Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 mars 2020 6 21 /03 /mars /2020 21:26

Carla Bley (piano), Andy Sheppard (saxophones ténor & soprano), Steve Swallow (guitare basse)

Lugano, mai 2019

ECM 2669 /Universal

 

Certaines connivences confinent à l'extase, comme celle qui unit Carla et Steve. Lui jouait de la contrebasse quand, voici près de 60 ans, il enregistra une première fois la musique de la compositrice-pianiste dans le trio du mari d'icelle, Paul Bley. Très longtemps après, alors qu'il avait abandonné la contrebasse pour la guitare basse, il firent vie commune ; mais la connivence musicale s'était déjà installée de longtemps. Et cela fait des lustres qu'ils communiquent d'une façon presque magique par la musique. Trois suites composées par Carla Bley, trois miracles de formes surgies de la simplicité la plus pure pour s'épanouir dans une douce complexité. La teneur de la majorité des plages est mélancolique. On commence par le blues, au plus près des racines. Les basses introductives du piano, plus que lentes, résonnent comme un appel des origines. Résonnent même un peu trop, car dans ce magnifique auditorium en bois de la radio publique suisse de langue italienne (RSI), ça sonne terriblement bien, et la réverbération ajoutée frôle un court instant la faute de goût. Mais ce sera un très furtif manquement, dans une prise de son superlative. Il n'y a plus qu'à s'abandonner. La rondeur de la basse trace un chemin où s'épanouit le chant des saxophones, et la pianiste, toujours pertinente, n'élude pas les écarts poétiques. Il y aura aussi un duo piano-basse qui dépasse de loin les frontières usuelles de l'empathie.

De plage en plage la magie opère, et soudain va sourdre l'humour indestructible de Carla. Magnifique, de bout en bout. Chant du cygne ? On espère que non, pour elle et eux comme pour nous.

Xavier Prévost

Partager cet article
Repost0
16 mars 2020 1 16 /03 /mars /2020 23:17

B.O. du documentaire Birth of The Cool, de Stanley Nelson (visible sur Netflix). Legacy/Columbia/Sony. Disponible en CD et en LP (2 volumes).

 

Quoi de neuf ? Miles Davis naturellement. En cette époque de confinement, redécouvrir Miles reste un bonheur sans prix.  Passer en revue la carrière musicale du trompettiste en quatorze titres, c’est possible avec la sélection opérée pour la bande son du documentaire « Birth of The Cool » tourné par le réalisateur Stanley Nelson, spécialiste de l’histoire afro-américaine (Cinq Emmy Awards) et disponible dès maintenant sur Netflix (près de deux heures de musique et de témoignages, démarrant avec Miles faisant du shadow-boxing sur un ring).

 

Ne vous méprenez pas ! Nous n’avons pas affaire à l’album enregistré par Miles en 1949-50 et publié sous ce titre, ‘Birth of The Cool’, en 1957 par le label Capitol sur un vinyle 30 cm, version enrichie d’un premier 25 cm sorti en 1954 dans la collection Classics in Jazz. Pour l’anecdote, Miles n’aurait guère apprécié ce titre alors qu’il était en pleine phase hard-bop.


Le travail opéré par Columbia-Sony mérite l’attention même si les morceaux choisis sont bien (archi) connus des amateurs, à l’exception d’un inédit, « Hail to The Real Chief », œuvre co-signée par Miles et Lenny White.
  Voilà un florilège de chefs d’œuvre gravés en quatre décennies débutant par ‘Donna Lee’ (1947) avec Charlie Parker, Bud Powell, Tommy Potter et Max Roach. Les autres titres sont du même tonneau, ‘Moon Dreams’ (tiré de Birth of The Cool), le ‘So What’ de Kind of Blue (Coltrane, Evans…), ‘The Pan Piper’ de Sketches of Spain (le big band de Gil Evans), ‘Footprints’, l’œuvre de et avec Wayne Shorter, ‘Tutu’ (1986) de et avec Marcus Miller, pour n’en citer que quelques-uns.


Supplément appréciable à cette encyclopédie sonore en condensé, des commentaires brefs qui s’intercalent, assurés entre autres par Jimmy Cobb (dernier survivant de l’album Kind of Blue), Wayne Shorter, Gil Evans, Carlos Santana, sans oublier Vincent Bessières qui fut commissaire d’une notable exposition consacrée à Miles (We Want Miles) à la Cité de la Musique en 2009-2010.

 

Un cadeau chaudement recommandé à tous les amateurs de musique et pas seulement de la « note bleue », pour mesurer la diversité du génie du Picasso du jazz.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

Partager cet article
Repost0
16 mars 2020 1 16 /03 /mars /2020 18:10

Joce Mienniel (flûtes), Pierre Durand (guitare), Didier Ithursarry (accordéon) ; invités sur une plage, Geoffroy Tamisier (arrangements) & Cuareim Quartet : Rodrigo Bauza & Federico Nathan (violons), Eva Slongo (alto), Guillaume Latil (violoncelle)

Le Perreux, septembre 2018

LagunArte LP 06 / l'autre distribution

 

Didier Ithursarry, croisé dans les univers musicaux les plus variés, a partout imposé en douceur son exigence musicale. Avec ce disque, et ce trio, il ouvre les vannes, ou plutôt la porte, comme le suggère le titre en langue basque. Toutes les douceurs, comme les torrents musicaux, y ont droit de cité, des rythmes d'inspiration balkanique aux mélancolies profondes qui sourdent de toutes les musiques de tous les mondes, à commencer par le sien propre. Il est soutenu par deux orfèvres : la virtuosité expressive de Joce Mienniel trouve constamment écho dans la musicalité inspirée de Pierre Durand. L'accordéon de Didier Ithurssary, souverain dans la vigueur rythmique, pose aussi constamment l'intensité de son chant, un chant encore magnifié dans la suite en six plages par le quatuor à cordes Cuareim et l'écriture de Geoffroy Tamisier. C'est lyrique, vivant, bondissant quand il le faut, et toujours d'une intensité folle. Il y a aussi, et c'est encore un moment de grande intensité, en solo, l'adieu à Éric Groleau, batteur-percussionniste, partenaire musical tragiquement et prématurément disparu, sur un thème de la tradition basque. Un adieu, déchirant, dans la lumière du petit matin. Très beau disque, par de grands musiciens.

Xavier Prévost

.

Le concert de sortie, prévu le 18 mars 2020 à Paris au studio de l'Ermitage, a hélas été annulé, comme tous les concerts de la période, pour cause d'épidémie de coronavirus. On a hâte de retrouver cette musique au concert !

Partager cet article
Repost0
14 mars 2020 6 14 /03 /mars /2020 17:35

Xavier Camarasa (piano, piano préparé), Matthias Mahler (trombone)

Le Pré-Saint-Gervais, 4 octobre 2019

Gigantonium GIG 010TBP2 / https://www.gigantonium.com/label

 

Un disque mystérieusement relié au précédent (Camarasa -Mahler « TbPn », chronique en suivant ce lien), par une quête formelle, une manière de reprendre la matière sonore, musicale et instrumentale, et de la déployer selon d'autres modalités. Encadrées par deux versions différentes de la même pièce, Mouvement perpétuel, sept compositions signées par le pianiste (sauf une, imaginée par le tromboniste), qui sont autant de digressions à partir d'un même univers, celui d'un duo qui explore. L'exploration est en permanence un jeu, sur l'interaction, la tension, et la mémoire qui s'imprime dans les formes mais engendre d'autres chemins, dictés autant par la sensualité du son que par les constructions abstraites qui organisent un discours musical. On croit deviner le cheminement, et voilà que l'on nous fourvoie. C'est intense et captivant, sans que l'on sache toujours ce qui est préconçu et ce qui surgit du vertige de l'instant. Il suffit de s'y plonger, de s'y abandonner : alors la musique coule de source. C'est assez bluffant.

Xavier Prévost

.

J'avais différé la chronique de ce CD paru en janvier pour la publier en mars, à l'occasion d'un concert du pianiste Xavier Camarasa avec son quintette 'El Memorioso' à l'Atelier du Plateau, dans le cadre du Festival Banlieues Bleues. Le coronavirus et ses annulations de spectacles en ont décidé autrement.... Haut les cœurs, et vive la Musique !

Partager cet article
Repost0
9 mars 2020 1 09 /03 /mars /2020 10:29

Daniel Erdmann (saxophone ténor)

Bruno Angelini (piano)

Le Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), 18-19 décembre 2017

Angelini-Erdmann AE001/ disponible sur les plateformes

 

Une œuvre très singulière, qui trouve son origine dans l'évocation de deux jeunes gens qui incarnèrent l'opposition allemande à Hitler en 1943. Sophie Scholl et son frère Hans furent condamnés à mort pour avoir, à l'Université de Munich (et ailleurs), distribué des tracts hostiles au régime nazi. Un concert-spectacle, créé en 2017 au Blanc-Mesnil, puis donné en 2018 à Paris au Goethe-Institut, avait vu le jour, sur un texte (accessible via ce lien) signé Alban Lefranc, écrivain français vivant à Berlin ; texte incarné par la comédienne Olivia Kryger : c'est le songe de Sophie Scholl lors de la dernière nuit, celle qui précède l'exécution. Un songe qui, près de son terme, délivre ce message «Ne crains pas la mort ni à dix-sept ni à soixante-dix ans. Il n'existe que le réel et la lumière»

Les deux musiciens donnent à cette musique, par ce disque, une existence autonome, reliée au projet originel par sa puissance d'évocation. Car il s'agit ici, plutôt que d'illustrer, d'évoquer : dans son sens originel, ce mot fait parler les esprits, et c'est le prodige que réalise cette musique. Les thèmes, composés alternativement par le pianiste et le saxophoniste, portent leurs charges de mélancolie, mais aussi de révolte explicite, de foi dans la pertinence d'un combat, fût-il inégal. Ici c'est une sorte d'épisode de pulsation savamment harmonisée, ailleurs une déploration qui nous plonge dans des abîmes de noirceur, avec en écho un espoir, indéfectible, d'humanité. Au fil des plages les deux musiciens dialoguent, interagissent et conjuguent les lignes mélodiques et les harmonies en parfaite osmose. Une sorte de rédemption par la beauté.

Xavier Prévost

.

Le duo sera en concert le 12 mars à La Fraternelle de Saint-Claude (Jura)

.

Des extraits du disque sur le site de Bruno Angelini

http://www.brunoangelini.com/sons.html

.

Des informations sur le projet

http://www.brunoangelini.com/projets.html#derniereDUO

Partager cet article
Repost0
5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 18:59

Pierre de Bethmann (piano, piano électrique),

Sylvain Romano (contrebasse), Tony Rabeson (batterie)

Pompignan (Gard), 6-7 septembre 2019

Aléa 012 / Socadisc

 

Pour ce troisième volume d'Essais, Pierre de Bethmann persiste et signe dans l'affirmation d'un choix très ouvert du répertoire. Dans le volume 1(chronique des DNJ ici) on trouvait, à côté des standards dont le jazz fait son miel, Trenet, Fauré ou Gainsbourg ; et dans le volume 2 (chronique) Boris Vian, Voulzy, Haendel ou le Chant des partisans. Fidèle à ce tropisme qui révèle la liberté du jazzman, le pianiste nous entraîne cette fois du côté de Brassens, Stevie Wonder, mais aussi Robert Schumann. Et comme toujours quand le jazz est là, c'est un mélange de rigueur et d'absolue liberté, de passion artisanale et de métamorphose artistique. C'est ainsi que vous découvrirez La cane de Jeanne comme vous n'osiez pas l'imaginer, surgie d'un piano Fender Rhodes doucement saturé, et s'évadant comme aux plus belles heures du Sieur Hancock. D'ailleurs j'ai le souvenir que, au mitan des années 90, à l'époque où notre pianiste s'imposait au Concours de la Défense avec le trio Prysm, il avait lors d'une sorte de Master Class épaté ledit Hancock par son choix de notes et son phrasé. Sur L'Opus 105 de Robert Schumann, ça chante comme du Schubert (Oui, oui, croyez-moi !) et ça danse comme une valse de Bill Evans. Puis c'est Cyclic Episode de Sam Rivers (du disque «Fuschia Swing Song», 1964), une cavalcade modulante qui donne le vertige (Tony Rabeson magistral). Puis un surprenant ravalement de façade sur Que Sera Sera, rengaine des années 50, rarement visitée par les jazzmen, et métamorphosée par Sylvain Romano. Groove d'enfer très Soul Jazz sur Dark Blue de John Scofield, un petit Cole Porter pour la route (on me dira, à juste raison, qu'il n'y a pas de petits Cole Porter....), puis une compo de Jean-Loup Longnon, L'Ours, originellement conçue pour quintette de cuivres et orchestre symphonique, et qui en trio devient une ligne mélancolique d'une infinie subtilité. Mélancolie encore avec I Can't Help It de Stevie Wonder pour clore le tout : beau voyage. Je ne risquerai pas 'essai transformé', déjà usé, et abusé. J'oserai : trois coups d'essai, trois coups de Maître. Vraiment.

Xavier Prévost

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=kPFA9hFfsBU

.

Le trio sera en concert le vendredi 6 mars à 19h45 à Reims, au Café du Palais, un restaurant agréable et recommandable puisqu'on y trouve une lithographie de Daniel Humair

Et aussi les 13 & 14 mars à Paris au Sunside, le 27 à Mâcon au Crescent, et le 28 à Toulouse au Taquin

Partager cet article
Repost0
5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 00:26

Anne Ducros (vocal), Adrien Moignard (guitare), Diego Imbert (contrebasse).
Studio du Bras d’Or, (Boulogne sur Mer), 2019.

Sunset Records-Sun 029/L’autre distribution, 2020.

Ella Fitzgerald aura toujours été dans le cœur d’Anne Ducros. Voici dix ans déjà, la chanteuse lauréate de l’Académie du Jazz en 2001 lui avait déclaré son admiration (« Ella, My dear » Plus Loin Music, 2010), avant de récidiver peu après (« Either Way, from Marylin to Ella ». Naïve. 2013).


Aujourd’hui, elle s’est souvenue du tête à tête de la « First  Lady  of Jazz » avec le guitariste Joe Pass. La même harmonie règne dans cet album mitonné avec le guitariste Adrien Moignard lors de soirées au Sunset à la fin 2018 et finalisé, sous les auspices du patron du club parisien, Stéphane Portet, avec le contrebassiste Diego Imbert.


« J’ai l’impression de ne jamais toucher la terre ferme, de me promener en balançant d’un mode à l’autre », relève-t-elle pour résumer ce disque dédié à Didier Lockwood, un « pays » (natif du Nord) qui lui mit le pied à l’étrier à Paris.
Ses qualités de vocaliste ne sont plus à démontrer (voix juste, fraîche, sens du rythme, diction exemplaire) tout autant que sa présence sur scène. Ne confia-t-elle pas : « Quand on chante du jazz, il faut accepter le fait qu'il s'agit d'une musique revendicative, voire subversive ».


 Ici, changement de registre. La fan de Nina Simone cède le pas à l’admiratrice d’Ella. Anne  se montre apaisée, délivrant avec aise un répertoire d’un éclectisme de classe où les grands standards des années 20-30 (I Thought About You, The Very Thought of You, Honeysuckle Rose, Tea For Two, April in Paris) côtoient des « tubes » de la pop (Something, de George Harrison, Your Song), ou encore deux titres qui doivent tant à des musiciens français (The Good Life, adaptation de la Belle Vie de Raymond Sénéchal et Sacha Distel, Samba Saravah de Vinicius da Moraes-Baden Powell bénéficiant de paroles signées Pierre Barouh).  

 

Un album de haut vol, chaudement recommandé et pas seulement aux férus de jazz vocal.

 

Jean-Louis Lemarchand.
    


En concert le 8 mars à 19h30 au Café de la Danse : 5 Passage Louis-Philippe, 75011 Paris (01 47 00 57 59).
 http://www.cafedeladanse.com/

 

©photo Jean-Baptiste Millot

 

Partager cet article
Repost0
4 mars 2020 3 04 /03 /mars /2020 09:31
EDOUARD BINEAU & OSEFH QUINTET  SECRET WORLD

 EDOUARD BINEAU & OSEFH QUINTET

SECRET WORLD

Edouard Bineau Production/Idealand Production

Distribution ABSILONE

SORTIE LE 28 FEVRIER

Dans de savoureuses notes de pochette, l’ami Pascal Anquetil renouvelle son attachement à ce musicien discret mais lyrique, découvert en 2001, sur le chouette label de JJ. PUSSIAU !

J’ai attendu quant à moi plus longtemps et c’est en 2007, grâce au Chant du Monde que j’ai entendu pour la première fois L’obsessionniste, en duo avec Sébastien Texier, titre magnifique en hommage au Facteur Cheval et à son Palais. J’ai prolongé ma découverte avec Wared (anagramme d’ Edward) en 2010 mais je n’ai pas observé la révélation que fut la rencontre du pianiste avec l’harmoniciste J.J.Milteau qui allait en quelque sorte le faire changer de route, dès son Bluezz en 2014.

Car, avec ce quintet OSEFH (O pour Oscar, S pour Sébastien etc ) qui décline les initiales des prénoms de ses compagnons de route, Edouard Bineau change d’orientation et surtout d’instrumentation: il joue à présent non seulement du piano mais aussi de l’harmonica diatonique (formidable blues sur “Attrape moi”) et s’entoure de deux soufflants, le fidèle Sébastien Texier, fils de “Sir Henri” à l’ alto et à la clarinette et son jeune fils Oscar (ténor et soprano) qu’il fait entrer dans la danse. Car cet album célèbre le groove, sans batterie, avec l’aide de François Constantin aux percussions et Henri Dorina à la basse électrique. Plus qu’un tapis moelleux et charnu, leur assise permet aux solistes de s’envoler, de se livrer à des échappées libres avant de retomber parfaitement en place, comme à la fin impeccable de “Mister C”.

C’est à partir de la deuxième partie de l’album que le pianiste revient aux commandes, de concert avec les soufflants qui unissent leurs lignes. Quelle délicatesse dans la mélodie du fiston, “La nymphe de Sibérie” qui traduit une impression diffuse et néanmoins lumineuse de sourde mélancolie que prolonge encore le court “Zéphyr”.

De la poésie au coeur d’une certaine esthétique, un ressourcement sans effets décoratifs, une couleur essentielle jusqu’au final éponyme du titre de l’album, pas si secret, car il révèle le monde frais, percutant et doux de Mr. E.B.

 

Sophie Chambon

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
3 mars 2020 2 03 /03 /mars /2020 16:49

Boris Lamerand (violon, alto, composition), Antoine Delprat (violon), Olive Perrusson (alto), Octavio Angarita (violoncelle)

invités : Carine Bonnefoy (piano), Clément Caratini (clarinette basse)

Alfortville, sans date

Déluge DLG 004 / Absilone-Socadisc

 

Un parti pris : jouer avec des cordes, rien que des cordes, de la musique syncopée, très syncopée. Dominique Pifarély, qui a été (avec un plaisir évident) leur invité pour un concert, insiste sur le traitement rythmique, rarement porté à ce niveau dans le jazz par un ensemble de cordes, et il évoque à ce propos le Swing Strings System de Didier Levallet, dans lequel il a joué. En écoutant Les Enfants d'Icare, et notamment le premier titre Daf Algan (manifestement plus en allusion aux rythmes impairs de la musique iranienne qu'à une médication antalgique....), j'entends ce rebond qui m'avait transporté lorsque j'avais découvert, voici bien longtemps, le fabuleux Focus d'Eddie Sauter, enregistré en 1961 avec Stan Getz comme soliste improvisateur sur un ensemble de cordes d'une souplesse remarquable, porté sur la première plage, I'm Late, I'm Late , par la pulsation ferme et douce de Roy Haynes. C'est à ce rebond prodigieux, à cette souplesse toute féline, que me fait penser la première plage de «Hum-Ma». D'autant que la pièce d'Eddie Sauter me renvoyait aux premières mesures de l'allegro de la Suite pour cordes, percussion et célesta de Bartók. Bref on est en (très) bonne compagnie. Le quatuor fait quelques entorses à l'instrumentation canonique : quand le violoniste-compositeur Boris Lamerand passe à l'alto pour deux pièces ; quand le quatuor invite en soliste la pianiste Carine Bonnefoy (compositrice inspirée par et pour les cordes), laquelle d'ailleurs avait accueilli la quasi totalité du quatuor dans son 'Large Ensemble' ; et enfin quand la clarinette basse de Clément Caratini dialogue avec le quatuor.

Au delà de la formidable vitalité rythmique, l'écriture est harmoniquement dense et tendue, le travail sur la sonorité (nourri notamment du son des cordes dans les Musiques du Monde) est remarquable. Le dialogue entre les instruments du quatuor est vif, et d'une grande liberté. C'est intensément vivant, lyrique à souhait, brillant, enthousiaste.... et donc enthousiasmant.

Xavier Prévost

.

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=W3_G7pwF2nU

.

En concert au Triton, près de la Mairie des Lilas, le 6 mars. Puis le 8 mars à la Cité de la Musique de Paris (pour un concert promenade au Musée, à 14h30), et le 26 mars au Théâtre des Pénitents de Montbrison (Loire)

Partager cet article
Repost0
3 mars 2020 2 03 /03 /mars /2020 12:33

Henri Texier (contrebasse), Vincent Lê Quang (saxophones ténor et soprano), Sébastien Texier (saxophone alto et clarinettes), Manu Codjia (guitare) et Gautier Garrigue (batterie). Studio Gil Evans, Amiens, octobre 2019. Label Bleu/L’autre distribution, 2020.

 

Quelle chance de retrouver Henri Texier ! Nous ajoutons un item à sa liste de remerciements figurant en présentation de son dernier album. Le contrebassiste-compositeur reconnaît entre autres « la chance, après toutes années de n’avoir que peu de regrets ».

 

A 75 ans -depuis quelques jours- Henri Texier reste fidèle à une certaine conception de la musique et du jazz, faite d’engagement, de musicalité, d’humanité. Il est aisément reconnaissable dès ses premières phrases, la rondeur du son de sa contrebasse et l’esprit de groupe qui lui ont valu d’être qualifié parfois de « Mingus français ». Ici encore, il manifeste ce que son complice, le photographe Guy Le Querrec, auteur de la photo de couverture (un cheval solitaire saisi sur la lande de l’île bretonne de Batz) considère comme « une robuste délicatesse ».  

 

Le périple musical proposé par Henri Texier donne à entendre de la fougue (Cinecitta, thème d’ouverture signé de son fils, Sébastien) et de l’émotion (beaucoup) notamment dans un hommage à Simone Veil et Robert Badinter, « Simone et Robert », ou ce « Standing Horse », (qui pourrait paraître un autoportrait), deux compositions personnelles. Une œuvre distillée sur une petite cinquantaine de minutes qui résume l’art consommé d’Henri Texier, cette capacité à émouvoir et à plaire sans flatter. Du bel ouvrage.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

En concert le 21 mars au Café de la Danse : 5 Passage Louis-Philippe, 75011 Paris (01 47 00 57 59). http://www.cafedeladanse.com/

 

 

Partager cet article
Repost0