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31 janvier 2017 2 31 /01 /janvier /2017 22:08

PAPANOSH  : «  A chicken in a bottle »
Yellowbird - L’Autre Distribution 2017
Sébastien Palis (orgue B3, Wurlitzer, p, Vc), Jérémie Piazza (dms), Quentin Ghomari (tp), Raphaël Quenehen (as, ts, sopranino, vc)

 


On se souvient encore du magnifique album qui précédait celui-ci  ( « Oh yeah Ho ») et qui rendait hommage à Mingus. On s'en régale encore les écoutilles. Du pur bonheur.
Et bien l'on peut vous dire que deux ans après, Papanosh, ce jeune groupe tout droit venu de Rouen.... bande encore !
La flamme est toujours là. L'énergie collective encore plus présente que jamais, encore plus flamboyante dans une sorte de cocktail inventif et (ré)créatif.
C'est superbement écrit. C'est joué terrible.Mazette : ça pétille, ça remue de la queue comme un chien fou, ça groove et ça roule le tempo (Hermanos) sur une tournerie obsédante que n'aurait pas renié Mulatu Astakte. Dans ce grand creuset on trouve de tout : une inspiration très Ornette colemanienne sur 160 pm  faite de rupture et de collages, des virées Ellingtoniennes ou un funk très « Shiffrinien » (Moquette) et toujours l’ombre tutélaire d’un Mingus omniprésent.
On l’a dit ça joue à haut niveau sans jamais se la raconter. Le plaisir est évidemment communicatif. Les solistes sont étincelants. La musique nous laisse toujours en éveil et ouvre des tiroirs, toujours en ruptures, accélère puis ralentit, passe à autre chose et revient au thème sur des nappes électriques tramées par l’orgue B3 de Sébastien Pallis dans les pas d’un Larry Golding.
On pense aussi à l’Art Ensemble of Chicago par ce cotée un peu potache et renverser de tables.
En bref on est fans-fous de Papanosh qui depuis plus de dix ans nous fait vibrer par son intelligence maligne et ses talents virevoltants.
A consommer avec excès !
Jean-Marc Gelin

 

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26 janvier 2017 4 26 /01 /janvier /2017 10:17
TOC & THE COMPULSIVE BRASS BAND

TOC & The Compulsive Brass Band

www.circum-disc.com

Quatre titres en près de 52’ : le programme est clair dès le nom du groupe, qui annonce la couleur, non pas la lumière bleuâtre des paysages septentrionaux mais le sépia délavé du souvenir. Car les Nordistes extrêmes du trio TOC (non pas « troubles obsessionnels compulsifs ») mais T pour Jérémy TERNOY (piano), O pour Peter Orins ( batteur), C Ivan Cruz ( guitare) s’adjoignent un ensemble de cuivres passablement déjantés (Compulsive Brass Band du collectif Muzzix). Pour qui connaît l’esthétique du collectif de Lille que je n’ai jamais pu entendre en live, moi qui suis fixée à Marseille (bien malgré moi) « comme une arapède au rocher », comme on dit ici, peuchère! Rien de surprenant, puisque tous les disques de ce label prolifique sont différents, tentent des voyages sidérants et extrêmes avec un sentiment d’étrangeté, une inquiétante et agréable familiarité, si on aime cette musique planante ( pas vraiment au sens des années 70 cependant) . Un magma de sons, de nappes bruitistes, électroniques, le pilon régulier et lancinant de la batterie…. Et cette fois les quatre soufflants cuivrés qui, sans arrondir vraiment les angles, apportent leurs timbres originaux, chaleureux  et complémentaires en diable. (Maxime Morel au tuba et trombone, Christian Pruvost à la trompette et deux sax Sakina Abdou à l’alto et soprano avec Jean Baptiste Rubin au bariton et ténor). Quelle équipe de choc ! Pas étonnant que ça clashe, gronde, crisse, klaxonne et éclate sur le morceau inaugural le moins long, 8mn tout de même, pour nous mettre en oreille: « Air bump » pour absorber les chocs sonores plus ou moins mineurs . Et il est vrai que ce n’est ni étourdissant ni inaudible. Comme amorti, le nom est bien trouvé. Le morceau s’achève et l’on se demande quand et si cela va devenir plus mélodieux. Encore qu’il y ait une réelle beauté à ces textures urbaines pleines de matière, sonorités industrielles, du genre « friches » (on connaît dans le Nord), un peu désolées mais jamais tristes. Car l’énergie est tout de même le maître-mot de ces musiques actuelles, prenantes.

La Nouvelle Orléans dans tout ça ? Un parfum dans les titres comme ce « Stomp out from Jelly » très joli, cet oxymoron entre le battement du «stomp » et la mollesse de la « jelly ». Non, il s’agit de Jelly Roll Morton , l’un des pères fondateurs du genre… qui n’était pas vraiment mou. Mais il faut quand même chercher loin : dans les marais sordides comme « Dans la brume électrique » de Tavernier où ressortent les cadavres des confédérés car cette terre sudiste est gorgée d’histoires, de morts et de charniers comme dans le Nord et l’Est de la France, tiens tiens….

Non, pas de énième « tribute », où l’on s’empare souvent des anciens sans les revisiter vraiment sans la traversée et les apports constitutifs de l’histoire du jazz. Pas de rag par exemple pour K (Kid Ory le tromboniste de Storyville), pas de rappel de Satchmo et de Billie « Do you know what it means to leave New Orleans ? ». Et pourtant, on ressent cette moiteur un peu étouffante, assourdie, on est anesthésié avec le lent  et inexorable crescendo du troisième titre «No Rag for Kid» qui s’éteint dans un souffle.

Comme à chaque fois avec Circum, je me laisse prendre et pars à la découverte d’images et de senteurs, créoles avec le dernier titre, le seul qui évoque (à ses débuts du moins) le Sud louisianais, puis en toute fin un "dirge",  chant funèbre. Heureusement car cette musique aujourd'hui est souvent perçue de genre (un peu trop touristique) du «Carré Français». C'est au contraire une musique narrative actuelle avec des mots d’hier, en échos étouffés, incertains que nous renvoie la mémoire. A l’image de la pochette brunâtre, tellement délavée qu’elle en devient presque illisible sur un graphisme "vintage" de Peter Orins. Culotté mais intelligent et insolite. Ah le NORD !

Sophie Chambon

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20 janvier 2017 5 20 /01 /janvier /2017 22:19

Milan Music. Enregistrements de 1986 à 2015

 

On ne fera pas l’injure aux lecteurs des DNJ en leur présentant Richard Galliano. L’accordéoniste méridional est devenu une figure majeure de la scène musicale depuis près de trois décennies.  Sa renommée tient à son talent d’instrumentiste allié à des qualités rythmique et mélodique mis au service d’un répertoire sans frontières. Ces différentes facettes peuvent être appréciées à leur juste valeur dans une compilation réalisée par les disques Milan portant sur près de trente ans de travail avec la maison dirigée par Emmanuel Chambredon.  Un parcours qui s’entame en 1986 avec  celui qui inspira Galliano en lui conseillant de « dépoussiérer » l’accordéon, à l’instar de ce qu’il fit avec le bandonéon, l’argentin Astor Piazzolla. Au fil des plages, on retrouve l’accordéoniste dans toutes ses configurations (petite formation, grand orchestre) et sous tous les cieux (Europe, Etats-Unis, Amérique Latine), échangeant aussi bien avec un collègue brésilien (Dominguinhos) qu’avec des tenants purs et durs du jazz (Charlie Haden, Gonzalo Rubalcaba). Les titres qui ont assuré son succès populaire sont évidemment présents, Libertango, Oblivion, Tango pour  Claude (Nougaro) côtoyant des œuvres plus rarement entendues comme cet Opale Concerto  et ces chansons d’Edith Piaf (La foule, L’hymne à l’amour et –cela va de soi- L’accordéoniste) magnifiées en duo avec le guitariste Sylvain Luc.  Voilà un coffret de deux albums qui remplit parfaitement sa mission en proposant un artiste aux multiples talents, jamais à court d’idées ni d’aventures musicales.
Jean-Louis Lemarchand

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20 janvier 2017 5 20 /01 /janvier /2017 17:18
Madness Tenors  BE JAZZ FOR JAZZ

 

 

MADNESS TENORS

Be Jazz for Jazz

Sortie 27 janvier 2017

Cristal records

Lionel Martin (saxophones), Georges Garzone ( tenor saxophone), Benoît Keller( contrebasse), Mario Stantchev (piano), Ramon Lopez ( batterie) 

En 2014 sur le festival bulgare de Stara Zagora, Lionel Martin fait une rencontre décisive en la personne du saxophoniste George Garzone. Naîtra alors ce projet de Madness Tenors en hommage au Tenor Madness de 1956 ( où Sonny Rollins se confrontait à John Coltane ), un quintet vif-argent composé de Mario Stantchev au piano, Benoit Keller à la contrebasse et du batteur Ramon Lopez, groupe que l’on découvrit à VAULX JAZZ en 2015.

Dès l’ouverture de ce brillant « Awo » rugit le saxophone de Lionel Martin énervé et effervescent et c’est parti pour plus de 9 minutes de transe. Distorsions et transgressions en un élan continu qui se poursuivent avec « Plus Plus », autre composition de Lionel Martin où le piano particulièrement percussif de Mario Stantchev suit les stridences des saxophones. Ramon Lopez, le batteur coloriste, rythmicien sans pareil, n’est pas en reste dans ce quintet cent pour cent jazz, apportant sa touche toujours très personnelle et exaltée, intégrant avec souplesse les imprévus de cette musique. Il faut attendre la cinquième composition pour entendre une pièce plus délicate de Georges Garzone « Fox in the wood ». Si Garzone reste au ténor sur tout l’album, Lionel Martin alterne les saxophones et fait ainsi varier, se superposer les timbres. Sans relâche, Lionel Martin vibre au son de ces musiques qu’il aime à déconstruire. Georges Garzone ne le suit pas toujours dans cette « chase » éperdue, mais en balançant autrement, il s'impose comme un contrepoint indispensable et précieux. Leurs unissons splendides traversent ce "Hey Open Up", autre composition de G. Garzone, d'une tension constante sans aller jusqu'à la cassure. Splendide!

Last but not least, «On the phone» est une pièce co-écrite par le duo Stantchev/Martin que l’on a apprécié dans leur relecture de Louis Moreau Gottschalk, compositeur classique qui faisait des tournées comme un jazzman, dans le très beau Jazz before Jazz. La pochette de l’album Be Jazz For Jazz est d’ailleurs un écho à celle du duo (Cristal Records 2016).

On retrouve pour le final cette qualité de mélodie soyeuse et tendre, le soprano faisant entendre sa plainte, une touche lyrique bienvenue après l’explosion de certaines compositions. Ainsi s’entend dans cette musique sans parole, un seul chant exprimant la colère, la fougue mais aussi la promesse d’une (ré)conciliation. Du jazz comme on l'aime!

 

A noter le concert au Festival de Saint-Fons Jazz, le 27 Janvier 2017, pour la sortie du CD et du vinyle sur le label O.S.L.O, Ouch ! Synthesis Liberty Orchestra, créé par Lionel Martin en 2016, qui se consacre aux seuls vinyles. Bonne nouvelle !

Sophie Chambon

 

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20 janvier 2017 5 20 /01 /janvier /2017 11:17
Mario Stantchev & Lionel Martin JAZZ BEFORE JAZZ
     

Mario Stantchev & Lionel Martin

JAZZ BEFORE JAZZ

Autour de la musique de Louis Moreau Gottschalk
Label CRISTAL RECORDS

Mario Stantchev (piano), Lionel Martin (saxophones)

 

Le pianiste bulgare Mario Stantchev et le saxophoniste Lionel Martin, découvert avec le batteur Bruno Tocanne dans le magnifique trio Résistances,ont sorti en mars dernier une pépite intitulée Jazz before Jazz. Un jazz actuel, très vif qui se nourrit des musiques du monde. L’album rend hommage à l’un des pionniers de cette musique, Louis Moreau Gottschalk qui ne savait pas encore qu’elle deviendrait le jazz, la « musique savante » du XXème siècle. Si le duo fait œuvre de pédagogie, devient musicologue, il insiste aussi sur la qualité onirique de cette musique, qui révèle des racines probables du jazz, « des racines rêvées ». Un duo exaltant, énergique et pourtant tendre, qui revisite avec la traversée du XXème cette musique d’avant les origines.

Qui était donc ce pianiste virtuose admiré de Chopin, séducteur impénitent, artiste nomade, né à la Nouvelle Orléans en 1829 ? Le premier à avoir intégré à la technique savante occidentale les rythmes et harmonies de la Caraïbe, les musiques créole, ibérique, latino-américaine et… le chant des esclaves dans des compositions aux titres explicites «Bamboula», «Danse de nègres», « Le banjo », « Danse des Gibaros », « Souvenir de la Havane ». Il sut s’approprier avec élégance des éléments de chaque culture.

On n’en finira donc jamais de s’interroger sur le jazz, ses origines et ses développements et variations, cross over… Bernstein avait sûrement connaissance de ce pianiste, lui qui se passionna pour les « danzons » et mêla adroitement dans West Side Story symphonique, jazz, musique américaine sur les traces d’Aaron Copland.

Soulignons enfin que l’on est sensible -et c’est assez rare pour le noter, à la qualité de l’objet CD avec de véritables notes de pochette (Jean Noël Régnier et Daniele Stantcheva) où les compositeurs expliquent leur démarche d’arrangeurs à partir des travaux de Gottschalk. Car tous les titres sont des compositions de Gottschalk sauf le premier thème « Pour Louis Moreau » de Mario Stantchev. La pochette au graphisme de Valentine Dupont est exquise, s’inspirant à la fois des masques et de «l’art nègre», très en vogue à la naissance du jazz et des papiers découpés-collages d’ Henri Matisse, qui eut un grand succès avec une série intitulée Jazz en 1947.

 

Sophie Chambon

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15 janvier 2017 7 15 /01 /janvier /2017 18:38

Natalie Dessay, Pictures of America.
Paris Mozart Orchestra dirigé par Claire Gibault, arrangements de Baptiste Trotignon, Cyrille Lehn, Pierre Boussaguet, Patrice Caratini. Studio Ferber 20-24 septembre 2016. Sony Music.

E

 

dward Hopper avait inspiré un auteur féru de jazz, Michel Arcens- on lui doit Instants de Jazz ; John Coltrane, la musique sans raison- qui inventa vingt histoires sur la base de tableaux du peintre américain (Dans la lumière d’Edward Hopper, la maison d’Hannah et autres fictions. Alter ego éditions.2015). Tout l’imaginaire d’Hopper vivait dans ces textes où l’on retrouve les nuances de la lumière saisie dans l’univers citadin et sur les bords de mer.
La cantatrice Natalie Dessay a choisi quant à elle dix tableaux d’Hopper pour effectuer une sélection de chansons dans l’American Song Book. C’est à un voyage au cœur de cette Amérique du siècle passé que nous sommes ainsi invités.  Dans cette aventure, Natalie Dessay a convié des jazzmen bien connus des DNJ pour mitonner des arrangements- Patrice Caratini, Pierre Boussaguet, Baptiste Trotignon- rejoints par un professeur d’harmonie au CNSM et ancien du Berklee College, Cyrille Lehn. L’interprète de Mozart, Bach et Handel confie être « partie à la recherche d’une nouvelle voix, plus grave, plus intime, qui murmure à l’oreille ». Un exercice déjà pratiqué voici quelques années dans un duo avec Michel Legrand.  Une certaine grâce émane de ce périple américain guidé par des musiciens français.
Jean-Louis Lemarchand

 

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11 janvier 2017 3 11 /01 /janvier /2017 17:06

Darius Jones (saxophone alto), Aruan Ortiz (piano), Mark Helias (contrebasse), Nasheet Waits (batterie).

Solignac, 2014

Laborie Jazz LJ 33 / Socadisc

 

Le disque avait quelque peu échappé aux radars à sa sortie, en novembre dernier, et c'est pourtant une parution que l'on osera qualifier de majeure. Le batteur, outre des collaborations remarquables avec Andrew Hill, Fred Hersch, Jason Moran, Avishai Cohen et une foule d'autres musicien(ne)s de premier plan, s'est donné voici près d'une dizaine d'années les moyens de ce groupe, Equality, alors avec Logan Richardson, Jason Moran et Tarus Mateen (« Alive at MPI », Fresh Sound, 2008). Sa composition a évolué jusqu'à ce disque, avec des collaborations transitoires (Stanley Cowell, et plus récemment le jeune pianiste cubain Abel Marcel Calderon Arias l'été dernier au Paris Jazz Festival). On est frappé d'emblée par l'audace et l'assurance du projet esthétique : embrasser largement les territoires du jazz contemporain, avec les libertés que confèrent l'élaboration des formes, l'étendue des modes de jeu et d'expression, et le goût de pousser chaque fois plus loin les limites que l'on croyait s'être fixées. Le saxophoniste Darius Jones pousse loin l'aventure expressive, usant de ce que j'oserai encore appeler de fortes inflexions micro-tonales, magré les railleries des tenants sourcilleux de l'absolue justesse : l'expressivité est à ce prix.... On note une grande originalité du répertoire, signé par le batteur, mais aussi par Mark Helias, et complété par quelques grands auteurs (Sam Rivers, Andrew Hill), avec en prime une version décoiffante, et totalement renouvelée, de l'inoxydable Koko de Charlie Parker. Les développements sont d'une richesse et d'une liberté incroyables (entendre, dans la deuxième plage et sous le solo de piano, l'étonnant dialogue de rythmes et de timbres du bassiste et du batteur). Un disque à prescrire, en écoute quotidienne, à tous les blasés qui désespèrent d'un jazz encore possible !

Xavier Prévost

 

Le groupe jouera le vendredi 13 janvier 2017, à 20h30, à l'Espace André Malraux du Kremlin-Bicêtre, en ouverture du festival Sons d'Hiver.

 

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7 janvier 2017 6 07 /01 /janvier /2017 19:15

ALEXIS AVAKIAN : «  Hi dream »
Paris Jazz Underground - 2017
Alexis Avakian (sax), Ludovic Allainmat (p), Mauro Gargano (cb), Fabrice Moreau (dms), Artyom Minaysan (doudouk)


En concert le 2 février au Sunset- Paris


Le label issu du collectif PJU (*) ne cesse de nous charmer au fil de ses publications par le soin qu’il apporte à la réalisation d’un travail toujours de qualité et dont le dernier album du saxophoniste Alexis Avakian est un nouveau témoignage.
Le saxophoniste qui publie ici son deuxième album est un musicien particulièrement raffiné qui apporte à ses compositions le soin d’une dentelière à l’ouvrage. Sa façon de jouer s’entend comme l’appréhension d’un véritable travail d’orfèvre, d’artisan de luxe dont les nuances subtiles et élégantes sont comme des envolées gracieuses dans un ciel à la Turner (Mark). Il faut l’entendre sur Interlude ou sur Agnès déployer avec une légèreté aérienne un  jeu d’une très grande zénitude.
Il faut dire que ce saxophoniste franco-arménien installé à Paris depuis 2006 s’est choisi des maîtres de haute volée comme Eric Barret, Sylvain Beuf ou encore, outre Atlantique le très grand Jerry Bergonzi (auquel i; dédie un titre, Per Gonzi) ou encore Grant Stewart dont on le sent très proche.

Tout en évitant le cliché d’un jazz world auxquelles ses racines arméniennes aurait pu l’enfermer, c’est au contraire un jazz très ouvert et protéiforme que nous propose Avakian. A la fois un jazz ouvert sur le monde entre plusieurs continents mais aussi ancré dans les racines d’un jazz modernisé où le saxophoniste surfe sur des structures rythmiques et harmoniques complexes, avec une facilité déconcertante. Puis par moment c’est dans un autre ancrage, plus roots auquel il s’attache pour de pur moments de poésie qui ramène un peu à l’Arménie tout en jetant des ponts avec les fondamentaux du jazz ( Adieu mon drôle, Noubar).

Avakian embarque ainsi une formation de très haut niveau pour une musique superbement écrite.
Tournant en boucle sur mon lecteur depuis plusieurs jours j’ai le sentiment de n’en avoir toujours pas fait le tour, découvrant au fil des écoutes des pépites cachées et une sacrée maîtrise du son par Avakian qui fait preuve ici d’une maturité qui force le respect et l’admiration.
Un bien bel ouvrage en somme.
Les parisiens et les parisiennes sont alors priés de se présenter le 2 février au Sunset pour faire entrer dans le monde élégant et hyper classe d’Alexis Avakian.
Jean-Marc Gelin

 

(*) les fondateurs du PJU sont David Prez ( sa), Romain Pilon (g), Sandro Zerafa (g) ( qui vient par ailleurs de publier un nouvel album dont nous parlerons bientôt), Yoni Zelik (cb), Olivier Zanot (sx), Karl Jannuska (dms), Philippe Soirat (dms), Tony Paeleman (p), Jonathan Orland (sx)

 

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6 janvier 2017 5 06 /01 /janvier /2017 18:48

Géraldine Keller (voix), Fabrice Martinez (trompette, trompette piccolo, bugle), Catherine Delaunay (clarinette), Roland Pinsard (clarinette, clarinette basse), Régis Huby (violon), Guillaume Roy (violon alto), Stéphan Oliva (piano), Rémi Charmasson (guitare), Edward Perraud (batterie, percussions), Claude Tchamitchian (contrebasse)

Pernes les Fontaines, 6-10 juin 2016

émouvance emv 1038 / Absilone-Socadisc

   Une sorte de jazz de chambre avec voix, sur des textes d'Agota Kristof adaptés par Christine Roillet. La voix parle de la vie dans ses formes heureuses ou angoissantes : aimer, rêver, mourir.... Géraldine Keller dit, profère, parle, chante et déborde jusqu'aux limites de l'improvisation vocale. Pluralité de thèmes, parfois récurrents, entre valse mélancolique et langoureux vertige, effets expressionnistes du rock progressif et lignes atonales. Parfois je rêve que j'entends un écho de « Cinq Hops », de Jacques Thollot, en 1978 (ce qui n'est pas fait pour me déplaire !). Le tout se déploie en forme d'une suite où les solistes, tour à tour, se voient offrir un champ d'expression. Beaucoup de contrastes, souvent plus nuancés qu'abrupts. Dans les cadences ouvertes Stéphan Oliva, Régis Huby, Guillaume Roy, Fabrice Martinez, Catherine Delaunay sont formidables, et les autres ne sont pas mal non plus (étonnant paysage percussif d'Edward Perraud). Et le tutti reprend régulièrement, dans son emportement vital, jusqu'à émergence d'un nouveau fragment, d'une nouveau texte, d'une nouvelle cellule mélodique et/ou rythmique. Le compositeur-leader, loin d'envahir l'espace improvisé, ne s'est réservé que peu d'interventions en soliste, heureux sans doute de partager cette suite avec cette belle brochette d'improvisateurs. Le disque, comme beaucoup d'autres dans le jazz hexagonal contemporain, est produit avec le concours de MFA (Musique Française d'Aujourd'hui), et il convient de saluer comme il se doit l'action de cette structure qui permet à des projets ambitieux d'éclore, jusqu'au partage. Partageons donc, largement, ce (beau) moment singulier.

Xavier Prévost

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Le groupe jouera, pour la sortie du CD, le 11 janvier à Paris, au Studio de l'Ermitage.

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26 décembre 2016 1 26 /12 /décembre /2016 15:46
MICHAEL BUBLE

 Nobody but me

Reprise records / Warner music company

 

 

Reçu à Noël d’un ami qui sait que j’aime le jazz et le jazz vocal, j’étais plutôt surprise de ce choix, car je ne connais pas vraiment ce chanteur crooner un peu lisse, variant entre pop et jazz.

Nobody but me est son dernier album, enregistré en studio qu'il a entièrement maîtrisé en le produisant. Il a su s’entourer d’un orchestre impressionnant (70 musiciens) de cordes et de soufflants que l’on entend au mieux sur le standard de Johnny Mercer « I wanna be around ». Après écoute, mon opinion est faite, Bublé a une belle voix chaude et sensuelle, et sur cet album, il reprend quelques standardsde Sinatra, Nina Simone… Ce qui est déjà un bon point car j’avoue que ses propres compositions aux orchestrations adaptées penchent sur le versant d’une variété honnête …sans plus. Michael Bublé est un Canadien d’origine italienne (il chante d’ailleurs « On an evening in Roma ») et sans doute rêve-t-il d’un succès comparable auprès des jeunes (filles) à celui d’une de ses idoles, Sinatra.

« My kind of girl » tire sur la romance, on pense fugitivement à Sinatra moins pour la voix (inimitable) que pour une certaine qualité des arrangements. Sur «The Very Thought of You » qui m'évoque immédiatement Billie Holiday, il chante lentement, avec une énonciation appliquée mais parfaite.

Il faut attendre la toute fin du disque pour ressentir une véritable émotion avec la reprise décalée du sublime titre de Brian Wilson « God only knows ». Parti pris intelligent : un accompagnement simple, piano et cordes légères, écrin de la voix bien posée et de la diction lente ciselant chaque mot de cette formidable chanson d’amour. Une fois encore, quand la composition est belle, on peut tenter des variations…

Sophie Chambon

 

 

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