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25 octobre 2020 7 25 /10 /octobre /2020 07:42
Cherchez la femme : Portrait de Géraldine en altiste.

Cherchez la femme : Portrait de Géraldine en altiste.

 

Le jazz fut longtemps masculin par essence et la femme, souvent fatale comme dans les romans et films noirs. Elle se devait d’être glamour en tous les cas, surtout si elle était chanteuse...Heureusement, les choses évoluent et les femmes du jazz sont musiciennes avant tout!

Quatrième album en leader, ce Cooking, sorti il y a juste un an, dans le monde d'avant… en octobre 2019, a valu à Géraldine Laurent aux Victoires du JAZZ le titre de meilleur album de l’année et à Paul Lay, celui de meilleur instrumentiste. Ce qui méritait un rembobinage et un retour à cette période heureuse et irréelle, de l’automne dernier… Cela valait bien que, faisant jouer ma mémoire -Géraldine étant l’une des musiciennes que j'ai suivies avec une certaine continuité, je lui tire le portrait, à l’occasion de la retransmission de la soirée des Victoires.

FLASHBACK 

C’était en 2006, un festival à Arles, au Mejan, consacré à la voix et aux femmes du jazz. Géraldine Laurent était déjà là : plutôt que de la faire jouer dans son Time out trio originel chez Dreyfus records avec Laurent Bataille et Yoni Zelnik, le programmateur Jean-Paul Ricard avait choisi de nous la faire découvrir autrement, en trio toujours, mais sans piano, avec Hélène Labarrière et Eric Groleau. Ce qui a également contribué au démarrage de la carrière de la saxophoniste est l'obtention du plus grand prix de l'Académie du Jazz, le Prix Django Reinhardt, en 2008, ex aequo avec Mederic Collignon.
 

Géraldine Laurent peut aussi bien faire danser le public de la Huchette que le désaltérer à la source fraîche de maîtres incontournables, les Sonny Rollins, Wayne Shorter dont elle a depuis toujours, écouté, relevé des chorus et "piqué"des plans, en toute humilité.

Comme dans un bon équilibre culinaire, on y reviendra, cela a son importance, bien qu’ ancrée au départ dans la tradition du be bop, elle est toujours en recherche, jouant "actuel" sur des bases classiques. On se souvient de son Around Gigi (2010) dédié à un autre altiste, hard bop formé au classique, Gigi Grice, de sa participation au Mico Nissim sextet avec, sorti en 2011 chez Cristal records avec Ornette/Dolphy/Tribute/Consequences.
Certains ont le cerveau branché XIXème, sont fous de cinéma d’avant-guerre, Géraldine Laurent affectionne le jazz des années quarante à soixante qu'elle connaît très bien. C’est une travailleuse acharnée qui ne peut se lancer dans l’improvisation chère aux jazzmen que parce qu' elle s'appuie sur une technique parfaitement maîtrisée.


Elle est revenue au Méjan, forte de son Grand Prix de l’Académie du Jazz 2015 avec une belle équipe, un nouveau quartet, At work où le jeune et fougueux pianiste Paul Lay (autre coup de coeur de Jean-Paul Ricard qui fut l’un des premiers à le programmer à l’AJMI avignonnais) tord le côté classique de cette musique, inspirée des boppers et suiveurs. Un son droit à l' alto, des graves moelleux, une belle musicalité, une musique généreuse au sein d’une création continue, effervescente, qui coule sans effort en dépit d’une structure rigoureuse. Géraldine ne fait pas de longs discours en public, elle est là pour jouer, intensément et laisser interagir ses partenaires, d’autant plus librement quand elle est leader. Le groupe ne s’en prive pas car elle sait recentrer l’énergie des garçons autour d’elle. Plus que par un timbre ou un son vraiment particuliers, elle se distingue par le rythme qu’elle imprime à son discours, la façon d’articuler son propos, de le marquer de son empreinte.

Puis, ce fut un véritable coup de coeur avec ce Visitation de Cyril Achard, en 2016, au Petit Duc d’Aix en Provence et au Mucem marseillais dans le cadre de Jazz des Cinq Continents. Amoureux du son de Géraldine, de sa façon de phraser, de son énergie radicale, le guitariste aixois a eu l’idée de lui proposer une collaboration autour de leurs deux instruments: elle jouait déjà régulièrement avec des guitaristes dans son trio sans contrebasse Looking for Charlie, avec Manu Codjia ou avec Nelson Veras, dans cette veine acoustique. Avec ce duo, c’était encore une façon d’aller droit au coeur de l’échange, comme dans une conversation: les notes en pluie serrée et persistante filent le long des doigts du guitariste, les accords s’enchaînent, les brisures rythmiques composent un chant grave, une mélodie heurtée ou au contraire d’une délicatesse extrême quand la saxophoniste mâchonne, susurre dans le bec et l’anche. C’est que chacun joue et prend en charge, à son tour, la partie rythmique, soulageant l’autre de cette tension continue.

En  août dernier, écoutant le Jazz Club d’Yvan Amar, lors de la semaine d’ hommage à Charlie Parker, né le 29 août 1920, la voilà souveraine, animant la soirée au Sunside, avec l’autre grand altiste, Pierrick Pedron, dans le bien nommé “Bird vs Bird”. On ne pouvait mieux choisir car tous deux sont des solistes généreux, puissants, soucieux de mélodie et de rythme, qui aventurent leur alto dans le chant du désir plutôt que dans l‘aveu de la plainte.

Des chroniques récentes sur les DNJ ont souligné ses récentes collaborations avec Andy Emler dans son chaleureux No solo, où il se mettait résolument au service des autres et de leurs imaginaires. Et dans ce Fragments  construit à partir des réminiscences émues de rock progressif d’Yves Rousseau, ce sont les soufflants qui se sont appropriés cet univers singulier pour le transposer, le faire dériver dans leur langage instrumental respectif. Géraldine s’avère ainsi une partenaire indispensable, démontrant la vitalité de son engagement et sa versatilité au meilleur sens,  anglo-saxon du terme!

 

Dans son dernier opus COOKING, sorti en octobre dernier sur le label GAZEBO, adoubée par Laurent de Wilde qui la produit depuis At Work, elle nous invite à passer à table, après avoir mijoté un dîner succulent en quartet, à la tête de sa petite brigade du tempo. Loin des métaphores culinaires évidemment attendues, cet album survitaminé et épicé façon Espelette, si l’on en juge par la pochette, revisite l’histoire d’une musique aimée ; on cherche d’entrée quel standard elle peut bien reprendre avant de comprendre qu’elle joue ses propres compositions sans copier le plus américain des styles, même si le jazz vient de là-bas . Intemporellement moderne, cette musique ardente et tendre garde certaines résonances aujourd’hui, toujours porteuse de sens et de vertus formelles.

Sans avoir l’authenticité de ceux qui ont incarné le jazz en vivant le moment de cette irruption, les artistes comme Géraldine Laurent impriment autrement l’urgence de ce qui advient hic et nunc ! La saxophoniste a de la fougue et de l’expressivité à revendre, une vraie signature, aussi serait-il inexact de ne voir en elle qu’une représentante, même éclairée, d’un courant qui a fait ses preuves. Ne serait-il pas possible de trouver au contraire, une unité dans le jazz, au delà de la diversité même des styles?

Cette musique avance sans nostalgie aucune, et certains musiciens fidèlement, entretiennent l’héritage, le patrimoine collectif, sans figer pour autant l’évocation du passé et honnir l'avant-garde.

 A chaque concert, avec la même matière, sur le même substrat, le quartet propose autre chose, et Géraldine aime retrouver en ses camarades de jeu, le plaisir de l'échange et de la stimulation.

En filant la métaphore, on pourrait ajouter que l’on respire le fumet, les effluves de cette matière sonore, très organique, entre complices choisis, pour leur connaissance précise de ce répertoire, de ce langage commun qui n’empêche pas de belles échappées, des épanchements du pianiste, à l’aise sur toute l’étendue du clavier.  La rythmique est aux petits oignons (clin d’oeil au Because of Bechet du batteur Aldo Romano qui avait parrainé la jeune musicienne en début de carrière, en conseillant au label Dreyfus de signer son premier  album en 2008) avec le fidèle Yoni Zelnik qui connaît Géraldine  depuis plus de 20 ans, tout de même, sérieusement accroché au mât de sa contrebasse et Donald Kontomanou, élégant et véloce derrière ses ustensiles, marmites et casseroles, véritable batterie de cuisine.

A tel point que le seul standard choisi ne dépare pas le reste des compositions. Revu à leur façon, développant d’autres variations, sans déformer ce You and the night and the music, le retouchant avec fougue et sensibilité. Ou comment faire retrouver dès l’exposition du thème, la saveur initiale du morceau, puis nous emmener assez loin pour nous désorienter avant de retrouver la mélodie, le fredon.

 En suivant son programme rigoureusement mis au point, ce ressassement assumé donne du sens à cette toile tramée et tissée continûment. Si les premiers titres, particulièrement vifs, se détachent, le rythme s’amenuise dans les ballades “Boardwalk”, “Day off” (cette mélancolique errance n'arrive-t-elle pas les jours de relâche? ), imprimant un climat crépusculaire : voilà une bande-son parfaitement adaptée à un film noir, une errance urbaine sur des pavés luisants de pluie.

Il semble facile le chemin qui rend cette musique mélodieuse, lui donne l’éclat et la fluidité du chant, tente la voie d’un lyrisme discret, jamais trop expansif. Ce sont des compositions courtes qui ne brodent pas à l’infini, vont au coeur de la matière sonore comme ce pétaradant “Next”, ou cet “Early bass master” en hommage au grand chef de troupe et mélodiste Henri Texier. Ça joue vraiment et ça swingue avec un pianiste superlatif, Paul Lay qui joue comme Géraldine, adepte d’une déconstruction intelligemment assumée: un son très recherché et vigoureux, de l’audace dans les rythmes volontairement fragmentés. Même si on se retrouve en terra non incognita, le voyage réservera quelques surprises. Une musique à la fois libre et enracinée dans la tradition du jazz, un sax volubile, imaginatif dans son propos et tendre… La musique touche car dans sa complexité heureuse, elle reste très immédiate. Avec Geraldine Laurent, le courant passe, il suffit d’être en phase!

 

Sophie Chambon

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21 octobre 2020 3 21 /10 /octobre /2020 07:54

Claude Tissendier (saxophone soprano), Esaie Cid (saxophone alto), Olivier Defays & Philippe Chagne (saxophones ténors), Éric Levrard (saxophone baryton), Gilles Réa (guitare), Jean-Pierre Rebillard (contrebasse), Alain Chaudron (batterie)

Ivry-sur-Seine, 19 & 20 janvier 2020

http://www.claudetissendier.com

 

Le retour du saxophoniste alto-clarinettiste en saxophoniste soprano. Après «Saxomania», et les rencontres avec Benny Carter, Phil Woods, Teddy Edwards et quelques autres, Claude Tissendier nous offre une entreprise singulière : des compositions des grandes figures du jazz des années 50-60 (Oliver Nelson, Miles Davis, Horace Silver), et des standards de la fin des années 40 magnifiés par la décennie suivante (Early Autumn, On Green Dolphin Street) : le tout traité dans un style qui est plutôt celui des décennies antérieures. Avec en prime le conclusif After You've Gone, historique standard adulé par le middle jazz. Et le choix est des plus concluants. Instrumentation singulière et beaux arrangements, c'est frais, vif et pertinent, avec des solistes qui sont des compagnons de route de cette esthétique, et qui manifestement se régalent. Et cela m'a réjoui autant que le firent naguère les trublions de l'Anachronic Jazz Band en passant à la moulinette 'vieux style' les standards du bop. Joli clin d'œil à la passion intemporelle du jazz, et réjouissant pied de nez aux amateurs de cloisons stylistiques étanches : BRAVO !

Xavier Prévost

 

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19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 11:33

SIMON MOULLIER

SPIRIT SONG

Outside in Music

Sortie le 9 octobre 2020

https://music.youtube.com/watch?v=kjn5t0BbXMk&list=RDAMVMkjn5t0BbXMk

 

C’est le premier album plutôt éthéré d’un jeune vibraphoniste français diplômé de Berklee College of Music puis de l’Institut Thelonius Monk, qui a choisi de s’installer à New York. Comme un premier film, il est intéressant de voir ainsi se lancer un artiste, adoubé par ailleurs par Herbie Hancock et Quincy Jones !

L’une de ses originalités est de jouer des percussions classiques mais aussi africaines, du balafon (xylophone d’Afrique occidentale percuté avec des baguettes et non avec des maillets, dont le son est amplifié par des calebasses disposées en dessous), du vibraphone et des synthés . Les différents timbres qui ainsi s’entrelacent, assurent une texture sonore particulière sur l’hypnotique et intrigant “Acceptance” ou sur “Wind Chaser” ( vibraphone et synthés). Ce qui donne une assez belle idée du paysage musical imaginaire du vibraphoniste, soucieux d’explorer et de tirer parti de sa palette d' instruments  conférant à sa musique une qualité mélodique, harmonique, percussive évidemment, résonnante en un mot!

Il n’est pas tout seul sauf sur le dernier titre formidable “Bala” en solo de balafon et sur l’envoûtant “Prophecy” (vibraphone et synthé). Il a su s’entourer d’une équipe discrètement brillante: deux saxophonistes newyorkais Dayna Stephens et Morgan Guerin et deux pianistes, le français Simon Chivallon et Isaac Wilson qui alternent selon les séances (l’album est composé d’enregistrements choisis sur deux sessions en 2017 et en 2020 ) alors que la rythmique reste la même Luca Allemano ( contrebasse) et Jongkuk Kim (batterie) dans leur impact et drive subtils. La musique garde toute sa cohérence, car elle avance dans une seule direction, avec une fluidité remarquable, une qualité atmosphérique certaine, planante même sur la plupart des thèmes, portés comme en apesanteur. La seule composition qui ne soit pas du leader, le standard de Gene Paul “I’ll remember April” est réchauffée délicatement, construite sur des impressions fugaces. Les thèmes choisis, particulièrement mélodiques, induisent ce type de musique qui danse avec les éléments, cette “chanson de l’esprit” qu’évoque le titre, résultat de rencontres , de voyages dans le monde, propices aux aventures et découvertes musicales. Plus encore que de dépouillement, on est séduit par une élégance sensuelle comme dans ce “Kenyaland”, une ballade en quartet, sans saxophone où le piano sait se faire entendre.

La réussite de ce premier opus réside sans doute dans la maîtrise de cette formation qui a su se couler dans l’univers rêvé du leader comme si le temps était suspendu. Prometteur!

 

 

Sophie Chambon

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18 octobre 2020 7 18 /10 /octobre /2020 21:26

Sylvie Courvoisier (piano, compositions), Drew Gress (contrebasse), Kenny Wollesen (batterie, wollesonics -percussions artisanales-)

Mount Vermont (New York), 20 décembre 2019

Intakt CD 351/2020 / Orkhêstra

 

Troisième disque de ce trio après «Double Windsor» (2014, Tzadik) et D'Agala (2017, Intakt). Et toujours cette énergie farouche, et cette créativité débordante qui conjugue compositions (raffinées) et improvisations (audacieuses), langage du jazz (assumé) et de la musique contemporaine (sublimée). C'est une aventure musicale qui se déroule, étape après étape, au fil des plages, dans une folle interaction entre les membres du trio, mélange de précision et d'audace que l'on devine transgressive. Un fois encore, la pianiste-compositrice-improvisatrice dédie chaque titre à des personnes qu'elle admire (Claude Thornhill), et qui comptent dans sa vie personnelle (sa maman, ses chats, son frère....) et/ou musicale (Mark Feldman, John Zorn, et les partenaires de ce trio). Ces dédicaces ne sont pas anodines : elles enracinent le propos dans la vie, nous rappelant que les artistes, quelle que soit l'ambition esthétique, ne sont pas coupé(e)s du monde. Requiem d'un songe, dédié à Claude Thornhill, est à ce titre éloquent : manière de confronter le tempo lent et méditatif du passé au langage d'aujourd'hui. Galore, dédié au batteur-percussionniste Kenny Wollesen, met en évidence le cheminement rythmique qui, d'unisson en écarts, construit une forme.

Et le conclusif Highway 1 nous entraîne dans une songe abstrait, futuriste et mystérieux qui résume peut-être le projet d'ensemble : découvrir, surprendre, oser, sans perdre de vue l'horizon rétrospectif que nous offre le passé. Magistral ! Toutes les plages possèdent leur singularité, et pourtant l'ensemble reflète l'absolue cohérence du projet. Bref de l'art, et même du Grand Art.

Xavier Prévost

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Sylvie Courvoisier est en tournée européenne : seule date française le 21 octobre au Lieu Unique de Nantes (entrée libre sur réservation)

http://festival-variations.fr/sylvie-courvoisier-le-lieu-unique/

Puis à Lausanne, Zurich, Berne & Genève.

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Un avant-ouïr sur Vimeo

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15 octobre 2020 4 15 /10 /octobre /2020 15:37

Nouvelles livraisons sous le label Parco Della Musica : la scène italienne demeure très vivace. Trois parutions à découvrir

FRANCO D'ANDREA «New Things»

Franco D'Andrea (piano), Miko Cisilino (trompette), Enrico Terragnoli (guitare, électronique)

Rome, 5 & 6 juin 2019

Parco Della Musica Records MPR 110 CD / https://www.auditorium.com/prodotto/new_things-22676.html

 

Comme toujours le pianiste italien, 79 printemps au compteur des millésimes, conserve la pulsion juvénile des musiques libres. Cette fois en un trio inusité (piano, trompette, guitare). C'est un double CD où des thèmes et des improvisations qui jouent le présent en se tournant vers le futur côtoient comme presque toujours des souvenirs du jazz d'avant (Livery Stable Blues, Tiger Rag ), mais toujours traités dans un esprit prospectif. Avec aussi des compositions nouvelles qui portent la trace des formes anciennes (A New Rag Suite). La partie se joue souvent entre piano et trompette, arbitrée par la guitare en accords secs qui font danser le rythme à la manière claudicante de Monk. Musicalement très intense.

Les chroniques de plusieurs précédents albums de Franco D'Andrea sur le site des Dernières Nouvelles du Jazz

http://lesdnj.over-blog.com/2019/08/franco-d-andrea-a-light-day.html

http://lesdnj.over-blog.com/2016/06/franco-d-andrea-elecrtric-tree-trio-music-vol-i.html

http://lesdnj.over-blog.com/2015/11/franco-d-andrea-three-concerts-live-at-the-auditorium-parco-della-musica.html

FEDERICA MICHISANTI HORN TRIO «Jeux de Couleurs»

Feverica Michisanti (contrebasse), Francesco Bigoni (saxophone ténor, clarinette), Francesco Lento (trompette, bugle)

Rome, 27 & 28 novembre 2019

Parco Della Musica Records MPR 112 CD /

https://www.auditorium.com/prodotto/jeux_de_couleurs-22649.html

 

Jazz de chambre mi-sensuel, mi-abstrait, sur des compositions de la contrebassiste dont c'est le quatrième album (le second avec ce trio). Elle a remporté en 2018 le prix du nouveau talent Top Jazz italien, et l'année suivante a reçu le prix du nouveau talent de la Siae (la cousine de notre Sacem). Un langage d'aujourd'hui qui tutoie parfois les progressions harmoniques du passé. Belle interaction en forme de contrepoint des solistes. Libre et concertant, d'un seul geste. À découvrir 

DANILO GALLO DARK DRY TEARS «Hide, Show yourself»

Danilo Gallo (guitare basse, guitare baryton, guitare acoustique), Massimiliano Milesi (saxophones ténor & soprano, clarinette), Francesco Bigoni (saxophone ténor, clarinette), Jim Black (batterie)

Rome, 27 & 28 mars 2019

Parco Della Musica Records MPR 111 CD / https://www.auditorium.com/prodotto/hide_show_yourself-22388.html

 

Par un bassiste entendu souvent dans nos contrées avec Francesco Bearzatti, des thèmes lyriques et consonants, avec ce qu'il faut de tensions harmoniques pour que la musique soit vraiment vivante ; un peu dans l'esprit de ce que recherchait Charlie Haden tout au long de son parcours musical. Le tout propulsé par la batterie sèche et stimulante de Jim Black. Et aussi émaillé de séquences d'absolue liberté.

Xavier Prévost

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12 octobre 2020 1 12 /10 /octobre /2020 21:19

Sylvain Darrifourcq (batterie, percussion, cithare), Manuel Hermia (saxophone ténor), Valentin Ceccaldi (violoncelle)

Malmedy (Belgique), octobre 2019

Full Rhizome Hector 01 / l'autre distribution

 

Après «God At The Casino», enregistré en 2013, le retour d'un trio totalement hétérodoxe, déguisé en monstre de films d'animation japonais qui se nourrirait de hambourgeois au fromage, selon la terminologie québécoise.... Autant dire que les surprises abondent. Ouverture par effraction sur des riffs rock avec éclats de saxophone et de violoncelle, batterie obstinée, pression en croissance constante et intermèdes apaisés. À ceux qui craindraient de ne pas trouver dans ce déroulement la forme qui rassure leur sens esthétique, on peut dire que la forme, son idée autant que sa réalisation concrète, sont précisément dans cette succession, dans ces cahots qui ne sont pas un chaos. Et la continuité rythmico-harmonique dans laquelle ce premier thème va s'installer rassurera les anxieux, jusqu'à l'explosion finale. Les thèmes sont signés par chacun des membres du trio : trois pour le violoncelliste, un pour le saxophoniste, et un pour la batteur. On est porté, de plage en plage, par les dialogues qui se nouent, par les fractures qui s'ouvrent, par les violences sonores ou formelles, lesquelles se résolvent souvent en douceur mélancolique. D'une obsession répétitive à une plainte cuivrée sur fond de drumming tendu à l'extrême, le fil se déroule, noué, dénoué, déjoué, rejoué. C'est un voyage perceptif et musical des plus jouissifs. Alors on s'abandonne. Et on en redemande !

Xavier Prévost

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Le trio jouera le 13 octobre à la Dynamo de Pantin, le 14 au Théâtre du Pavé à Toulouse, le 16 au Moulin d'Olivet (Loiret), le 7 décembre au Maquiz'art d'Eymet (Dordogne) et le 10 décembre à l'AJMI d'Avignon.

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Un avant-ouïr sur Youtube 

 

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10 octobre 2020 6 10 /10 /octobre /2020 19:30

Camille Bertault (voix), Jacky Terrasson (piano), Michael Leonhart (trompette, bugle, claviers), Christophe Minck (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie), Minino Garaï (percussions), Stéphane Guillaume (saxophones, clarinettes, flûte), Pierre-François Dufour (violoncelle), Diego Figuerido (guitare)

Meudon 28 septembre-8 octobre 2019

Masterworks 19439727601 / Sony Music

 

La suite des aventures d'une chanteuse qui cultive la singularité : chanteuse de jazz, assurément ; chanteuse à texte, aussi ; compositrice-auteure enfin, qui confie la réalisation de l'album au musicien-producteur Michael Leonhart. Le disque expose mille facettes d'un univers où chanson jazz et chanson française se télescopent, avec des écarts bienvenus, presque disco, des fantaisies inclassables, de sombres mélancolies et des éclats mutins. Beaucoup de français, un peu d'anglais, et pour conclure un version portugaise de la chanson qui ouvre l'album. Jacky Terrasson en partenaire limpide sur quelques plages, des arrangements bien gras sur les rares titres qui le requièrent par leur style : bref tous les ingrédients bien choisis selon les climats, avec même, quand il le faut, une bouffée de country music. Quelques beaux textes, beaucoup de charme, et au total bien des raisons d'aimer ce disque, sans préjuger de la paroisse à laquelle appartiennent l'auditeur comme l'artiste. Fédérateur ? Je dirai plutôt sincère, et bien vu. Je sens bien qu'un ou deux censeurs de l'orthodoxie vont s'étrangler : qu'on ne compte pas sur moi pour leur tendre le verre d'eau salvateur....

Xavier Prévost

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Un peu d'avant-ouïr en images

https://www.camillebertault.fr/video/there-is-a-bird/

https://www.camillebertault.fr/video/todolist/

https://www.youtube.com/watch?v=MAo6eSowSko

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7 octobre 2020 3 07 /10 /octobre /2020 09:49

Pierre-Louis Garcia (clarinette contrebasse, clarinette basse, saxophone alto, cor de basset)

Enregistré à Paris, sur plusieurs années

double-album vinyle Palestro 125 

 asso.palestro@gmail.com  www.pierrelouisgarcia.com , et en numérique sur les plateformes

Pour ce cinquième disque sous son nom, Pierre-Louis Garcia confirme sa démarche de franc-tireur. Après avoir pratiqué des groupes où l'esprit du rock et de la fusion côtoyait la verve du jazz le plus libre, il nous propose, dans une double album vinyle, 44 pièces, très concises pour la plupart, qu'il présente comme «des instantanés, mais aussi des improvisations longuement mûries». Comme une sorte de manifeste musical, une étape de son parcours artistique. Chaque séquence peut s'écouter comme une forme autonome avec, ici ou là, une inclusion mystérieuse de voix ou de paysage sonore. Tous les modes de jeu sont sollicités, comme autant de langues au service d'un message global : le disque (les disques, puisqu'il s'agit d'un double album) affiche(nt) une cohérence qui pourrait se lire, dans sa continuité, comme une dramaturgie sonore et musicale. Mélodies (voire mélopées), cavalcades harmo-rythmiques, slaps, harmoniques ou riffs obsédants, tout concourt à révéler, pas à pas, une histoire dont peut-être l'épisode ultérieur va dévoiler le mystère. Et à mesure que j'écoute, et réécoute, ces plages, dans la continuité ou isolément, le mystère tantôt s'épaissit, tantôt se révèle (ou donne l'illusion de se révéler). Ici on croit deviner une évocation elliptique du blues, ailleurs une allusion à un titre ancien, mais le mystère demeure. Et à la pénultième, Thomas l'obscur, dont le titre me parle car il ranime en moi une passion littéraire, je comprends que la clé n'est pas à portée d'une quelconque interprétation de ma part. Et pour l'ultime séquence, suite développée sur un peu plus de cinq minutes, il m'apparaît que toute clé d'interprétation serait vaine. Manifeste sonore et musical : musical, évidemment ; sonore, assurément, car la texture du son, le grain de chaque instrument dans chaque séquence, sont élaborés avec un soin jaloux. En réécoutant le tout, dans l'ordre, durant un peu moins d'une heure, j'ai fait un voyage esthétique et sensoriel aussi mystérieux qu'envoûtant : beau voyage, vraiment.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

 

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6 octobre 2020 2 06 /10 /octobre /2020 17:32

Géraldine Laurent (saxophone alto), Thomas Savy (clarinette basse), Jean-Louis Pommier (trombone), Csaba Palotaï (guitare), Étienne Manchon (pianos électriques, synthétiseur), Vincent Tortiller (batterie), Yves Rousseau (contrebasse, composition)

Villetaneuse, mars 2020

Yolk Records J 2081 / l'autre distribution

 

Comme toujours avec Yves Rousseau, une aventure musicale d'une totale singularité. Il a choisi cette fois de plonger dans les réminiscences de ses années lycéennes quand, dans la seconde moitié des années 70, il découvrait King Crimson, Soft Machine, Pink Floyd.... Et il a composé tout un programme conçu, comme il l'écrit dans le livret du CD, «dans le souvenir de ces exaltantes découvertes et de ces fulgurances», programme dans lequel s'insèrent une séquence du disque «In the Court of the Crimson King», et une brève coda empruntée à David Crosby. Ici aucune 'gêne technique à l'égard des fragments' selon l'expression de Pascal Quignard, mais au contraire une exaltation de l'émoi musical qui fait retour en la mémoire. Retour fécond, sans tentation de dupliquer le passé, mais au contraire volonté farouche de faire vivre, dans le présent d'un langage assumé, ces fragments qui le hantent jusqu'à faire surgir un nouveau désir de musique. Un travail subtil sur le traitement des vents, entre absolue consonance et écarts bienvenus ; et aussi des télescopages de rock progressif et d'improvisation jazz, servis par des solistes hors de pairs, qui paraissent totalement immergés dans ce projet très personnel qu'ils/elle font leurs. Le contrebassiste-leader-compositeur ne se taille pas la part du lion, laissant à ses partenaires de vastes champs d'expression. Mais son exposé, à la contrebasse, du thème The Court of the Crimson King est à la fois un vibrant hommage à cette mélodie de Robert Fripp et une manière d'affirmer la singularité du projet. Et chaque membre du groupe se voit offrir, au fil des plages, un espace d'expression improvisée : triomphe de l'expressivité pour Jean-Louis Pommier, envolées sans entraves pour Thomas Savy et Csaba Palotaï, éruption impériale pour Géraldine Laurent, slalom entre jazz et rock pour Étienne Manchon et Vincent Tortiller.... On ressent, dans cet univers très élaboré, la très belle part laissée aux initiatives individuelles. Outre les groupes qui l'ont inspirée, cette musique suscite en moi d'autres souvenirs : «A Genuine Tongue Funeral» de Gary Burton et Carla Bley, «Funerals» de Sophia Domancich, et «Septober Energy» de Centipede, pour ce mélange de solennité et d'absolue liberté. La combinaison des univers, la créativité musicale, et ce caractère foncièrement vivant font de ce disque un GRAND disque, tout simplement.

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert le 8 octobre au Rocher de Palmer à Cenon, le 9 à Tarbes, le 23 octobre à Paris, au Pan Piper, et le 12 novembre au festival D'Jazz de Nevers

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Un avant-ouïr sur Youtube

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5 octobre 2020 1 05 /10 /octobre /2020 17:38

Fondateur du label JMS, Jean-Marie Salhani a étroitement collaboré avec Didier Lockwood de 1979 à 1995, en tant qu’éditeur (20 enregistrements) et manageur (1500 spectacles). Deux ans après la disparition brutale du violoniste à 62 ans (1956-2018), le producteur sort un coffret « Le Jeune Homme au Violon » retraçant cette période avec une sélection de 21 titres, un livret comprenant 60 témoignages et un documentaire de 1985 signé Jean-Pierre Curtis. « J’ai eu la chance de rencontrer Didier Lockwood au bon moment et nous nous sommes séparés au bon moment. N’est-ce pas là l’essentiel ? » écrit dans le livret de 150 pages Jean-Marie Salhani. Dans un entretien avec les DNJ, le producteur évoque cette coopération avec un artiste ouvert sur toutes les musiques, instinctif, « un peu fauve » et qui n’avait « aucun tabou ».

Les DNJ : Comment s’est déroulée cette longue aventure avec Didier Lockwood ? Ce devait être sportif par moments ?
Jean-Marie Salhani : Étonnamment, quand on a décidé de travailler ensemble et qu’on s’est jeté à l’eau, lui devant moi derrière, tout s’est enchaîné en permanence. En fait, nous n’avons pas eu vraiment le temps de nous poser, ce fut un enchaînement régulier systématique et immédiat dans plein de domaines. Et cela a duré quasiment tout le temps, même s’il y eut des moments où nous marquions une pause, où nous essayions de réfléchir pour contourner certains obstacles ou opérer des changements. En fait ce fut une espèce de rouleau compresseur. Nous étions pris par la situation et en permanence en train d’évoluer, lui et moi, mais en prenant la même trajectoire.

 


Les DNJ : Didier Lockwood était un musicien qui surprenait tout le temps son public, ses publics…
JMS : C’était dans sa nature, quelqu’un de très ouvert à tout, à toutes sortes, à toutes formes de musique à partir du moment où, pour lui, c’était de la bonne musique avec de l’expression, de l’originalité. Il pouvait s’engouffrer dans n’importe quel domaine musical, n’importe quelle couleur musicale. Il n’avait aucune restriction, aucun obstacle, aucun tabou. Evidemment, cela tenait à sa formation classique mais aussi au déclic qu’il a eu dans le jazz avec son frère, Francis, puis avec Christian Vander et d’autres musiciens français et étrangers. Pour lui c’était pain bénit. A chaque fois, il prenait ce qu’il y avait à prendre et il évoluait avec. Et il faut ajouter une autre qualité de Didier, hormis la légèreté, le côté instinctif, un peu animal, un peu fauve. C’est qu’il adorait jouer fort. Quand il y a un batteur, il peut jouer très fort. Quand il est dans le jazz ou dans une forme plus acoustique, il peut faire de la dentelle, jouer à la Grappelli. Mais dès qu’il avait la possibilité de jouer avec des musiciens qui ont un certain volume, il était heureux comme tout, il adorait jouer avec de la puissance, avec des effets, du son. Cela le fascinait.

 


Les DNJ : Il n’avait certes pas de frein technique …
JMS : La question technique était un détail. Il pouvait tout faire. Son violon c’était son passeport. L’important pour lui c’était de jouer. Il s’en sortait toujours à merveille.

 


Les DNJ : Comment pouvait-on conseiller, diriger un tel artiste ?
JMS : Il y a des artistes qui te permettent de discuter avec eux, de rentrer dans leur univers et de construire avec eux. J’en ai connu deux dans ma carrière, Henri Texier et Didier Lockwood. Didier savait tout de suite en me regardant s’il était dans la bonne direction ou pas ou si moi j’étais largué ou pas. On n’avait pas trop besoin d’épiloguer. C’était très instinctif. Dès qu’il proposait quelque chose, d’aller dans une zone que je sentais favorable pour lui, je l’encourageais à fond. Par exemple, Didier à la base, la composition, ce n’était pas son truc (sic). Je l’ai poussé dans cette voie et il a adoré et crée de très belles choses comme des concertos. Je pouvais donner mon avis dans d’autres domaines de la musique que je connaissais, le jazz, mais aussi la variété. Mais je n’intervenais pas dans la musique classique, car je n’avais tout simplement pas la connaissance.

 


Les DNJ : Comment définiriez-vous votre coopération ?
JMS : C’était une construction. Le succès, cela ne se mérite pas, cela se construit. On peut avoir un talent énorme et ne pas avoir de succès. On prenait les paris ensemble. J’ai eu des relations fortes de confiance exceptionnelles avec des artistes, comme Joe Zawinul, Aldo Romano, Uzeb, Louis Sclavis mais je n’ai jamais eu des relations aussi poussées qu’avec Didier. On était à fond dans plein de domaines. Alors on peut se demander pourquoi. Je ne sais toujours pas aujourd’hui. C’était comme cela. Cela ne pouvait être autrement.

 


Les DNJ : Et pourtant votre coopération s’est achevée ?
JMS : Il y eut plusieurs paramètres. Cela faisait quinze ans que nous étions « à fond les ballons » et nous avions tout fait, tout refait. Et puis il y avait de la compétition, d’autres artistes qui commençaient à faire parler d’eux de manière très forte, Michel Petrucciani, Richard Galliano, Biréli Lagrène... Didier n’était plus le seul au sommet. Tous les grands artistes ont connu cela, le creux de la vague. Nous ne trouvions plus d’issue. Et surtout, Didier avait très envie de travailler dans la musique contemporaine, la musique classique. Et là ce n’était pas du tout mon domaine. Nous sommes arrivés à un carrefour et nous avons décidé d’arrêter. Ce ne fut pas facile, ce fut un choc. C’était fatal. En fait ce fut un mal pour un bien car cela a permis à Didier de faire énormément de choses qu’il n’aurait pas pu faire avec moi et personnellement j’ai pu aussi travailler avec d’autres artistes comme Maceo Parker, Mike Stern, Joe Zawinul, de prendre des responsabilités à la SACEM. Avec Didier, nous sommes restés proches et nous avons su sacraliser notre période commune de travail. Il avait souhaité retravailler avec moi trois ou quatre ans avant son décès mais je n’ai pas voulu et à la réflexion, il a compris que ce n’était pas une bonne idée. Il était préférable que nous restions proches et amis sans essayer de regarder en arrière. »

 

 

Didier Lockwood. Le jeune homme au violon’. Coffret comprenant 2 CD audio avec 21 titres, un DVD de 27 minutes (interviews de  Didier Lockwood, Stéphane Grappelli, extraits de concerts des années 80) et un livret de 150 pages et 100 photos avec 60 témoignages dont Philip Catherine, Aldo Romano, Francis Lockwood, Henri Texier, Martial Solal, Thomas et David Enhco, Caroline Casadesus… .
JMS/ PIAS. Sortie le 9 octobre.

 

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

 

©photo Christian Rose-Fastimage.

 

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