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22 avril 2016 5 22 /04 /avril /2016 10:49
BILL CHARLAP « Notes from New York »

Bill Charlap (piano) , Peter Washington (contrebasse) ,

Kenny Washington (batterie)

New York, 1-2 juin 2015

Impulse! 477 8388 / Universal

Le premier extrait que j'ai écouté, c'était à la radio, et en voiture : j'allume le récepteur pour écouter Open Jazz sur France Musique, et l'ami Alex Dutilh, et j'entends une improvisation en trio qui, par le voicing de ses accords, et l'accentuation des phrases, me fait penser à Bill Evans. Il y a des inédits qui viennent d'être publiés, ce doit être ça, me dis-je. Arrive la réexposition finale, avec une scénarisation qui me rappelle Ahmad Jamal (bien que sur ce thème, I'll Remember April, Jamal ait conçu une dramaturgie différente). En fait, quand vient ce qu'en radio on appelle la «désannonce», j'apprends que c'est Bill Charlap, avec ce trio qui existe depuis près de vingt ans, et vient de commettre ce nouvel opus. Bill Charlap, c'est une sorte de mémoire du jazz : mémoire du piano, dont il a connu bien des héros ; mémoire des standards, dont il est un expert encyclopédique, comme le fut naguère Jimmy Rowles . Une expertise forgée en accompagnant pas mal de vocalistes, parmi lesquels Tony Bennett. Mais Bill Charlap n'a rien d'un épigone multicarte, qui à la demande vous servirait une once de Flanagan, un zeste de Jamal, ou une belle tranche de Teddy Wilson. Profondément imprégné du songbook américain (ses parents étaient du métier), et des compositions de jazzmen, Bill Charlap est un homme de goût, qui redonne vie à des pans entiers de la tradition pianistique, sans ânonner, sans rabâcher, juste en insufflant ce qu'il faut de nouvelle vie pour que cela vaille la peine de tendre l'oreille. Des accents d'Erik Satie sur l'intro de A Sleepin' Bee (signé Harold Arlen) ; une savante décontraction (magnifiée par les balais de Kenny Washington) sur Make Me Rainbows, standard tardif des années 60 ; une délicatesse bondissante, à la Hank Jones, sur Not A Care In The World ou sur Little Rascal On A Rock ; un vraie pertinence bop sur Tiny's Tempo ; et une version plus que lente de On The Sunny Side Of The Street : tout se joue avec cette élégance qui distingue les Maîtres de l'instrument. Et Bill Charlap, assurément, les rejoint dans l'excellence qui scelle l'histoire.

Xavier Prévost

Courte présentation sur Youtube :

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21 avril 2016 4 21 /04 /avril /2016 08:32
VIJAY IYER et WADADA LEO SMITH « A Cosmic Rhythm with Each Stroke »

Wadada Leo Smith (trompette), Vijay Iyer (piano, piano électrique, effets électroniques)

New York, 17-19 octobre 2015

ECM 4769956/ Universal

En découvrant ce disque, je me souviens de la première fois où j'ai pu écouter sur scène Vijay Iyer : c'était au Festival Banlieues Bleues, en mars 2005, au Théâtre de la Commune d'Aubervilliers ; il jouait dans le Golden Quartet de Wadada Leo Smith, et j'enregistrais ce concert pour mon émission « Le Jazz, probablement.... » sur France Musique. J'avais été frappé par la singularité de ce pianiste, et chaque fois que je l'ai réécouté depuis, sur disque ou en concert, cette première impression ne s'est jamais démentie. Retrouver le pianiste en duo avec le trompettiste 15 ans plus tard me semble donc aller de soi. Leur collaboration, plus que sur la connivence, paraît reposer sur une sorte d'osmose. Un espace musical se dessine, sans que l'on sache toujours qui l'élabore, et chacun s'y love comme un chat qui découvre l'asile idéal. L'essentiel du disque est une suite en 7 parties, co-écrite par les deux musiciens. Elle est dédiée à Nasreen Mohamedi, plasticienne indienne disparue voici plus de 25 ans, et à laquelle le Metropolitan Museum de New York consacre une exposition jusqu'en juin 2016. Vijay Iyer est artiste en résidence dans ce musée, et c'est là que, voici quelques semaines, cette suite a été créée en concert. C'est un dialogue permanent entre les deux musiciens, entre des accents du jazz le plus libre, une musique modale ou atonale-selon les instants-, une expressivité exacerbée dans le recueillement, ou une segmentation rythmique que n'auraient reniée ni Stravinski ni Bartók. C'est prenant de bout en bout, comme un voyage en terre inconnue, où chaque horizon dévoilerait un monde neuf. Deux pièces encadrent cette suite : la première est signée par le pianiste, et la dernière, composée par Wadada Leo Smith, est une évocation de Marian Anderson, cantatrice pionnière de la communauté afro-américaine dans l'univers de l'opéra états-unien. Une œuvre de Nasreen Mohamedi orne la pochette de ce disque : elle ouvre par le regard l'accès à cette musique qui nous parle d'ailleurs et d'avenir insoupçonnés.

Xavier Prévost

Un extrait sur Youtube :

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19 avril 2016 2 19 /04 /avril /2016 10:22
SONNY ROLLINS « Holding the Stage, Road Shows vol. 4 »

Sonny Rollins (saxophone ténor), Clifton Anderson (trombone), Stephen Scott, Mark Soskin (piano), Peter Bernstein, Bobby Broom, Saul Rubin (guitare), Bob Cranshaw, Jerome Harris (guitare basse), Al Foster, Jerome Jennings, Victor Lewis, Harold Summey Jr, Kobie Watkins, Perry Wilson (batterie), Kimati Dinizulu, Sammy Figueroa, Victor See Yuen (percussions)

Pori (Finlande), 13 juillet 1979 ; Paris, Olympia, 23 octobre 1996 ; Boston, 15 septembre 2001 ; Toulouse, 15 mai 2006 ; Londres, 24 novembre 2007 ; Marseille, 25 juillet 2012 ; Prague, 30 octobre 2012

Doxy Records - Okeh 88875192752 / Sony Music

Le Colosse du saxophone, qui n'est pas venu depuis plusieurs années enchanter dans notre pays les agapes festivalières, nous envoie un message, le quatrième d'une suite ouverte intitulée « Road Shows » et qui connut déjà trois volumes. Cette plongée dans les archives des concerts captés « sur le vif », souvent en Europe, mérite une fois de plus que l'on s'y arrête, pour une bouffée de plaisir ou une longue inhalation de nostalgie.... En ouverture, une ballade, In a Sentimental Mood, captée en 2007 au Barbican Centre de Londres : ballade exposée en toute liberté, à demi déjà dans la paraphrase, avec une ferveur et un recueillement qui va vite déboucher sur des envolées volubiles, mais toujours en vue du thème, car l'impro est ici mélodique ; et cela conduit à un stop chorus de près de deux minutes où le géant s'envole, laissant ses partenaires dans la sphère contingente du groupe qui ronronne parfois un peu trop. Vient ensuite Professor Paul, un thème dédié au saxophoniste Paul Jeffrey (partenaire de Monk, Gillespie, Basie, Mingus...., et qui dirigea les jazz studies à la Duke University de Durham, en Caroline du Nord, où il s'est éteint en 2015) : le thème est un démarcage sinueux de Without a Song, qui évolue ensuite vers un dialogue avec la batterie de Kobbie Watkins et les percussions de Sammy Figueroa, dans une atmosphère oxymorique où tension et décontaction se mêlent et se démêlent sans cesse. Après un court -et très intense- duo avec le guitariste Saul Rubin (Prague, 2012) sur Mixed Emotions, une ballade immortalisée naguère par Dinah Washington, Rollins embarque pour Keep Hold of Yourself, un blues sur tempo médium, en sextette (Paris, 1996) et plein jazz, avec un beau chorus du pianiste Stephen Scott, puis une jubilation du leader qui cite Mr P.C., et dialogue avec le fantôme de Coltrane, comme au bon vieux temps (1956) dans Tenor Madness ! Cette seule plage rendrait le disque indispensable. Une curiosité aussi : une composition de Rollins (Pori, 1979) intitulée Disco Monk, dédiée au Grand Thelonious, et qui assemble en un collage cahoteux (et presque chaotique....) des séquences binaires et des temps suspendus de ballade. On file ainsi de plage en plage, d'étonnement en anamnèse, jusqu'au medley final qui, après un stop chorus incendiaire de cinq minutes, débouchera sur l'inoxydable (et toujours indispensable) Don't Stop the Carnival. Du grand Rollins, une fois de plus, qui nous laisse rêveur : faisons un rêve en effet, et imaginons que, dans leur grande créativité archiviste, l'INA (Institut national de l'audiovisuel) et Radio France proposent au label Doxy de Sonny Rollins de rééditer le fabuleux concert du premier festival de jazz de Paris (celui des années André Francis), le 31 octobre 1980, au Théâtre de la Ville, avec Mark Soskin, Jerome Harris, et Al Foster. Il est toujours permis de rêver....

Xavier Prévost

Des extraits sur le site de Sonny Rollins :

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17 avril 2016 7 17 /04 /avril /2016 10:22
Alfredo Rodriguez : "Tocororo"

Mack Avenue.

Alfredo Rodriguez (piano) avec R.Elizarde, M.Olivera, R.Bona, le duo Ibeyi, G.Doraiswamy, A.Lizana, A.Bringuez, I.Maalouf. 2016.

Découvert par Quincy Jones au festival de Montreux, le pianiste cubain Alfredo Rodriguez poursuit sa carrière aux Etats-Unis sous la houlette du compositeur-arrangeur cher à Miles Davis. Il représente la grande tradition de l’île des Caraïbes, alliant musicalité et énergie, tout en s’ouvrant aux musiques du monde.
Dans ce troisième album en cinq ans, Alfredo Rodriguez exprime ses sentiments sous ce titre Tocororo, oiseau national de Cuba, qui, s’il est enfermé en cage, meurt de tristesse. Aujourd’hui résidant aux Etats-Unis, le pianiste commente : « Grâce aux réseaux sociaux et à la technologie, je vis dans un très petit monde avec des pays qui sont désormais capables de voir ce que les autres pays sont en train de faire-s’influençant ainsi mutuellement-et j’espère que Cuba aura bientôt la même liberté. Les choses sont en train de changer là-bas, même si c’est lentement. Le processus est engagé ».
Pour cette aventure musicale, Alfredo Rodriguez a mis à contribution des musiciens venus de tous horizons, de Richard Bona à Ibrahim Maalouf et aux sœurs jumelles Lisa et Naomi Diaz, filles du percussionniste cubain « Anga »Diaz mais élevées en France. Le répertoire reflète aussi cette diversité, de Bach à Piazzolla avec bien entendu des airs aux accents cubains dont cinq compositions du pianiste lui-même.
Instrumental et vocal, Tocororo met en joie, ce qui est loin d’être inutile en ces temps troublés. Un album à déguster au soleil printanier.
Jean-Louis Lemarchand
En concert le 19 avril au New Morning (75010). Alfredo Rodriguez en trio avec Reinier Elizarde (contrebasse) et Michael Olivera (batterie).

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 11:34
OZONE ACOUSTYLE QUARTET « Organic Food »

Christophe Monniot (saxophones alto & sopranino), Emil Spányi (piano), Mátyás Szandai (contrebasse), Joe Quitzke (batterie)

Budapest, BMC's Opus Jazz Club, 29 novembre 2014

BMC CD 229 / UVM Distribution

À l'origine du groupe, un duo qui asscocie Christophe Monniot et Emil Spányi depuis la fin des années 90, où ils avaient été primés au Concours National de Jazz de la Défense. Plus tard un CD, « Ozone » (Ames / Harmonia Mundi), fut récompensé d'un Coup de cœur de l'Académie Charles Cros en 2006, et le duo devint ensuite quartette. La présence de deux musiciens hongrois devenus parisiens (le pianiste et le contrebassiste, deux maîtres sur leur instrument respectif) explique que, grâce aux concours du Fonds national culturel hongrois et de l'Institut français de Budapest, le groupe est venu jouer à l'Opus, le club de jazz du Budapest Music Center, structure hyper- active dans la diffusion du jazz en Hongrie (et ailleurs, car elle développe beaucoup de projets internationaux). Et c'est dans ce lieu que fut enregistré, sur le vif, ce CD qui illustre magnifiquement la conjugaison de la maîtrise instrumentale et musicale, et le goût du jeu comme du risque, qui pousse à aller toujours plus loin sur le fil instable de l'improvisation. Le disque restitue l'ordre du concert, tel qu'il fut aussi donné plus récemment, en février 2016, à la Maison de la Radio, pour la série « Jazz sur le vif » produite par Arnaud Merlin. Tout commence par Grace, une composition du saxophoniste (qui signe l'essentiel du répertoire) ; elle est inspiré par Amazing Grace, hymne religieux très prégnant dans la culture afro-américaine, et popularisé par Mahalia Jackson qui l'a rendu universel. Le thème est cité en fin de plage après de multiples digressions musicales. Vient ensuite une variation très très libre sur la structure dite de l'Anatole (celle de I Got Rhythm), plaisamment intitulée Anatology. Les membres du groupe y donnent libre cours à leur formidable aisance, laquelle crée des espaces d'interactivités qui paraissent sans limite. Les plages suivantes sont consacrées à une suite en quatre parties, intitulée Du Vent Dans Les Voiles, et qui procède de contrastes violents, tempêtes et accalmies, jusqu'à son terme : grand lyrisme, densité harmonique, profond sens de la forme (même si le formalisme n'est pas affiché). Se dévoile aussi une composition du pianiste, intitulée The First Seal, en référence probable à l'Apocalypse de Saint Jean, évoquée dans le Septième Sceau d'Ingmar Bergman : très belle pièce en solo, presque lisztienne (le Liszt tardif des années 1880), qui va déboucher comme par enchantement sur une relecture en quartette, toujours très libre, du traditionnel britannique Greensleeves. Au bout du compte, c'est un formidable mélange de rigueur et de liberté, comme seuls en sont capables les musiciens au sommet de leur Art ; et ces quatre-là s'y trouvent, assurément.

Xavier Prévost

Christophe Monniot jouera avec Rhoda Scott et Jeff Boudreaux au Triton, près de la Mairie des Lilas, les 22 & 23 avril ; et le 26 avril il sera l'invité du groupe « Kimono » du pianiste Roberto Negro

En écoute sur le site de BMC :

http://bmcrecords.hu/pages/tartalom/right_content_en.php?kod=229

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13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 08:09
THE GRAND COSMIC JOURNEY : "Live at LIKE A JAZZ MACHINE FESTIVAL"

1CD/1 DVD (2016)

www.benoitmartinyband.com

www.artists.byp-online.com

https://www.youtube.com/watch?v=omfJp6jQPEI

Music composed by Benoît Martiny

Live production-Badass Yogi Productions

Voilà un type de projet que j’apprécie particulièrement : enregistrer live un concert lors d’un festival, ici au Centre Culturel Opderschmelz, en 2014, à Dudelange, lors de la 3ème édition du Like a Jazz Machine Festival, et sortir le CD parallèlement. Ainsi peut on passer de l’image au son, mixer dans sa tête les deux, revenir ensuite à la musique seule en filtrant les perceptions enregistrées ....
Le titre le plus pêchu, velu même, est intitulé « Not just a fling », avec cette énergie folle et l’urgence du rock, et comme par hasard, il fait l’objet d’un bonus vidéo-clip aux images urbaines qui défilent en accéléré et divisent l’écran suivant la tradition des films des années 70 ...

Faire du jazz « libertaire » comme dans les grandes années, du rock (un peu) psychédélique, du funk, un grand melting-pot où les frontières seraient inopérantes, avec l’énergie d’un orchestre électrisé : une guitare sonnante (Frank Jonas), une basse vrombissante ( Sandor Kem), des claviers frémissants ( Leon Den Engelsen) et un souffle épique qui emporte le tout : ça tombe bien, on aime ça ! Le leader est le batteur luxembourgeois Benoît Martiny qui s’adjoint la complicité de compatriotes soufflants, véritables pointures le « boss » Roby Glod aux saxophones, Michel Pilz à la clarinette basse. Sans oublier les fulgurances au ténor de Joao Driessen et à l’alto de Jasper van Damme. Sous tension, le band part au galop une grande partie du disque avec des compositions accrocheuses. Il y a aussi des ambiances suspendues, d’où le titre de l’ensemble The Grand Cosmic Journey, où le jazz revient comme dans cet «Alone » sensiblement planant, qui ne demande qu’à s’épanouir. Les saxophones, la clarinette basse apportent une autre dynamique, un velouté que strient aussi des embardées free-sonnantes. Explosions sonores à la fin du justement nommé «Hectic fantastic », avant un final « Funeral » très hard rock, ou metal mélodique qui enlève définitivement l’adhésion.

Une tentative réussie de récupérer l’éclat des modèles passés, un joyeux retour aux sources, sans trop de nostalgie néanmoins, portant haut ce courant vintage. Que demander de plus à ce voyage?

Sophie Chambon

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11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 21:21
Marc Copland : " Zenith"

ZENITH Marc Copland
Ralph Alessi Drew Gress Joey Baron
Label InnerVoiceJazz
www.marccopland.com
www.innervoicejazz.com

Sortie 15 avril
Le pianiste Marc Copland a attendu longtemps avant de créer son propre label : il profite de ses relations privilégiées avec le contrebassiste Drew Gress et le batteur Joey Baron (ils sont tous trois la section rythmique du quartet de John Abercrombie, et Baron & Copland accompagnaient le trio de Gary Peacock). Depuis l’an 2000, le pianiste a sorti près de 30 albums en leader. Il est donc légitimé dans ce désir de parfaire son évolution en donnant naissance au bien nommé InnerVoiceJazz...Il est vrai que ces musiciens n’ont plus grand-chose à prouver ; ils continuent néanmoins à travailler, explorer les limites de cette musique, faire entendre ce chant intérieur qui les anime. Sur ce premier album intitulé Zénith, se déroulent six longues et savoureuses compositions dont 4 du pianiste, une suite qui est peut être le morceau de bravoure de l’album, « Air we’ve never breathed », un travail collectif d’improvisation qui traduit, à moins que ce ne soit l’inverse, un poème de Bill Zavatsky, poète-ami de longue date, qui connut Bill Evans. Et la version revisitée de « Mystery Song », un thème peu connu de Duke Ellington qui, si je devais tenter d’expliquer ce qu’est le jazz, me servirait d’exemple. Je ferai écouter le fox-trot initial de 1931, joué par l’orchestre du Duke (3’19) puis la version en quartet de Steve Lacy de 1962, déjà plus longue avec en plus du soprano, la trompette de Don Cherry et la batterie de Billy Higgins. Enfin, on en viendrait à la version du quartet de Marc Copland (9’16) qui brode une subtile variation, prend son temps pour nous conduire à partir de l’exposé souple et fidèle du thème, loin, très loin. Vers l’esprit même de cette musique, à travers autant de signes qui ne répondent à aucune nostalgie, malgré l’apparence du souvenir, mais forment de délicats échos éclairés, « enluminés» par la trompette de Ralph Alessi, le quatrième homme de la bande que j’avais oublié de présenter. « Shame on me », d’autant que ses interventions continues, superbes dans les aigus soulignent le travail du pianiste. Comme dans un album déjà ancien Poetic Motion, du regretté label Sketch, le pianiste s’attache à traduire la circulation du sens poétique, sans les éclats de certaines violences free ou rock. Mais avec la finesse des touches impressionnistes d’un jazz qui se réserve, non par pudeur, mais par une retenue qui rejoint un art consommé de l’implicite. Cependant les ombres cachées se dévoilent peu à peu, révélant une intense beauté. Rien de mieux qu’une ballade pour apprécier le travail de ces virtuoses, finesse de jeu, justes couleurs et groove aérien. On vous le dit, voilà un album qui se savoure....
Sophie Chambon

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10 avril 2016 7 10 /04 /avril /2016 20:41
Julien Alour a la une !

JULIEN ALOUR : « Cosmic dance »

Gaya Music / Socadisc 2016

Julien Alour (tp), François Theberge (ts), Adrien Chicot (p), Sylvain Romano (cb), Jean-Pierre Arnaud (dms)

Julien Alour a la une !

OLIVIER ROBIN : « Jungle box »

Fresh Sound 2016

Julien Alour (tp), David Prez (ts), Vincent Bourgeyx (p),

Dans la famille Alour, nous connaissions Sophie, saxophoniste de son état. Il est bien temps de vous présenter Julien : trompettiste de feu.

Et Julien Alour fait aujourd’hui l’actualité avec deux albums, l’un sous son nom l’autre sous celui du batteur Olivier Robin.

Dans « Cosmic Dance », album dont il est le leader Julien Alour y joue un jazz assez classique dans une veine néo-hard boppienne dont on faisait les héros et dont on fait toujours aujourd’hui les géants.

Flamboyance d’un Julien Alour exalté et exaltant, son énorme et capiteux d’un Theberge particulièrement inspiré et plus souple que jamais, inventivité dans chacune de ses interventions d’Adrien Chicot, et rythmique qui derrière assure grave. Et surtout des arrangements superbes qui témoignent des grands talents d’écriture de Julien Alour.

Totale réussite.

Tout pareil avec l’album du batteur Olivier Robin. Vous vous souvenez le batteur dans la lecture théâtrale de « a love supreme » , aux côtés de Sébastien Jarrousse. C’etait lui Olivier Robin, auteur d’une belle performance. Ici aux côtés de Julien Alour et de David Prez, il s’aventure sur les mêmes terres qui vont du hard bop aux contrées post-coltraniennes. On est dans encore dans cette veine classique de ce jazz qui porte haut. Les acteurs sont à leur sujet et sous l’impulse d’Olivier Robin, portés par une énergie superbe et communicative. Là encore, belle écriture et solistes au meilleur. La musique s’y fait aussi évidente que de l’eau d’une source boppienne.

Source de jouvence.

Jean-Marc Gelin

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10 avril 2016 7 10 /04 /avril /2016 19:45
LARRY YOUNG « In Paris, The ORTF Recordings »

Larry Young (orgue, et piano sur une plage), Nathan Davis (saxophone ténor), Woody Shaw (trompette), Billy Brooks (batterie), et aussi Jean-Claude Fohrenbach (saxophone ténor), Sonny Grey (trompette), Jack Diéval (piano), Jacques B. Hess (contrebasse), Franco Manzecchi (batterie), Jacky Bamboo (conga)

Paris, Maison de l'ORTF, entre novembre 1964 et janvier 1965, et pour deux plages Paris, La Locomotive, 9 février 1965

Resonance Records-Ina HCD-2022 / Socadisc

Un double CD (avec également une version en coffret de deux vinyles) qui exhume les sessions réalisées par l'organiste lors d'un séjour prolongé à Paris, à l'invitation de son ami et compatriote de Newark Woody Shaw. L'organiste venait d'enregistrer à l'automne 1964, dans le New Jersey, son album « Into Somethin' », avec Sam Rivers, Grant Green & Elvin Jones ; et après le 9 février 1965 , et sa prestation à la remise des Prix de l'Académie du Jazz au Club La Locomotive, il repart pour les USA. Un mois plus tard il sera de retour au Studio Van Gelder pour une séance aux côtés de Hank Mobley, Grant Green & Elvin Jones. Les plages les plus homogènes sont celles enregistrées par le groupe régulier de Nathan Davis (quartette avec Woody Shaw, Larry Young & Billy Brooks), en résidence au Chat qui Pêche, et qui fera aussi une escapade en Allemagne, en janvier, notamment pour enregistrer un disque dans lequel on entend l'organiste... au piano ! Dans la chaude ambiance de l'Académie du jazz, le groupe va donner son meilleur sur Zoltan, une composition de Woody Shaw que l'on retrouvera en novembre 1965 sur le disque « Unity » de Larry Young, avec le trompettiste, ainsi que Joe Henderson et Elvin Jones ; et aussi sur Black Nile, de Wayne Shorter, gravé en 1964 par son compositeur pour Blue Note. Dans Zoltan, après de vibrantes improvisations des souffleurs, l'organiste va donner libre cours à ce style audacieux qu'il est en train d'imprimer, et pour longtemps, comme le devenir de l'orgue Hammond. Les autres plages de ce double CD ont été enregistrées en studio pour des sessions de radio, soit par le quartette régulier de Nathan Davis, soit dans le cadre de l'émission « Jazz aux Champs-Élysées » du pianiste Jacques Diéval, avec le renfort de quelques autres musiciens, dont Jean-Claude Fohrenbach, que l'on retrouve toujours avec plaisir. Il y a aussi un morceau en trio (orgue, batterie -Franco Manzecchi- et conga -Jacky Bamboo-) : c'est Luny Tune, gravé quelques mois plus tôt par Larry Young dans le disque « Talkin' About » de Grant Green. Et enfin une curiosité : Larry Young au piano, en trio avec Jacques B. Hess et Franco Manzecchi, dans un blues anguleux « à la Monk » qui vaut le détour.

Bref, cette poignée d'inédits mérite de trouver sa place dans la discothèque de ceux qui n'ont pas oublié Larry Young, et de ceux qui voudraient le découvrir en attendant d'explorer les nombreux titres enregistrés à l'époque pour Blue Note, et avant de se pencher sur le trio Lifetime, avec Tony Williams et John McLaughlin. Beaucoup de documents dans le copieux livret : témoignages (André Francis, Nathan Davis....), photos (Jean-Pierre Leloir, Francis Wolff....) et informations détaillées : en résumé un objet hautement recommandable à tous ceux -nombreux j'espère- pour qui l'orgue continue après Jimmy Smith !

Xavier Prévost

Un documentaire sur Youtube :

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6 avril 2016 3 06 /04 /avril /2016 18:03
CÉLINE BONACINA CRYSTAL QUARTET « Crystal Rain »

Céline Bonacina (saxophones baryton & soprano), Gwilym Simcock (piano), Chris Jennings (contrebasse), Asaf Sirkis (batterie) & percussions

Meudon, 25-27 août 2015

Cristal Records CR 245 / Harmonia Mundi

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Ce objet concrétise, sur le plan phonographique, un projet né de la rencontre entre la saxophoniste et le pianiste britannique Gwilyn Simcock en 2013, en trio avec Michel Benita, lors d'une résidence à l'opéra de Lyon. Le quartette, dans sa composition définitive, s'est formé à la radio publique de Hambourg (NDR) fin 2014, avant d'apparaître au grand jour à l'Europa Jazz Festival du Mans en mai 2015. Très belle équipe, qui donne le sentiment d'avoir d'emblée accédé à un niveau de connivence plus qu'enviable. Réunion cosmopolite aussi : outre le pianiste gallois (prochainement en tournée mondiale avec.... Pat Metheny), un batteur israélien de Londres, et un contrebassiste canadien de Paris. Le disque s'ouvre sur une composition où s'opposent le soprano et la baryton, pour édifier une forme élaborée dont la genèse s'accomplit à nos oreilles ravies. Énergie et mélancolie s'affrontent et se complètent, de plage en plage, sur un drive infernal ou dans des climats à damner un aspirant poète néo-romantique. La saxophoniste conjugue toujours à merveille une expressivité sans faille et une science accomplie, mais sans ostentation, du choix des notes et de leur placement. Le pianiste, qui suscite l'admiration de ses confrères états-uniens (au point que Chick Corea l'a adoubé), n'aurait certainement pas déplu à Lennie Tristano, et au jeune Bill Evans de All About Rosie (l'écouter dans la plage 7, Crossing Flow ). Le bassiste et le batteur sont de la même eau : maîtrise et musicalité, tout uniment. Autant dire que, de la vitalité la plus exubérante jusqu'au recueillement le plus extrême, ce disque est un régal, de bout en bout.

Xavier Prévost

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Le quartette jouera à Paris, au Petit Journal Montparnasse, le lundi 11 avril, puis à Rouen le 19, et à Angers le 20

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Un avant-ouïr Youtube :

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