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27 avril 2021 2 27 /04 /avril /2021 09:18
SLEEPER TRAIN   CHESNEL/CHIFFOLEAU/LOUSTALOT/PASQUA

SLEEPER TRAIN

François CHESNEL (p)/ Frédéric CHIFFOLEAU(cb)/ Yoann Loustalot (tp, bugle)/Fred PASQUA(dms)

BRUIT CHIC 2020 /Inouïe

www.sleepertrain.fr


L’argument de cet album Sleeper train est séduisant : qui a passé du temps, voire beaucoup de temps en train, imagine aisément les heures d’attente, souvent interminables pour parcourir ces trajets de plusieurs centaines de kilomètres d’une étape à l’autre. Sleeper train est une réflexion sur le temps « élastique », déclenchée par un avion manqué lors d’une tournée du groupe en Russie, et d’un voyage en train couchette de seize heures pour se rendre au concert suivant . D’où une certaine empathie avec les musiciens en regardant la photographie de couverture. « Le temps est élastique. Avec un peu d’adresse on peut avoir l’air d’être dans un endroit et être toujours dans un autre. » Merveilleux Jean Cocteau qui a toujours le bon mot.

Sur le site du groupe, un quartet né en 2018 avec un premier album Old and New Songs, on peut se faire une idée des concerts de cette tournée à Nijni Novgorod, Kazan, Samara. Des noms qui font rêver, qui débutent le parcours du Transibérien entre Moscou et Pékin. D’où un traditionnel mongol "Ekh ornii magtaal" car on comprend que s’égrène ainsi un parcours musical qui s’ajuste à toute une géographie des transports, pas vraiment amoureux, plutôt affective, qui va de la Russie au Japon, saute d’un continent à l’autre jusqu’en Amérique, Nord et Sud, via La Réunion avec l’hypnotique “Mangé pour le coeur”.La vieille Europe n’est pas oubliée,“Tam Lin” n’est pas oriental, c’est  le titre du guitariste anglais d’Ozma, Tam de Villiers, “Child 39” qui nous emmène aux confins de l’Angleterre sur les Scottish borders.

Cet album constituerait une bande son parfaitement adaptée à un trip dans la Russie profonde, désespérément vaste. Ou n’importe où : c’est la musique d’un film rêvé que le groupe parvient à réaliser. Tous les thèmes (aucune composition du groupe) sont arrangés, revus, si ce n’est corrigés par la pâte spécifique de cette formation sensible, qui recrée une musique qui n’appartient qu’à eux. Le quartet arrive à recréer les images de ce “rail movie”, ou plutôt les contournent tout en restant dans la même perspective horizontale. Que trouve-t-on dans leur Sleeper Train ? 9 titres qui s’étirent sur un peu moins d’une heure, installant un climat crépusculaire, une musique de la prairie, ou de la steppe. Au fil des étapes, le voyage acquiert de la consistance : la trompette et le bugle de Yoann Loustalot savent à merveille envelopper de brume la force du souvenir. Comme dans le deuxième titre, la composition la plus longue étirée, aux accents davisiens “le chemin vers Izumo”. Curieuse composition par ailleurs aux nombreuses ruptures de rythme qui, dans un couchant crépusculaire évoque ensuite davantage un western, concédons Les sept samouraïs plus que les Sept mercenaires. Mais on se sent davantage au pays du Soleil levant avec l’avant-dernier titre “Koruda bushi”, une splendide ukiyo. On est désorienté, perdu et pourtant  protégé dans un temps floconneux et une cartographie floue de destinations qui se substituent les unes aux autres. Ainsi, la ballade "Sanza triste" du Camerounais Francis Bebey renvoie-t-elle à la "Samba triste" du guitariste brésilien Baden Powell? Ou à la saudade avec la clôture de l’album, la chanson “Gente Umilde” de Vinicius de Moraes et Chico Buarque. 

Le piano de François Chesnel, découvert il y a longtemps avec le normand Petit label, à la couverture cartonnée et à la ligne graphique spécifiques, est le partenaire idéal, lyrique sans trop d’effusion, contrepoint à la tristesse du soufflant. Le drive de Fred Pasqua est soutenu, énergique, jamais spectaculaire mais tellement efficace et porteur; la contrebasse de Frédéric Chiffoleau, est active en sous main assise à l’envol du soufflant reconnaissable dans cette tonalité jamais éclatante comme d’autres trompettistes qui se poussent vers le ciel, entretenant des volutes parfois compliquées, interminables. Alors que Yoann Loustalot joue avec le silence qu’il maîtrise, maniant suspension et retrait, chuchotement, effacement harmonisant ses propres déséquilibres à la recherche d’élans lumineux et d’horizons éclatés.

Un album que l’on aime car il nous fait voyager dans l’imaginaire du groupe, et il n’est plus tellement question de tourisme. Rien ne ressemble vraiment à l’idée musicale que l’on se fait des airs de folklore et traditionnels tant ils sont plongés ici dans une lumière noire, riche en nuances….

Sophie Chambon

 


 


 

 


 


 


 

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23 avril 2021 5 23 /04 /avril /2021 10:30

Vijay Iyer (piano), Linda May Han Oh (contrebasse), Tyshawn Sorey (batterie)

Mount Vernon (New York) décembre 2019

ECM 2692 / Universal

 

Un nouveau trio du pianiste, et un disque surprenant : presque classique, entendez le classicisme du trio de jazz moderne (équilatéral, interactif, fondé sur l'écoute mutuelle), et pourtant pétri des libertés musicales qui ont accompagné le parcours de Vijay Iyer depuis ses débuts phonographiques au côté de Steve Coleman, voici plus de 25 ans. Le disque est porté, tout à la fois, par une grande ambition esthétique et par un désir de rester en phase avec le monde tel qu'il est, en l'occurrence la dure réalité états-unienne, avec ses démons immémoriaux qui briment les minorités. La première plage, Children of Flint, est à cet égard, très révélatrice : le pianiste évoque les enfants de cette ville, non loin de Detroit, où les problèmes sanitaires et sociaux mettent à mal la jeunesse afro-américaine, son intégrité et son avenir. Rien qu'une évocation, mélange de mélancolie et d'énergie. Pas un manifeste, juste une création musicale mue par le sens, un sens qu'elle n'expose pas, mais dont elle suggère la teneur, entre tensions et mouvement. Le thème suivant, Combat Breathing, avait été composé pour accompagner une intervention au moment de la première vague du mouvement Black Lives Matter, en 2014. Les thèmes du pianiste sont le fruit de vingt années de composition, ici rassemblés en une œuvre originale qui accueille aussi une version hardie et très renouvelée de Night and Day de Cole Porter, et Drummer's Song, un thème de Geri Allen qui fut pour Vijay Iyer tout à la fois un mentor et une collègue bienveillante. Toutes les compositions mettent en jeu l'énergie, et la recherche d'une densité rythmique qui porte et emporte les lignes mélodiques comme les choix harmoniques. Ce trio est d'un vigueur et d'une pertinence musicales impressionnantes. Augury, plage méditative en solo qui sollicite toutes les ressources de l'instrument, complète ce formidable ensemble.

Xavier Prévost

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22 avril 2021 4 22 /04 /avril /2021 18:27

Yaniv Taubenhouse (piano), Rick Rosato (contrebasse), Jerad Lippi (batterie).

Sear Sound Studios, New-York. 14 janvier 2020. Fresh Sound.

Jeune talent promu par le label Fresh Sound depuis 2014 ('Here from There'), le pianiste Yaniv Taubenhouse nous propose le troisième volet d’une série baptisée Moments in trio. Dans ce format des plus classiques, le groupe constitué avec Rick Rosato (contrebasse) et Jerad Lippi (batterie) déploie une aisance séduisante et swingante  qui n’interdit pas, loin de là, une expression poétique.

Le trio nous emmène sur des chemins (pour reprendre le titre de l’album) propices à la flânerie et à la rêverie. Le leader évoque dans ses compositions (7 sur les 10 titres présentés) des moments particuliers de la vie (les bouchons de la circulation, la prière, la forêt…). Sa reprise de standards tels que ‘You’d Be So Nice To Come Home To’ (Cole Porter) et ‘Boo Boo’s Birthday’ (Thelonious Monk) permettra aux spécialistes de jauger (et juger) ce pianiste israélien diplômé à Tel Aviv et installé depuis une décennie aux Etats-Unis.

 

Un album à déguster.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Dan Balilty.

 

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21 avril 2021 3 21 /04 /avril /2021 14:18

Wes Montgomery (guitare), Hans Koller (saxophone alto), Johnny Griffin & Ronnie Scott (saxophones ténors), Ronnie Ross (saxophone baryton), Martial Solal (piano), Michel Gaudry (contrebasse), Ronnie Stephenson (batterie)

Jazzline Classics D 77078 / Socadisc  (CD + DVD Blu-Ray)

Hambourg, NDR

studio 12, 28 avril 1965 (répétition, DVD Blu-Ray 5 titres)

studio 10, 30 avril 1965 (concert, CD)

 

Pas vraiment inédit si l'on considère que 8 des 10 titres du CD avaient déjà été publiés en CD voici un peu moins de 30 ans sous les labels Philology et Musica Jazz. Mais d'une part cette édition, officielle, est techniquement plus soignée, et d'autre part on y trouve une composition très brillante de Martial Solal, Opening, et en dernière plage une reprise en rappel du concert de West Coast Blues , thème qui se trouve aussi au début du CD. En outre le DVD de la répétition, deux jours plus tôt, est bien inédit, sauf peut-être le dernier titre, apparemment déjà publié en vidéo (Green Line VID Jazz 39), mais je n'ai pas eu l'occasion de le vérifier.... Et il semblerait (si j'en crois le site de Noal Cohen), qu'il subsiste encore du concert huit titres inédits, dont On Green Dolphin Street (thème fétiche de Solal), dont il y a une époustouflante version, également en trio, dans le DVD de répétition.

La répétition comme le concert sont à géométrie variable, du trio à l'octet. Fin mars 1965 Wes Montgomery était à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, en quartette avec une autre rythmique, plus Griffin en invité sur quatre titres. Il existe une trace de ce concert en plusieurs éditions. La répétition filmée le 28 avril de la même année est donc le tour de chauffe du nouveau groupe. Wes Montgomery a fait une série de concerts au Ronnie Scott's à Londres courant avril, dont il existe des traces phonograhiques en quartette, et le batteur de ces enregistrements, Ronnie Stephenson, est le seul à figurer au rendez-vous de Hambourg. La répétition, filmée pour la série 'Jazz-Workshop' de la Norddeutscher Rundfunk, fait entendre un groupe déjà en pleine osmose. Et le concert, sur le CD, a le bon goût de ne pas nous resservir les mêmes improvisations. Bref c'est du très bon jazz, vivant et collectif. La qualité de l'édition et le niveau de la musique rendent ce CD-DVD plus que précieux.

Xavier Prévost

 

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16 avril 2021 5 16 /04 /avril /2021 13:14

Clovis Nicolas, Français basé à New York depuis plus de 15 ans, et Michael Formanek, Californien du New Jersey qui enseignait à Baltimore dans le Maryland, ont en commun de publier ces temps-ci un solo de contrebasse. Pour Michael Formanek, ce n'est pas une première : il avait tenté l'exercice en 1998 avec «Am I Bothering You ?» sous étiquette Screwgun Records, le label de Tim Berne. L'Américain va bientôt avoir 63 ans, le Français affichait tout récemment 42 printemps, et s'ils côtoient des familles esthétiques différentes, leurs disques ont en commun, entre d'autres critères, le goût de l'immersion dans l'instrument et ses multiples langages.

CLOVIS NICOLAS «Autoportrait (solo)»

Clovis Nicolas (contrebasse)

New York, septembre 2020

Sunnyside SSC-4117 / Socadisc

 

Clovis Nicolas a commencé à travailler sur ce projet de solo en septembre 2019, avant la pandémie du Coronavirus 19 donc, mais il lui a fallu attendre un an pour le concrétiser. Maturation pendant une période compliquée, mais finalement éclosion d'un objet rêvé depuis que Clovis Nicolas avait assisté, à Marseille, à un solo de Dave Holland. Après une première esquisse, c'est lors d'une rencontre avec le contrebassiste et producteur Daniel Yvinec que le projet a pris forme, jusqu'à sa réalisation. Le disque commence par une sorte de partita , intitulée After Bach pour bien signifier la référence : un univers où la musique et l'instrument sont indissolubles. Au fil des plages Hot House de Tadd Dameron, immortalisé par Gillespie et Parker, et donné ici dans le dépouillement essentiel d'un univers où la ligne mélodique et les accents ne font qu'un ; et aussi Line Up de Lennie Tristano, autre paradis de l'accentuation et de la syncope, sans oublier Lady Bass, course folle du bassiste qui est sa propre section rythmique. Et puis une version très inspirée, et très libre, du célèbre Body and Soul, emporté très loin de ses bases comme le fit naguère Coleman Hawkins. À quoi s'ajoutent des compositions personnelles qui toutes creusent le sillon de la singularité de cette aventure en solo. Plus loin Solitude d'Ellington, comme un chant de mélancolie profonde, puis un hommage de Clovis Nicolas à sa mère qui l'encouragea à poursuivre sur la voie de la musique. Belle surprise aussi que Jubilate Deo, où le solo de contrebasse précède, comme en miroir, la version pianistique de Kendall Durelle Briggs qui fut pour le bassiste un professeur d'harmonie à la Juilliard School. Pièce maîtresse de l'ensemble : Four Steps, premier thème élaboré à la naissance du projet et bel hommage à Dave Holland qui l'inspira. Et pour conclure retour au standard avec Everything Happens To Me, traité avec une sinuosité amoureuse. Très bel autoportrait que cette déambulation dans les multiples facettes de la contrebasse, du jazz.... et de la musique, tout simplement.

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=d-q1-P573uI

MICHAEL FORMANEK «Imperfect Measures»

Michael Formanek (contrebasse)

Baltimore, 10 septembre 2017

Intakt CD 359 / Orkhêstra

 

Pour Michael Formanek, le projet a été conçu, et enregistré avant la pandémie. Le déclencheur fut le moment où le contrebassiste mettait fin, courant 2017 et après de nombreuses années, à son activité d'enseignant à temps plein au conservatoire de Baltimore. Comme il l'explique dans le très éclairant livret du CD, la plupart des pièces sont improvisées, certaines totalement, d'autres conçues à partir d'une esquisse, mais sans partition. De longues improvisations, d'environ une vingtaine de minutes, élaguées et montées pour réaliser le disque. Et tandis que le contrebassiste jouait, son ami le peintre et illustrateur Warren Linn dessinait ; ses esquisses retravaillées donnèrent ensuite des œuvres graphiques qui illustrent la jaquette du CD et son livret. Démarche singulière donc, qui combine le surgissement de l'instant et l'élaboration a posteriori. Le disque commence par Quickdraw, qui peut s'entendre à la fois comme faire un croquis rapide ou dégainer prestement. Bref on est dans le vif du sujet : l'improvisation croquée par le peintre-dessinateur. Après cet incipit très vif, une mélodie lente et profonde, On The Skin, à fleur de peau, s'aventure aussi dans des méandres musicaux qui déjà nous entraînent loin de nos repères. Puis c'est un voyage aventureux dans des modes de jeu, à l'archet ou en pizzicato, qui font parler l'instrument sur le terrain de l'expressivité autant que de la densité musicale. Torrent rythmique ou mélancolie chantante, toutes les facettes de l'instrument, et de la musique, sont dévoilées, avec l'ardeur d'un artiste pour qui la maîtrise instrumentale n'est qu'un moyen de tutoyer les sommets. Et pour conclure The Stand, qui nous ramène aux fondamentaux de l'instrument dans le jazz : belle escapade solitaire dans les immenses possibilités de la contrebasse. Et belle réussite !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Bandcamp

https://michaelformanekintakt.bandcamp.com/album/imperfect-measures-2

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15 avril 2021 4 15 /04 /avril /2021 17:33

Joseph Bijon (guitares), Benoît Keller (contrebasse), Clément Drigon (batterie)

Chalon-sur-Saône, août 2020

Ark MO 117406 / Inouïe Distribution

 

Plaisir de retrouver ce trio, entendu au festival 'Jazz à Couches' en 2019. Et plaisir toujours d'écouter les deux jeunes musiciens (le guitariste et la batteur) épaulés par un bassiste qui a une vingtaine d'années de plus qu'eux, et participe pleinement à leur enthousiasme créatif. Il ne signe qu'une composition quand ses partenaires s'octroient le reste (à l'exception du sublime Falling Grace de Steve Swallow). Mais sa présence est forte dans cette entreprise musicale résolument collective. On entre dans le disque par une plongée folky dans ce qui pourrait être l'Ouest états-unien tel qu'une vision fantasmatique et culturelle nous le donne à rêver. On ne peut s'empêcher de penser à Bill Frisell, et aussi à certains groupes scandinaves qui cultivent cette liberté de faire chanter une sorte de mélancolie qui chatoie dans les lignes des guitares et dans le jeu subtil du tandem basse-batterie. Et bien avant de découvrir la reprise de Steve Swallow (l'avant-dernière plage) on sent vibrer cet esprit qui conjugue lignes mélodiques et chemin harmonique dans le scintillement d'une sonorité douce et d'une basse chantante. Puis sur sa composition Benoït Keller nous gratifie d'une très belle intro bluesy, et c'est l'esprit du blues qui flotte ensuite sur le trio. La guitare chante, rit et pleure d'un même geste musical, tandis que la batterie donne une sorte de lancinement retenu : magnifique d'intensité expressive ! Tout le disque est à l'aune de ces contrastes, parfois très vifs, mais toujours négociés avec une grande délicatesse. Beau disque, lyrique et subtil. Quand il se termine, on jurerait que la guitare rêve de musique écossaise, en une sorte de procession flamboyante. Et juste avant, Falling Grace nous a délivré la quintessence du message : la musique est un don d'une divinité qui ne serait, peut-être, que la beauté.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

Plus de détails sur https://arktrio.fr/

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15 avril 2021 4 15 /04 /avril /2021 13:49
JULIEN BRUNETAUD TRIO        FEELS LIKE HOME

JULIEN BRUNETAUD TRIO

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Label FRESH SOUND NEW TALENT

 

MUSIC | JULIEN BRUNETAUD

Playground | JULIEN BRUNETAUD

 

Sortie le 9 Avril 2021

 

Le patron exigeant de Fresh Sound New Talent, le catalan Jordi Pujol, en entendant jouer Julien Brunetaud à Barcelone, a reconnu une manière rare chez un jeune musicien actuel, du jazz soul, une approche de styles précise et experte.

C’est une couleur particulière qui s’entend immédiatement dans le nouvel album du pianiste “Feels like home”. Le titre de l’album sonne comme une évidence : on est en terrain de connaissance, rien à dire, Julien Brunetaud connaît ses classiques et l’art du piano en trio, il le maîtrise d’Errol Garner à Nat King Cole, sans oublier Mc Coy Tyner ou Oscar Peterson. S’il ne chante plus comme sur ses précédents albums, son piano le remplace. Venu s’installer à Marseille, il y a 3 ans, alors qu’il est originaire comme le batteur Mathieu Chazarenc d’Agen, il y a pris ses marques. Et ne se sent pas du tout “exilé” comme l’écrivait un journaliste de Sud Ouest! Comme tous les néo-arrivants, il y est heureux, d’autant que, pas fou, il a choisi de s’installer en bord de mer, dans le quartier animé de la Pointe Rouge, tout près des plages et des calanques. Deux de ses compositions font d‘ailleurs référence à la Méditerranée, “Red’s Point” (!) et “Le Grand Bleu”, peut être la seule mélodie plus mélancolique, qui nous prend à revers.

De l’aisance et de la fluidité, une légèreté sans aucune facilité, toute la beauté de musiques qui font dériver loin des ennuis quotidiens. Julien Brunetaud aime le blues, il vient de là, première constatation. Il raconte que c’est le pianiste chicagoan Otis Spann, accompagnateur de Muddy Waters qui lui a donné envie d’apprendre le piano. Et pas la guitare. Le blues comme une approche simple pour se lancer dans l’improvisation, jouer modal sur tout un morceau.

Il a acquis une belle expérience en faisant le métier sur les routes, en accompagnateur de lharmoniciste Nico Wayne Toussaint, dans la grande tradition de la musique américaine. On croirait entendre un vieux routier des clubs outre atlantique, tant son toucher est ferme avec une redoutable maestria dans les attaques. Il connaît les standards et cela s’entend, même si ce CD, son 5 ème, est composé de dix compositions originales et d’une seule reprise de “Let it be”, suffisamment arrangée par ses soins pour que l’on ne pense pas trop à l’original.

De la fusion rhythm & blues, soul et jazz, il se tourne vers la pop et le funk et cet univers composite ne lui fait pas peur. Il connaît aussi le boogie “Emma’s smile”, le stride, et avec ses comparses, ils arrivent à improviser, atteignant la véritable essence de cette musique; dans “Garfield’s groove”, ça joue, ça chante, on entend comme des effluves de Francis Lai, ce qui ferait une B.O de rêve. “Sael” est un portrait lumineux, une très jolie mélodie, une chanson délicate comme celles que savait écrire Trenet, subtil équilibre entre rêve de vie et joie de vivre!

Privilégiant le rythme autant que la mélodie, Julien Brunetaud arrive à un compromis idéal avec un trio soudé favorisant l’échange, multipliant à l’envi des fragments de citations, comme des petit bouts rimés, avec un entrain communicatif “Nola”

Le montage est habile, la musique gagne en intensité, allant crescendo sans qu’aucune chanson ne se ressemble, emportant tout en un tourbillon enivrant. Le dernier titre commence comme une attaque de Mc Coy, une tournerie légère et rapide.

Julien Brunetaud a trouvé les partenaires idéaux et du cru, qui savent s’adapter à toutes circonstances. Sam Favreau à la contrebasse a cette solidité terrienne qui en fait le pilier du groupe et Cédric Bec, léger, voire aérien aux balais, drive de façon enjouée et rebondissante.

Il faut absolument l’écouter en live ce groupe, il “mettra le feu”, ce trio; et si cet album ne vous rend pas euphorique, ne cherchez plus d’excuse, votre cas est sérieux, consultez ou allez-vous faire vacciner!

 

Sophie Chambon

 

 

JULIEN BRUNETAUD TRIO        FEELS LIKE HOME
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12 avril 2021 1 12 /04 /avril /2021 22:41

Nicolas Stephan (saxophones ténor & alto, voix), Basile Naudet (saxophone alto, guitare), Louis Freres (guitare basse), Augustin Bette (batterie)

Bagnolet, juin 2020

Discobole Records SD 012021 / Modulor

 

Paar Linien, groupe et disque éponymes : le saxophoniste Nicolas Stephan, compositeur du répertoire, familier de la culture et de la langue allemandes, précise que cela peut se traduire par «quelques lignes». Quelques lignes musicales lancées dans le travail collectif pour que surgissent les inspirations et les accidents, les deux se révélant fécond(e)s. Le saxophoniste ne nous est pas inconnu : membre actif du Surnatural Orchestra, il nous avait aussi livré en 2017  'Unklar' et un très étonnant CD Roman & Musique, chroniqués en leur temps ici même. Avec ce groupe, c'est une sorte de déconstruction/reconstruction musicale qui se joue. Le groupe a surgi d'une rencontre de Nicolas Stephan & Basile Naudet au sein du Surnatural Orchestra. Le rock et son désir souvent sous-jacent de continuum se conjugue aux glissements rythmiques et aux audaces mélodico-harmoniques issu(e)s du jazz contemporain, d'Ornette Coleman et Henry Threadgill à l'autre Coleman, Steve. On croirait cheminer dans un dédale mais les formes surgissent, tout à tour, avec acuité, nous entraînant dans une sorte de vertige où la taxinomie n'est plus de mise. C'est grisant. Et la magnifique couverture du CD, une photo signée Julie Blackmon, qui se pare des ambiguïtés de la peinture hyperréaliste états-unienne, ajoute encore au vertige. On se laisse embarquer, sans réserve(s).

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Bandcamp

https://nicolasstephan.bandcamp.com/album/paar-linien-2

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11 avril 2021 7 11 /04 /avril /2021 18:21

Edward Perraud (batterie, composition), Bruno Angelini (piano), Arnault Cuisinier (contrebasse)

Invité sur 2 plages : Éric Truffaz (trompette)

Amiens, 8-12 septembre 2020

Label Bleu LBLC6740 / l'autre distribution

 

Un musique inspirée par un poème en prose de Baudelaire, Anywhere out of the world, qui commence ainsi : «Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit». De ce sombre incipit le poète fait une exhortation à l'évasion qui se conclut à la page suivante par ces mots : «N'importe où ! N'importe où ! Pourvu que ce soit hors de ce monde». Edward Perraud en fait son miel, pour nous entraîner loin de nos bases. Pourtant souvent la composition part d'un terrain harmoniquement familier, sur quoi se greffe une mélancolie mélodique qui nous parle. Et chaque fois le développement, les bifurcations et les improvisations nous ouvrent les portes d'un ailleurs insoupçonné. Formidable pertinence des trois instrumentistes : Bruno Angelini et Arnault Cuisinier sont comme Edward Perraud les maîtres d'infinies nuances. Et le trompettiste Éric Truffaz n'est pas de reste, posant son expressivité retenue sur ces univers diaphanes sans chercher jamais à briller, mais seulement à se joindre à l'émoi collectif. Sur les plages où le rythme s'emporte, la densité de l'émotion demeure. Dans le livret du CD Edward Perraud énumère une foule d'expressions qui nous entraînent hors de tel univers, référence, règle, comparaison ou conduite. «Hors du temps... HORS TEMPS» est sa conclusion. C'est là que nous le suivrons, avec enthousiasme, en contemplant sur la jaquette et dans le livret les belles photos prises par le batteur compositeur, qui est aussi photographe. Et nous effleurons un autre univers baudelairien : L'Invitation au voyage....

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

 

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6 avril 2021 2 06 /04 /avril /2021 11:29

BAPTISTE BOIRON, BRUNO CHEVILLON & FRÉDÉRIC GASTARD «Là»

Baptiste Boiron (saxophones alto & ténor), Bruno Chevillon (contrebasse), Frédéric Gastard (saxophone basse)

Bignan (Morbihan), 21 février 2020

Ayler Records AYLCD 166-167

https://ayler-records.bandcamp.com/album/l , ou Orkhêstra

 

Instrumentation singulière, et singularité de cette musique qui porte la marque de de son initiateur, le saxophoniste Baptiste Boiron, et de son itinéraire personnel : formé à la musique contemporaine, mais aussi baigné de Bach ou Debussy, ce musicien s'est également frotté aux improvisateurs du jazz d'aujourd'hui, de Jacques Di Donato à Médéric Collignon en passant par quelques autres saute-frontières experts en expressivité transgressive.... Et les partenaires qu'il s'est choisis pour ce trio, créé lors d'une résidence au Centre d'Art de Kerguéhennec, sont des orfèvres en audace, liberté et maestria instrumentale autant que musicale. Il en résulte un double disque qui fourmille d'escapades esthétiques. La musique est exigeante, les formes sont élaborées, et pourtant tout cela respire la liberté, le bonheur de créer, de risquer, de découvrir au détour d'une barre de mesure une bribe d'inouï, pour la cultiver, la magnifier. La première plage du premier CD (c'est un double) part sur une ligne de basses (contre- et sax itou) comme en produit le jazz, mais on s'engouffre vite dans un univers répétitif (pas rigide, mais souple, bondissant) pour s'évader en vertige improvisé. Puis ce sont des sons et modes de jeu extrêmes, dispensateurs d'un ailleurs plus que dépaysant. Plus loin encore une procession concertante de sons mélancoliques, une joyeuse farandole qui se dissout dans une sorte de drame lyrique, et au fil des plages l'intimité de la musique de chambre qui croiserait des univers de tensions radicales. Je ne vais pas poursuivre un vain catalogue pauvrement descriptif, mais plutôt vous inciter à découvrir ces paysages aussi riches que mystérieusement imprévisibles. Au fil des plages vous croiserez un thème d'Ellington, un autre de Coltrane, une mélodie de Jarrett, sans oublier de multiples hommages travestis d'anagrammes autour des noms de musiciens inspirateurs. Un petite incursion sur Bandcamp vous permettra de goûter cette chasse aux mystères de l'admiration. Et un tour du côté de Youtube vous procurera un avant-ouïr qui devrait vous donner le goût de persévérer dans ce labyrinthe hautement créatif, et très jouissif.

Xavier Prévost 

 

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