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1 novembre 2017 3 01 /11 /novembre /2017 22:06

 

Enzo Carniel (piano, piano préparé), Marc Antoine Perrio (guitare), Simon Tailleu (contrebasse), Ariel Tessier (batterie)

Meudon, 24-25 août 2016

Jazz & People JPCD 817003 / Pias

 

Le groupe est né d'une convergence esthétique entre le pianiste Enzo Carniel et le guitariste Marc Antoine Perrio. L'un et l'autre signent la totalité du répertoire (9 compositions pour le pianiste, 2 pour le guitariste), si l'on excepte un thème signé par une musicien ami, le saxophoniste Julien Pontvianne. L'inspiration initiale est venue d'une maison provençale recélant quelques mystères, sonores ou fantomatiques. La musique procède d'un désir manifeste de dresser un décor, que l'on découvre avec l'ouïe, l'imaginaire se chargeant de dessiner les contours. D'entrée de jeu, on est immergé dans un espace, large, ouvert, où les sons et les notes se répondent dans un univers que l'on croirait indécis, mais qui progressivement nous oriente, et même nous entraîne. Pas d'ostentation, pas d'injonction univoque, rien qu'un chemin qui se dessine, et que l'on suivra en le peuplant d'images. Puis sur des figures obstinées, qui rappellent davantage les quêtes rituelles de Bartók et Stravinski que les répétitifs américains, le pianiste introduit la cursivité syncopée du jazz. Au fil des plages surprises sonores, audaces et saillies prospectives n'empêchent nullement, ici ou là, l'épanchement d'un lyrisme (post ?) romantique. A bien des reprises s'installe un soubassement très entêtant sur lequel l'un de solistes va s'évader, suivant son propre rêve, sans toutefois abolir le décor. Cette apparente dérive est finement élaborée, ciselée, mais pour en jouir pleinement, il faut feindre de n'en pas remarquer le scénario, et se laisser porter, comme en un rêve.

Xavier Prévost

 

Le groupe jouera le 3 novembre à Paris, à la Petite Halle

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30 octobre 2017 1 30 /10 /octobre /2017 10:32
POINT OF VIEWS   VANKENHOVE/ CAINE / BALLARD/ BOISSEAU

Point of Views

Vankenhove/Caine/Ballard/Boisseau

Sortie 3 novembre 2017

Label Cristal records

Distribution Sony Music

 

Cet album a pris son temps pour sortir et le résultat est probant : ces quatre là se sont rencontrés il y a deux ans pour un projet musical qui confronte comme l’annonce le titre, leurs points de vue et leurs univers. Les liner notes soulignent l’union d’un jazz afro américain ( Uri Caine, aussi féru de musique classique-on se souvient de ses relectures de Mahler, et Jeff Ballard, le partenaire fidèle de Brad Mehldau) avec la fine fleur du jazz européen, le contrebassiste Sébastien Boisseau que l’on ne présente plus et le trompettiste/ bugliste français (Xtet De Bruno Régnier ou Gros Cube d’Alban Darche).

Tous les titres sont du leader composant un bouquet fleuri s’envolant au-dessus de la rythmique impeccable, sur un tapis de notes swinguantes du pianiste. Ecoutez ce « Barocco », une perle aux contours qui n’ont rien d’irrégulier. Une fois encore, on est surpris par la force de la structure, la finesse de détails d’ une architecture musicale qui excelle à exposer variations de style, d’ambiances et de couleurs musicales. Un récital où brille un Vankenhove, mélodique même dans les chuintements vagissants de «Royal Jazz Baby», tendre et lyrique sur « Chorale » dans un dialogue alterné avec le pianiste toujours épatant, si singulier au gré de son inspiration.

Une rêverie charnelle qui ne s’autorise pas cependant trop d’épanchements puisque la rythmique puissante, aux aguets, intervient très vite comme dans cette vibrante «Humanity ». C’est en effet à un véritable travail collectif que se livrent ces quatre compagnons et ça joue vraiment dès le premier titre « Mini Street » très entraînant ; le thème de la deuxième composition « Délicatesse » rappelle que le trompettiste sait aussi faire de la musique de film. Le groupe prend force et vigueur dans les échanges aux ruptures tranchantes, et les énergies libérées se déploient avec une cohérence indiscutable. La musique généreusement expansionniste se développe jusqu’au final soigné. Du vrai et bon jazz vif. A suivre et écouter sans modération.

Sophie Chambon

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26 octobre 2017 4 26 /10 /octobre /2017 15:49

Sullivan Fortner (piano) Desmond White (contrebasse), Guilhem Flouzat (batterie)

Brooklyn, 9 octobre 2016

Sunnyside SSC 1492 / Socadisc

 

Un trio à l'ancienne.... enfin presque : répertoire de standards (standards de Broadway, et standards du jazz, de toutes les époques, et pas les plus connus....), swing omniprésent, parfois une pointe de garnérisme, mais aussi des angles acérés qui rappellent le grand Thelonious, bref une manière de traiter le trio en parfait jazzman, qualité cultivée par le batteur durant un séjour de plusieurs années à New York. Après avoir nourri de compositions originales ses deux premiers albums, avec des formations plus étoffées, française («One Way... Or another», 2010) , puis états-unienne («Portraits», 2015), le batteur revient avec un épisode américain, accompagné d'un pianiste de la Nouvelle Orléans et d'un bassiste australien. Ce désir de trio est né d'une suggestion amicale de Laurent Coq, évoquée dans une carte postale reproduite sur la jaquette du CD. Belle idée, pour faire valoir que l'on peut s'attaquer aux standards sans ronronner dans la redite nostalgique. Le disque s'ouvre par There's no you (immortalisé par Sinatra, mais aussi par Betty Carter, Duke Ellington, Max Roach....), joué comme le jazz aime le faire des chansons, avec à la fois ce lyrisme codifié propre au genre, et ce goût du pas de côté qui rappelle qu'on est, ici, dans le jazz. Vient ensuite Oska T, thème de Monk assez rare, plein des brisures propres à son créateur, et ici émaillé de saillies bebop. Du très ressassé Perdido le trio donne une version plutôt singulière, entre doxa et transgression, avec un jeu sur les rythmes d'origines qui, là encore, revendique les libertés propres à cette musique. Et ainsi de suite jusqu'à l'ultime plage, laquelle a inspiré le titre de l'album : il s'agit de Happiness is a thing called Joe, que chantait Ethel Waters dans «Cabin in the Sky», le film de Minelli (en V.F. «Un petit coin aux cieux»), un film dans lequel on pouvait voir, et entendre, Armstrong et Ellington. La chanson fut reprise par Sarah, Ella et Abbey Lincoln, et le trio en donne une version de piano bar chic et sophistiqué dans lequel les clients seraient de vrais mélomanes, auxquels on peut offrir des rythmes suspendus et de subtiles dissonances. Au passage, en pénultième position, on a écouté Mrs Parker of KC, du trop confidentiel Jaki Byard, qui avait joué ce thème (sous-titré Bird's Mother) dans le groupe d'Eric Dolphy : drumming tendu, et hyper musical, monkisme, envolées bop et incursions dans l'au-delà du bop : un plaisir !

Xavier Prévost

 

Le trio est en tournée européenne. Après l'Italie et la Pologne, et avant l'Allemagne, il sera à Paris, au Sunside, les 31 octobre et 1er novembre 2017

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25 octobre 2017 3 25 /10 /octobre /2017 15:23

JACQUES THOLLOT QUARTET Nathan Hanson (saxophones ténor et soprano), Tony Hymas (piano), Claude Tchamitchian (contrebasse), Jacques Thollot (batterie)

Paris, Sunside, 18 juin 2011

 

Marie Thollot (voix), Régis Huby & Clément Janinet (violons), Guillaume Roy (alto), Marion Martineau (violoncelle), Tony Hymas (arrangement et direction)

Karl Berger (vibraphone) & Kirk Knupfle (cornet)

Nathan Hanson Saxophone Choir : Nathan Hanson (saxophones ténor, alto, soprano & arrangement)

Noël Akchoté (guitare) & Jacques Thollot (claviers)

Catherine Delaunay (clarinette) & Tony Hymas (piano)

François Jeanneau (saxophone soprano), Sophia Domancich (piano), Jean-Paul Celea (contrebasse), Simon Goubert (batterie)

Karl Berger (vibraphone) & Jacques Thollot (cymbales)

 

Meudon, Woodstock, Minneapolis, Bruxelles, Mainneville, dates diverses et non précisées

nato 5464/ l'autre distribution

 

C'est une sorte de mausolée de pure amitié produit artisanalement (c'est écrit sur le CD) par Jean Rochard, avec la complicité des artistes, et de tous ceux qui ont soutenu l'édification de ce bel objet. Un parcours dans les thèmes de ce musicien dont il faut rappeler que c'était un formidable compositeur, d'une totale singularité. Des compositions de cet irremplaçable poète de la batterie (et des autres instruments qui passent à portée de ses mains) : souvenirs des disques «Quand le son devient aigu, jeter la girafe à la mer», «Watch Devil Go», «Résurgence», «Cinq Hops» et «Tenga Niña», revus par la quartette du batteur lors d'un concert de juin 2011, et par ses amis (et sa fille) qui ont joué avec lui à diverses époques : François Jeanneau joue le rôle du fidèle, puisqu'il était dans trois de ces cinq disques. Au fil des plages, outre le bonheur d'entendre ce qui fut le dernier quartette de Jacques Thollot, c'est le plaisir de retrouver les mélodies étranges, distendues, écrites par Jacques Thollot. De «Résurgence», le producteur et les musiciens ont retenu Marie et Épilogue : beau choix de thèmes, magnifiquement arrangés pour quatuor à cordes par Tony Hymas, et encadrant Watch devil go (du disque éponyme enregistré de décembre 1974 à janvier 1975), chanté par Marie, la fille de Jacques, sur un texte remanié par Caroline de Bendern, la dernière compagne du batteur-compositeur. L'amateur nostalgique regrettera peut-être l'absence de la petite Valse de «Résurgence», mais il fallait bien faire des choix dans un corpus finalement conséquent. Et le dialogue de Thollot avec Nathan Hanson sur La dynastie des Wittelsbach («Watch devil go») valait bien ce petit sacrifice. Très belle évocation aussi de On a mountain (qui s'intitulait me semble-t-il On the mountain dans «Cinq Hops»), magnifié par un arrangement de Nathan Hanson qui en joue toutes les parties de saxophone grâce au multipiste. Et belle émotion aussi en écoutant d'autres extraits du même disque par le duo Delaunay-Hymas, ou par le quartette rassemblé autour de François Jeanneau ; bref tout est du côté des cimes, même ce que je n'ai pas pris le soin de citer pour vous laisser le plaisir de la découverte, notamment celle des deux livrets : un bel album de photos rares, et un entretien très riche d'informations et d'expériences accordé par Jacques Thollot à Jean-Jacques Birgé et Raymond Vurluz en 2001. Il y a même la voix de Sunnay Murray sur le répondeur de Jacques au tout début du CD : on se précipite !

Xavier Prévost

 

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24 octobre 2017 2 24 /10 /octobre /2017 08:08

Hervé Sellin (p), PIerrick Pedron (as), Thomas Bramerie (cb), Philippe Soirat (dms)
Cristal Records 2017

 

Un bonheur n’arrive jamais seul. Hervé Sellin, le trop rare Hervé Sellin se faisait attendre depuis plusieurs années et notamment depuis ce magnifique « Marciac New-York Express » qu’il avait publié en 2008. Et voilà que, coup sur coup le pianiste publie deux superbes albums.
Sous la plume de Xavier Prevost nous vous avons parlé du premier, « Passerelles » consacré notamment aux liens entre la musique classique et le jazz

http://lesdnj.over-blog.com/2017/10/herve-sellin-passerelles.html


Avec « Always too soon" c’est de Phil Woods, le digne continuateur de Charlie Parker dont il est question. Hervé Sellin a très bien connu le saxophoniste dont il était un ami très proche.
L’album d’inspiration très bop comme il se doit est aussi très Monkien ( ça tombe bien !) et s’organise autour de thèmes que Phil Woods aimait à jouer. Mais Hervé Sellin et sa compagne Carine Bonnefoy lui dédient aussi de belles compositions comme Willow Woods ou Remembering Phil.
Et pour servir le propos, le pianiste s’entourer de la meilleure façon qui soit.
Ah que l’on aime ce Pedron-là ! Celui qui charrie avec lui toute cette histoire du jazz. cette histoire du sax alto dont il est l’un des plus digne héritier. Lorsque l’on entend son lyrisme, son sens de la phrase juste, son placement rythmique, son art de l’improvisation qu’il manie comme un chanteur de bop, on croit entendre les plus grands. Bird, Phil Woods bien sûr mais aussi Cannonball Adderley hantent son saxophone qui s’envole comme porté par les anges du jazz. Ah que l’on aime ce Pedron-là qui revient aux sources et qui sur Ask me now vous entraîne sur ces terres qu’habitent encore ces légendes du jazz qu’Hervé Sellin exhume pour qu’on ne les oublient jamais.
Après, c’est une succession de bonheurs simples. Hervé Sellin n’a pas vocation à bouleverser le jazz, à renverser la table sur lequel l’encre de ses plus belles pages sèche encore. Hervé Sellin est trop amoureux de ces fondamentaux, trop ami de Phil Woods qui lui-même jouait sur le sax de Charlie Parker et dormait dans le lit de sa femme, pour en détourner l’esprit. Et le résultat est juste magnifique. Et inspiré.
Il n’est jamais trop tard pour vous ruer sur « Always too soon ».
Un des grands disques de l’année.
Jean-Marc Gelin

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22 octobre 2017 7 22 /10 /octobre /2017 19:53

Laurent de Wilde. New Monk Trio. Laurent de Wilde (piano), Jérôme Regard (basse) et Donald Kontomanou (batterie). Studio Besco (Tilly.78), avril 2017. Gazebo/L’autre distribution

 

On se demandait bien pourquoi Laurent de Wilde n’avait toujours pas consacré un album complet à Thelonious Monk, lui l’auteur d’une biographie du Grand-Prêtre du Be-Bop voici 20 ans devenue un best-seller et rééditée ces jours-ci (Monk.Folio). L’intéressé s’explique dans le livret de son New Monk Trio : « C’était pour moi un réel embarras, après avoir passé une partie conséquente de mon existence à étudier les multiples facettes de son génie et à en partager l’émerveillement avec mes contemporains, il m’était très difficile de me convaincre de la nécessité d’une reprise de ses titres qui paraphraserait sans grâce l’éblouissante et singulière perfection de ses interprétations ».
De l’adoration muette, Laurent de Wilde est passé à l’hommage, estimant avoir désormais la personnalité et le recul suffisants pour « s’attaquer » au génie. Son angle ? prendre des compositions se prêtant à des « interprétations-déformations-relectures ». La preuve est en donnée, avec brio dans un « pot-pourri », Monk’s Mix où s’entremêlent cinq titres du maître (Rhythm-A-Ning, Nutty, Green Chimneys, Little Rootie Tootie et Oska T). Une excellente entrée en matière pour l’écoute de l’album enregistré par le pianiste avec deux comparses de son trio Over the Clouds (Jerôme Regard et Donald Kontomanou). On reviendra à la face précédente Tune For T, seule composition présente de Laurent de Wilde, écrite en 1997, évocation de la face joyeuse, fortement empreinte de ragtime. Pour compléter cette première approche de New Monk Trio, passons au cinquième titre, Pannonica, hommage de T.M à sa bienfaitrice (la baronne de Koenigswarter) et mélodie toute en décontraction dédiée par LDW à sa fille… Pannonica. Mais tout au long de ce bref (50 minutes) et intense album, les (bonnes) surprises se ramassent à la pelle dans le traitement des thèmes historiques et mille fois entendus à commencer par Round Midnight, Reflections ou encore Four in One que Laurent de Wilde enregistra pour la première fois en 1989. Un album indispensable à qui veut célébrer avec un esprit d’ouverture le centenaire de la naissance de Thelonious Sphere Monk.
 Jean-Louis Lemarchand
New Monk Trio en concert : 26 octobre : Bal Blomet (75015) avec Bruno Rousselet (basse) et Donald Kontomanou (batterie) ; 4 au 6 décembre : Duc des Lombards (75001) ; 10 janvier : Saint Germain en Laye ; 26 & 27 janvier : Sunside (75001).
Et aussi concert privé en ligne sur Arte le 26 octobre.

 

26 octobre : Bal Blomet-Paris

4 au 6 décembre : Duc des Lombards-Paris

10 janvier : Saint Germain en Laye

26 & 27 janvier : Sunside - Paris

8 février : Pouzaugues

24 février : Saint Malo

17  mai  : Arcachon

18  mai Le Bouscat

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20 octobre 2017 5 20 /10 /octobre /2017 10:34
MARC COPLAND SOLO   NIGHTFALL

MARC COPLAND

Nightfall

Piano solo

Inner Voice jazz

www.innervoicejazz.com

www.marccopland.com

 

C’est en 2002 , avec le label SKETCH de Philippe Ghielmetti que Marc Copland, jusque là intéressé par le difficile exercice d’accompagnateur et la relecture de standards en trio avec Gary Peacock ou quintet (celui de John Abercrombie), s’est lancé dans l’art du piano solo avec le remarquable Poetic Motion. Il a pris goût à l’exercice et depuis sont sortis sur d’autres labels Time Within Time (Hatology, 2005) ou encore Alone( Pirouet, 2009).

La collaboration entre le producteur Ghielmetti et le pianiste s’est prolongée en filigrane et après huit longues années, Marc Copland °revient avec ce Nightfall ( en hommage à «La nuit étoilée» de Van Gogh qui orne la pochette), enregistré non pas à Arles où fut peinte la toile, mais à la Buissonne dans le Vaucluse voisin, sur le label du pianiste Innervoice jazz, créé entre temps en 2015.

Fidèle en amitié, Marc Copland fait appel comme sur les autres albums au poète Bill Zavatsky qui évoque dans son texte l’effet sidérant de la musique, son avènement. Bill Zavatsky qui connut Bill Evans est la discrète référence, incontournable à cet immense artiste.

Hommage  donc  pour commencer l'album à celui qui renouvela l’art du trio avec Scott La Faro, auteur de l’inoubliable « Jade Visions » ( Sunday at the village Vanguard, 1961 ). Marc Copland joue toujours  de cette fluidité dans le phrasé qui s’inspire sans imiter, échappant ainsi à l’ombre écrasante de Bill Evans. Suit la version du pianiste de cette nuit éclairante, dont l’éclat n’est pas sans rapport avec la peinture de Van Gogh. Sur les huit compositions de cet album Nightfall, trois sont dues à la plume de Marc Copland, construisant un espace sonore irisé, fait de délicates impressions. On est surpris et touché par le troisième titre « String Thing » qui sort du jazz, puisqu’il évoque une conversation sur les styles respectifs de ces musiciens extraordinaires des sixties-seventies Stephen Stills ( le virtuose) et Graham Nash (le chanteur pop anglais) qui marquèrent l’histoire musicale du rock et de la pop américaines. Au moment où le monde s’enflammait aux accents des guitares électriques déchaînées, CSN jouait des harmonies vocales sur fond de guitares fines et tapis de wah wah. Copland continue à rendre hommage aux cordes sensibles, des guitaristes ou contrebassistes. Par ses harmoniques et couleurs, la musique du pianiste distille une secrète mélancolie, un art poétique où surgissent avec force les maîtres comme le contrebassiste Gary Peacock, les amis et partenaires guitaristes Ralph Towner et John Abercrombie ( ce sont les deux titres qui terminent l’album).

Même si l’apparence du souvenir s’impose, le pianiste s’attache et s’attarde à recréer du sens, à faire circuler une poésie. Autant de signes qui ne répondent pas seulement à la nostalgie mais à l’essence même du jazz qui revient, revisite, reprend, réinterprète. S’empare et transpose.

Avec ce pianiste qui s’inscrit dans une tradition bien comprise qu’il aime à prolonger, nous pénétrons au cœur d’une belle aventure, d’une vraie esthétique jazz.

 

Sophie Chambon 

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19 octobre 2017 4 19 /10 /octobre /2017 21:56

Hervé Sellin (piano, arrangements), Fanny Azzuro (second piano, uniquement dans les Scènes d'Enfants de Schumann), Rémi Fox (saxophone soprano), Emmanuel Forster (contrebasse), Kevin Lucchetti (batterie)

Meudon, 8 & 10 mars 2017

Cristal CR 264 / Sony

 

En même temps qu'il publie sous le même label «Always Too Soon», en hommage à Phil Woods, dont il fut l'accompagnateur, Hervé Sellin fait paraître cet objet musical inattendu, passerelle entre le jazz et la musique classique, au sens large : de Robert Schumann à Henri Dutilleux en passant par Debussy et Satie. La passerelle, Hervé Sellin l'a souvent empruntée, lui qui est passé des classes du Conservatoire national supérieur de musique de Paris (Prix de piano et de musique de chambre, voici quelques lustres) au jazz, où il fit l'essentiel de sa vie musicale, tout en faisant parfois des pas de côté vers d'autres répertoires, et en enseignant au département jazz & musiques improvisées du grand conservatoire dont il fut lauréat ; département de jazz dans lequel d'ailleurs il suscite des collaborations avec les voisins et amis du 'classique'. Entouré de jeunes gens qui ont été ses étudiants au CNSM, Hervé Sellin explore les connivences possibles entre les deux rives (jazz et classique) d'un univers musical qu'il serait vain de cloisonner. Pour les cinq pièces issues des Scènes d'Enfants de Robert Schumann, le groupe reçoit le renfort de Fanny Azzuro, pianiste 'classique' qui va volontiers faire une incursion dans le tango... ou le jazz. Le résultat est d'une subtilité et d'une maîtrise qui forcent l'admiration, mais l'essentiel réside principalement dans la formidable vitalité qui anime (ici l'âme et le mouvement se rejoignent) cette musique. À côté de Schumann, la Sonate de Dutilleux, la 3ème Gnossienne d'Erik Satie et le Prélude à l'après-midi d'un faune de Claude Debussy complètent ce paysage escarpé, lequel est parcouru avec une vivante maestria. Ici l'arrangement ciselé cohabite avec des improvisations enflammées. Arnaud Merlin, unanimement reconnu comme un très grand connaisseur des deux rives, cite dans le livret du CD Georges Brassens «Il suffit de passer le pont, c'est tout de suite l'aventure» : on ne saurait mieux décrire les vertus de cette escapade musicale, à découvrir avec l'enthousiasme qui s'impose !

Xavier Prévost

 

Hervé Sellin sera le 21 octobre 2017 à 20h, au studio 104 de la Maison de la Radio à Paris, le héros d'une autre aventure : la reconstitution (centenaire oblige) du célèbre répertoire de Thelonious Monk, créé au Town Hall de New York, le 28 février 1959, avec Donald Byrd, Phil Woods....

Pour la circonstance ses partenaires pour ce concert Jazz sur le Vif seront Pierrick Pédron, Rick Margitza, André Villéger, Claude Egea, Lucas Spiler, Armand Dubois, Maxence Nicolats,Thomas Bramerie & Philippe Soirat.

Et en première partie on écoutera le très bon quartette de Pierrick Pédron.

 

Un aperçu du disque «Passerelles» sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=ème Gonssienne de Satie et le Prélude à l'après-midi d'un faune de0KaUpSOHf9w

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16 octobre 2017 1 16 /10 /octobre /2017 09:55

Claudia Solal (voix, textes, composition), Benjamin Moussay (piano, piano électrique, synthétiseurs, électronique, composition)

Malakoff, 2015

Abalone AB 031/L'Autre distribution

 

Voici vingt ans ils jouaient en quartette. Depuis 2003, ils se retrouvent aussi en duo. Et après «Room Service», de son quartette Spoonbox, publié en 2010 sous le même label, Claudia Solal a invité Benjamin Moussay à élaborer le répertoire de ce duo résolument inclassable. Enregistré voici près de deux ans, l'objet arrive enfin jusqu'à nos oreilles étonnées, et conquises. L'univers rappelle un peu celui du tandem John Greaves/Peter Blegvad, et aussi dans une moindre mesure l'entour de Robert Wyatt ; le jazz est dans les parages, mais l'univers musical embrasse un champ plus large. Les textes de Claudia Solal, mitonnés dans un anglais très riche (héritage de sa grand-mère écossaise ?), transformeraient volontiers des comptines enfantines en contes surréalistes. La musique, concoctée par le pianiste et la chanteuse, est sinueuse à souhait, glissant parfois avec force chromatismes comme un ruban onirique vers une sorte de sérialisme tempéré par l'émoi, et vers le souvenir des répétitifs américains. Le traitement du son est remarquablement enrichi par le dispositif Sensomusic Usine, conçu par une musicien que le jazz avait vu éclore, le contrebassiste Oliver Sens. Les deux partenaires ont travaillé longuement autour d'improvisations et d'interprétations expérimentales, fruit de leur travail sur les deux registres, pour finalement nous offrir l'objet, très abouti, de leur connivence. La convergence texte/musique est remarquable, dans l'accord comme dans la tension. C'est une sorte d'invitation au voyage : «Il est un pays superbe, un pays de cocagne....» ; mais aussi : «Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté». En fait, ce sont plusieurs voyages, parallèles ou croisés, auxquels nous sommes conviés, et même embarqués. Laissons nous porter, le calme engendre aussi de turbulents remous. C'est un disque de chansons sophistiquées, apparentées au jazz, dans ses acceptions les plus larges. À écouter avec un œil sur les textes (inclus dans le livret) car ils en valent vraiment la peine. Bref, exactement ce qu'il faut pour espérer découvrir, un jour, «Tout un monde lointain».

Xavier Prévost

 

Le duo sera en concert le 17 octobre à Toulouse (Jazz sur son 31), le 18 à Nantes au Pannonica, le 21 aux Lilas (Le Triton), puis en novembre le 12 à Strasbourg (festival Jazzdor), le 13 à Nevers (festival D'jazz), et le 23 à Lens (festival Tout En Haut Du Jazz)

 

Un bref aperçu sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=ehRN6kvAG6c

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15 octobre 2017 7 15 /10 /octobre /2017 17:40

ACT 2017

Rudresh Mahanthappa (as), Rez Abassi (g), Dan Weiss ( dms, tablas)

 

Et revoilà le saxophoniste pakistanais de retour 10 ans après la parution de « Apti » qui avait secoué la scène du jazz à sa sortie. Le saxophoniste bousculait alors les codes et livrait, hier comme aujourd’hui une oeuvre exceptionnelle de syncrétisme entre ses racines indo-pakistano-américaines ( il vit en Californie) et le jazz, à tel point que l’on pouvait dire qu’il était le créateur d’une véritable langage poussant bien loin les expériences coltraniennes en terre indiennes ou celle, d’une autre manière de Don Cherry.
Rudresh Mahanthappa n’est pas seulement un saxophoniste de génie, il est aussi l’inventeur d’un son qui n’appartient qu’à lui.
Avec Agrima ( qui signifie « suite ») le saxophoniste emporte tout le monde dans le flow d’un son où se mêlent son lyrisme si particulier avec le son de la guitare de Rez Abassi et les percussions de Dan Weiss, ce dernier illustrant le propos avec des talents d’orfèvre.
La musique est d’une incroyable intensité, animée d’une force vitale irrésistible. Les improvisations de Rudresh et surtout le son si particulier du saxophoniste atteignent des sommets. Lui aussi est une sorte d’oiseau, aigu, pointu, virevoltant et piquant, entraînant tout le monde dans une danse vernaculaire.
La fusion des trois musiciens est intense dans cette musique serrée où les espaces sont rares.
Et alors que Apti était entièrement acoustique, Rudresh Mahanthappa s’initie ici à l’électronique dont il joue des effets, renforçant dans ce voyage transfronalier une dimension onirique puissante.

Avec Rudresh Mahanthappa, il n’est pas question simplement de jazz mais d’une véritable expérience inédite.
Un choc culturel qui démontre les passerelles musicales entre les cultures et l’universalité de ce langage musical. Coltrane avait montré la voie. Il lui manquait l’ancrage de ses racines. Rudresh n’ouvre pas les portes, il les explose littéralement.
Jean-Marc Gelin

 

 

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