Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
31 octobre 2018 3 31 /10 /octobre /2018 22:20

Amaury Faye (piano), Louis Navarro (contrebasse), Théo Lanau (batterie)

Bruxelles, Jazz Station, mars 2018

Hypnote Records HR-008 / InOuïe Distribution

 

Le trio bruxellois (avec partenaires du Sud-Ouest hexagonal) d'un pianiste toulousain passé par le Collège de Marciac, le Berklee College de Boston, et multi-primé dans les tremplins d'ici (Avignon, Vannes, Vienne) et d'ailleurs (Allemagne, USA). Deuxième opus de ce groupe, après «Clearway» (Jazz Village, 2017), cet enregistrement de concert réalisé par la radio belge francophone (RTBF), rend parfaitement justice à l'art du trio. Cela se passait à la Jazz Station, haut-lieu du jazz bruxellois, établi dans une ancienne gare sur la Chaussée de Louvain.

Dans ce trio, pas d'effets intempestifs, un parcours de rigueur musicale, de feeling et d'interactivité entre les trois instrument(iste)s, bref tout ce qu''il faut pour apprécier le canonique trio piano-basse-batterie dans sa vérité originelle. On commence par une sorte de valse hétérodoxe, tendue entre le rythme de son thème et une espèce d'ostinato faussement anguleux qui détermine l'exacte dramaturgie de la composition. Après la contrebasse dans le premier rôle, le piano s'évade vers la seconde plage, où le trio joue une valse, guère plus orthodoxe, de Thelonious Monk : Ugly Beauty : respect du texte, puis libre déambulation evansienne. Il faut dire que le pianiste fut à Boston l'élève de Joanne Brackeen, grande prêtresse d'un certain lyrisme : profondeur sans ostentation, tout est dit.

Changement de registre avec le thème suivant : Fascinating Rhythm, engagé par un solo presque tritanien avant décollage collectif, au bout de deux minutes, en suivant maintenant les rails du thème, mais pour s'en affranchir bientôt. Vient ensuite un très vieux standard, de dix ans antérieur au précédent, They Didn't Believe Me, composé par Jerome Kern. Version recueillie, harmonies denses, phrasé expressif et mélancolique, bref de cette forme de beauté intemporelle qui traverse l'histoire de la musique américaine grâce au jazz. Suivra un Interlude d'une sombre et belle atmosphère, qui s'enchaîne au thème suivant, rythmique et convaincant, sans ces facilités du groove pour le groove que l'on entend depuis deux décennies environ, et où l'aspect hypnotique tient lieu d'inspiration. Ici la densité de la forme, du déroulement, et la finesse du développement, nous entraînent sur d'autres chemins, riches d'imaginaire et de surprises. Et le disque se conclut sur une sorte de valse dévoyée qui va changer de rythme (et de tempo), retour à la source pour boucler la boucle : belle coda en forme de pirouette qui révèle, derrière le désir accompli de musique, l'endurance de la pensée.

Xavier Prévost

.

Le groupe sera en concert à Paris, le 3 novembre au Jazz Café Montparnasse, et le 22 décembre à la Maison de la Radio (pour un concert 'Jazz sur le Vif')

.

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=SQY6uK2Z-Ao

Partager cet article
Repost0
30 octobre 2018 2 30 /10 /octobre /2018 09:00

Barre Phillips (contrebasse)

Pernes-les-Fontaines, mars 2017

ECM 2575/Universal

 

Pionnier du solo de contrebasse à Londres en 1968 avec «Journal Violone» (publié en France par Futura sous le titre «Basse Barre»), Barre Phillips a plusieurs fois récidivé, jusqu'à ce disque au titre elliptique, mystérieux ou conclusif. Ce qui frappe, d'abord, c'est le son : Gérard de Haro, du studio de La Buissonne, est passé par là, mais quand on le complimente, comme je l'ai fait, sur la remarquable qualité sonore de l'enregistrement, il en attribue tout le mérite à Barre Phillips, à son art et à sa contrebasse. Avec ce qui semble être la clôture du cycle entamé par le premier opus de Journal Violone, le contrebassiste nous offre la quintessence d'une musique où la virtuosité et la profondeur du son paraissent n'avoir d'autre but que l'expression, dans son sens le plus fort. C'est une voix humaine qui nous parle, une voix que l'on dirait venue d'ailleurs, et qui pourtant s'exprime dans un idiome qui nous semble familier, à nous qui baignons dans cet univers où jazz et musique improvisée parlent une seule et même langue. A l'archet ou en pizzicato, dans des intervalles familiers ou dans de grands écarts distendus, dans l'apparent confort d'une tonalité identifiable ou dans le mystère des douze sons aux centres mouvants, la magie opère en permanence. Ici la contrebasse danse, ailleurs elle distille une sombre mélancolie, plus loin elle nous entraîne dans un labyrinthe dont l'issue semble plus qu'improbable, au point que nous aspirons, plus que tout, à nous perdre. Grande et belle leçon de (grande et belle) musique, grande œuvre, Grand Œuvre au sens alchimique, bref une sorte de chef d'œuvre, tout simplement.

Xavier Prévost

Un avant-ouïr sur YouTube 

https://www.youtube.com/watch?v=yaoFPIQ5870

Partager cet article
Repost0
29 octobre 2018 1 29 /10 /octobre /2018 20:55

Motema 2018

Personnel: Stefon Harris: vibraphone & marimba, James Francies: piano (1-8) & keyboards (1,3,7); Joshua Crumbly: bass (1-8); Terreon Gully: drums (1-8); Casey Benjamin: alto saxophone (1, 2, 4, 5), soprano saxophone (6, 7), vocoder (3, 8); Mike Moreno: guitar (1, 4, 5, 7, 8); Jean Baylor: vocals (3, 8); Regina Carter: violin (8); Joseph Doubleday: marimba (9); Daniel Frankhuizen: cello (8); Pedrito Martinez: percussion (1, 2, 4, 6); Felix Peikli: clarinet, bass clarinet (1, 2, 4-6, 8); Elena Pinderhughes: flute (4, 8).

 

Ce n'est pas un hasard si le vibraphoniste fait ce mois-ci la couverture et 4 pages intérieures du prestigieux magazine Down Beat à  l'occasion de la sortie de son nouvel album Sonic Creed !
Car car album qui vient de sortit est une pure merveille. Une oeuvre collective, prolixe et soulfull à  laquelle il se livre en explorant et surtout en réinventant des territoires qui lui sont chers, associant des couleurs  et des sons surprenants (l'usage bien senti du vocoder  p.ex).
Stefon Harris (tel Lionel Hampton jadis) est inspiré  et mène  son monde aux mailloches, grand orchestrateur et arrangeur d'une musique qui tutoie le sublime. Toujours au plus près de très belles mélodies, il transfigure  la version de Throw it away jadis transcendé par Abbey Lincoln puis par son  maître  Bobby Hutcherson, l'autre légende du vibraphone ( pour la petite histoire  lors de l'enregistrement Stefon Harris avait demandé  à ce que les lumières du studio soient éteinte  pour au final donner cette couleur crépusculaire  dont les musiciens se sont inspirés ). Son hommage aux grands noms du jazz débute d'ailleurs par un grand coup de jeune donné  à Dat Dere  (de Bobby Timmons) en hommage à Art Blakey.
C'est que le vibraphoniste (aussi éducateur  et pièce maîtresse du SF Jazz Collective) est transpercé par le sens de la musique qu'il porte plus haut que lui même.
Celui qui dirige la Manhattan school of  music où il jette des ponts avec Harlem, livre ici une oeuvre  très personnelle. Celui que l'on présente comme le digne successeur de Gary Burton et du regretté  Bobby Hutcherson, met dans sa musique, dans le son, dans le mix, plus que de la musique, de l'amour.
On a souvent dit que les vibraphonistes étaient avant tout des percussionistes. Ici Steffon Harris se fait mélodiste et démontre combien cet instrument est l'un des plus riche qui soit sur le plan harmonique avec ce son tournant que rares sont ceux qui le maîtrise.  Tout y est d'une infinie délicatesse, que ce soient les tapis angéliques de ses mailloche, les voix éthérées  et vaporeuses qui s'élèvent ou parfois le voile des cordes qui soulignent le trait. Son association avec les marimbas  de Joseph Doubleday sur Gone too soon (jadis chanté par Michael Jackson) est un moment admirable de tendresse cotoneuse  pour finir dans les nuages.
Album aussi inspiré qu'inspirant Sonic Creed poursuit de travail d'exploration de ces territoires du jazz avec âme et passion.
Jean-Marc GELIN

A lire : Down Beat nov  2018 ainsi que la chronique consacrée à  d'album de Cécile Mc Lorin Salvant

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2018 6 27 /10 /octobre /2018 18:32

Sylvain Darrifourcq (batterie, percussions, cithare, composition), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle)

Malakoff, 16-18 avril 2018

Gigantonium GIG 006 ILW1/ https://www.gigantonium.com/label

 

Le texte du livret annonce, sous l'influence de William Faulkner et Samuel Beckett «...l'évitement du point d'arrivée». En page de garde, un court poème du batteur-percussionniste-compositeur rappelle un peu la technique surréaliste du cadavre exquis. Quoi qu'il en soit l'inspiration littéraire est là, pour un projet radicalement musical (qui à reçu l'Aide à l'écriture d'une œuvre originale du Ministère de la Culture). Les protagonistes sont connus pour leur propension à franchir les limites, et ils s'en donnent à cœur joie. On part d'un ostinato de violon et de violoncelle sur des rafales évolutives de batterie, ostinato récurrent au fil du CD, dont la forme globale, celle d'un album concept fracturé, conjugue la précision, la cohérence, et la plus totale liberté. Les interruptions brutales côtoient des insertions de leitmotive, le tout composant un paysage formel aussi surprenant qu'attrayant, aussi inconfortable que cohérent. L'espace d'un instant, les pizzicati des cordes, en dialogue avec la batterie, procurent l'illusion d'une musique de ballet où des silhouettes indécises se mouvraient. Images, littérature..... et c'est pourtant la musique qui règne, en majesté. Il faut attacher sa ceinture (de sécurité, pas de chasteté....) et s'abandonner à ces coïts répétés dont l'interruption n'engendre nulle frustration, mais au contraire le désir d' y revenir : recommencer ? continuer ? Chaque protocole individuel d'écoute déterminera le mode de réception, mais il y a là, manifestement, une musique vraiment originale, et jouissive, à scruter par l'oreille !

Xavier Prévost

Le groupe sera en concert le 29 octobre 2018 à la Dynamo de Pantin, puis le 14 novembre à l'Embobineuse de Marseille (Jazz sur la ville), le 27 novembre au Conservatoire de La Roche-sur-Yon, et aussi le janvier au Pannonica de Nantes.

Extraits sur le site

http://www.sylvaindarrifourcq.com/Sylvain_Darrifourcq/IN_LOVE_WITH.html

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2018 6 27 /10 /octobre /2018 10:40

PJ5 : «  I told a little bird »
Jazz and People 2018
Paul Jarret (g), Maxence Ravelomanantsoa (ts), Leo Pellet  (tb), Alexandre Perrot (cb), Ariel Tessier (dms), Isabel Sörling (vc), Jozef Dumoulin (fender)m

Le guitariste Paul Jarret est un jeune musicien de talent entouré de jeunes musiciens de talent qui tournent ensemble depuis quelques temps déjà.
Même s'il n'en sont pas à leur premier album, on est chaque fois agréablement surpris par la façon d’écrire du guitariste. Nous disons bien "écrire et non "composer" puisque cet album, dont on oubliera l’idée sous-jacente ( les petits oiseaux, les papillons tout ça tout ça) est éminemment littéraire et poétique dessinant un univers qui lui est propre et qui touche à la narration.
Les espaces qu'emplissent la voix évanescente d'Isabel Sörling sont oniriques  et nous emportent  loin. Tout comme les sons où les cuivres et la guitare tapissent leur univers entre jazz et pop. Ainsi la remarquable orchestration sur ce Peacefull  struggle qui se déchaîne en furie ou cette construction paroxystique sur The  Nest (part.1) où tout le groupe se mobilise pour déchaîner les éléments. On dirait du Björk matiné de Radiohead.

Gros travail sur le ou plutôt les sons qui se trament et surprennent dans un enchevêtrement de voix, d'eletricité, de cuivres et de peaux percussives ( ah le jeu d’Ariel Tessier en maître des forges et des forces !).
Les pages héroïques des solistes passent loin derrière la notion du collectif et une admirable orchestration  où les épures et les lignes étirées précèdent ou succèdent à la saturation très noisy d'un rock lourd.
Ces jeunes-là sont inspirés, foisonnants d’idées et d’énergies.
Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2018 4 25 /10 /octobre /2018 15:43

«Noise Of Our Time»

Ken Vandermark (saxophone, clarinette), Nate Wooley (trompette), Sylvie Courvoiser (piano), Tom Rainey (batterie)

Mount Vermont (État de New York), 17 août 2017

Intakt CD 310/Orkhêstra


 

Ces quatre musicien(ne)s s'étaient rencontré(e)s pour la première fois en janvier 2016 lors d'une résidence de Ken Vandermark dans le jazz club new-yorkais de la treizième rue, 'The Stone', dont John Zorn assure la direction artistique. Un an et demi plus tard ils -et elle- se sont retrouvé(e)s en studio pour cet enregistrement. Seul le batteur n'a pas apporté de composition (ce qui ne veut pas dire qu'il n'a pas apporté de musique !), et ce partage du répertoire fait apparaître une constante : dans ce climat très libre, et même libertaire, le sens de la forme n'est pas absent, loin s'en faut. Les compositions, résolument aventureuses, ne négligent pas ce paramètre, ce qui ne les empêche nullement d'être des tremplins idéaux pour les improvisations les plus débridées. Avec peut-être une légère prime à l'inspiration et à l'audace pour la pianiste et le saxophoniste, c'est une vraie réussite du groupe, qui nous emporte dans un tourbillon d'intelligence et d'émotion croisées : bref un très bon disque de jazz d'aujourd'hui, voire de demain !

Xavier Prévost

Sylvie Courvoiser est en tournée européenne avec un autre groupe, en compagnie d'Evan Parker, Mark Feldman et Ikue Mori : il joueront à la Dynamo de Pantin le 26 octobre 2018.

Un avant-ouïr du CD sur Souncloud

https://soundcloud.com/intaktrecords/vwcr

Partager cet article
Repost0
24 octobre 2018 3 24 /10 /octobre /2018 08:55

Pierrick Menuau (saxophone ténor, direction artistique), Marc Thomas (voix), Yannick Neveu (trompette), Michaël Joussein (trombone), Guillaume Hazebrouck & Dominique Lofficial (piano), Simon Mary (contrebasse), Morad Benhammou(batterie)

Angers, 18 février et 30 juillet 2007

Black & Blue BB 2069 2/Socadisc

 

Sous titré 'Cole Porter Music feat. Marc Thomas', ce disque est un hommage rétrospectif au chanteur Marc Thomas, disparu en 2015. Ces interprétations du répertoire de Cole Porter, développées dès 2003 en sextette sur des arrangements de Geoffroy Tamisier et Dominique Le Vodec, avaient fait l'objet avec le chanteur, en 2007, d'enregistrements demeurés inédits. Le traitement du répertoire de Cole Porter se fait de manière très ouverte : introduction 'vieux style' pour Just One Of Those Things avant un virage stylistique qui conduit plus d'une décennie au-delà, avec phrasé libre, solo caracolant de saxophone, envolée de trombone et déboulé joyeux de batterie. Vient ensuite, après une délicate intro de piano, à l'ancienne, un bel arrangement de Geoffroy Tamisier sur You'd Be So Nice To Come To. Le chanteur ne nous fera pas oublier Helen Merrill, mais il servira le texte et la musique, et l'arrangement portera l'équipée vers les impros (sax, piano) dans l'atmosphère détendue qui convient à ce thème. Il en ira ainsi de plage en plage, avec scat enflammé sur Easy To Love, et épisode instrumental en duo saxophone-piano, langoureux, mais subtil, sur Every Time We Say Goodbye, en compagnie de Dominique Lofficial, présent sur ce seul titre, et complice de longue date pour le saxophoniste. Puis ce seront des effets de masse en petit comité, et impro vocale fluide, sur All Of You ; exposé rêveur, et très ouvert, pour What Is This Thing Called Love, avant un déboulé collectif. Et la conclusion se fera sur I've Got You Under My Skin : le piano commence à se désaccorder, mais l'esprit de cette musique est là ; et chez Cole Porter, l'esprit importe : texte et musique sont toujours pleins de subtiles nuances et d'humour discret. Belle idée donc que de publier ces enregistrements, et bel hommage au chanteur.

Xavier Prévost

Pierrick Menuau donnera ce répertoire en septette, avec le chanteur Valéry Haumont, le 25 octobre 2018 au Théâtre Chanzy d'Angers

http://www.jazzpourtous.com/concert/216-pierrick-menuau-cool-porter-septet.html?PHPSESSID=69738227b678c71905ea9b43adfecbf9

Partager cet article
Repost0
18 octobre 2018 4 18 /10 /octobre /2018 07:10
PANNONICA, A TRIBUTE TO PANNONICA

PANNONICA, A TRIBUTE TO PANNONICA

Sortie 19 OCTOBRE

LABEL CRISTAL RECORDS/DISTRIBUTION SONY MUSIC ENTERTAINMENT

http://www.cristalrecords.com/albums/

Elle était belle, riche, élégante...et un peu excentrique pour une Rothschild ...

 

C'est ainsi que commence cet hommage à Pannonica de Koenigswarter, cette femme singulière et fascinante qui fut la confidente et la mécène des plus grands jazzmen américains des années 50 et 60. Un album simple composé d'un CD assorti d'un livret de 20 pages, avec des photos Polaroïd prises par la baronne elle même, soit un épatant "portrait de famille".

Après une première existence trépidante et aventureuse pendant la guerre (engagée dans les Forces Françaises Libres dès 1940, devenue femme d'ambassadeur après guerre), elle change radicalement de vie et s'installe à New York en 1952 . A 39 ans, elle devient la protectrice et la muse de tout ce que le jazz compte d'important : Duke Ellington, Teddy Wilson, Bud Powell, Miles Davis... Charlie Parker se réfugia chez elle pour mourir, et Thelonius Monk, rencontré en 1954, vivra chez elle les neuf dernières années de sa vie dans sa "Cathouse" (elle adorait les chats comme en témoigne une photo célèbre où elle pose sur son lit, entouré de tous ses animaux). Elle fut aussi l'agent des Jazz Messengers et du batteur Art Blakey. Connue de tous, elle allait, tous les soirs, écouter du jazz dans les clubs new yorkais, du Five Spot au Village Vanguard, du Minton's Playhouse au Birdland.

Ce "tribute album" coordonné par Yann Portail/L'Atelier Musical, suivi par Fred Mijeon pour le label Cristal records, le label de tous les jazz, est constitué de dix compositions, toutes annoncées par la baronne elle même qui donne le "line up", Chacune d'elles porte dans son titre la référence à "Nica", le petit nom affectueux de Pannonica, du formidable "Nica's tempo" de 1955 du saxophoniste alto et compositeur Gigi Gryce avec un solo plus que vigoureux du batteur Art Blakey,  à "Nicaragua" de 1967, du pianiste Barry Harris qui occupe toujours la Cathouse, sur les bords de l'Hudson, trente ans après la disparition de la baronne, enn 1988. Mécène un jour, mécène toujours...

Travail de mémoire et "labour of love" de son fils Shaun et de sa petite fille Nadine de Koenigswarter, cette succession de compositions toutes plus belles les unes que les autres (une délicieuse ballade "Theme for Nica" du pianiste Eddie Harris, les archi-célèbres "Pannonica" de T.S Sphere, ou "Nica's Dream" du pianiste Horace Silver, le délicat "Tonica" du trompettiste Kenny Dorham ...) composent un bouquet des plus fleuris.  Plus que "tombeau" au sens classique du terme, cet album, agrémenté de la sublime photo de couverture en noir et blanc, au grain si lumineux, prise à Londres en 1939 ( Harlip LTD) digne des clichés du studio Harcourt,est un puzzle vif et brillant qui reconstitue une figure emblématique du jazz.

Un album précieux et assurément nostalgique, une  "compil" convainquante  qui trace non seulement un portrait de cette grande dame (blanche) du jazz qui lutta contre la ségrégation à sa façon, mais aussi un tableau vivant du jazz de la grande époque, du bop au hard bop.

NB: pour les collectionneurs une édition de luxe (carnet à l'italienne de 2CDs, soit 1h30 de musiques, avec plus de compositions, sort ici :

 

http://www.cristalrecords.com/albums/pannonica-edition-deluxe/

 

Sophie Chambon

Partager cet article
Repost0
15 octobre 2018 1 15 /10 /octobre /2018 09:17

 

Émile Parisien (saxophone soprano), Jozef Dumoulin piano, piano électrique), Fabrice Moreau (batterie), Stéphane Kerecki (contrebasse)

Meudon, 5-7 juin 2017

Incises INC 002 / Outhere

 

Une idée, un pari : reprendre, avec un groupe de vrais solistes de jazz, quelques jalons de la 'French Touch' électro, Daft Punk bien sûr, mais aussi Phoenix, Air, Chassol, Kavinsky, Justice et M83, bref tout ce qui, de Versailles à Neuilly en passant par Paris (mais aussi Antibes ou la Seine-Saint-Denis), s'est mijoté pour faire remuer les dance floors, ici et ailleurs. Et le résultat est étonnant : nos sorciers de la musique vraiment vivante -entièrement faite à la main- mettent du lyrisme, de l'expression, de l'improvisation là où nous n'attendions, incrédules et curieux, que le traitement d'un nouveau genre de standards. Évidemment les artisans de cette métamorphose sont tous des orfèvres, comme leaders dans leurs groupes respectifs mais aussi comme sidemen . Et ce sont ces qualités qui leur permettent de faire musique de tout bois, et leur donne cette faculté de faire jazz avec ce matériau pour le moins inattendu. All I Need, du groupe Air, se révèle un tendre ballade offerte aux improvisations du contrebassiste et de ses amis. Et si dans Playground Love, de la même source, Jozef Dumoulin fait pendant quelques instants donner un petit peu de l'électronique qui exalte son piano électrique, on reste dans la force expressive d'un jazz de solistes quand il fait parler le piano acoustique, et que le sax lui succède. Et même Harder, Better, Faster, Stronger de Daft Punk vous prend un visage humain, une sensibilité incarnée : miracle du jazz, vous dis-je. Je ne détaillerai pas chaque plage mais l'expérience valait d'être tentée, elle est concluante, riche de sensations nouvelles pour ceux qui connaissaient le matériau originel, et d'observations fécondes pour les chenus dans mon genre pour qui les titres d'origines dormaient du sommeil tranquille où les tenait mon ignorance. À écouter donc, pour les amateurs, comme un vrai bon disque de jazz... à la française !

Xavier Prévost

Le groupe est en concert à Paris au Duc des Lombards le 16 octobre 2018 à 21h, entrée libre dans le cadre des showcases de Jazz sur Seine

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?1&v=hDSA9dcNPkU


 

Partager cet article
Repost0
14 octobre 2018 7 14 /10 /octobre /2018 19:46

 

Edward Perraud (batterie, compositions), Bruno Chevillon (contrebasse), Paul Lay (piano)

Malakoff, janvier 2018

Label Bleu LBLC 6726 : l'autre distribution

 

Quand un batteur-percussionniste-compositeur, et amateur de concepts autant que de sensations, envisage le très canonique trio de jazz (piano/basse/batterie), que peut-il imaginer ? Dans le cas d'Edward Perraud, l'espace est (grand) ouvert. D'abord il s'entoure de partenaires du plus haut vol, quoique de générations distinctes. Ensuite il plonge dans les méandres de son esprit, lesquels (à la faveur d'un rêve.... réel ou rêvé, le rêve ?) lui suggèrent un itinéraire conceptuel par exploration systématique des 12 intervalles possibles dans une gamme chromatique. Joli concept, joli projet, qui va se déjouer de toute emprise formaliste. La musique est limpide, le déroulement au fil des plages plein de surprises, mais aussi de cohérence dans le cheminement : pas de formalisme mais une forme ! Si la première plage commence par la batterie seule, cela ne dure que sept secondes, le temps d'installer un rythme à multiples rebonds sur lequel les trois compères vont s'amuser, en toute créativité, sur un canevas qui paraît d'une évidente simplicité. Tout sera à l'avenant : vivant, sensuel, jusque dans les phases les plus sophistiquées. Dans le texte d'accompagnement, Edward Perraud apparente Monk à la théorie de la relativité, à propos de la composition intitulé Space Time. Et l'on est bien tenté de le suivre dans cette digression plus esthétique que scientifique car l'intervalle de septième mineur, quand le cymbale installe un temps qui paraît absolu, va mettre du relatif, et de la relation, dans cette cosmogonie : un nouveau monde sonore (qui croise furtivement Monk en chemin) se crée sous nos oreilles étonnées. Et la plage suivante, Tocsin (l'une des rares à être commentée par le compositeur-batteur dans le livret du CD), va offrir une autre interprétation de l'espace, celui, écrit-il «qu'il y a entre le battant de la cloche et la cloche, la baguette et l'instrument, le marteau et la corde, le doigt et la touche». Ce sera aussi l'occasion, après presque une minute d'un espace sonore défini par la percussion seule, puis par le trio, d'un solo à l'archet, très sombre, de Bruno Chevillon. Sombre aussi sera la dernière plage, Singularity, également évoquée par Edward Perraud comme «le trou noir -dénommé ''singularité en sciences'' – qui n'est ni trou ni noir […]. L'idée de la mort elle-même ne résiste pas à cette irréfutable, inexorable attraction». N'allez pas croire que tout le disque s'enferre pour autant dans une spirale dépressive : L'âge d'or, qui commence comme un thème simple en majesté, à la façon du thème royal de L'Offrande Musicale (de Bach), va se métamorphoser en une sorte de chanson lente et lumineuse. Just One Dollar, par escalade de demi-tons, va nous conduire vers un espace sériel. Melancholia, après un roulement de tom, va nous donner l'illusion de cheminer autour du minuit de Thelonious Monk, mais c'est déjà ailleurs que la musique nous entraîne. Comme ses comparses déjà cité, Paul Lay s'insère magnifiquement dans cet univers où la finesse et la subtilité fond bon ménage avec le plaisir, palpable, du jeu : une belle leçon de trio, en somme, selon des règles rénovées par l'imagination. Et le livret présente des photos du leader, artiste polymorphe dont l'œil est aussi acéré que l'oreille !

Xavier Prévost

Le trio est en concert le 15 octobre 2018 à Paris, au Studio de l'Ermitage, et il sera le 15 mars 2019 au festival d'Amiens

Paroles du compositeur, et musiques, sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=wpIenUHtRXo

https://www.youtube.com/watch?v=UtiQAs2qxpA

Partager cet article
Repost0