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27 août 2020 4 27 /08 /août /2020 08:44

Une double parution qui vient rafraîchir nos esprits en cet août torpide : les deux premiers CD du nouvel ONJ élaboré sous la direction artistique de Frédéric Maurin.

D'abord un album enregistré 'sur le vif' au festival Jazzdor-Berlin en juin 2019, avec le programme « Dancing in your head(s) » autour de la musique d'Ornette Coleman et de sa galaxie (chronique par Sophie Chambon en suivant ce lien). Ce programme avait été créé pour l'inauguration de l'orchestre au festival Banlieues Bleues en avril 2019.

Et puis un album enregistré à Ludwigsburg au studio Bauer, lieu auquel Frédéric Maurin reste fidèle depuis l'aventure de Ping Machine. Il s'agit cette fois du programme «Rituels», qui avait été créé lors d'un concert 'Jazz sur le Vif' à la Maison de la Radio en novembre 2019.

 

ORCHESTRE NATIONAL de JAZZ «Rituels»

Ellinoa, Leïla Martial, Linda Oláh & Romain Dayez (voix), Catherine Delaunay (clarinette, cor de basset), Julien Soro (saxophone alto, clarinette), Fabien de Bellefontaine (saxophone ténor, clarinette, flûte), Susana Santos Silva (trompette), Christiane Bopp (trombone), Didier Havet (tuba, trombone basse), Stephan Caracci (vibraphone, marimba, glockenspiel, percussions), Rafaël Koerner (batterie), Bruno Ruder (piano), Elsa Moatti (violon), Guillaume Roy (alto), Juliette Serrad (violoncelle), Raphaël Schwab (contrebasse)

Frédéric Maurin (direction artistique, composition), Ellinoa, Sylvaine Hélary, Leïla Martial, Grégoire Letouvet (composition)

Ludwigsburg, Allemagne, 2-5 septembre 2019

ONJ Records 484444 / l'autre distribution (double CD)

 

Le projet est singulier à plus d'un titre : après avoir invité comme arrangeur principal, pour l'autre album, Fred Pallem, Fred Maurin invite cette fois trois compositrices et un compositeur, lequel était en lice quelques mois plus tôt, pour le dernier round de la sélection du nouveau directeur artistique de l'ONJ, face à lui : belle reconnaissance, et fair play éloquent. Et la composition de l'orchestre diffère de celle de l'autre programme : judicieuse manière de choisir les interprètes en fonction du répertoire proposé, ce qui n'altère nullement l'investissement de chacun et chacune dans le groupe.

Autour de textes issus de cultures anciennes, (et aussi de Llorca pour Sylvaine Hélary, et pour Leïla Martial un texte de son cru qui traverse le temps et les cultures), des musiques très singulières qui composent une sorte de fresque, en forme de puzzle, qui attise notre curiosité et nos sens :«....comme un rituel journalier, avec des chants de quatre moments de la journée» confiait Fred Maurin à Jazz Magazine (n° 715) au printemps 2019. La voix est ici au cœur même du sujet, la matière où s'élabore l'imaginaire musical.

 

Au début de la première pièce (Sylvaine Hélary), intitulée Le Monde Fleur, c'est un peu comme dans la pièce de Jean-Féry Rebel Les Éléments (1737), un passage du χάος au Κόσμος, du chaos au cosmos, du désordre originel au monde structuré. C'est un mouvement inexorable qui se déploie, porté par des solistes d'une expressivité folle (Bruno Ruder, Christiane Bopp, Julien Soro), et les voix, le texte, qui cultivent le mystère et les tensions sans quoi n'existerait pas d'Art véritable : admirable ! Et la magie continue d'opérer, de plage en plage : formidable palette de Leïla Martial, qui 'habite' littéralement la musique de son chant hétérodoxe et de ses improvisations sur le fil. Magie de Catherine Delaunay qui tutoie les cimes dans la composition de Grégoire Letouvet. Incroyable poésie presque lettriste de Leïla Martial, puissant lyrisme de la composition d'Ellinoa /Camille Durand, qui nous conduit vers un très beau dialogue de Stéphan Caracci avec l'orchestre et la rythmique.... Je n'en finirais pas de détailler tout ce qui, dans ce double disque, m'a littéralement emballé. En écoutant ces 2 CD, et les réécoutant encore en écrivant ces lignes, me vient un souvenir : dans les années 90 Lucien Malson m'avait commandé, pour les Cahiers du Jazz renaissant aux Presses Universitaires de France, un texte où je parlerais du jazz tel que je le voyais alors (et le vois toujours encore). Pour parler de cette musique qui m'a passionné, et continue de le faire après toute une vie d'amateur, j'avais titré le texte «Le Jazz, probablement....». Seule manière pour moi d'évoquer cette musique prospective qui jamais ne perd de vue son horizon lointain et fondateur. Bref, découvrez urgemment ce jazz contemporain qui déborde de vie autant que d'intelligence. D'ailleurs, que seraient la vie, et la musique, sans cette intelligence qui transforme la sensation en émotion....

Xavier Prévost

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l'ONJ jouera le programme «Rituel(s)» le 2 octobre pour la rentrée des Grands Formats aux Passerelles de Pontault-Combault (Seine-et-Marne), le 28 octobre à Paris au Studio de l'Ermitage, et le 31 janvier à la Philharmonie de Paris

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Un avant-ouïr sur Youtube 

Réécoutez le concert de création de « Rituels » sur le site de France Musique 

https://www.francemusique.fr/emissions/jazz-ete/jazz-sur-le-vif-l-orchestre-national-de-jazz-rituels-2-2-84991

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24 août 2020 1 24 /08 /août /2020 16:05

Franck Tortiller (vibraphone), Misja Fitzgerald-Michel (guitares)

MCO / Socadisc

Maisons-Alfort, sans date

 

Une rencontre musicale, au vrai sens du terme. Deux tempéraments forts, deux esprits habités par le sens mélodique autant que par l'amour des développements aventureux, et deux passions pour la qualité du son qui fonde la beauté du chant. Atmosphère folky, comme on pouvait le dire voici quelques lustres du groupe qui associait Gary Burton et Keith Jarrett, ou encore des merveilleuses chansons de Joni Mitchell. Un répertoire sur mesure pour un tel projet : des compositions du vibraphoniste, conçues pour alimenter l'intensité du dialogue, entre naturel et sophistication. Toutes les prises ont été réalisées sans montage : se lancer chaque fois pour le grand saut, sans le secours de la gomme, c'est comme s'offrir les ailes de l'urgence absolue. Le disque offre aussi une composition du guitariste Harry Pepl, regretté collègue de Franck Tortiller dans les rangs du prestigieux Vienna Art Orchestra : beau mélange d'intelligence mélodique et de sinuosité harmonique. Bref, comme disait l'Ami Jacques Mahieux, «de la musique de musicien, entièrement faite à la main». Et pour réaffirmer, s'il en était besoin, l'urgence du chant, une reprise de Bob Marley, Redemption Song. Au fil des plages, une cavalcade effrénée dans Clos des corvées, que suit une composition rêveuse, en solo, au vibraphone. Et si Franck Tortiller signe le répertoire, l'espace offert à Misja Fitzgerald-Michel est à la mesure de son incroyable musicalité. Comme depuis l'inaugural «Vitis Vinifera» en 1997, Franck Tortiller, en pur produit du terroir bourguignon, n'oublie rien de ses racines : ce qui nous vaut des titres alléchants de sensations olfactives (Musigny, In Vino....). Bref, pour le dire simplement : une totale réussite !

Xavier Prévost

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Le duo sera en concert le 29 août aux Rendez-vous de l'Erdre à Nantes. Puis le 16 octobre au Tourcoing Jazz festival, et du 12 au 14 novembre aux Gémeaux, scène nationale de Sceaux.

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Des avant-ouïr sur Youtube

 

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23 août 2020 7 23 /08 /août /2020 08:49
DANCING IN YOUR HEAD(S)  ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ

DANCING IN YOUR HEAD(S)

ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ

www.onj.org

https://www.onj.org/programme/dancing-in-your-heads/

 

Album enregistré live au Festival JAZZDOR de BERLIN LE è JUIN 2019

 

Sortie nationale le 20 Août 2020

 

Deux albums complémentaires aux couvertures de couleur verte et orange sortent en cette fin d’été de pandémie, sous la direction artistique de Frédéric MAURIN avec un sacré orchestre de 15 membres et un invité de choix, le saxophoniste alto Tim BERNE. Un premier projet est dédié à la musique de ce musicien extra-ordinaire qu’était ORNETTE COLEMAN, décalé, moderne presque malgré lui, faute d’être de son temps. L’autre à un programme original de compositions collectives pour orchestre et 4 voix, un rituel quotidien de voix dont la création eut lieu à Perpignan, lors du Jazzèbre d’octobre dernier.

Le guitariste Fred Maurin dispose d’ une belle équipe, celle qu’il s’est choisi de l’Orchestre National pour écrire une nouvelle musique, complexe toujours mais différente de sa Ping machine qu’il a dû se résoudre à abandonner pour ce mandat et cette nouvelle mission. Il a néanmoins gardé certains compagnons de route, le noyau dur de sa rutilante machine pour se consacrer à cette nouvelle aventure toujours “grand format”. 

Cet album Dancing in your head(s) est un hommage personnel à cet étonnant chef de troupe sans véritable disciple, intégrant à des compositions du saxophoniste texan, issues de l’album éponyme de 1973, un pot pourri de titres datant de sa période électrique, et enfin de deux thèmes composés par Eric Dolphy et Julius Hemphill. On retraverse ainsi en touches légères, un peu de la longue histoire de ce musicien qui a vécu, joué, évolué  dans une période faste de l’histoire du jazz. Un projet électrique et électrisant comme cette formation, avec les arrangements frais, brillants, inventifs d’un maître en la matière, Fred Pallem, fou de funk, de musiques vintage qu’il sait moderniser, soul master au plus près de la Black music, le chef de l’insolent Sacre du Tympan.

Il dispose d’un collectif puissamment cuivré qui sonne avec une vitalité réjouissante: 2 sax alto, 2 sax ténor, un sax baryton, 2 trompettes, 1 cor, 2 trombones dont un basse, 2 guitares électriques, une guitare basse, et la section rythmique d’acier qui va de pair avec un tel ensemble! Car le rythme ne faiblit jamais avec ces hommes et femmes à pied d’oeuvre sur ce champ de  manoeuvres!

Pa vraiment du free jazz, (en référence à l’album conceptuel de Coleman qui fit date dans l’histoire du jazz en 1960) mais un projet exubérant, pour une musique librement décomplexée qui groove, spontanée et organique, que l’on avale d’un trait à grandes rasades! La musique ne cesse d’advenir au sein de happenings décoiffants, en un discours fluide et néanmoins fragmenté à partir d’une sinueuse ligne mélodique.

Dès l’introduction, nous sommes dans le bain avec ce “Feet music” des plus explicites qui vous met en jambes irrésistiblement comme le “Dancing fool” de ce "singing fool" de Frank Zappa qui remonterait, dans une forme certes  décalée,  à  la tradition de la musique populaire  américaine jusqu’au "42nd street" de Busby Berkeley et de Lloyd Bacon. Hypothèse posée mais qui répond à une certaine logique, car on ne fait pas que danser dans sa tête avec cet orchestre!  Un peu moins explosif, intrigant même, suit un “Jump street” toujours bondissant avec des écarts inattendus.

Au mitan de l’album, composé avec finesse, alternant subtilement tempi et climats, sans perdre jamais la cohérence du montage, le morceau de bravoure de Dolphy, empreint d’une spiritualité  immédiate, “Something Sweet, Something Tender” est dévoilé par l’attaque du tromboniste Daniel Zimmermann suivie de la trompette incisive de Susana Santos Silva.

On attendait au tournant l’orchestre avec sa version (une de plus) de l’éternel “Lonely woman”, l’une des plus belles mélodies du jazz et sans aucun doute, la composition la plus célèbre d’Ornette! Ça commence sur un tempo volontairement étiré, pour répondre, reprendre cette musique créée dans le blues; puis la formidable machine de l’ONJ s’emballe, tout en prenant son temps pour une longue variation comparée à la durée du thème originel! Une compréhension du standard dans sa mélancolie profonde, poignante.

Tim Berne intervient sur 3 titres dont l’étonnant “Kathleen Gray” composition de Pat Metheny et Ornette Coleman, en hommage à une personnalité remarquable, écrivain, artiste pluridisciplinaire qui a produit le documentaire de Shirley Clark (The Connection, 1971) sur Ornette: made in America (1985).

Le final poétique démarre en douceur (les baguettes imprimant un léger beat) vite détrompé par une cavalcade en fanfare qui traite par dessus la jambe, un thème dénommé "symphonique", jusqu’au murmure déclinant en souffle, soupir de retour au silence qui referme l’album!

Cette musique de l'ONJ a pris ses marques assez vite, rencontrant l’adhésion d’un collectif qui a (un peu) tourné, avec des musiciens qui se connaissent, certains reconstituant les pivots de l’ancienne Ping Machine. L’équipage mené avec une efficacité fougueuse parvient à insuffler lyrisme et sensibilité, donne une touche actuelle à cette série de thèmes si bien construits qu’il n’est vraiment pas nécessaire de chercher à (trop) les détraquer. Un certain désordre, juste apparent, est ainsi mis en scène, suite d’emballements, d’échappées libres, embardées suivies de moments plus tendrement rêveurs. Un vif plaisir d’écoute en tous les cas. Fortement conseillé, cet album, voilà notre prescription de rentrée.

Sophie Chambon

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9 août 2020 7 09 /08 /août /2020 17:04

Rudresh Mahanthappa (saxophone alto), François Moutin (contrebasse), Rudy Royston (batterie).

Montclair, New Jersey, 24-25 janvier 2020

Whirlwind WR 4760 / Bertus

 

Après quinze albums sous son nom, ou en co-leader (j'ai eu l'occasion d'écouter une bonne moitié d'entre eux, et je l'ai écouté plusieurs fois en concert), Rudresh Mahantappa n'en finit pas de m'étonner : par sa singularité, par la vivacité de son propos, par sa fine musicalité et par la hardiesse de ses options. Son texte de présentation affiche son admiration pour les grands trios de même instrumentation (Rollins, Ornette, et Lee Konitz), et si le répertoire porte trace de ce glorieux passé, la musique nous emporte vers un présent plus qu'immédiat. Plus largement il rend hommage à ceux qui furent les héros de son initiation musicale. Sur trois plages des thèmes de Charlie Parker (dont un mêlé de Coltrane), traités avec une liberté digne d'Ornette, et des interludes lyriques qui nous rappellent que cette musique chante, avant tout, même quand son chant 'sort des clous', in and out dans un même geste musical. Il fait aussi chanter la musique de Stevie Wonder, mais dans un autre registre. Et fait revivre à sa manière une chanson de Johnny Cash et un thème de Keith Jarrett (période «Belonging») : bref il joue à fond le jeu du jazz, qui dans l'une de ses approches travaille la musique d'autrui pour la faire irrémédiablement sienne. Il est assisté, ou plutôt propulsé, dans cette belle entreprise par la fougue finement maîtrisée de François Moutin et Rudy Royston. Tous trois sont de grands jazzmen, et c'est donc, tout naturellement, un grand disque de jazz !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

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6 août 2020 4 06 /08 /août /2020 19:36

Dee Dee Bridgewater (voix), Cecil Bridgewater (trompette), Ron Bridgewater (saxophone ténor, percussions), Roland Hanna (piano, piano électrique), George Mraz (contrebasse), Motohiko Hino (batterie, percussions)

Tokyo, 12-14 mars 1974

Mr. Bongo MRBCD 216 & MRBLP 216 / Bertus

 

Le premier disque de Dee Dee, une chanteuse que le public des festivals français (et les auditeurs de l'ORTF) avaient découverte en 1973, lors du festival de Châteauvallon, au sein du big band de Thad Jones-Mel Lewis. Ce premier opus est un disque de jazz autant que de soul music . Il commence avec une très libre escapade sur Afro Blue qui dit assez le cousinage des deux langages, après un prélude qui respire l'Afrique. Du blues aussi, avec un medley qui associe Everyday I Have The Blues et Stormy Monday Blues : Dee Dee enflammée par la musique comme jamais ! Et une très belle valse de Bobby Hutcherson (retour au 6/8 qui nous transportait sur Afro Blue). Et plein d'autres très belles choses. Bref c'est la réédition d'un disque qui fut surtout disponible en import japonais, et qui est désormais à partager largement, comme l'album de référence qu'il est devenu : on se précipite !

Xavier Prévost

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Un avant-ouir sur Youtube

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6 août 2020 4 06 /08 /août /2020 14:30

Jean-François Pauvros (guitare, archet, chant, piano), Antonin Rayon (orgue, clavinet, synthétiseur, épinette, piano), Mark Kerr (batterie, percussions, flûte, chant)

Villetaneuse, 2019-2020

nato 5569 / l'autre distribution

 

Pauvros, le franc-tireur absolu : souvenirs pour le vieux soixante-huitard lillois que je fus, épaté par son duo avec Gaby Bizien, par le trio Moebius avec Philippe Deschepper (deux autres francs-tireurs avérés....), et plus tard par son duo ave Siegfried Kessler («Phenix 14», Le Chant du Monde, 1978). Beaucoup d'aventures polymorphes pour ce guitariste hors-norme, dont quelques-unes sous le label nato, qui l'accueille à nouveau. Ici tous les tropismes du musicien sont visités, par un trio dont l'urgence jamais n'asservit la rigueur. C'est un voyage dans une vie de musicien gourmand de lyrisme transgressif et de radicalité suave. Antonin Rayon, qui tient les divers claviers, est né l'année même -1982- où paraissait «Pénétration», l'album du groupe Catalogue, où Jean-François Pauvros œuvrait en compagnie de Jac Berrocal. Autant dire que le temps s'efface devant la verve créatrice du guitariste. Quant au batteur Mark Kerr, entre les Rita Mitsouko et quelques tours de piste dans le groupe Simple Minds de son frère Jim Kerr, il est aussi de ceux qui parcourent tous les horizons jusqu'à extinction des feux. Bref un mélange détonant, détonnant aussi parce qu'il casse les codes, et qui nous étonne par la somptueuse diversité de ses inspirations. Des textes également, sur trois plages, de Pauvros, de Mark Kerr, et de Rimbaud comme en un songe morbide qu'illuminerait la poésie. Ambiance de tourneries hypnotiques ou sons fracturés, pop-rock subvertie ou délices mélodiques, tout concourt à composer un objet artistique aussi cohérent que singulier, bref une œuvre. Car le franc-tireur est un artiste. Bien entouré par des musiciens de la même trempe, il nous entraîne dans une aventure musicale aussi singulière que palpitante. Avec, comme toujours chez nato, un livret qui déborde d'images et d'imagination. À découvrir et à goûter, avec la passion qui s'impose !

Xavier Prévost

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À découvrir aussi : le DVD «7 films de Guy Girard», paru l'an dernier, et chroniqué dans Les Dernières Nouvelles du Jazz en suivant ce lien

http://lesdnj.over-blog.com/2019/12/jean-francois-pauvros-7-films-de-guy-girard.html

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Jean-François Pauvros jouera avec les dessins en direct de Zou (illustrateur de l'album) sur le parvis du château de Valenton (Val-de-Marne) à 20h, le 8 août. 

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5 août 2020 3 05 /08 /août /2020 18:37

Aruán Ortiz (piano, voix), Andrew Cyrille (batterie), Mauricio Herrera (percussions, voix)

New York, 24-25 mai 2019

Intakt CD 339 / Orkhêstra

 

Un nouveau disque du pianiste cubain de Brooklyn, et encore une surprise : un monde musical totalement transversalisé, où les polyrythmies africaines croisent les rythmes caribéens, et où la poésie (celle du pianiste, et aussi celle d'un chant populaire cubain) fait écho à l'univers pianistique écartelé, voire éclaté, de Cecil Taylor. La science polyrythmique d'Andrew Cyrille n'y est pas pour peu, et elle est magnifiée par la liberté d'Aruán Ortiz, et la pertinence rythmique de Mauricio Herrera. C'est un perpétuel dialogue entre le discontinu (une vision fragmentée du temps musical héritée du free jazz) et l'irrépressible mouvement des percussions. Chaque plage est comme une porte ouverte sur un monde singulier habité par les multiples fractures du temps. Tout commentaire serait superflu, car en deçà de ce que l'on peut percevoir. À DÉCOUVRIR D'URGENCE !!!

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Bandcamp

https://aruanortiz.bandcamp.com/album/inside-rhythmic-falls

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4 août 2020 2 04 /08 /août /2020 22:14

Lennie Tristano (piano); Lenny Popkin (saxophone ténor) ; Connie Crothers (piano); Roger Mancuso (batterie).  Enregistrements de 1967 à 1976. Dot Time Records. 2020.

 

Figure mythique de la jazzosphère, Lennie Tristano « a malheureusement très peu gravé », (Lewis Porter/Michael Ullman/Edward Hazell, 'Le jazz des origines à nos jours'. Ed. Outre-Mesure. 2009). C’est dire si la sortie d’inédits -pas moins de seize- ne peut laisser indifférent. Réunis par la fille du pianiste, Carol, ces titres ont été enregistrés entre 1967 et 1976, soit les dernières années de la vie de Tristano (1919-1978), alors que l’artiste avait arrêté de se produire en public en 1968.

 

 

The Duo Sessions, album de 70 minutes laisse à entendre un musicien qui s’exprime comme à son habitude en toute liberté, sur ses propres compositions, et en compagnie intime d’un.e seul.e comparse. De surcroît ces interlocuteurs sont des proches : le saxophoniste ténor Lennie Popkin (toujours en activité à ce jour dans les clubs de Paris, sa ville de résidence), la pianiste Connie Crothers (1941-2016), qui suivit les cours de Lennie à New-York et le batteur Roger Mancuso, membre du groupe de Tristano entre 1965 et 70.

 

 

 

Tout au long de ce disque, on retrouve les qualités qui ont fait de Tristano un jazzman d’exception, brillant, marginal, rigoureux, émouvant, qui mériterait de rentrer dans l’histoire de la musique par une seule composition de 1955, Requiem, hommage au défunt Charlie Parker.

 

Longtemps considéré comme un pianiste pour pianistes, Lennie Tristano a pu de volonté délibérée « s’enfermer dans une tour d’ivoire », selon l’expression d’Alain Tercinet (West Coast Jazz. Editions Parenthèses). La sortie de ces inédits, initiative du producteur américain Jerry Roche, grand défenseur du patrimoine avec la collection ‘Dot Time Legends’ devrait, s’il en était besoin, contribuer à braquer le projecteur sur un des créateurs les plus originaux du XXème siècle.

 

Jean-Louis Lemarchand.

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11 juillet 2020 6 11 /07 /juillet /2020 21:18

Ambrose Akinmusire (trompette, piano électrique, composition, textes), Sam Harris (piano, synthétiseur), Harish Raghavan (contrebasse), Justin Brown (batterie) + Genevieve Artadi (voix, texte), Jesus Diaz (percussion, voix)

Brooklyn, date non précisée

Blue Note 00602508926198 / Universal (CD et vinyle)

 

D'une certain manière, c'est un disque de mélancolie autant que de combat (mais un combat qui n'étoufferait pas la musique). De retour dans sa ville d'Oakland après de longues années passée à New York et à Los Angeles, il prend conscience des changements survenus, alors que la population afro-américaine a été majoritairement remplacée par des habitants à la situation matérielle plus confortable, et qui semblent tout ignorer du passé et de la culture de cette ville. De cette conscience des mutations intervenues, le trompettiste-compositeur va tirer, pour exprimer l'âpreté de chaque calloused moment, une suite de paysages musicaux, aussi expressifs que sophistiqués, sans que jamais l'évidence artistique ne soit altérée par une quelconque bouffissure. Bref c'est du (très) Grand Art, une œuvre cohérente où se disent une sourde colère métamorphosée en allégorie de combat, et une analyse fine d'une réalité 'socio-culturalo-poétique' transformée en pure émotion musicale. Dès la première plage, après une courte phrase de trompette, il nous embarque dans un monde de tensions complexes et d'éclats effervescents, lesquels vont se résoudre en un chant yoruba dans la voix de Jesus Diaz. On est littéralement happé par l'urgence du propos, et la cohérence des formes, sans que jamais l'abstraction n'efface la chair et le sang qui composent, autant que le corps du musicien, le cœur de la musique. De plage en plage la perspective se déploie, l'émotion va croissant, sans défaut d'inspiration, d'expression ou de densité formelle. Au fil du disque sont évoquées des figures prépondérantes dans la mémoire du musicien (Roy Hargrove, Roscoe Mitchell....), et le temps d'un titre Ambrose Akinmusire s'installe au piano électrique (sur cet instrument il nous offrira aussi une plage conclusive en solo) pour dialoguer avec la voix et le texte de Genevieve Atardi. À aucun moment l'intensité ne sera démentie, et la musicien nous conduira, émerveillés, au terme de ce que j'appellerai, en pesant le poids de ce mot, un Chef-d'Œuvre.

Xavier Prévost

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11 juillet 2020 6 11 /07 /juillet /2020 19:31

John Scofield (guitare), Steve Swallow (guitare basse), Bill Stewart (batterie)

New York, mars 2019

ECM 2679 /Universal

 

On pourrait dire de cette musique qu'elle est quintessentielle, en cela qu'elle concentre au degré le plus élevé l'intensité, la pure musicalité, avec ce détachement propre aux artistes qui n'érigent pas le goût de plaire en doctrine, et savent pourtant toucher au plus profond les amateurs mélomanes, en quête d'une jouissance musicale plutôt que d'un plaisir négociable. Cela relèverait de la part de Scofield d'une sorte d'hommage à son ami presque vénéré, Steve Swallow, et à ses compositions tissées d'élégance autant que de mystère, comme l'immarcescible Falling Grace, en plage 2 du CD, qui n'en finit pas de procurer des joies infinies au vieil amateur que je suis, sans jamais dévoiler tous ses secrets harmoniques (je dois à la vérité d'avouer que ma compétence musicologique est plus que lacunaire....). Le guitariste dialogue avec le compositeur dont la guitare basse ne cesse de chanter, de phrase en phrase, qu'il accompagne ou qu'il livre un solo. C'est de la pure magie, attisée par un orfèvre d'autres mystères, rythmiques ceux-là, en la personne de Bill Stewart. Qu'il s'agisse d'Eiderdown, maintes fois enregistré par une foule de musiciens qui cherchent à en déjouer les arcanes, ou du plus confidentiel She Was Young, inauguré par Swallow voici plus de quarante ans sous le même label, le miracle est permanent, tissé de connivences anciennes et du présent le plus immédiat, celui de jouer ensemble. En compagnie de ce tandem très exceptionnel John Scofield vole littéralement, de phrase en phrase, de nuance en éclat. Sur In F, d'après les harmonies de I Love You , signé Cole Porter, on assiste à un échange qui va du dialogue au trilogue, sans jamais laisser poindre ni redite, ni cliché. Les trois compères tiennent à l'auditeur la dragée haute, mais leur exigence est notre plaisir. Magistral, de bout en bout, ce disque est un cadeau à nous offert autant qu'un message qui nous serait adressé : «soyez par votre écoute à la hauteur de la musique qui se joue». L'extase est au bout du chemin....

Xavier Prévost

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