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30 mai 2024 4 30 /05 /mai /2024 17:18

Trevor Watts (saxophones alto & soprano), Jamie Harris (percussions), Veryan Weston (clavier numérique)

Welwyn Garden City (Hertfordshire, Angleterre), sans date

Jazz Now JN-01-S-CD

https://jazznow.bandcamp.com/album/gravity


 

J’avais écouté ce groupe en concert, avec une bonne partie du répertoire de ce disque (c’est le premier du trio, mais la connivence entre eux est ancienne). C’était en juin dernier à Paris, à la Galerie 19 Paul Fort. Et j’avais été conquis, comme tout le public présent. La musique,composée par Trevor Watts, est un effervescent mélange de jazz de stricte obédience et de musique libre (libre mais très syncopée). La pulsation est reine, elle est souvent véhémente. Les thèmes sont structurés, mais ils incitent à l’échappée, et les membres du trio ne s’en privent pas. La musique puise à toutes les sources. En permanence se télescopent une foule de micro-événements musicaux dont le développement est toujours fécond : musique intensément vivante, qui fait bouger nos pieds autant que nos neurones. Un régal en somme.

Xavier Prévost

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Le trio est en concert le samedi 1er juin à Paris à la Galerie 19 Paul Fort

http://www.19paulfort.com/galerie/index.php/concerts/

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25 mai 2024 6 25 /05 /mai /2024 17:12
DAS KAPITAL  One must have chaos inside to give birth to a dancing star

Das Kapital    One must have chaos inside to give birth to a dancing star

 

Sortie le 24 Mai  sur  Label Bleu/ L’Autre Distribution

Actus — Maison de la Culture d’Amiens (maisondelaculture-amiens.com)

Studio de l’Ermitage 12 Juin concert de sortie du CD

 

Un disque important pour ce trio de camarades toujours aussi soudés après plus de vingt ans d’activité. Même s’ils ne sont pas du genre à éprouver de la nostalgie, le coup d’oeil nécessaire dans le rétroviseur leur a fait mesurer la distance parcourue et l’évolution de leur musique improvisée depuis 2002. Il ne s’agit pas pour autant d’un travail de collectage des musiques héritées pendant toutes ces années. Si leurs deux premiers albums Ballads and Barricades en 2009 et Conflicts and Conclusions en 2011 étaient consacrés aux influences du passé, aux compositions de ce musicien au parcours extraordinaire et pourtant peu connu, Hans Eisler, exilé à Hollywood avant de revenir à l’Est (créateur de l’hymne national allemand), ils se sont très vite abandonnés à leur propre partition, des chansons sans parole d’une grande beauté.

Difficile de définir leur style mais “ça joue” toujours autant entre eux, gardant mélodie et pulsation, sans aucun dogme, tout à leur seul désir et pour notre grand plaisir, ne s’interdisant rien et surtout pas de mêler traditions, références aimées et indépendance dans la musique qui surgit de cet élan collectif. Du lyrisme enfin qu’ils ne dédaignent pas d’injecter dans leur arc narratif et dramaturgique.

Pendant les cinq jours à Amiens chez Label Bleu, enregistrant en direct dans le studio Gil Evans, ils ont joué à perdre haleine et sorti 41 improvisations dont ils n’ont au final retenu que 7 titres* après une écoute des plus attentives. L’ingénieur-son Maïkol Seminatore, le quatrième homme, a fignolé les thèmes choisis avec des arrangements, recadrements et loupes. Du sur mesure,“sans l’éclat, la distanciation ironique, la violence iconoclaste” des débuts disent-ils.

On arrive à se faire une idée précise de la tonalité de la séance dès la première écoute, tant le climat reste homogène. Une musique toujours aussi énergique grâce à la batterie de Perraud, au lyrisme souvent énervé, écorché des saxophones ténor et soprano de Daniel Erdmann et à la guitare maîtresse de Hasse Poulsen. Un triangle plutôt équilatéral qui ne respecte pas l’arrangement habituel (trop classique pour ces poètes libertaires) de guitare-basse/batterie.

Si Edward Perraud, batteur et percussionniste, coloriste et rythmicien attire l’attention dès l’origine avec ce “Birth” à l’ostinato perturbant, s’il varie ses effets par des ruptures de rythme, il s'avère assagi et plus régulier sur “The River” puis “Earth”;  il brosse largement l’arrière-pays, ce socle sur lequel s’élance Daniel Erdmann inimitable, au timbre identifiable. C’est toujours la même séduction, immédiate, à l’ écoute de ce saxophoniste vibrant, tout en souffle, impressionniste ou fougueux… Plus en retrait semble le guitariste à moins que l’auditeur ne soit moins sensible aux accords de guitare qui s’enchaînent, imparables pourtant. Ce serait sans compter les doux effleurements d’Hasse Poulsen sur ce “Dancing star” en deux parties qui courent sans transition, une délicate musique des sphères; la construction ascendante de Hasse Poulsen, intègre avec bonheur tous les imprévus d’une musique invasive, constamment sous tension jusqu’au final prometteur, annonçant une “First Light” plutôt free rock.

Cet album semble une parfaite illustration en images virtuelles, écho à trois voix souvent irréelles, comme les photos d’Edward Perraud fantasmatiques et troublantes. Une suite continue où l’esprit se recentre autour d’ostinatos et de grondements sourds, le saxophone soufflant volontiers le chaud et le froid, la douceur étant du côté de la guitare.

Un peu plus étonnante est cette citation interminable tirée d’“Ainsi parlait Zarathoustra”. On ne comprend pas vraiment comment fonctionne leur alchimie, mais il est manifeste que cette musique à trois est structurée, parfaitement élaborée entre folk, jazz, rock. Ils continuent leur histoire sans perdre leurs repères. Attentifs, délicats, sans fébrilité excessive, ils savent donner à l’album son unité avec une dimension originale et poétique.

 

*2 plages fantômes poursuivent le supposé final!

 

Sophie Chambon

 

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24 mai 2024 5 24 /05 /mai /2024 16:55

Hervé Sellin (piano & piano électrique) et sur deux plages Claude Egéa (bugle)

Meudon, 13-15 septembre & 8 octobre 2023

IndéSens Calliope Records IC 012 / Socadisc


 

Après l’album «Claude Debussy», enregistré en 2017 pour le même label, et publié en mars 2018 à l’occasion du centenaire de la mort du compositeur (http://lesdnj.over-blog.com/2018/04/debussy-vu-du-jazz-par-herve-sellin-et-enrico-pieranunzi.html), Hervé Sellin se penche sur la musique de Gabriel Fauré (en novembre ce sera le centenaire de sa mort) et celle de Maurice Ravel (qui leur survécut jusqu’en 1937). Cette trilogie a un sens, si l’on veut bien se souvenir de ce que le jazz est allé quérir dans leurs langages respectifs. Alors que pour Debussy il était allé chercher du côté des pièces pour piano, Hervé Sellin puise cette fois dans des œuvres orchestrales et vocales (sauf pour ses digressions très personnelles autour du Prélude pour piano de Ravel). Tout au long du disque, c’est une sorte de déambulation amoureuse dans des trésors de ces musiques : trois moments du Requiem de Fauré, ainsi qu’une mélodie - Après un rêve - et la célèbre Pavane du même compositeur. Pour Ravel on chemine de Daphnis et Chloé à la Rhapsodie espagnole en passant par la Pavane pour une infante défunte ; avec aussi deux digressions en duo piano-bugle autour du Concerto en sol majeur et de Ma mère l’Oye. L’amour de ces musiques, autant que la revendication de liberté et d’imagination, président à cette belle entreprise. Le pianiste interroge les harmonies en les transgressant, effleure les lignes mélodiques en les entraînant vers d’autres voies. Sa science du piano et de la musique, côté classique (sa formation au Conservatoire de Paris) comme dans le jazz (qu’il a pratiqué avec les plus grands avant de l’enseigner dans le conservatoire qui l’avait formé), lui donne la liberté d’enfreindre en magnifiant, de contourner sans manquer l’ultime but, d’intensité et de beauté. Dans le livret du disque il commente pour chaque pièce, de manière limpide, le cheminement autant que l’intention. Dans cet exercice, souvent tenté par les artistes de jazz, de puiser dans le répertoire classique (au sens large : du baroque au vingtième siècle) pour produire leur propre musique, exercice périlleux qui a suscité parfois des déceptions, Hervé Sellin nous offre une fois encore le témoignage d’une incontestable réussite. Au plus haut niveau.

Xavier Prévost

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16 mai 2024 4 16 /05 /mai /2024 14:30

Pierrick Menuau (saxophone ténor), Gaëtan Nicot (piano)

Porz Gwen (Finistère), sans date

Tinker Label 0323011 / l’autre distribution

 

Une connivence nouée voici bien ds années dans les jam sessions angevines, et affûtée par ce duo. Des standards inoxydables (Monk’s Dream, Stablemates….), des improvisations, et des thèmes originaux, dont une belle évocation d’un duo resté dans toutes les mémoires, sobrement intitulé For Wayne & Herbie, pour un jouissif mélange de science musicale et de décontraction. Avec aussi une ‘plage fantôme’ après la fin de The Nearness Of You.  En d’autres termes un beau cocktail de maîtrise du langage et de liberté (le jazz, n’est-ce pas ?). Le texte du livret, signé par le pianiste breton Didier Squiban, évoque une parenté artistique avec la poésie de René Char ou la peinture de Vassily Kandinsky, ce qui est totalement pertinent : le souci de la forme ne bride en rien l’imagination, et j’entends aussi dans cette rencontre les échos d’un univers où s’épanouissaient Lennie Tristano et Warne Marsh. Bref, vous l’aurez compris, c’est de la très très belle musique.

Xavier Prévost

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Le duo est en concert à Paris (Sunside) le 21 mai , et à Nantes (Pannonica) le 22 mai

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Un avant-ouïr sur Youtube

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13 mai 2024 1 13 /05 /mai /2024 14:55

Young Turks Recordings/Beggars.
Double Cd. paru le 3 mai.

     Kamasi WASHINGTON est annoncé salle Pleyel le 13 octobre prochain. Une sorte de consécration pour le saxophoniste californien, considéré comme le nouveau prophète du jazz universel d’aujourd’hui, intégrant hip-hop et funk. Un concert qui pourrait -qui sait ?- provoquer pour les fans de 2024 la même passion que le big band de Dizzy Gillespie en 1948 dans cet antre historique de la « grande »musique, qui suscita dans la presse des vocables tels que « ouragan », « cyclone » ou encore « cataclysme ».

     Débarqué sur la planète de la « Big Black Music » voici dix ans avec un incroyable triple album (The Epic), Kamasi Washington décloisonne le jazz et lui donne un souffle épique qui n’est pas sans rappeler entre autres Pharoah Sanders ou Sun Ra. « Merci Dieu pour votre amour, et pour avoir créé le chemin que ma vie a suivi », exprime-t-il dans le bref livret qui accompagne son cinquième album (Fearless Movement).


LESANU

 

     Sans peur, le musicien né à Los Angeles, quadragénaire (43 ans) rugissant, renoue également avec l’un des piliers ancestraux du jazz, la danse. Dans cette quête du rythme et de la pulsation, Kamasi Washington, au ténor et à l’alto, mobilise quelques-uns de ses compagnons de route de la scène californienne et notamment de son groupe historique, The West Coast Get Down (plutôt éloigné du mouvement original cool des années 50). On retrouve ainsi le bassiste Stephen « Thundercat » Bruner, le claviériste (et organiste) Brandon Coleman, aux côtés d’invités de marque dans les parties vocales, la star du funk George Clinton, les rappeurs BJ The Chicago Kid, D Smoke, Taj et Ras Austin (des frères), sans oublier une pléiade de batteurs, percussionnistes et autres as des synthétiseurs.


PROLOGUE

 

     Avec ce double album de plus de 80 minutes, Kamasi Washington démontre une fois encore ses qualités d’improvisateur fougueux (ses solos dans le titre ouvrant le premier disque, LESANU, et le titre fermant la marche sur le second, PROLOGUE, composition d’Astor Piazzolla) et de leader de groupe multidirectionnel propre à emporter l’adhésion des amateurs de rythmes et d’expressions fusionnelles et mystiques.

 

      Jean-Louis Lemarchand.

 

    Kamasi Washington se produira cet automne lors d’une tournée européenne au Rocher Palmer le 12 octobre et le 13 à la salle Pleyel (places à partir de 44,40 euros, debout).
 

©photo X. (D.R.)
     

 

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4 mai 2024 6 04 /05 /mai /2024 17:43
JACKY TERRASSON     MOVING ON

 

JACKY TERRASSON    MOVING ON

Label Earth Sounds- DistributionNaïve-Believe

 

Sortie du CD le 19 avril

Concerts à venir à Marseille à la Caverne à Jazz le 17 Mai et à Paris au Bal Blomet le 07 Juin

 

Moving On Jacky Terrasson

 

On ne présente plus le pianiste franco-américain Jacky Terrasson qui a commencé sa carrière il y a suffisamment longtemps pour que, sans être encore un grand ancien, il ne soit plus un jeune moderne. Mais son dernier album au titre tout indiqué Moving on sort sur le label qu’il vient de créer, Earth Sounds.

Change t-il vraiment de direction avec ce nouvel opus? S’il raconte sa musique et donc sa vie après plus de trente années, c’est qu’il ressent moins la nécessité de déployer toute sa virtuosité, de jouer beaucoup de notes. Il s’entoure d’une équipe de haut vol avec de nombreux guests, car il connaît beaucoup de pointures dans le monde du jazz. Avec qui n’a t-il pas joué dans sa longue carrière entre France et Etats Unis depuis ses débuts? Avec gourmandise, il choisit de faire apparaître diverses orientations à partir de ses deux trios de base, l’un français (Sylvain Romano et Lukmil Perez), l’autre américain (Kenny Davis, Alvester Garnett) enregistrés à Pompignan (entre Nîmes et Montpellier, chez Philippe Gaillot) et à New York.

Mais il tient le fil de son programme jusqu’au bout avec cohérence. Il est ce mélodiste qui soigne thèmes et arrangements privilégiant la clarté sans rechercher d’inutiles difficultés, privilégiant cette joyeuse énergie qu’il partage avec ses complices dont certains sont des fidèles de longue date. Les musiciens rentrent ainsi dans une danse qu’ils mèneront alternativement sans que les parties ne diffèrent de trop, Jacky Terrasson étant l’élément unificateur de l’ensemble. Le pianiste se fait plaisir en invitant deux batteurs américains en plus de ceux des deux trios! Il fait le choix de tous les possibles : Kenny Davis et Billy Hart aux cymbales font une choréographie qui swingue de ce “Misty” où le pianiste fait cascader les notes. Jouer du bon vieux jazz, comme on sait le faire là bas!  Kenny Davis et Eric Harland constituent une autre des rythmiques américaines possibles sur la composition qui a donné son titre au disque, ce Moving on qui déménage et pourrait bien devenir un tube!

Le répertoire équilibré est composé de quinze titres dont  huit originaux et de savoureuses reprises fort bien reconstruites. Une réussite ouvre d’ailleurs l’album, cette version très originale de “Besame mucho” sur un tempo étiré bien plus que ralenti qui file vers des accords classiques et ferait presqu’oublier la mélodie si souvent ressassée.

Quand on vous disait des invités de choix, "Est ce que tu me suis?” fait appel à  la formidable Camille Bertault qui pose ses mots sur la mélodie pleine de chausse-trappes que lui a concoctée le pianiste. Il racontait qu’il avait d’abord pensé à faire un unisson avec son vieux camarade bassiste Sylvain Romano d’où le premier titre “Si le vin est bon” mais très vite s’imposa l’idée de Camille, elle seule pouvant arriver à chanter ainsi, funambule du son et poète du verbe, aux hardiesses vocales d’une musicienne accomplie. Elle sait composer des textes tissés dans son vécu, emballés avec style, des mots qui sonnent juste. 

Moving on est un album à la palette sonore élargie à un groove continu et des choeurs féminins : une deuxième chanteuse Kareen Guiock Thuram se joint à Camille Bertault sur le solaire “Happy” de Pharrell Williams où domine l’harmoniciste Grégoire Maret.  Ainsi chaque pièce a sa petite histoire : c’est le batteur Alvester Garnett, rencontré du temps où ils accompagnaient la chanteuse Betty Carter qui rythme le virevoltant “AF 006”, vol souvent pris entre Paris et New York que l’on suit de son décollage intrépide à ses accélérations saccadées et ses turbulences. On entendra encore un “Solar” et surtout un “I Will Wait For You” qui dynamitent complètement le tube de Michel Legrand, des Parapluies. Quant il ne part pas dans une interprétation enflammée, de son toucher sûr et souple, Jacky Terrasson peut basculer vers plus de douceur comme dans ce “Love Light” fin et nuancé, un thème où s’épanouissent mélodie, harmonie et rythme dans une forme courte conjuguées.

Avec une identité et  un style propre à présent bien affirmés, le pianiste a réussi ce nouvel album qui n’échappe pas à l’idée d’un mouvement et d’une intensité permanentes. Où liberté et rigueur se rejoignent dans la quête de ces moments où fusionnent la chaleur brillante du piano et le soutien immuable de rythmiques légères. Un pétulant enchaînement qui ne manque pas de substance.

Hautement recommandé en ces temps troublés.

 

Sophie Chambon

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4 mai 2024 6 04 /05 /mai /2024 11:55

Fred Hersch, piano solo

Lugano (Suisse), mai 2023

ECM 2799 / Universal Music


 

Enregistré dans l’auditorium Stelio Molo de la RSI (radio suisse italienne), cette musique respire l’esprit du lieu. C’est une salle tout en bois, d’une acoustique exceptionnelle (depuis quelques années ECM y fait pas mal d’enregistrements). J’ai eu, voici bien des années, le plaisir d’y assister à un concert, et j’en conserve un souvenir ému. Fred Hersch est habité par l’acoustique exceptionnelle de cette salle, et la musique semble surgir des profondeurs de l’âme, entre l’inspiration, l’écoute, la jouissance du son, et l’ivresse du risque qu’il peut y avoir à se livrer avec une telle générosité. Quatre standards, choisis pour leur riche inspiration : par exemple Star-Crossed Lovers, inspiré par Roméo et Juliette et composé par Billy Strayhorn pour la suite Such Sweet Thunder d’Ellington, qui parcourait l’univers de Shakespeare avec passion. Plutôt que le pathos insufflé par Johnny Hodges dans la version de référence, c’est ici un cheminement diaphane, où l’émotion surgit d’une certaine retenue plutôt que d’une surenchère d’expressivité. La version de Softly As In A Morning Sunrise, par son délicat balancement, suscite tout un monde où le jazz se reconnaît, et où les deux mains dialoguent avec une clarté qui nous ferait presque oublier combien le langage est sophistiqué. Le disque comporte une majorité de compostions originales, hardies et profondes, pour nous rappeler que l’Art mérite, chez l’artiste comme chez l’auditeur, une attention qui touche à l’abandon. Et aussi, toujours de la plume du pianiste, Little Song, une petite chanson qui me fait brièvement penser à Keith Jarrett pour l’album «Facing You» (que j’adore), en 1972 pour ce même label. À l’époque Jarrett avait 27 ans. La différence c’est que Fred Hersch enregistre ce disque alors qu’il va avoir 68 ans, et le développement du thème porte trace du parcours d’une vie. Tout le disque d’ailleurs respire ce mélange de gravité et de sérénité qui sied à l’artiste façonné par les émotions et les épreuves. Sans détailler plus avant toutes les plages, je dirai simplement que ce premier disque en solo de Fred Hersch pour ECM (après une dizaine d'autres pour d’autres labels) est une merveille. Tout simplement….

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=BW9weCBLJMY

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Fred Hersch sera en duo avec le trompettiste Avishai Cohen le 6 mai à Nantes, salle Paul Fort (saison du Pannonica) ; et le 8 mai à Coutances (Jazz sous les pommiers)

Et en solo à Paris le 18 mai (Jazz à Saint-Germains-des-Prés)

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2 mai 2024 4 02 /05 /mai /2024 18:05

Régis Huby (violon ténor électro-acoustique, électronique), Manu Codjia (guitare électrique), Hélène Labarrrière (contrebasse), Christophe Marguet (batterie, composition)

Amiens, octobre 2023

Mélodie en sous-sol MESS 004 / l’autre distribution

Un nouveau groupe, et une première pour le batteur compositeur : cette fois ni sax ni trompette, mais un violon, singulier : celui de Régis Huby, côtoyé par le batteur dans divers groupes. La contrebassiste et le guitariste avaient participé à de précédents disques de Christophe Marguet, lequel dans le très bon texte du livret, nous éclaire sur la genèse des groupes et des disques, et des projets esthétiques qui les fondent Très éclairant, d’autant que le résultat est à la hauteur de l’ambition affichée : cohérence et richesse de la musique, et construction de l’album comme un objet artistique doté de sa dramaturgie propre. Dans cette musique architecturée sur un forte pulsation (mais que la batterie, très présente, n’envahit pas), beaucoup d’univers musicaux se croisent, du jazz sous toutes ses latitudes au rock, progressif ou pas, au tango (sérieusement revisité), voire à la musique celtique. Une énergie folle, enrobée de finesse et de nuances. Du grand art, et des solistes exceptionnels

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert le 16 mai à Nevers, au Café Charbon, et le 23 mai au Triton, près de la Mairie des Lilas

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Des avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=uNCykjpn7Es

https://www.youtube.com/watch?v=MVFxse0IKE0


 

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28 avril 2024 7 28 /04 /avril /2024 22:35

 

Mal Waldron (piano), Steve Lacy (saxophone soprano), Reggie Workman (contrebasse), Andrew Cyrille (batterie)

Anvers, Centre d’Art De Singel, 30 septembre 1995

Elemental Music 5990546 (2 LP ou 2 CD) / Distrijazz


 

Un inédit, capté en concert à Anvers. Le premier disque qui rassembla le pianiste et le saxophoniste date de 1958. C’était un quartette sous le nom de Lacy, avec Buell Neidlinger et Elvin Jones (Steve Lacy ‘Plays Thelonious Monk -Reflections’, label New Jazz). Il se sont retrouvés régulièrement sous le nom de l’un ou de l’autre, et dans différentes configurations, à partir des années 70. J’ai le souvenir de les avoir écoutés ensemble en club à Paris au début des années 80, et ils se sont dès cette époque beaucoup produits en duo, en Europe, au Japon.... Le précédent duo publié datait de 1994, en studio à Milan.

La musique, captée sur le vif du concert, est l’exact reflet de ce qu’ils étaient, et portaient dans leur art : singularité, exigence artistique et musicale, liberté farouche. Au répertoire de ce double disque, des compositions de l’un et de l’autre, et un thème de Reggie Workman, avec aussi, bien évidemment, deux thèmes de Monk, le singulier suprême ! Quand commence Monk’s Dream, on se rend comte que le piano n’est pas très bien accordé, comme c’était le cas au Five Spot de New York pour Monk en 1958, Randy Weston en 1959, ou Mal Waldron accompagnant Eric Dolphy dans ce même club en 1961…. Mais quelle importance au fond : la musique est là, très intense, et très libre. Une musique qui fait la part belle à leurs deux partenaires, en solistes, comme dans de fiévreux dialogues. Dans le copieux livret, une foule de commentaires et de témoignages d’artistes (Andrew Cyrille, Reggie Workman, Jane Bunnett, David Virelles, Dave Liebman, Vijay Iyer, Evan Parker...) et de proches, font revivre ces grands figures en cernant au plus près ce que Lacy et Wadron avaient de tellement important, de si particulier, bref tout ce qui les rendait artistiquement puissants (ce que suggère le titre ; quant à moi je dirais plutôt féconds). En ces temps où le labels exhument beaucoup d’inédits parfois peu essentiels, c’est un réel bonheur de voir surgir ce témoignage exceptionnel.

Xavier Prévost

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23 avril 2024 2 23 /04 /avril /2024 22:01

Hélène Duret (clarinette, clarinette basse, voix), Benjamin Sauzereau (guitare), Maxime Rouayroux (batterie)

Budapest, 26-28 août 2023

BMC CD 339 / Socadisc

 

Enregistré à Budapest, le disque succède à un album (‘Boîte noire’, sous le label bruxellois ~suite), et à une série de titres publiés via Tricollectif. Le centre de gravité de ces artistes de France s’est déplacé vers Bruxelles, mais leur musique évolue dans des lieux très différents, là où le jazz, l’improvisation, ou la musique de chambre, croiseraient la musique des grands espaces états-uniens, ou les courants répétitifs. Inclassable donc, et c’est tant mieux. Qu’est-ce alors que cette procession d’objets musicaux sans étiquettes(s) : un ballet de pas de côtés, dont l’unité serai l’expressivité, le goût des timbres pulpeux (les clarinettes), des lignes claires, des arpèges et des syncopes (la guitare), des accents rythmiques hors norme (la batterie). Avec pour constante le plaisir de la mélodie : des mélodies qui ondulent, bifurquent et s’épanouissent au gré des phrases. Il y a aussi des turbulences, des orages, et de soudaines accalmies. En d’autres termes c’est éminemment vivant, dans le présent immédiat de la vie comme dans les souvenirs de musiques qui constituent chaque artiste, et au-delà peuplent notre mémoire collective de mélomanes. On se laisse emporter dans cette excursion sans œillères, dans cet univers de pure gourmandise musicale aux multiples ressources. On s’abandonne au plaisir de la musique.

Xavier Prévost

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Le trio est au Périscope de Lyon le mercredi 24 avril, à Paris au Studio de l’Ermitage le 25, et en Belgique, à Gand (Bijloke Music Club), le 26

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=HGtlYydKj-w

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