se demande comment cette indiscutable rigueur peut contenir, et produire, autant de liberté : liberté d'interprétation, liberté d'expression, ou plutôt d'expressivité. David Torn, producteur artistique de la séance, commente dans le livret du CD : «Musique de l'espace ? Non. Musique terrienne ? Oui, vraiment. Folk Music ? Je ne sais pas...». Et pourtant à l'écoute, renouvelée, attentive, c'est bien cette dernière hypothèse qui va prévaloir. Une sorte de Folk Music du futur, imprégnée des libertés tonales de la musique dite contemporaine, et irradiée, d'un bout à l'autre, d'un lyrisme qui ne désempare pas. Il y a même une espèce de blues dévoyé. Magnifiquement beau, d'une beauté neuve, comme en distille si souvent Tim Berne. À découvrir avec le degré d'attention et de réceptivité qui s'impose. Et pour ce qui me concerne, avec une sorte d'émerveillement.

Xavier Prévost

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15 janvier 2022 6 15 /01 /janvier /2022 16:30

Jean Christophe Cholet (piano), Vincent Mascart (saxophones ténor & soprano), Quentin Cholet (batterie)

Sarzeau (Morbihan), 29-30 août & 1-2 septembre 2020

Infigo 120210 / l'autre distribution

 

Si l'on excepte un thème emprunté à Mal Waldron, et une composition du batteur, le CD repose totalement sur l'improvisation. Une improvisation plutôt idiomatique, en l'occurrence faisant fortement référence à l'univers du jazz, mais pas seulement. Une musique ouverte, libre, qui regarde aussi du côté des langages de la musique dite contemporaine, celle née au début du vingtième siècle dans la sphère des 'musiques savantes européennes', et qui a déployé ses métamorphoses jusqu'à ce jour. Une musique qui regarde aussi vers d'autres horizons culturels. Un groupe rodé par les deux années de concerts et de tournées (en France, en Europe, mais aussi en Chine et en Corée) qui ont précédé l'enregistrement. Il en résulte une faculté de faire un saut collectif dans l'inconnu sans se perdre de vue. Ça commence par un déchirant appel de soprano auquel répond une furia de batterie, avant que le piano ne se glisse, avec la même vigueur d'expression, dans un trilogue qui va tourner au lyrisme presque apaisé, avant virage à l'orientale. Bref il se passe sans cesse quelque chose, entre urgence de l'expression et maîtrise d'une forme émergente, d'une plage à l'autre.

L'interaction est fine, permanente. All Alone, de Mal Waldron, sera l'occasion d'une sorte de recueillement collectif très intense. La plage suivante jouera au contraire la carte de la déstructuration, du fragmentaire, qui se résout cependant dans une douce mélodie conclusive. Puis c'est une composition du batteur, mélancolique ballade finement conduite, de tensions harmoniques en mélodie qui bientôt s'exacerbe. Et le voyage continue, de plage en plage, en quête d'une certaine idée de la beauté impromptue. Quête aboutie, et disque très réussi.

Xavier Prévost

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6 janvier 2022 4 06 /01 /janvier /2022 08:37

Bruno Tocanne (batterie), Didier Frébœuf (piano)

Juillaguet (Charente), 7 mai 2021

IMR 21 / Muséa / Les Allumés du Jazz / https://www.instantmusics.com

 

Enregistré dans le studio du contrebassiste Kent Cater, un disque qui mêle improvisations/compositions des deux partenaires, et Songs For The Whales , de Charlie Haden (Liberation Music Orchestra, «Time/Life»). Le thème-titre, Ça n'empêche pas le vacarme, est signé du seul pianiste, mais le CD respire d'un bout à l'autre l'échange et la création plurielle. Cela commence du côté de crissements de cymbales, notes éparses de piano qui se jouent des tonalités, accord arpégés qui sous-tendent le mystère.... Le dialogue est là, dès les premiers instants. Puis c'est comme un appel au silence, dans des résonances qui s'attardent, des lignes qui musardent entre les tentations harmoniques, toujours contournées. Et les tambours qui grondent. Le paysage s'éclaircit et se dessine : on est embarqué. Puis c'est un nouveau dialogue, des fûts et des cymbales, surgissant progressivement d'un mouvement tellurique pour prendre langue avec le piano préparé, lequel va chanter ensuite de tout son lyrisme rhapsodique pour le chant des baleines. Retour d'un bruitisme percussif avant cavalcade échevelée du piano (ça s'intitule Saturation et All Over ). Vient la composition de Didier Frébœuf, Ça n'empêche pas le vacarme : comme un cessez-le-feu après les salves. Un crescendo pourtant nous dira que l'accalmie n'était qu'une esquive. Et la plage finale, énigmatiquement titrée Fake News, et qui tend l'oreille du côté de Monk, paraît nous dire pourtant la vérité de cette musique, d'échange et d'intensité. Fin du voyage. Le texte du livret, signé Philippe Alen, fait de cette aventure un autre récit, qui tutoie les hautes sphères. Belle escapade, et beau disque.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=B7JcLK476DM

et sur Bandcamp

https://brunotocanne.bandcamp.com/album/ca-nemp-che-pas-le-vacarme

 

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5 janvier 2022 3 05 /01 /janvier /2022 21:25

Joëlle Léandre (contrebasse, voix, comprovisations)

Calès (Lot), 18 juillet 2021

Ayler Records AYLCD-169 / Orkhêstra International

 

Un disque issu d'un enregistrement de concert, comme Joëlle Léandre aime le faire, car elle a de longtemps privilégié ces captations 'sur le vif' qui sont essentielles à l'idée même de musique improvisée. Cela se passe dans l'église d'un petit village (moins de 200 habitants), situé entre Rocamadour et Payrac. On n'est pas très loin de Souillac (une dizaine de kilomètres à vol d'oiseau, un peu plus par la route...), qui inscrit ce concert dans la programmation de son festival (qui va, cette même année 2021, de Michel Portal et Bojan Z à Vincent Peirani-Émile Parisien, en passant par Daniel Erdmann ou Yaron Herman.... et Joëlle Léandre : spectre large!).

Le disque indique, outre les instruments de la musicienne (sa contrebasse, et sa voix), comprovisations. Ce mot valise renvoie très précisément à l'Art singulier pratiqué par Joëlle Léandre et beaucoup d'autres artistes : créer, dans l'urgence de l'instant, une musique qui est plus que le surgissement d'une idée musicale en acte. Ce dont il est ici question, c'est plutôt d'une œuvre en devenir permanent, une construction qui mêle l'expression instantanée, la trace des cultures (musicales, instrumentales-liste non exhaustive-) et le projet en mouvement qui conduit chaque seconde de musique vers un terme qui ne se connaît pas encore. C'est exactement le pari un peu fou qui se joue chaque fois, à chaque concert. Une forme en mouvement s'élabore, et se compose, pas à pas. Et ce jour-là était un jour faste : la magie s'est exercée de manière absolue.

Chaque séquence obéit à une dramaturgie spécifique, presque un rituel. On peut partir d'une ligne extra-tonale, jouée à l'archet, qui s'embarque ensuite dans un emballement vers l'aigu, pour se résoudre en un lent retour vers le silence. Ailleurs la voix, et des sons percutés, viendront en renfort d'un surgissement bruitiste, presque tellurique. L'archet est privilégié au fil du concert, qui laisse le pizzicato en retrait. C'est souvent lyrique, incantatoire, engagé. L'essence de l'Art, en somme.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Bandcamp

https://ayler-records.bandcamp.com/album/at-souillac-en-jazz

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4 janvier 2022 2 04 /01 /janvier /2022 18:02
FREDERIC BOREY BUTTERFLIES TRIO

FREDERIC BOREY BUTTERFLIES TRIO

DAMIEN VARAILLON  (cb) STEPHANE ADSUAR (dms)

GUEST LIONEL LOUEKE (g, voc)

FRESH SOUND RECORDS

BUTTERFLIES TRIO | France | Frederic Borey

Frédéric Borey BUTTERFLIES Trio Feat. Lionel Loueke - YouTube

 

Cet album étonne -c’est la première remarque qui vient à l’esprit, tant il est différent de ce que l’on connaît des différents projets de Frédéric Borey. Une manière de se renouveler assurément, même au sein de ce Butterflies Trio dont pour le deuxième album, le saxophoniste s’est assuré la collaboration d’un ami de longue date, le guitariste Lionel Loueke. D’ordinaire, l’invité apporte sa touche, donne une couleur supplémentaire, complète le portrait de groupe. Mais la palette reste la même, The song remains the same.

C’est un peu différent ici, le guitariste, présent sur huit plages sur onze, donne aussi de la voix, même s’il ne la force jamais, elle est plutôt une texture additionnelle qui fait chair. Il fredonne tout en nuances, glisse des bribes de chanson même sur “Camille”, la seule composition qu’il apporte, sans jamais couvrir le chant du saxo, au timbre toujours aussi étincelant, même s’il est volontairement plus voilé. Les univers de ces deux amis ont réussi à se fondre dans une alliance peu commune, à s’ajuster parfaitement.

Des petits bruits, cliquetis des baguettes, friselis de guitare attaquent “Commencement” avant que n’entre en jeu le saxophone qui s’adapte au rythme répétitif adopté de concert. Dans “Dont give up”, chacun s’ajuste, les éclats du saxo ne sont pas tranchants, mais mesurés sans exhaler pour autant leur plainte. La dominante n’est pas vraiment mélancolique ou alors si délicatement qu’il en résulte une douceur entraînante, délicieuse, envoûtante que renforcent nombre ostinatos et autres effets répétitifs comme sur "Do Hwe Wutu" (Grâce à toi en béninois ). Jamais l’expression de jazz de chambre n’aura été plus juste pour décrire cette musique épurée, qui atteint une dimension spirituelle. Une écriture sans gras, précise, très rythmée, celle de véritables auteurs dont les transitions sont tellement habiles qu’elles paraissent naturelles. Les compositions se suivent avec une belle cohérence comme une longue suite tout en gardant leur identité.

On entre par petites touches fines dans le bizarre de la bande-son d’un film imaginaire, une ambiance onirique et flottante, comme en suspens où les nappes mélodieuses de la guitare, les pulsations continues, douces mais fermes de la rythmique, le babil de la voix qui susurre, invitent à se laisser bercer. Pas de longues volutes ciselées au saxophone ténor qui semble chuchoter lui aussi par moment.

Tous entrent dans la danse, se glissent dans le moule d’où sortent des sons inouïs comme dans "Insomnia" qui fait entendre deux batteries et deux guitares enregistrées simultanément. Une force collective irréfutable, à la fois expérimentale et chaleureuse. L’entente palpable favorise l’homogénéité du son, la liberté de l’interprétation, chacun pouvant compter sur le jeu des autres, les appuis des partenaires pour reprendre élan.

A la manière d’une peinture impressionniste des sentiments,   ces plages atmosphériques font sourdre des émotions plus ou moins enfouies ("Lou"). Tout en nuances.

Pour peu que l’on se laisse aller à une écoute attentive, cet album de plus d’une heure de musique est enivrant, jamais insistant. Volontiers persistant, il résonnera longuement à vos oreilles.

 

Sophie Chambon

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3 janvier 2022 1 03 /01 /janvier /2022 22:07

Christophe LeLoil (trompette, bugle), Julia Minkin (voix), Andrew Sudhibhasilp (guitare), Pierre Fenichel (contrebasse), Cédrick Bec (batterie & percussions)

Rognes (Bouches-du-Rhône), sans date

Onde Music OND 8 / Inouïe Distribution

 

Comme chaque fois que le trompettiste propose un nouveau programme, un nouveau groupe, et un nouveau disque, le niveau musical et instrumental, ainsi que la conception, forcent le respect, et même l'admiration. Qualité du quintette rassemblé d'abord : des partenaires déjà côtoyés, comme le batteur Cédrick Bec, ou le contrebassiste Pierre Penichel. Un nouveau complice en la personne du guitariste Andrew Sudhibhasilp. Et la chanteuse Julia Minkin, qui joue le rôle de catalyseur, en ce qu'elle apporte de singularité vocale, de textes (la plupart), ainsi que l'une des compositions. Les lignes mélodiques, comme les harmonies, sont très sinueuses ; elles font converger voix et trompette (ou bugle) dans un esprit qui rappelle un peu ce qui se passait naguère dans la collaboration entre Kenny Wheeler et Norma Winston. Et la guitare s'immisce dans ce dialogue qui devient vraiment pluriel, soutenu/ravivé/exalté par la basse et la batterie. Les interactions fines entre les lignes rappellent un peu l'alchimie du quatuor à cordes dans la musique classique. «OpenMindeD», titre du disque autant qu'emblème du groupe résume bien l'atmosphère générale, fondée sur la collaboration féconde entre tous les membres de ce quintette, et l'état d'esprit, très ouvert, de cette musique qui mêle le jazz, assurément, et les tropisme musicaux de la vocaliste venue de Chicago pour s'établir à Marseille. La tonalité générale est assez mélancolique, musicalement très fine, et pour tout dire d'une grande beauté.

Xavier Prévost

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Le groupe sera en tourné tout au long de janvier 2022

le 7 janvier à Marseille, Restaurant O'Zinc, programmation 'Le Jam hors les murs'

le 12 à Paris, au Bal Blomet

le 13 à Digne-les-Bains, centre culturel René Char

le 14 à Nîmes, Milonga del Angel

le 18 à Salon-de-Provence, IMFP

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Un avant-ouïr sur Youtube 

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2 janvier 2022 7 02 /01 /janvier /2022 22:04

Geoffroy Gesser (saxophone ténor, clarinette basse), Quentin Ghomari (trompette & trompette à coulisse), Jean-François Riffaud (guitare), André Pasquet (batterie)

Paris, 9 décembre 2017 & Pantin, 24 mai 2018

Gigantonium GIG 020 FLOU 1

https://gigantonium.bandcamp.com/album/flouxus-kind-of-the-blues

 

À une voyelle près, on devine que le quartette fait référence au courant esthétique né des influences croisées de Marcel Duchamp et John Cage, et immortalisé par l'épisode du lièvre mort de Joseph Beuys. En fait, il s'agit bien d'une conception transgressive de l'Art (art musical en l'occurrence), mais ici la transgression magnifie le matériau revendiqué (sur une plage un blues fameux de Robert Johnson), et plus largement prend son envol sur des éléments formels du blues jusqu'à aborder des espaces, insoupçonnés, de liberté. Ce qui se joue ici renvoie autant au quartette d'Ornette Coleman, aux groupes de Don Cherry dans les années 60 ou aux envolées (sans intention d'atterrir) d'Albert Ayler, qu'à l'hyper-expressivité des sources afro-américaines. Enregistrée lors de deux concerts, l'un au Lavoir Moderne Parisien, l'autre à la Dynamo de Banlieues Blueues, cette musique fourmille de créativité sonore, d'exploration extrême (mais toujours fine) des limites instrumentales, avec le sens du jeu, et plaisir de la musique : jouissif, et en tant que tel hautement recommandable.

Xavier Prévost

 

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2 janvier 2022 7 02 /01 /janvier /2022 14:16

Don Cherry (cornet, composition), Gato Barbieri (saxophone ténor), Henry Grimes (contrebasse), Ed Blackwell (batterie)

Englewood Cliffs (New Jersey), 24 décembre 1965

Don Cherry (cornet, composition), Gato Barbieri (saxophone ténor), Pharoah Sanders (saxophones ténor & piccolo), Karl Berger (vibraphone, piano), Henry Grimes & Jean-François Jenny Clark (contrebasses), Ed Blackwell (batterie)

Englewood Cliffs (New Jersey), 19 septembre 1966)

Hat-Hut Ezz-thetics LC 91771 / Distrijazz

Origine Blue Note

 

ATTENTION CHEFS-D'ŒUVRE !!!

Ces deux disques sont assurément les chefs-d'œuvre de Don Cherry, parutions-phares des années 60, conçues après une série de concerts en Europe, en 1965, (avec Gato Barbieri, Karl Berger, Jean-François Jenny-Clark et Aldo Romano) dont des éditions plus ou moins pirates portent la trace phonographique sous le titre de «Togetherness» (dont on peut dire que ce fut une sorte de brouillon esthétique des deux disques enregistré fin 1965 et à la fin de l'été 1966).

Cet automne les a vus reparaître conjointement, et c'est tant mieux. L'occasion, pour ceux qui n'avaient pas eu le bonheur de les découvrir plus tôt (clivage générationnel : malgré les rééditions en CD des années 1994 et 2000, ils ont échappé au radar de beaucoup de nouveaux amateurs, même très éclairés). Ce qui est en jeu, ce n'est rien moins qu'une nouvelle musique, comme le label Blue Note en accueillit dans les années 60 : Ornette, Sam Rivers, Tony Williams, Grachan Moncur III, Cecil Taylor, Eric Dolphy, Andrew Hill.... Ces deux disques de Don Cherry sont un mélange détonnant de construction formelle et de grande liberté. À découvrir d'urgence pour les jeunes générations. À retrouver sans délai pour les autres.

Xavier Prévost

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À signaler : le label Tinker (l'autre distribution) publiera en février une disque du quintette de Pierrick Menuau («Togetherness Ensemble», avec Yoann Loustalot, Julien Touéry, Sébastien Boisseau & Christophe Lavergne) inspiré par Togetherness, première source historique des disques ici réédités. Concert au New Morning le 9 mars

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27 décembre 2021 1 27 /12 /décembre /2021 13:34

Sophia Domancich (piano, piano électrique), Simon Goubert (batterie)

Malakoff, 15-16 septembre 2020

PeeWee! PW 1004 / https://peeweelabel.com/fr/albums/31

 

Une musique inspirée par les films de David Lynch. À l'origine de cette aventure, comme le raconte Simon Goubert dans le livret, la proposition de Jean-Pierre Bonnet, membre actif de l'association des Amis du Méliès (le cinéma d'Art et d'Essai de Montreuil), d'imaginer une rencontre entre la musique et le cinéma. Sophia Domancich répond sans ambages «...quelque chose avec des films de David Lynch». Pas question de faire un ciné-concert classique, où la musique se pose sur les images du film. Pas question de court-circuiter l'univers sonore (dialogues, ambiances sonores et musiques). L'idée, c'est plutôt de choisir des courts-métrages de Lynch, de les projeter pour le public, et de jouer entre ces extraits des musiques improvisées, ou écrites pour la circonstance. Une première expérience, en 2016 et en public -où la musique réagit, commente, vagabonde et recrée son propre imaginaire- concrétisera la pertinence du projet. Et 4 ans plus tard, Sophia Domancich et Simon Goubert acceptent la proposition de Vincent Mahey (Studio Sextan, label PeeWee!) d'enregistrer la musique née de cette aventure. Twofold head, est-ce une tête double, celle de la pianiste et du batteur, qui pratiquent de longtemps le duo fusionnel, une pensée musicale duale qui s'exprime avec évidence depuis des années  ? Ou une nouvelle œuvre, qui conjuguerait le cinéma et la musique, inspirée par cet autre objet artistique qu'est le film ? Mystère.... En tout cas, l'aventure tient ses promesses : avec ce duo, nous allons naviguer de sensations en émotions, de nuances en éclats, embarqués que nous sommes dans un univers qui nous captive, une captivité consentie et riche de rebonds et de détours. L'enregistrement s'est fait, comme le concert, entre le visionnage de chaque film, au plus près de la source. Le résultat est confondant. Chaque plage nous entraîne dans ce qui pourrait être l'imaginaire du cinéaste autant que celui du duo ; et le nôtre n'est pas de reste, car notre propre fiction s'élabore à mesure que cette musique nous envahit, qu'elle nous touche, qu'elle nous livre (ou non) ses clés. C'est d'ailleurs l'hypothèse de Philippe Ghielmetti, grand producteur de disques (notamment de piano) et cinéphile averti : il l'évoque dans un court texte à l'intérieur de la jaquette du CD. C'est comme chez Lynch. À trop chercher le sens, on risque de se perdre : la clé du secret ne serait elle pas simplement le chemin que nous suivons, loin de toute élucidation. Infinies nuances ou éclats de sons et de rythmes, nous sommes emportés, de plage en plage, par ce récit sans fin. La preuve : quand le terme semble venue, à 4 minutes et 12 secondes de la plage 7, une plage fantôme se faufile, 3 minutes plus tard, et pour 2 minutes et 40 secondes. Dernier sortilège.

Xavier Prévost

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Le duo participera le 31 janvier à Paris, au Théâtre des Nouveautés, à la 'PeeWee ! Night', soirée du label PeeWee !, avec Biréli Lagrène, Andy Emler, Patrick Bebey, Mathias Lévy, Kartet....

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Sur Youtube, cinq fragments dans la vidéo 'Pause' du Studio Sextan et de l'EMC, réalisée lors des séances d'enregistrement

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