Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 septembre 2016 2 20 /09 /septembre /2016 21:02
DHAFER YOUSSEF : «  Diwan of beauty and odd »

DHAFER YOUSSEF : « Divan of beauty and odd »
Okeh 2016
Dafer Youssef (Oud, vc), Aaron parks (p), Ambrose Akinmusire (tp), Ben Williams (cb), Mark Giuliana (dms)

Il y a parfois de véritables joyaux qui vous arrivent comme tombés du ciel. Des moments de grâce divine qui ne sont que pure beauté.
Le nouvel album Oudiste tunisien Dhafer Youssef est de ceux-là. Il réalise la fusion parfaite des deux mondes en s’accompagnant pour jouer sa propre musique d’un combo composés de vrais jazz stars. Et si la rencontre du jazz et de la musique world avait déjà produit des merveilles ( on pense à Don Cherry), ici c’est tout autre chose. C’est l’art de l’alliage sacré des mélismes orientaux avec le ternaire du jazz. Une sorte de pierre philosophale. Sur cet alliage, les ornements sont de pure beauté. Il y a le chant de Dhafer Youssef (au moins trois octaves) qui résonne comme des prières adressées au ciel et que rejoint les lignes puissantes de la trompette d’Akinmusire au point que les deux ne font presque qu’un seul. Il y a aussi les interventions d’Aaron Parks qui sont comme des véritables enluminures. Et enfin cette rythmique qui donne à cette musique forte son coeur battant. Il y a là un groove quasi hypnotique sur les mélodies magnifiques de Dhafer Youssef qui apportent au blues sa couleur orientale.
C’est beau. Tout simplement beau et poignant. Après le superbe album , « Bird requiem » qu’il avait consacré à la mort de sa mère, Dhafer Youssef semble renaitre ici. Porteur de secrets soufis qu’il nous livre avec grâce. C’est un album dont on écoute la peau vibrer. Un album qui regarde vers le ciel et vous entraîne avec une force vitale irrésistible.
Une pure merveille.
Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0
17 septembre 2016 6 17 /09 /septembre /2016 16:26
NEIL COWLEY TRIO  Spacebound Apes

NEIL COWLEY TRIO : « SPACEBOUND APES »
www.neilcowleytrio.com
Neil Cowley – piano ; Evan Jenkins – Drums ; Rex Horan – Basse ; Leo Abrahams – Guitare.


Neil Cowley est souvent et à grand renfort de marketing tapageur, présenté comme la grande révélation du jazz et comme le plus trublion des pianistes britannique. Avec une image de pianiste énervé, de jeteur de tables à l’envers et de clavier survitaminé.
Cet album du pianiste britannique Neil Cowley vient en apporter un brillant démenti. Conçu comme une narration autour de l’histoire de Lincoln ( lincolnsdiary.tumblr.com) il ne ressemble en rien aux autres autres qu’il a précédemment enregistré. Neil Cowley évoque en effet lui même un album-concept ( mais que peut bien être un album concept ?) autour de l’histoire de ce personnage qu’il faut lire en parallèle de l’écoute.
Résolument ancrée dans une vision pop du jazz, là encore influencé par une certaine musique aérienne comme celle du groupe de Tom Yorke, Neil Cowley possède à la fois une vraie force dans sa narration mais aussi un sens de notre mise en orbite. A la première écoute j’avoue avoir été très réservé et un peu perplexe face à l’alternance systématique entre des moments qui se voudraient rock-pop à force de martèlement des blockchords et d’autre qui voudraient jouer l’émotion en jouant sur les silences et les structures minimalistes. Pourtant à le réécouter on en perçoit la force brute. Le voyage mental de Lincoln se déroule devant nous. Alors on hésite. On ne sait pas trop si l’on entre dans l’émotion du pianiste ou si l’on passe à travers les astres en spectateur distanciés. Pas convaincant lorsqu’il s’attaque aux pures formes rythmiques ou mélodiques ( Governance, The city and the stars, the sharks of compétition), le pianiste nous embarque en revanche vraiment quand il s’agit d’installer des climats à la charge émotionnelle d’une rare densité ( Grace qui émeut aux larmes ou death of amygdala) voire parfois magistraux.

A la fois conquis et réservé ( bon je sais, ça ne va pas trop vous aider…..) cet album possède à mes yeux un immense mérite : celui de rendre un grand hommage à feu EST. Car les formules musicales visitées par Neil Cowley nous font toucher du doigt l’immensité de l’absence du trio du regretté d’ Esbjorg Svensson jours imité mais jamais au grand jamais égalé.
Neil Cowley marche assurément sur ces traces-là.
Jean-marc Gelin

Partager cet article
Repost0
17 septembre 2016 6 17 /09 /septembre /2016 10:56
Madeleine Peyroux   Secular Hymns

Madeleine Peyroux

Secular Hymns

Impulse/ Universal Music

Sortie le 16 septembre 2016

Dans l’émission Open Jazz, intitulée Le temps des Cantiques, Alex Dutilh présentait mercredi dernier le nouvel opus de la chanteuse Madeleine Peyroux. Vingt ans après ses premiers succès autour de Billie Holiday dans Dreamland, sort Secular Hymns, un disque tout à fait original et intime, enregistré en formation resserrée, son trio, Madeleine Peyroux s’accompagnant elle-même à la guitare aux côtés du guitariste/ vocaliste Jon Herington et du contrebassiste également vocaliste, Barak Mori.

L’origine de cet album est assez originale pour être racontée. Raymond Blanc, le chef français ayant acheté près d’Oxford, Belmont, le manoir aux quatre saisons, conviait ses invités à des concerts avant le repas gastronomique : le trio s’était produit dans l’église normande du XIIème du village et pendant les balances, quand Madeleine Peyroux chanta « Guilty » de Randy Newman, elle conçut l’idée d’enregistrer dans ce monument au plafond en bois dont l’acoustique lui paraissait mettre sa voix particulièrement en valeur. L’affaire fut conclue et …pliée en 3 jours. Voilà le Cd sur le label Impulse….«Music has been our spiritual life…songs that are very individual, personal, introverted » dit-elle pour présenter le projet.

On peut citer « Got you on my mind », ou ce "Shout, Sister, Shout », succès de Sister Rosetta Tharpe dans lequel Madeleine retrouve par instant des inflexions de Billie Holiday : un répertoire de dix titres empreints d’une certaine spiritualité, des standards de l’ «americana » que ne renierait pas le pianiste Bill Carrothers et sa femme chanteuse. L'éventail s’ouvre largement de Tom Waits « Tango Till they’ re sore », Willie Dixon « If the sea was Whiskey », Towne Van Zandt à Linton Kwesi Johnson et son hymne reggae « More Time ». On le voit, Madeleine Peyroux est allée puiser dans les chansons du patrimoine national, un mélange de gospel, funk, de blues et jazz, des valeurs sûres. Sur les traces de la grande Joni Mitchell qui a toujours fait fi des frontières musicales ? Elle reprend par exemple « Everything I Do Gonna Be Funky » d’Allen Toussaint, musicien de rhythm& blues, sorti en 1969, popularisé par James Brown ou encore cette plainte de Stephen Foster, compositeur du XIXè qui résonne étrangement aujourd’hui « Hard Times Come Again No More ». Un rapport très fort à l'histoire musicale du pays, que nous pouvons comprendre, en ce week end des Journées Européennes du Patrimoine, particulièrement suivi en France.

L’âme, le silence, le corps, voilà un album organique, simple et épuré. Qui touche. Une voix chaude, de gorge, languissante parfois sur certaines inflexions, un swing étiré et particulier, un grain sans équivalent actuel. Un côté « vintage » qui peut séduire ou non, un rapport assez direct avec son chant… Un album à écouter en tous les cas.

NB : Autre curiosité qui sort le même jour, l'album New York Rhapsody où la chanteuse est invitée sur « Moon River » par le pianiste chinois classique Lang Lang, un hommage à la ville qu'il aime. La version de la chanteuse est d’un classicisme réussi. Impeccable.

Sophie Chambon

Partager cet article
Repost0
13 septembre 2016 2 13 /09 /septembre /2016 17:49
I AM THREE « Mingus Mingus Mingus »

Silke Eberhard (saxophone alto), Nikolaus Neuseur (trompette), Christian Marien (batterie)

Berlin, 15-16 juin 2016

Leo RecordsCD LR 752 / Orkhêstra

Sous le signe de Mingus, indubitablement. En prenant pour nom l'incipit de son livre Beneath The Underdog : « In other words : I am three », ce groupe de trois berlinoi(se)s annonce la couleur. Cette phrase avait d'ailleurs servi de titre à une ballade du disque d'hommage dirigé par Gunther Schuller en 1989 (« Epitaph », Columbia). Et puis l'intitulé du CD, « Mingus, Mingus, Mingus », ce fut aussi en 1963 le titre d'un album (sous étiquette Impulse) du Grand Charles où figurait Theme For Lester, repris ici sous son titre de 1959 (l'année de la mort de Lester Young) : Goodbye Pork Pie Hat . Cent pour cent Mingus, donc, et c'est une gageure, une folie même : donner en trio, et dans cette instrumentation si particulière, quelques-uns des chefs d'œuvre du grand homme en colère (Better Get Hit in Yo' Soul, Fables of Faubus, Moanin' , Jelly Roll.... ). Et pourtant ça marche, au-delà de toute espérance. D'abord parce qu'en dépit d'un effectif aussi réduit, l'intelligence des arrangements restitue la fougue, la force, et même la violence des œuvres originelles. Le parti pris affiché d'expressivité, et même d'hyper expressivité, colle parfaitement au sujet, et la volubilité virtuose et risquée des solistes restitue cette fraîcheur qui reste en bouche, comme une sensation immarcescible, celle des premières écoutes des originaux par Mingus. Rien de servile dans ces re-créations : le cœur et l'imagination parlent, et leur discours est en parfaite résonance avec le répertoire. Un régal pour les adeptes de Mingus (par prudence les sectaires devront s'abstenir.... ) ; et les néophytes seront séduits, voire convertis !

Xavier Prévost

Partager cet article
Repost0
11 septembre 2016 7 11 /09 /septembre /2016 21:06
MARC BURONFOSSE « ÆGN , αιγαίο »

Andreas Polyzogopoulos (trompette, effets électroniques), Marc-Antoine Perrio (guitare, effets électroniques), Stéphane Tsapis (claviers, effets électroniques), Arnaud Biscay (batterie, percussions, voix), Marc Buronfosse (guitare basse, effets électroniques)

Invités :

Spiros Balios (voix, violon), Jean-Philippe Carlot (voix)

Jean-Charles Richard (saxophone soprano)

Naoussa (Île de Paros, Grèce), 23-26 avril 2015

Abalone AB 024 / L'Autre Distribution

Selon André Breton, ce serait un « hasard objectif » ; selon Marguerite Yourcenar des « carambolages du hasard » : en tout cas, par un concours étrange de circonstances qui ne le sont pas moins, je me trouve avoir emporté dans mes bagages, le plus fortuitement du monde, pour un séjour grec et majoritairement cycladique, ce disque enregistré à Naoussa, très charmant port de Paros.... où je séjourne au moment où j'écris ces lignes. Comprenne qui voudra.

Marc Buronfosse, contrebassiste éminent et compositeur de musiques subtiles (et toujours de formes accomplies), assure depuis 2011 la direction artistique d'un festival de jazz sur l'île de Paros. Pour cette nouvelle aventure musicale, il voulait témoigner de son amour pour la Mer Égée. Pour cela il s'est entouré de musiciens de sa connaissance : le trompettiste grec Andreas Polyzogopoulos ; le pianiste d'origines familiales grecques Stéphane Tsapis ; le guitariste Marc-Antoine Perrio, et le batteur Arnaud Biscay. Et pour l'occasion le contrebassiste empoigne une guitare basse à six cordes. La musique est aux confins de multiples courants : électro-jazz (dans ce qu'il a de meilleur), musique expérimentale, musique ambiante ou atmosphérique.... Les sonorités sont traitées avec un soin extrême, dans un espace onirique où la construction formelle est prégnante. Ce voyage dans la Mer Égée laisse parfois entendre, dans le lointain de la pâte sonore, le flux et le reflux des vagues. Au détour d'une plage, dans la voix du violoniste Spiros Balios, surgit en grec un texte du poète archaïque Archilochos de Paros (VIIème siècle avant J.C.). Ce successeur d'Homère et d'Hésiode était aussi un peu thaumaturge, et c'est de miracle que parle le poème. À deux plages de là (des plages de CD !) le poète Jean-Philippe Carlot, grand connaisseur de la culture grecque, nous parle d'Ithaque. Le trompettiste Andreas Polyzogopoulos lance ses volutes dans la haute atmosphère ; pour une plage où plane l'ombre du Miles électrique, il est rejoint par Jean-Charles Richard. Stéphane Tsapis cultive au piano électrique des sonorités d'une grande variété, et d'une pertinence sans faille. La guitare de Marc-Antoine Perrio joue des effets avec éloquence, et le batteur Arnaud Biscay installe une pulsation lancinante, aux timbres riches, avec souplesse et sans violence. On se laisse embarquer dans les Cyclades, et pour un peu on s'aventurerait vers l'Ouest jusqu'à Cythère. La plupart des compositions sont élaborées collectivement, dans un climat télépathique : c'est fascinant, et totalement réussi !

Xavier Prévost

Un avant-ouïr sur le site du label

http://abalone-productions.com/boutique/aegn/

.

Indiscrétion marine du fort vénitien de Naoussa

MARC BURONFOSSE « ÆGN , αιγαίο »

©Xavier Prévost

Partager cet article
Repost0
7 septembre 2016 3 07 /09 /septembre /2016 07:09
Charlie Parker Unheard Bird, The Unissued Takes.

Charlie Parker Unheard Bird, The Unissued Takes.
2CD. Verve-Universal. 2016. Production, Harry Weinger et Phil Schaaap.

Voilà le genre de coffret qui ne peut laisser marmoréen un jazzfan et même tout amoureux de musique. J’entends déjà les esprits chagrins-les figues moisies, aurait-on dit en d’autre temps-faire la moue devant ces inédits. Encore des fonds de tiroirs qui permettent aux majors de s’engraisser à peu de frais sur le dos d’un génie ! Et les mêmes d’ajouter que ce type de produits ressuscités était surtout l’apanage des héritiers de Miles (dont on célèbrera d’ailleurs les 25 ans de la disparition en cette fin de mois de septembre).
Certes ces 69 morceaux ici proposés dans un double CD devraient plutôt être caractérisés de fragments. Nous avons affaire aux habituels faux départs, prises alternatives, incomplètes. Ils n’en constituent pas moins un document rare, dû au travail d’un spécialiste ès-Parker, Phil Schaap (son père Walter conduisit Parker à l’aéroport de New York pour son vol vers Paris le 6 mai 1949), qui avait en 1988 produit un coffret de dix cd chez Verve (The Complete Charlie Parker On Verve), contenant déjà nombreux inédits.
De ses années de fouilles dans les archives du producteur Norman Granz et de Verve, notre bénédictin a extrait des titres enregistrés entre 1949 et 1952, où Charlie Parker s’exprime non seulement en combo mais aussi dans un contexte afro-cubain avec bongos et conga et accompagné par un grand orchestre à cordes . Ils viennent compléter des albums que tout fan détient comme Bird and Diz, ou Charlie Parker with Strings. Bien entendu, il faut accepter d’entendre d’affilée jusqu’à huit prises plus ou moins tronquées d’un même titre. Mais la patience paie : nous sommes au cœur du processus de création. Bird Lives !
Le livret donne tous les renseignements qu’un amateur exigeant peut souhaiter sur la composition des formations, les dates d’enregistrements (dont certaines ont été modifiées par rapport aux précédents albums), les références des matrices. Avis aux amateurs de raretés : Phil Schaap annonce poursuivre sa quête.
Jean-Louis Lemarchand

Partager cet article
Repost0
5 septembre 2016 1 05 /09 /septembre /2016 23:28
WILL CALHOUN  :  Celebrating Elvin Jones »


Motema 2016
Carlos Mc Kinney (cl), Antoine Roney ( ts,ss), Heyon Harrold (tp), Christian Mc Bride (cb), Will Calhoun (dms), Doudou N’Diaye Rose (perc), Jan Hammer (cl).

On aurait pu, à se la couler douce, chapeau de paille vissé sur la tête et cocktail fruité à la main, regarder les bords de mers et passer un peu à la trappe quelques disques reçus durant l’été.
C’eut été une grave erreur car nous aurions alors remisé sans y porter le moindre intérêt le 2ème album que le batteur Will Calhoun consacre à son héros de toujours, Elvin Jones, le maître des forges.
Et cela n’eut pas été très bien joué car pour tout vous dire, j’ai kiffé grave cet album protéiforme aux multiples accents coltraniens, jazz-rock-fusion voire éthiopique.
Will Calhoun y rend ici un hommage fort à celui qui en dehors d’avoir été l’un des membres fondamental du fameux quartet de John Coltrabe, fut aussi un révolutionnaire de la batterie et un créateur en mouvement.
A tout seigneur tout honneur, Will Calhoun ultra-présent se montre intenable, batteur déchaîné, sorte de fils de vulcain, faisant parler le tonnerre et la poudre dans un réel déchainement polyrythmique que le maître n’aurait pas renié. L’essentiel des compositions vient d’Elvin Jones lui même ou d’un répertoire coltranien dans lequel il fut directement impliqué et qui retracent l’essentiel de la carrière du batteur. On y trouve aussi une compo de Wilbur Little Whew qui figure dans l’album du batteur « Poly-currents » sorti en 1969. Ou encore un Wayne Shorter ( Mahjong qui figure sur l’album « Juju » et auquel participait Elvin Jones).
Ca joue grave dans les chaumières et le saxophoniste Antoine Roney qui joua jadis avec Elvin apporte au ténor un son à faire pâlir d’envie papa Lovano. Juste un talent immense !

Véritable explorateur du travail d’Elvin Jones, Will Calhoun, batteur du Bronx et fondateur du groupe Living Legend livre là un travail passionnant et spectaculaire. Toujours dans le mouvement et dans l’osmose.
A découvrir de toute urgence
Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0
4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 15:30
MARC BENHAM  « Fats Food, Autour de Fats Waller »

Marc Benham (piano)

Malakoff, 3 septembre 2015

Frémeaux et Associés FA 8527 / Socadisc

Marc Benham avait déjà fait très forte impression avec son premier CD, « Herbst », enregistré en 2011-2012, et finalement publié par Frémeaux en 2013. Rompu au métier (le jazz traditionnel, la variété, l'électro....), c'est pourtant un jazzman dans le plus profond de l'âme, familier des clubs parisiens (Sunside, Caveau des Légendes). Il serait commode (et forcément réducteur) de le définir comme solaloïde , car le grand Martial Solal l'adoube de propos élogieux. Il y a chez lui ce goût du rebond, de la fantaisie, de l'inattendu, et toujours avec une intelligence musicale aiguë. Comme Martial c'est un adepte du « chemin aux sentiers qui bifurquent », et sa maîtrise de l'instrument, autant que son pouvoir de concentration sur l'instant improvisé, lui permettent des écarts inouïs. Pour ce disque, Marc Benham a choisi de revisiter l'univers de Fats Waller, avec une connaissance et un respect qui n'excluent pas de le ripoliner de teintes nouvelles. D'entrée de jeu, il agrémente l'étrange Viper's Drag d'un prélude plus déroutant encore. Mais le respect du style est là, allié à un sens aigu du détour. Aux reprises de Fats Waller se mêlent des compositions originales largement nanties de lyrisme, de finesse, et de ce pianisme intense (mais jamais ostentatoire) qui ravira les fanatiques de l'instrument (comblés aussi par la belle qualité du piano du studio Sextan). Lyrisme intense et recueilli également dans I've Got a Feeling I'm Falling de Fats, merveille d'équilibre entre sensualité et nostalgie ; et profondeur abyssale des harmonies de Madreza, signé par le pianiste. En outre Marc Benham nous offre un détour inattendu par Couperin (Les Barricades Mystérieuses), avec variations prolixes, imaginatives et pleines de swing en stride : belle escapade avant une composition originale, Tes Zygomatiques, empreinte de fantaisie virtuose (et d'un beau sens de la forme) ; et pour conclure une seconde version, fort différente, de l'inoxydable Ain't Misbehavin. Un disque magnifique, qui devrait plaire aux amateurs de (grand) piano et de (très bon) jazz !

Xavier Prévost

Partager cet article
Repost0
2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 11:37
François Raulin Stephan Oliva Correspondances

François Raulin & Stephan Oliva

Correspondances

Sortie CD 26 août

Abalone –L’autre Distribution

Concert de sortie d’album 4 septembre

www.f-raulin.com

www.stephanoliva.com

abalone-productions.com

Sort ces jours-ci Correspondances pour deux pianos sur le label Abalone, une musique encouragée par Régis Huby qui aide à organiser ce que les deux amis François Raulin et Stephan Oliva veulent mettre dans leur musique : en résulte un jeu de miroir de deux pianos côte à côte ( Raulin sur le canal droit et Oliva sur le gauche).

Dans l’histoire toujours renouvelée des duos, en voilà un « historique » et singulier, inspiré de leurs affinités électives (ils sont tous deux fous de littérature et de cinéma) et de leur partages depuis une vingtaine d’années sur différents projets. Ayant une réelle capacité à travailler ensemble, à faire évoluer leurs objectifs dans le temps, particulièrement créatifs, les deux pianistes ont l’art de transformer leurs idées en projets, toujours passionnants à suivre, incluant souvent leurs amis soufflants ou contrebassistes ( Sept Variations sur Lennie Tristano, Little Nemo, Echoes of Spring). Ils revisitent les figures aimées, sous la forme de « Lettres à… » qui permettent échanges, questions-réponse, post scriptum, voire post-it .

Un travail d’imbrication qui réunit deux parties très complémentaires, pour un résultat d'une grande fluidité, un dialogue orchestral ( par exemple, en un travail de doublage des notes, constituant un empilement, une "épaisseur" orchestrale) ou minimal au contraire : ces deux personnalités ne se ressemblent pas stylistiquement, mais partagent une même vision de la musique.

Ce CD nous livre 12 compositions qui ont toutes de quoi surprendre, si on ne connaît pas l’univers de Raulin et Oliva, mais autrement, retiennent notre attention par cette «versatilité » toujours de bon aloi. Leurs « Visions Fugitives » (si je peux emprunter cette expression à un autre label ami) tournent autour de personnalités majeures qui les ont influencés dans leur parcours : des compositeurs classiques comme Ligeti ou Dutilleux( un maître de l’association des timbres) ou pour le jazz, d’autres icônes, comme le grand Martial Solal (15 mn quand même) ou Jimmy Giuffre. Dans le très beau « Tango Indigo », ils font le lien entre Stravinsky et Duke Ellington. Ils n’oublient pas d’inclure leurs propres compositions, les improvisations collectives. Vaste et beau programme, car tous deux sont interprètes, compositeurs, improvisateurs, arrangeurs, des artistes complets, des musiciens érudits. On comprend qu’ils se soient fait plaisir en choisissant leurs thèmes (Hermeto Pascoal, Jean Jacques Avenel pour Raulin par exemple, Linda Sharrock pour Oliva), ils tendent ainsi un peu plus à abolir la différence entre écrit, partition et improvisation. Leur écriture réactualise souvent une partition déjà originale, sans revivalisme compassé. Ils n’hésitent jamais à franchir les limites, à jouer dans les marges. La musique profite de rythmes constamment déjoués, caresse sans perdre sa force, fait entendre son chant sans tomber dans la romance, recherchant chromatismes et recourant aux dissonances. En jouant sur l’étirement du temps, des notes, ils parviennent sur le merveilleux thème d’Ornette Coleman « Lonely Woman », à faire jaillir des images et l’émotion. Mystère entretenu et tension palpables. Le final est dédié au prodigieux cornettiste Bix Beiderbecke de Davenport (Iowa), auteur de cette sublime et unique composition pour piano, une rêverie en jazz, « In a mist », après une nuit passablement embrumée…Une nouvelle version après leur mémorable quintet Echoes of Spring (2008) sorti sur le label Melisse d'un autre pianiste ami Edouard Ferlet.

Voilà une trame d'échanges sublimée en un récit, un récital efficace, d’une vraie délicatesse, d'une complicité exigeante dont chaque nouvel échange complète le tableau de leurs variations en série.

Sophie Chambon

Partager cet article
Repost0
31 août 2016 3 31 /08 /août /2016 11:30
THE BAD PLUS : «  It’s hard »

Okeh 2016
Ethan Iverson (p), Reid Anderson (cb), David King (dms)

20 ans après la révolution « Bad Plus », les révolutionnaires sont , comment dire, un peu moins révolutionnaires.
Et pourtant le temps peut bien passer sur le trio de Minneapolis, il n’en reste pas moins que ces trois-là ont véritablement laissé leur empreinte sur la conception du piano trio-basse-batterie dans le jazz et que, bien qu’imités souvent ils n’ont jamais été égalés. Le son et la façon de tout déstructurer rend ce trio-là reconnaissable entre tous.
De quoi, si j’étais redan chef d’un grand magazine de jazz, leur faire une « Une « spéciale ». Moi c’que j’en dis…..

Ce nouvel album conçu autour de reprises très hétéroclites de Prince, de Kraftwerk, de Peter Gabriel et même de Cindy Lauper (Time after time jadis repris par Miles lui-même) nous frustre un poil de ne pas entendre les superbes compositions de Reid Anderson. Mais le travail qu’ils réalisent autour de ces véritables standards est un régal de bout en bout. Toujours avec The bad Plus, le même choix cornélien qu’ils ont choisi de ne pas résoudre entre respect de la forme et souci de la déstructuration métodique. Toujours avec The bad Plus, le même souci que chaque membre du trio puisse s’entendre comme partie autonome d’un tout. Certes ils se sont un peu assagis et même attendris. On les entend plus doux et plus gentils sur certains titres. Un peu plus conciliants. Mais à l’inverse ils touchent et émeuvent comme sur cette très belle reprise de The beautiful ones de Prince. Et je sais pas vous mais moi, toujours ils me fascinent comme s’il s’agissait de rentrer dans une oeuvre moderne de Paul Klee et qu’au delà de l’apparente fluidité il s’agissait aussi d’en comprendre l’intelligente modernité.
Enregistré à Brooklyn avec leur fidèle igné-son, Peter Rende, «It’s Hard » nous remet sur les rails de The Bad Plus dont ils s’étaient éloignés quelque peu ( après avoir signé un magistral Sacre du Printemps qui fera certainement date dans l’histoire du jazz).
On les retrouve ici avec quelques cheveux blancs mais avec la foi intacte. Et loin prend toujours le même pied !
Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0