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16 octobre 2024 3 16 /10 /octobre /2024 18:12

Neta Raanan (saxophone ténor), Joel Ross (vibraphone), Simón Willson (contrebasse), Kayvon Gordon (batterie)

Brooklyn, 23-24 avril 2023

Giants Step Arts GSA-12

https://netaraanan.bandcamp.com/album/unforeseen-blossom

 

Premier disque, enregistré en club, d’une nouvelle venue, et en la meilleure compagnie (le vibraphoniste Joel Ross), ce qui laisse augurer de belles surprises. Effectivement cette jeune musicienne du New Jersey, présente dans les clubs de New York, et admiratrice de Dolphy, suscite l’intérêt, et même plus, par une certaine liberté d’inspiration et de jeu. Une sonorité riche de couleurs différentes, entre la mélancolie des ballades et la vigueur des tempos vifs. Les improvisations circulent librement entre les contraintes de la grille et les écarts qui donnent au jeu tout son sel. Une oscillation ‘dedans-dehors’ où Joel Ross excelle aussi. Il se passe beaucoup de choses d’une plage à l’autre, et le tout est attisé par la palette large et libre du batteur, quand la basse assure les fondamentaux, et même plus, avec par exemple une intro en dialogue soutenu avec la batterie. Le style de la saxophoniste est d’une réelle liberté : ici elle s’offre le luxe d’un stop chorus et s’évade en digressions ‘à la Rollins’ ; et elle réserve ailleurs des suavités qui reposent toujours sur de subtiles exigences musicales. Bref une personnalité qui déjà s’impose par la prégnance de son univers musical.

Xavier Prévost

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11 octobre 2024 5 11 /10 /octobre /2024 05:05
Baptiste Herbin Trio   Django!

 

Baptiste HERBIN TRIO

 

Django!

 

ACCUEIL - BAPTISTE HERBIN

 

 

Ce titre exclamatif annonce un hommage non déguisé à Django qui provient non pas d’un guitariste ce qui serait attendu quoique toujours osé, mais d’un saxophoniste alto qui compte dans la jeune génération Baptiste Herbin. Quand on sait que Daniel Yvinek est à l’origine de ce projet Django! on se doute que le directeur artistique aura eu une action des plus stimulantes sur l’engagement du trio en studio. Il aura soigné la beauté du son des douze compositions choisies et arrangées par le saxophoniste qui n’hésite pas à reprendre au saxophone certains solos originaux de Django.

Le trio (Baptiste Herbin, Sylvain Romano et André Ceccarelli ) à peine formé est déjà majuscule dans une configuration délicate et aventureuse (saxophones, batterie et contrebasse). L’évidente complicité des musiciens, leur plaisir de jouer ensemble prouvent qu’ils n’ont pas fini de se livrer à des échanges aussi énergiques que lyriques. L’album s’écoute d’un trait, de l’émouvante composition de John Lewis qui ouvre l’album jusqu’au final, l’inévitable Nuages flotte l’esprit du guitariste avant quelques fulgurances bien balancées du saxophoniste.

Si cinq de ses titres sont repris, la partie sans être facile est gagnée tant le trio sait confronter l’expérience et le talent de chacun en se glissant dans l’univers singulier du maître : une paire rythmique superlative, un saxophoniste au son unique, aussi mélodique que sophistiqué quant il étire le temps dans un Troublant Boléro langoureux en diable. Pas beaucoup de temps morts même quand le tempo ralentit dans la ballade Anouman, autre bijou reinhardtien. Baptiste Herbin pensait-il au travail d’ensemble de Django avec (entre autres) le ténor Coleman Hawkins et l’altiste Benny Carter dans les merveilleuses sessions de 1937 sur disque Swing en préparant cet album, en signant ce Djangology Herbinologué où il tire son épingle du jeu en multipliant les effets que permettent son instrument?

Un montage toujours entraînant enchaîne aussi des valses musette qui font partie intégrante de l’univers manouche que connaît bien le saxophoniste, des interludes comme l’époustouflant Montagne Sainte Geneviève ou Valse de Wasso.

Baptiste Herbin ne dédaigne pas cependant se frotter à d’autres standards du jazz aux références très connotées comme cette autre valse, Indifférence de l’accordéoniste Tony Murena. Il se lance dans une improvisation débridée sur Night and Day, sa version du tube de Cole Porter pour le moins différente, fièvreuse mais toujours aussi chantante. Le rebattu Tea for Two de la comédie musicale de Broadway No, No Nanette débute par un cha cha sans équivoque avant de céder à la frénésie d’un trio qui s’emballe. Ça vous redonne des couleurs avec des références tout autres qu’ajoute par instant le saxophoniste, courtes échappées qui pulsent, frisent, s’enroulent autour du motif principal. Avec spontanéité, fluidité, rapidité, Baptiste Herbin joue dans l’esprit du répertoire sans tomber dans le rétro.

La rythmique paraît mener la danse : ainsi le soliste entre le chant puissant de la contrebasse et l’aisance naturelle du drive creuse intimement un sillon qui lui est propre, nourri de multiples influences. Baptiste Herbin sans dispersion continue à édifier patiemment son grand oeuvre. Il nous faudra le suivre assurément.

 

Sophie Chambon

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10 octobre 2024 4 10 /10 /octobre /2024 18:49

Tom Harrell (trompette),

Mark Turner (saxophone ténor sur 5 plages), Dayna Stephens (saxophone ténor sur 4 plages), Luis Perdomo (piano, piano électrique, orgue), Charles Altura (guitares sur 4 plages), Ugonna Okegwo (contrebasse), Adam Cruz (batterie)

New York, 28 novembre & 27 décembre 2022

High Note HCD 7344 / Socadisc

 

Des compostions du trompettiste, comme un étonnant mélange de thèmes à l’ancienne, cursifs comme au temps du bebop, et de groove plus contemporain, dynamisé par le piano électrique. Mark Turner est le sax des trois premières plages, et l’on n’est pas surpris de l’entendre en exacte adéquation avec chaque climat. La mélancolie du troisième thème nous rappelle, si besoin était, que Tom Harrell excelle dans ce registre, autant qu’il peut être convaincant sur un tempo vif, un balancement marqué ou un phrasé complexe et sinueux. Bref dans ce disque je retrouve le trompettiste attachant, brillant sans être spectaculaire, nuancé, avec ce timbre presque fragile qui pourtant parle avec assurance : la grande musicalité, en somme. Celui-là même que j’ai goûté dans de nombreux disques, et aussi les quelques fois où j’ai eu le plaisir de l’écouter sur scène, de part et d’autre de l’Atlantique. Dayna Stephens, l’autre sax, procède d’un langage différent de celui de Mark Turner : incisif, presque accrocheur, il convient bien aux climats des thèmes dans lesquels il intervient. Luis Perdomo, comme souvent, est à l’aise dans tous les registres et sur tous les instruments, moins porteur de singularité peut-être. Bassiste et batteur jouent un rôle déterminant dans la vitalité du groupe, et du disque. De plage en plage, c’est comme un paysage qui se dessine, ou plutôt un portrait, celui de Tom Harrell, personnage mystérieux, mutique, pour qui la musique est le moyen d’expression privilégié. Un disque qui s’écoute sans discontinuer, et avec un constant bonheur, ce qui devient rare en ces temps de zapping généralisé. Bref un très bon disque, et plus encore.

Xavier Prévost

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10 octobre 2024 4 10 /10 /octobre /2024 10:33
STEFY HAÏK sings and loves BURT BACHARACH ⁹

STEFY HAÏK sings and loves BURT BACHARACH

 

Frémeaux et associés

2023

Enregistré par Dominique Blanc-Francard

 

Pas étonnant que la maison Frémeaux qui s’attache à faire oeuvre de mémoire rende hommage par la voix de la franco-américaine Stefy Haïk à un merveilleux songwriter de l’American Songbook, Burt Bacharach (1928-2023) pianiste, arrangeur et chef d’orchestre qui a marqué l’histoire de la chanson et des musiques de film des sixties et seventies. Nous ne citerons qu' un exemple parmi une production pléthorique,  la B.O de Butch Cassidy and The Sundance Kid pour lequel il obtint l’oscar de la meilleure musique en 1970. Des labels ( Blue Note ou  la Motown ) comme les jazzmen se sont emparés de sa musique de Diana Krall (The Look of love dans Casino Royale) à Sonny Rollins pour Alfie du film éponyme, chanson que Stefy Haïk chantait déjà dans son premier album The Longest Mile.

 

Cet album de jazz vocal fera plaisir à tous les amoureux de la musique de Burt Baccharach-ils sont nombreux, même si nous sommes beaucoup pen France du moins, à fredonner ses chansons sans toujours savoir qui en est l’auteur. Ce que chantait déjà notre Trenet dans L’Âme des Poètes.

Dans la mémoire collective américaine, ce formidable mélodiste a toute sa place et aujourd'hui encore dans la comédie musicale  Joker 2 de Todd Phillips, on entend dans un recyclage habile autant Bewitched de Rodgers and Hart que Close to you.

La chanteuse franco-américaine reprend dans cet album soigné quelques unes des mélodies du duo magique Burt Baccharach- Hal David ancrées dans la mémoire consciente ou non qui nous ont touché voire ému. Elle en délaisse d'autres peut-être trop attendues comme Raindrops keep falling on my head au profit de ce God give me strength écrite avec le "versatile"(au sens anglais) Elvis Costello, autre référence de la chanson ou My Little Red Book entendue dans What’s new Pussycat? Retenons encore une curiosité, le duo réussi avec Bruce Johnston dans Wives and lovers.

On retrouve néanmoins  des tubes comme What the World Needs Now  popularisé par Dionne Warwick avec Walk on by, A House is not a home ou Close to you dont la déchirante Karen Carpenter donna une version inoubliable sans oublier la grande Aretha Franklin pour laquelle fut écrite I say a little prayer.

Les arrangements essentiels dans ce genre d’exercice sont écrits de main de maître par le pianiste Olivier Hutman. La chanteuse est  entourée par la fine fleur de nos musiciens Hugo Lippi à la guitare, Hermon Mehari à la trompette, Sylvain Romano à la basse, André Ceccarelli aux drums… Il faudrait les citer tous car ils offrent un accompagnement idéal  à  la voix chaude et sensuelle, au phrasé résolument jazz de Stefy Haïk. Très élégant dès le démarrage de I”ll never fall in love again, son swing est subtil et son énonciation claire (elle est aussi une enseignante accomplie).

On pourrait reprocher une certaine  facilité à la pop musicale, avoue même Stefy Haïk de quoi dégoûter les puristes jazzeux qui d’ailleurs ne connaissent pas bien ce répertoire. Mais composer une chanson qui touche le plus grand nombre est un art qui n’est pas aussi mineur qu’on voudrait nous le faire croire. Un art qui requiert et c’est le cas ici, complexité harmonique et rythmique sur une mélodie qui semble “facile” et qui reste en tête,  un fredon qu’agrémentent des paroles que l'on retient. Car avouons- le, l’anglais swingue et colle parfaitement à cette pop pas si sucrée en définitive. Alors si tous ceux qui comptent ont chanté Burt Bacharach, en écouter une nouvelle version est toujours irrésistible.

 

Sophie Chambon

 

 

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9 octobre 2024 3 09 /10 /octobre /2024 17:29

 

François Houle (clarinette), Benoît Delbecq (piano)

Paris, 3 juin 2023

Afterday Audio AA 2316

https://afterday.bandcamp.com/album/poise

 

Une histoire d’équilibre, d’écoute, d’attention à autrui. Mais aussi une aventure audacieuse, qui consiste à se jeter dans le geste musical avec les boussoles de l’instrument, de la culture, de l’histoire personnelle, et d’une déjà longue expérience commune (quatrième disque en duo en l’espace de 26 ans) ; avec le radar de la musicalité en horizon privilégié. C’est comme un jeu de timbres, souvent inattendus, issus des deux instruments. Un jeu sur quoi se greffent des lignes et des accents issus de tous les langages musicaux pratiqués par les deux protagonistes. Jeu de dialogue bien sûr, avec ses tensions, ses conflits, ses harmonies retrouvées, et affirmées. Certains sons préparés du piano, et certains modes de jeu hétérodoxes de la clarinette, font surgir cet inouï, dont la musique de jazz - au sens large - et les autres musiques écrites ou improvisées augmentées possèdent jalousement le secret. Il suffit de se laisser aller à suivre les deux artistes dans leur cheminement. Une écoute attentive et accueillante offre à qui prête vraiment l’oreille un authentique bonheur musical, plage après plage.

Xavier Prévost

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9 octobre 2024 3 09 /10 /octobre /2024 08:58

Miki Yamanaka (piano),

Tyrone Allen (contrebasse),

Jimmy Macbride (Batterie)

Englewood Cliffs (New Jersey), 18 mars 2024

Cellar Music CM031824

https://mikiyamanaka.bandcamp.com/album/chance

 

J’avais beaucoup apprécié la pianiste dans son quartette avec Mark Turner publié l’an dernier sous le même label (‘Shades Of Rainbow’). Ce disque en trio (son premier alors que c’est son sixième album) m’a définitivement conquis. Par la choix du répertoire d’abord : des standards (I Wish I Knew, Body And Soul….) mais aussi des ‘classiques du jazz’ : Trinkle Tinkle de Monk, renversant de liberté et d’invention ; Cheryl, mêlant les vertiges du phrasé et des accords aussi tendres qu’hétérodoxes…. Le vénérable et facétieux Jitterbug Waltz de Fats Waller est habillé de neuf et d’audaces. Les thèmes sont aussi puisés dans un répertoire moins connu, mais composé par des musiciens importants : Herzog, de Bobby Hutcherson (qui l’avait enregistré en 1969 avec son groupe, dont le pianiste étatit Chick Core) ; Chance, qui donne son titre à l‘album, est dû à Kenny Kirkland. La pianiste japonaise, installée à New York depuis plus de 10 ans, insiste sur la difficulté de ce dernier titre, qu’elle travaille comme un défi, et une chance tout à la fois…. Quant à sa version de Unconditional Love de Geri Allen, c’est un hommage manifeste à cette très grande pianiste, qui avait gravé ce titre en 2004 avec Dave Holland et Jack De Johnette. Grand disque de trio : qu’on se le dise !

Xavier Prévost

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Le trio sur Youtube

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2 octobre 2024 3 02 /10 /octobre /2024 21:51

Enrico Pieranunzi (piano), Marc Johnson (contrebasse), Joey Baron (batterie)

CAM Jazz 7977-2 / l’autre distribution

Boulogne Billancourt, La Seine musicale, 13 décembre 2019

 

Le premier disque de ce trio, ‘New Lands’, enregistré voici 40 ans et quelques mois, je l’avais écouté dès sa sortie, et tout de suite aimé.

Après tout ce temps, j’aime toujours, et plus encore, ce trio. Le premier thème du CD me rappelle l’une des deux compositions originales du pianiste pour ‘New Lands’ ; et l’on retrouve aussi sur ce nouveau disque un thème que le pianiste avait déjà gravé avec ces deux partenaires voici un peu moins de 40 ans. Avec le temps, Pieranunzi et ses acolytes sont devenus plus libres que jamais. C’est enregistré en concert : ça fuse, ça échange, ça rebondit ; audace, passion et goût du risque à tous les étages. Un indescriptible mélange d’absolue maîtrise et d’ extrême abandon. C’est un festival de plaisir partagé…. Public de La Seine Musicale très enthousiaste, et le chroniqueur itou. À découvrir de toute urgence !

Xavier Prévost

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Un avant-ouir sur Youtube

https://music.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nwIi1hwyYDfA16hRXVAFPz3LCFLE4dvTg

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11 septembre 2024 3 11 /09 /septembre /2024 15:49

avec :

     Guillaume de Chassy (piano),
     André Minvielle (voix),
     Géraldine Laurent (saxophone alto).

Direction artistique : Daniel Yvinec,
Studio Sextan, février 2024,
La C.A.D. / L’Autre Distribution,
À paraître le 13 septembre,
Concert prévu le 16 octobre au BAL BLOMET (75015).

 

     Un chroniqueur des années 30 le dénomma « le Fou Chantant ». C’était l’époque où Charles Trénet (1913-2001) formait un duo vocal avec Johnny Hess (Charles et Johnny) qui n’engendrait pas la mélancolie et cultivait l’amour du swing. Cet art de faire chanter les mots évoquant un univers de rêve trouve aujourd’hui un héraut de choix en la personne de Guillaume de Chassy. Un pianiste au parcours singulier qui affectionne le compagnonnage avec des vocalistes (Natalie Dessay, Laurent Naouri, Elise Caron, David Linx, Mark Murphy…) et navigue à l’aise dans tous les répertoires musicaux (jazz, classique, chanson française avec un hommage en solo à Barbara en 2019).

     Dans ce nouveau défi sans frontières, Guillaume de Chassy, associé à Daniel Yvinec à la direction artistique, a réuni un trio inédit, avec André Minvielle, chanteur, et Géraldine Laurent, saxophoniste alto.
 

     L’innovation est au rendez-vous, André Minvielle, le concasseur béarnais de mots, se lançant dans un scat effréné (Le soleil et la lune, Je chante) et rivalisant de virtuosité sur ce chef d’œuvre de la langue française que constitue « Débit de l’eau, Débit de lait », écrit en 1943 par Trenet et Francis Blanche ou encore sur cet inventaire drolatique à la Prévert, « L’Héritage Infernal ».
    Guillaume de Chassy nous surprend également en retenant une interprétation uniquement instrumentale en duo avec Géraldine Laurent sur deux compositions, « Quand j’étais petit » et « Coin de rue » qui vient clore l’album par une lyrique envolée de 7 minutes.

 

     Avec « TRÉNET EN PASSANT », Guillaume de Chassy nous offre un bien bel hommage au « Fou Chantant » et au poète rêveur : respect des textes subtils et cocasses, mise en musique gorgée de swing ... Un disque hautement recommandable aux amateurs de jazz, de chanson, de musique tout simplement.


Jean-Louis Lemarchand.

 

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7 septembre 2024 6 07 /09 /septembre /2024 20:23
PAUL JARRET  SOLO 2024

 

PAUL JARRET  SOLO 2024

Sortie Juin 2024 / Distribution Digital : Inouïe 

Paul Jarret, guitarist and composer

Pégazz & l'Hélicon (pegazz.com)

 

Paul Jarret solo :

electric guitars, acoustic steel-stringed guitar, acoustic12-string guitar, mandolin, 5-string banjo, virtual B3 organ.

 

Si l’actualité du guitariste Paul Jarret est marquée cette semaine par la sortie de son A. L. E (Acoustic Large Ensemble) chroniqué sur notre site par Xavier Prévost, il ne semble pas inutile d’évoquer son premier solo, sorti en juin dernier.

Publier trois opus différents en leader (PJ5, Solo24 et Acoustic large ensemble) sur une période de 5 mois peut sembler un peu fou mais cette stratégie correspond tout simplement à l’envie, à l’instinct du guitariste franco-suédois!

Paul Jarret a écrit ces treize plages de sons insolites, bande-son d’une continuité conceptuelle intéressante depuis Odd Western, une balade étrange aux riffs hypnotiques qui ouvre l’album jusqu’au final qui ne porte pas le titre Epilog mais Wons eht où l’on retrouve l’imaginaire intériorisé du territoire des ancêtres?

On devient ce voyageur immobile, en partance pour un ailleurs indécis, l’ouest nord-américain ou le grand nord, tous deux désespérément vastes; les guitares recréent les images du genre ou plutôt les contournent, en restant dans une même perspective quand les boussoles s’affolent. Tout un cinéma virtuel se projette dans notre tête à l’écoute de cette musique difficile à qualifier de prime abord qui n’hésite pas à unir post rock bruitiste (Noises, Fuzz) à de l’ambient bien plus planant.

Un solo est une entreprise délicate mais Paul Jarret aime s’adonner à ce genre d’aventures et l’exercice en solitaire était peut être une rampe de lancement pour son projet grand format.

On retrouve en effet une musique qui superpose les strates de son ou les combine dans une recherche maniaque sur les textures et les tuilages. Une douceur  certaine semble au rendez-vous quand le guitariste étire le temps comme s’il voulait assembler les filaments d’une mémoire perturbée. On pourrait également être surpris par des tempi relativement invariables ...si on ne se souvenait de Puissance de la douceur, un projet formidable  constructeur de son identité musicale? C’est qu’il s’agit d’un chaos tout à fait organisé, une dynamique porteuse de résistance à l’oppression. Faire un pas de côté sur une cadence suggestive plutôt qu’une rythmique appuyée dans  un travail d’expérimentation précis sur les sons plus ou moins bruts à partir de divers instruments aux cordes pincées, frottées: guitare acoustique, électrique, douze cordes ... S’entend alors une guitare électrifiée parfois fantômatique aux sinusoïdes marquées pour une musique répétitive voire minimaliste avec boucles, reverb, re-recording avec guitare 12-cordes, mandoline ou banjo. Des ostinatos sur lesquels le soliste peut imaginer un noir et blanc qui reprendrait des couleurs. S'adonner au tissage comme sur la photo de pochette.

Un cheminement harmonique qui met en valeurs reliefs, climats dans un univers pourtant dépouillé, enveloppant jusqu’à l’engourdissement dans Blankets ou Snow .

Qu’importent les bricolages, l’album conserve une unité, une dimension originale et poétique dans le monde floconneux des perceptions quel que soit le style choisi, folk, noisy, ambient ou plus lyrique car Paul Jarret arrive à concocter un magma très personnel dans lequel on demeure en immersion.

Tout un art de petites pièces abstraites souvent, entre deux et trois minutes-sauf la plus lyrique qui est aussi la plus longue Soren’s Home qui raconte une histoire, créant des climats différents même si certains titres ont déjà été joués ou enregistrés dans d’autres contextes : ce Wood aux suspens et bidouillages parasites est en fait une des Ghost Songs enregistrées avec Jim Black, Odd Western, Sören’s Place créées avec Loïs Le Van, Roam Free plus mélodique composé pour PJ5…

Autre attrait de ce solo 2024  la volonté artisanale et écologique de tout faire soi-même.  Le processus de création D.I.Y. (Do It Yourself) implique une maîtrise totale de la création artistique, du défi d’enregistrer et mixer at home jusqu’ au choix d’une distribution uniquement digitale, sans pressage physique sans oublier... la pochette (motif d’un tapis fabriqué par sa grand-mère maternelle) qui a donné le titre Barn på Mattan (en français Enfants sur le tapis).

Très ingénieux, ce solo confirme une vision toute personnelle, actuelle, ouverte, jamais démonstrative mais néanmoins très convaincante.

Sophie Chambon

 

 

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7 septembre 2024 6 07 /09 /septembre /2024 16:47

 

Noël Akchoté, Philippe Deschepper (guitares électriques)

Zürich, 22-23 mai 2024

Ayler Records AYLCD-181 (Orchêstra International)

https://ayler-records.bandcamp.com/album/mmxxiv-ad

 

Ultime publication du label Ayler Records, avec deux absolus francs- tireurs, enfin réunis au disque alors que leurs chemins se sont indirectement croisés, par les groupes auxquels ils ont participé, les musiques et les artistes pour lesquels  ils se sont passionnés. Car reprendre des compositions de Paul Motian, Steve Swallow, Ornette Coleman, Henri Texier…. n’est pas un simple exercice d’admiration : plutôt l’affirmation d’une passion commune pour cette musique, vécue au fil des ans, des groupes, des rencontres…. Des thèmes qu’ils avaient parfois joués avec leurs compositeurs, ou des compositions personnelles qu’ils avaient enregistrées avec l’un des dédicataires de l’album (par exemple Sad Novi Sad, sur le disque éponyme de Deschepper dont Steve Swallow était le bassiste). Admiration et passion communes aux deux guitaristes pour ces héros du jazz moderne, dont résulte cet album gravé sans répétitions, au plus vif des sujets choisis. Sur Mumbo Jumbo, immortalisé par Motian avec Frisell & Lovano, le duo s’en donne à cœur joie, surfant sur les intervalles distendus et le centre de tonalité fuyant : c’est d’emblée une porte ouverte vers l’ailleurs. Puis c’est Cheshire Hotel, signé Akchoté, qui l’avait enregistré avec Sam Rivers (Thollot, Hymas….), Mary Halvorson, Marc Ribot…. Là encore c’est l’envol vers des libertés neuves…. Les deux compères s’évadent tout en dialoguant . Abacus, de Motian, serait plus littéral…. mais ce n’est qu’une illusion : Liberté grande, comme disait Louis Poirier alias Julien Gracq. Je ne vais pas vous détailler par le menu le répertoire, d’ailleurs pendant le programme, la création continue (ou plutôt elle discontinue avec jubilation) , à coups de rebonds, de complicité, d’allusions à peine voilées à d’autres musiciens que ceux convoqués par le répertoire. Dans d’autres cas (She Was Young, de Steve Swallow, illustré naguère par Steve Kuhn, Sheila Jordan & C°) on est plus près du texte originel, mais la liberté ne faiblit pas…. Leurs compositions individuelles ou conjointes procèdent du même esprit : inventivité, musicalité et liberté. Et le disque se termine avec Nebbia, composition de Texier qu’ils ont, je crois, l’un et l’autre jouée sur scène en compagnie du contrebassiste. Un régal de bout en bout. Je dirai même plus : intensément jouissif !

Xavier Prévost

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=xzT3UpHN8Hw

https://www.ayler.com/

Message du 14 juillet sur la page Facebook de Stéphane Berland, artisan du label Ayler Records

«J'espère qu'on dira que je finirai "en beauté" en septembre. On aura "fait le boulot". On se sera "bien amusé". On se sera "ruiné" aussi. Je me fais lentement (pas tant, en fait ; assez rapidement) à l'idée que "tout a une fin". En tout cas, ce sera sans regrets. Rendez-vous en septembre pour célébrer les 25 ans de cette petite maison de disques et sa dernière publication», avec ce message visuel


Les références du catalogue resteront disponibles

 

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