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25 novembre 2020 3 25 /11 /novembre /2020 13:13

Fanny Ménégoz (flûte, flûte alto, piccolo, voix), Clea Torales (saxophone alto, flûte, voix), Camille Sechepper (saxophones alto & baryton, clarinette), Baptiste Bouquin (saxophone alto, clarinette, voix), Jeannot Salvatori (saxophone alto, cavaquinho, voix), Basile Naudet (saxophone alto), Guillaume Christophel (saxophone ténor, clarinette basse, clarinette, voix), Nicolas Stephan (saxophone ténor, chant), Fabrice Theuillon (saxophone baryton), Pierre Millet (trompette, bugle), Julien Rousseau (trompette, bugle, euphonium), Antoine Berjeaut (trompette, bugle, synthétiseur), François Roche-Juarez (trombone, voix), Hanno Baumfelder (trombone, voix), Judith Wekstein (trombone basse), Boris Boublil (claviers, synthétiseur, guitare, piano, voix), Fabien Debellefontaine (sousaphone), Emmanuel Penfeunteun (batterie), Sven Clerx (percussion)

plus, sur certaines plages :

Morgane Carnet (saxophone baryton), Robin Fincker (clarinette), Ianik Tallet (batterie) et le petit chœur de Faux-la-Montagne.

Bagnolet, 21-23 janvier 2020

Collectif Surnatural COLLSUR 1118 (CD, Vinyle et téléchargement) https://surnaturalorchestra.bandcamp.com/album/tall-man-was-here

 

C'est la version phonographique d'un concert-spectacle né voici tout juste deux ans, avec cette musique conçue collectivement, et que le disque nous livre comme un objet purement sonore. Je n'ai pas assisté au concert-spectacle, et j'écoute cette musique comme un pur imaginaire.

Le CD est contenu dans une petite boîte de bois brut, noire comme un tableau d'école. D'ailleurs la boîte contient, outre le disque et le livret, une belle craie blanche qui exhale un parfum d'enfance et de passé, mais rappelle aussi l'inscription des doléances, à même le sol, dans la version scénique, et aussi la calligraphie des images liées au disque, dessinées par les membres du groupe. Le disque ne réplique pas le concert-spectacle, il en conserve l'essentiel, musique et texte, transmissible par l'enregistrement audio. La musique est l'exact reflet de l'univers porté, de disque en concert, et de concert en disque, par le Surnatural Orchestra : direct mais raffiné, joyeux mais lucide, et grave quand il le faut, transgressif mais relié à l'histoire, et toujours résolument collectif. Le goût des fanfares, des chœurs et des effets de masse résonne en ma mémoire comme un écho de Carla bley, Willem Breuker, mais aussi de Centipède, le monumental orchestre de Keith Tippett ; la liste n'est pas close. Un écho que j'ai souvent entendu (fantasme d'auditeur un peu âgé....) dans l'aventure du Surnatural Orchestra, qui pourtant conserve et cultive sa singularité. C'est un opéra autant qu'un manifeste, un concert autant qu'une invitation à la liberté, avec des solistes remarquables dont les improvisations fracturent le voile de la narration. L'objet, comme la musique, est unique. Décidément, le Surnatural Orchestra est irremplaçable.

Xavier Prévost

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Extrait vidéo d'une répétition du concert-spectacle en 2018

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24 novembre 2020 2 24 /11 /novembre /2020 14:57

Serge Lazarevitch (guitare), Ben Sluijs (saxophone alto, flûte alto), Teun Verbruggen (batterie, électronique)

Anderlecht (Belgique) 2018

Rat Records CD-RAT 046 / www.ratrecords.biz

 

Après «Free Three», publié voici un peu plus de 4 ans (Igloo Records IGL 266), avec Nicolas Thys à la contrebasse, voici «Still Three, Still Free», où la basse cède la place au saxophone de Ben Sluijs. Parce qu'il y a au répertoire une composition de Paul Motian, et aussi à cause de l'instrumentation, de la couleur de certaines plages, on est tenté de penser au trio qui associait Paul Motian, Bill Frisell et Joe Lovano. Mais cela dit assez peu de ce disque singulier, même si l'on se souvient que, voici plusieurs décennies, Serge Lazarevitch succéda à Frisell dans le groupe du saxophoniste belge Steve Houben. Il l'avait croisé aux USA, durant ses études au Berklee College de Boston, et son début de carrière là-bas, quand il avait étudié avec Mick Goodrick, enseignant majeur à Boston pour tous les guitaristes. Et ce trio ? Le batteur est né l'année même où le guitariste commençait ses études de jazz à Boston, et le saxophoniste appartient à la génération médiane entre ses deux partenaires. Le titre de cet opus collectif annonce la couleur : encore et toujours libre(s). Libres d'aborder des territoires différents, libres de s'offrir en ouverture une ballade sinueuse (je pense à Motian, déjà....) au titre faussement connoté (Georgy On My Mind). Puis de bifurquer vers une impro collective pleine de fougue, avant une méditation nimbée de mystère, et un plongeon très personnel dans la déconstruction d'un thème de Monk (Evidence). Liberté d'improviser sur ce matériau segmenté qui se recompose dans le solo de sax, tandis que guitare et batterie fragmentent : jouissif ! Puis c'est un thème d'Ornette, lyrique et distendu avant de devenir anguleux (mais moins que dans la version princeps). Une autre courte impro collective, puis du lyrisme à l'état pur, et le thème de Motian, Drum Music , ou comment faire chanter la batterie sans fracas sur des méandres mélodiques qui nous emportent. On aura aussi le timbre troublant de la flûte alto pour un voyage oriental, avant la plage conclusive sur Les Baricades Misterieuses (orthographe dix-huitième siècle garantie) de François Couperin. Bref un très beau voyage de musicalité, de jeu collectif et de liberté. Grande réussite.

Xavier Prévost

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23 novembre 2020 1 23 /11 /novembre /2020 11:44
MICO NISSIM   TRACES

MICO NISSIM

TRACES

Trois Quatre/Absilone

 

http://www.miconissim.com/

 

https://music.youtube.com/watch?v=ShvqwVbCxUI&list=RDAMVMShvqwVbCxUI

 

Enregistré sur un Steinway de concert, juste avant le premier confinement, ce piano solo, troisième essai de Mico NISSIM, est parfaitement transformé. Devenu lieu d’expériences où le hasard a son mot à dire, Traces renvoie à des moments sans doute marquants, autant de signes qui ne répondent à aucune nostalgie, malgré l’apparence du souvenir, à travers des échos délicats où le jazz revient superbe, vif comme dans ce “Felicity moon”. Ou encore la musique d’un film rêvé, muet, avec un rythme heurté, saccadé comme dans cet insolite “Ampelmann” (figures des feux en Allemagne de l’Est)?

Dans cette collection de petites pièces courtes qui parlent au coeur,  une fluidité mélodique parcourt les divers solos qui racontent presque toujours une histoire, souvent mélancolique que la magie de quelques accords éclaircit “My yiddish song” ou “Plumbago for ever”.

Un recueil de petites pièces pas si faciles, malgré leur apparente simplicité, où le pianiste suit le fil de ses pensées, dévoilant le thème avec finesse, avec des associations libres qui permettent de s’engager sur une piste. Certains titres semblent s’imprimer instantanément, rappels d’un autre temps, la reprise de “la Pavane” de Fauré et celle de la chanson de Nougaro “L’ île de Ré”, même  arrangées de façon très personnelle. Le sens de la concision intensifie le propos sans atténuer la qualité lyrique du piano.

On est ainsi assez vite dans un arrière pays connu, mais étrangement familier, un peu dérangeant. C’est que l’émotion affleure, toujours masquée, jouant des dissonances pour casser un effet attendu ou par trop sentimental.

Un album à découvrir, concocté par un musicien éclectique au sens anglosaxon, qui a beaucoup composé, accompagné et vécu de très nombreuses expériences musicales, ne refusant jamais une aventure qui se proposait. C’est ainsi qu'il a su intégrer toutes ces influences qui l’ont traversé. 

Lumineux, plus qu’un “best of” intime, voilà un émouvant journal, tout en délicatesse et néanmoins rythmé. Ces traces constitueraient elles un autoportrait? Un album insolite, qui sans être en rupture, laisse une marque singulière, en tous les cas. Et se referme sur un épilogue  un peu plus crépusculaire qui suspend provisoirement l’histoire.

Cette performance mériterait d’être suivie en live évidemment mais on découvre déjà avec ce CD, la teneur de cette aventure où il est question de moments poétiques.

Sophie CHAMBON

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20 novembre 2020 5 20 /11 /novembre /2020 22:17

Mélissa Acchiardi (vibraphone), Christophe Gauvert (contrebasse), Clément Gibert (clarinette, clarinette basse, saxophone alto), Guillaume Grenard (trompette, bugle, flûte), Christian Rollet (batterie)

Label ARFI AM 069 / l'autre distribution & www.lesallumesdujazz.com/

 

Autour de Christian Rollet, membre de l'ARFI 'canal historique', une nouvelle génération rassemblée par le saxophoniste-clarinettiste Clément Gibert (fils d'un autre membre historique, aujourd'hui disparu, Alain Gibert). Tous ensemble pour revisiter, à leur façon, ce monument que fut, et demeure, «Out to Lunch !», célébrissime album d'Eric Dolphy, et l'ultime si l'on s'en tient aux publications anthumes (enfin pas vraiment, car Dolphy est mort à Berlin en juin 1964, et le disque a paru sous étiquette Blue Note deux mois plus tard. Mais cela le distingue des toutes les bandes qui ont été exhumées ensuite).

 Mélissa Acchiardi ©Philippe Malet

Comme le disque inspirateur, celui-ci commence par Hat and Beard, dans une version relativement proche dans sa structure (c'est Mélissa Acchiardi qui ouvre la séquence), et dans le traitement, de la version princeps. Cette relative fidélité sera ensuite abandonnée, et c'est tant mieux, car l'essence du projet est précisément d'aller vers l'infidélité, comme le laisse entendre le titre de l'album. J'ai d'ailleurs le souvenir que, un an exactement avant la sortie de ce disque, le 13 novembre 2019 au festival D'Jazz de Nevers, le groupe avait donné en ouverture une version assez fidèle à l'original, pour offrir en rappel une autre version du même thème, bien différente. On ne saurait mieux résumer l'essence de cette aventure musicale. Le présent disque bouleverse ensuite l'ordonnancement de l'opus inspirateur, puisqu'il aborde en plage 2 Gazzelloni, hommage à un célèbre flûtiste italien (interprète de la Sequenza per flauta solo de Luciano Berio), troisième et dernière plage de la face A du 33 tours originel de Dolphy. Heureuse distorsion qui livre le présent disque à sa revendication légitime de singularité. Ici c'est la batterie de Christian Rollet qui ouvre une danse de liberté.

 Christophe Gauvert & Christian Rollet ©Philippe Malet

La flûte est jouée par le trompettiste-bugliste Guillaume Grenard (pas plus flûtiste chevronné que ne l'était Dolphy, lequel n'était pas un virtuose à la Severino Gazzelloni, mais là n'est pas la question), et elle fait son entrée soutenue par la clarinette, avec laquelle ensuite elle dialogue très librement. On est exactement dans l'esprit de liberté légèrement transgressive du disque de Dolphy : prendre son essor, et ne surtout pas jouer les épigones.

 Guillaume Grenard & Clément Gibert ©Philippe Malet

Puis on en vient à ce qui était le titre 2 de l'album originel, avec encore une fois un traitement très différent. Cette liberté même est le plus bel hommage que l'on puisse rendre à Dolphy, dynamiteur dont la carrière fut hélas trop courte, mais qui en son temps bouleversa le langage du jazz au moins autant que Coltrane, mais dans une voie singulière. Je ne vais pas détailler toutes les plages. Sachez simplement que les trois suivantes sont des originaux (deux de la plume de Clément Gibert, un de Guillaume Grenard), qui sont à la hauteur de l'enjeu : celui de la liberté et de la créativité. Et pour conclure on revient au répertoire du disque : Out to Lunch et Straight Up and Down, avec notamment, dans des climats et des tempi différents, de belles stimulations de la contrebasse de Christian Gauvert pour installer l'intensité du discours. Bref c'est un très beau disque, dans l'esprit du projet comme dans son accomplissement. Et cela redonne sens à l'idée d'hommage, trop souvent galvaudée par excès de servilité.

Xavier Prévost

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Des infos

http://pointbreak.fr/arfi-dolphy/

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Des avant-ouïr sur Youtube

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18 novembre 2020 3 18 /11 /novembre /2020 11:30

Michael Alizon (saxophones ténor & soprano), Jean-Charles Richard (saxophones baryton & soprano), Benjamin Moussay (piano électrique, synthétiseur, effets), Jozef Dumoulin (piano électrique, synthétiseur, effets), Franck Vaillant (batterie)

Strasbourg, février 2020

Label Oh ! COH 0010 / Inouïe Distribution

 

Souvenir d'avoir écouté (et même présenté sur scène) Michael Alizon, au sein de l'orchestre de Bernard Struber, et d'avoir été frappé par sa personnalité musicale. Le retrouver avec son quintette, en excellentissime compagnie, m'est un vrai bonheur. La trame (concept ? inspiration ?), c'est l'univers en expansion. Vaste sujet, qui excède largement les limites de la musique, encore que la création musicale, quand on y réfléchit, est en perpétuelle expansion, et l'on peine à lui dessiner quelque limite.... Les vertiges de la cosmologie nous entraînent très loin de la cosmogonie d'Hésiode, et des chimères pré-socratiques. Mais finalement, ce sont ces chimères qui nourrissent notre imaginaire, le télescope Hubble, et la cosmologie contemporaine, et prospective, repoussent si c'était encore possible l'horizon de notre imaginaire. Mais c'est la musique qui nous requiert. Au début, d'un unisson mystérieux va surgir un peu de ce monde que nous allons découvrir, improvisations (ténor, claviers) ponctuées de fractures et de riffs entêtants. Plus loin le baryton paraît mener la danse en sortant de sa tessiture de confort. Constamment la finesse des harmonisations s'insère dans le lancinement des rythmes et de l'ostinato. Mais cette marche ordonnée jamais n'entame l'expression, ni ce sentiment de liberté produit par une musique qui suit son chemin en fédérant les initiatives individuelles. Puis vient une débauche de rythmes et de riffs qui vont assurer la transition du mystère à l'effervescence. C'est construit, pensé comme un ensemble compositionnel, et pourtant l'on devine que chacun se sent libre dans cette totalité en mouvement. La conclusion est plutôt douce, comme une fenêtre ouverte vers la limite sans cesse repoussée d'un mode toujours à imaginer. Il reste maintenant à explorer musicalement le multivers, cette entité cosmique où de multiples univers se développeraient. Anaximandre versus Hésiode, en quelque sorte. Pour peu que, là aussi, l'expansion soit de mise, les arts qui s'inspirent de ce thème ont de beaux siècles d'avenir.... En attendant ce futur aléatoire, écoutez ce très très bon disque

Xavier Prévost

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On aurait dû les écouter cette année au festival Jazzdor mais le confinement en a décidé autrement. Voici, au festival Jazzdor 2019, une préfiguration de la musique que l'on retrouve sur le disque 

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17 novembre 2020 2 17 /11 /novembre /2020 09:31
KATHRINE WINDFELD ORCHESTRA  ORCA

KATHRINE WINDFELD ORCHESTRA

ORCA

Label Stunt Records

 

www.windfeldmusic.dk

 

 

Une histoire d’eaux, de mers et d’océans, de peuples sous marins … Nous sommes en Scandinavie avec le très grand orchestre à la tête duquel règne la sirène Kathrine Windfeld.

Celle qui est née dans l’archipel danois de South Funen, dans la ville portuaire de Svendborg, est fascinée par l'effet aquatique. Avec ce troisième album, la jeune compositrice, pianiste et révélation danoise, a conçu toute une histoire autour de l’orque marine, ce “charmant” animal, pourtant redoutable prédateur des baleines, (ne la surnomme t-on pas d’ailleurs “killer whale” en anglais ?).

8 compositions plutôt longues dont la plupart évoquent la forme de l’eau, l’eau dans tous ses états et l’univers mystérieux des fonds sous marins. Celles qui ne sont pas inspirées par l’élément marin, renvoient tout de même à la nature “Harvest”, notable par une belle intervention de la pianiste.

Une symphonie écologique qui adopte l’idiome jazz dans lequel les Scandinaves sont à l’aise, tant ils sont ancrés dans l’histoire de cette musique.

Une formation cuivrée et musclée de 16 instrumentistes majoritairement suédois et danois, avec l’exception notable d’un Hongrois, le saxophoniste ténor Gabor Bolla : place aux vents (quatre trompettes, 4 trombones, 6 saxophones dont un baryton et 3 ténor) et une section rythmique puissante dotée d’une guitare. Les compositions permettent aux instrumentistes de magnifier les échanges, de jouer des unissons, variant et multipliant les effets de timbres et de couleurs sans oublier de se livrer à des solos remarqués. Une structure impeccable, équilibrée dans l’écriture, qui raconte ces histoires quotidiennes comme ce “ Ferry” qui rythme les traversées incessantes qui marquent la vie nordique, énergique et rude au bord d’une mer qui n’a rien à voir avec la mare nostrum.

Bref, un opus symphonique, exotique, c’est à dire dépaysant par le thème déroulé avec une belle continuité qui en fait un vrai concept album, la maestria avec laquelle cette musicienne dirige son groupe, les grands formats étant rares de nos jours.  Soulignons enfin le talent des interprètes au style vif, dans un courant mainstream qui parvient à installer des reflets et climats impressionnistes.

 

Sophie Chambon

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16 novembre 2020 1 16 /11 /novembre /2020 13:59

Sylvaine Hélary (flûtes traversières, voix, compositions), Antonin Rayon (orgue Hammond, synthétiseur, piano, clavinet), Benjamin Glibert (guitare, guitare basse), Christophe Lavergne (batterie)

Moulins-sur-Ouanne, juin 2020

Ayler Records CD-164 / http://www.ayler.com/glowing-life.html

 

Absolue singularité de ce nouveau disque de la flûtiste, si l'on se réfère à ce que l'on croyait connaître d'elle. Pour évoquer le scintillement de la vie, des sonorités électriques, un climat qui oscille entre le rock, le rock progressif, la musique expérimentale et la pop (très) sophistiquée ; et aussi densité de la musique et des textes, mystère des télescopages entre climats et instrumentations, recours aux paroles, parlées ou chantées (sources : la plume de Sylvaine Hélary, mais aussi de P.J. Harvey & Éric Vuillard). C'est comme un puzzle aussi mystérieux que labyrinthique dans lequel on peut se perdre avec délices, et même avec quelque effroi, quant à nos facultés d'intellection, devant cet objet dont nous cherchons à cerner le contour sans le saisir. Il faut y revenir. Du rythme littéralement déconstruit de la première plage va surgir une ballade mélancolique, relayée à l'étape suivante par un texte dit sur un martèlement lancinant, et tout se résout dans une improvisation de l'orgue, suivi d'une coda qui convoque à nouveau le texte dans un dernier envol. Dans la plage suivante Sylvaine Hélary revient en flûtiste, timbre expressif et circonvolutions sur un accompagnement anguleux d'où surgira un dialogue avec les claviers. Puis nous rentrons dans l'espace où paraît se dévoiler le projet, entre expérimentation et expression. Depuis le début la musique, tantôt suave, tantôt brûlante, et toujours aux aguets, nous a conduits à la longue plage conclusive, explosive autant que lyrique, et qui remue chez le vieil amateur que je suis la nostalgie du rock progressif. C'est plein de méandres, de fausses pistes, et donc intensément jouissif.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Vimeo, en octobre 2019 au festival Atlantique Jazz 

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15 novembre 2020 7 15 /11 /novembre /2020 15:37

Sylvain Rifflet (saxophone ténor), Jon Irabagon (saxophones mezzo-soprano & sopranino), Sébastien Boisseau (contrebasse), Jim Black (batterie)

Budapest, 22-24 janvier 2020

BMC Records BMC CD 296 / Socadisc

 

J'écris ces lignes au moment même où, à Quimper au Théâtre de Cornouaille, on aurait dû écouter ce groupe. Le confinement en a décidé autrement mais je conserve, très vif, le souvenir du concert du 3 avril 2019 au festival Banlieues Bleues. Ce disque, enregistré quelques mois plus tard, fait revivre ce projet un peu fou : dire, en musique et avec la musique, les combats, la rébellion de ceux et celles qui s'insurgent contre la tyrannie, l'injustice, l'inégalité, le préjugé, la violence (qu'elle soit faite aux humains ou au climat). On commence avec l'hyper lyrique discours de Malraux pour accueillir l'arrivée des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Un extrait seulement du discours, dans lequel la musique s'insinue, épousant parfois le phrasé de l'orateur, rappelant que musique et prosodie sont liées par une sorte de complicité originelle. Puis c'est un traditionnel irlandais, Factory Girl, musique de lutte arrangée par Sébastien Boisseau, avant une marche forcée de la rythmique et des sax sur une intervention de Greta Thunberg à la COP24, en 2018 à Katowice. Ensuite c'est encore une musique de combat sur un texte d'Emma Gonzales, militante pour le contrôle des armes à feu aux USA. Et l'on bifurque vers un texte féministe d'Olympe de Gouges dit par Jeanne Added, dont l'électronique traite la voix, tandis que la musique emporte ce discours de libération avec une tranquille assurance. Sur la voix de Paul Robeson, chanteur de gospel mais aussi militant communiste, et l'un des héros du combat contre la ségrégation raciale, la musique à nouveau épouse les contours de la parole avant de s'émanciper avec audace, et de revenir au commentaire, très libre, du texte. Et la conclusion, strictement musicale, sur une composition commune des deux saxophonistes, sera comme une ultime expression de la liberté combative. Belle réussite que cette aventure musicale et militante que n'étouffe pas le propos, car la musique parle, constamment.

Xavier Prévost

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14 novembre 2020 6 14 /11 /novembre /2020 14:37

*Barney WILEN Quartet feat. Tete MONTOLIU, Grenoble ’88 ‘BARNEY AND TETE’, avec Barney Wilen, (saxophones ténor et soprano), Tete Montoliu (piano), Riccardo Del Fra (contrebasse) et Aaron Scott (batterie).
Elemental Music – 5990438 / DISTRIJAZZ.
Sortie le 4 décembre.

 

Le fait est qu’on ne peut qu’envier et jalouser les veinards qui ont pu assister à ce concert (Martine Palmé en premier lieu) : la seule, unique et éphémère occurrence de l’existence de ce quartet, de la rencontre musicale entre Barney Wilen et Tete Montoliu, deux monstres du jazz du vieux continent, façonnés au creuset du bop dans les années 50 ; Barney très influencé par Lester Young, adoubé par Miles Davis et Art Blakey, Tete dans la mouvance d’Art Tatum et reconnu par Lionel Hampton et Don Byas.

 

A l’époque de ce concert, Barney tournait habituellement en quartet, avec Alain Jean-Marie (piano), Riccardo Del Fra (contrebasse) et Sangoma Everett (batterie).
Tete, quant à lui, rompu à l’accompagnement des plus grands solistes américains de passage en Europe (de Ben Webster à Anthony Braxton ...) dirigeait son propre trio de part et d’autre de l’Atlantique, associant N.H.O.Pedersen, Herb Lewis ou Georges Mraz (contrebasse) à Albert ‘Tootie’ Heath, Lewis Nash, Al Foster ou Billie Higgins (batterie).

On ne sait qui, de Jacques Panisset, qui programma ce concert et aimait favoriser les rencontres musicales inhabituelles, ou de Robert Latxague, alors directeur de l’information de la radio régionale, rebaptisée depuis ‘France Bleue Isère’, eut l’idée de ce quartet de circonstance, associant Aaron Scott (à l’époque batteur régulier de l’Orchestre National de Jazz dirigé par François Jeanneau) et Tete Montoliu, qu’ils admiraient tous deux, à Barney et Riccardo. Le saxophoniste y fut d’ailleurs dans un premier temps opposé, préférant promouvoir son dernier album avec son quartet habituel, avant de finalement adhérer au projet.

Martine Palmé, alors agent de Barney, rapporte qu’il n’y eut pas de répétition avant ce concert, juste une courte discussion entre les musiciens, pour choisir le répertoire à jouer, les enchainements, les tonalités ... bref, la petite cuisine habituelle, que tous les musiciens classiques envient aux jazzmen.

 

Au menu : des standards bien sûr, sur lesquels chacun de ces sorciers excelle à se réinventer en surfant sur l’écoute de l’autre, mais aussi quelques mélodies françaises (Barney avait enregistré son album ‘French Ballads’ en 1987). La suite est magique, de l’Âme des Poètes’ de Charles Trenet, subtilement réharmonisée et introduite en duo soprano-contrebasse, à un joyeux ‘Someday My Prince Will Come’, donné en deuxième rappel sur un rythme de valse.
C’est à un panorama de l’histoire du jazz et de la musique du XXème siècle que l’on assiste, du swing au bop, de la pop à la comédie musicale, de ‘Billie’s Bounce’ (Ch. Parker) à ‘La Valse des Lilas’ (M.Legrand, E.Marnay, E.Barclay), de ‘Round Midnight’ (T.Monk), magnifiquement exposé au soprano, à ‘All The Things You Are’ (J.Kern, O.Hammerstein), ou encore de ‘Summertime’ (G.&I. Gershwin) aux ‘Feuilles Mortes’ (J.Prévert, V.Kosma, J.Mercer) et ‘Sous le Ciel de Paris’ (J.Drejac, H.Giraud).

 

Ces deux CDs reflètent et témoignent de l’intensité et de la réussite d’une rencontre que Barney et Tete devaient pressentir qu’elle serait unique (et elle le fut), et donc qu’elle se devait d’être parfaite.
Tous deux nous ont quitté depuis, trop tôt, Barney le 25 mai 1996, Tete le 24 août 1997.

Leur musique vous tend les bras !

Indispensable.

 

Francis Capeau.

 

©photo X. (D.R.)

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13 novembre 2020 5 13 /11 /novembre /2020 09:32
THE MUSIC OF BILL EVANS :  INTERPLAY     DIEGO IMBERT/ALAIN-JEAN MARIE

 

THE MUSIC OF BILL EVANS : INTERPLAY 

DIEGO IMBERT/ ALAIN-JEAN MARIE

produit par TREBIM music / L’autre Distribution

SORTIE DU CD le 13 Novembre

CONCERT DE LANCEMENT AU BAL BLOMET, le 3 décembre 2020 dans le cadre des Jeudis de Jazz Magazine

https://www.fip.fr/jazz/diego-imbert-et-alain-jean-marie-celebrent-bill-evans-18444

 

Commencer par le titre “Interplay” qui magnifie le jouage, l’échange, la circulation de la musique quand il s’agit de rendre hommage à Bill Evans est de bon augure. Même si c’est le seul titre conservé du CD éponyme de 1962. C’est que dans l’immense répertoire de Bill Evans, il a fallu faire un choix, “cornélien”, on s’en doute.

On peut faire confiance à Alain Jean-Marie et Diego Imbert, deux musiciens humbles mais tellement talentueux. S’attaquer à l’icône absolue pour un pianiste, évoquer les grands de l’instrument qui ont accompagné Bill Evans en renouvelant l’art du trio, Scott La Faro, Marc Johnson et surtout Eddie Gomez que rencontra le jeune Diego Imbert, lors de célèbres stages de Capbreton au début des années 2000. C’est d’ailleurs à l’initiative de Diego Imbert que nous devons ce projet avec le pianiste guadeloupéen, connu pour sa maestria be bop et ses “Beguine Reflections”.

Un duo piano-contrebasse, quoi de plus simple, même si Bill Evans renouvela la forme du trio ( piano/basse/batterie). Ajoutons qu’Eddie Gomez et Bill Evans vécurent un compagnonnage musical de plus de dix ans et osèrent cette expérimentation dont témoignent deux albums en 1974 Intuition et Montreux III en 1975.

15 petites pièces dont 4 ne sont pas du maître, composent donc ce bouquet offrande, effluves d’un jazz aimé, un brin nostalgique mais audacieux dans son agencement, sans aucune volonté démonstrative ni recherche de virtuosité : le résultat d’une juste durée, nécessaire mais suffisante nous fait atteindre la planète EVANS! La chanson du tandem Burt Baccarach/Hal David “Alfie” pour le film éponyme de 1966 de Lewis Gilbert, qui fit de Michael Caine une icône absolue des sixties, avec une B.O entièrement jazz de Sonny Rollins, n’est pas choisie au hasard, car cette composition dont s’empara Bill Evans, pour la mettre à son répertoire, donna lieu à de multiples interprétations comme par exemple celle, avec Eddie Gomez et Marty Morell en 1968, au Village Gate.

La mélodie existe déjà avec les compositions de Bill Evans, il ne faut pas la démolir ni la déstructurer de trop, mais la jouer comme on le ressent. Reste à s'arranger avec l’harmonie qui structure le corps du morceau. Le timide ou réservé pianiste imprime une vigueur peu commune, une ardente fièvre à des compositions aussi connues.  Intime et lyrique dans son déroulé, solaire oui, et ce n’est pas faire de contresens puisque la musique de Bill Evans peut aussi vous chavirer de bonheur, car elle touche body and soul ! Ce ne sera donc pas tout à fait un remède à la nostalgie mais à la mélancolie. 

Des reprises particulièrement réussies, brillantes, prétextes à invention et à une jouissive communication! Si ce “Turn out the stars” des plus énergiques swingue réellement, ça danse sur “Very early” avec un piano clair, dégagé, heureux. Et sur le merveilleux “Waltz for Debby”, pianiste et contrebassiste dansent véritablement, l’un contre l’autre, épousent vraiment les contours de cette mélodie avec chaleur. On attend les passages obligés mais dans l’oeuvre immense du pianiste compositeur, tout ne l'est-il pas? “Nardis”, “Blue in Green” et “Waltz for Debby”, sans compter le déchirant “We will meet again” que le solo de Diego Imbert renouvelle totalement.

Quand on aime passionnément Bill Evans, on ne peut qu’être touché par cet Interplay sobrement intitulé, ce véritable “labour of love” qui, quarante ans après la disparition d'un musicien génial, constitue une forme renouvelée de tombeau avec tout le respect et le talent de Diego Imbert et Alain Jean-Marie. Merci à eux!

NB: Notons enfin les nécessaires notes de pochette de l’ami Pascal Anquetil, toujours aussi pertinentes

Sophie Chambon

 

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