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4 avril 2016 1 04 /04 /avril /2016 10:14
JOËLLE LÉANDRE 10 «  Can you hear me ? »

Guillaume Aknine (guitare), Florent Stache (batterie, percussions), Jean-Brice Godet (clarinettes), Théo Ceccaldi (violon), Christiane Bopp (trombone), Jean-Luc Cappozzo (trompette), Séverine Morin (violon alto), Alexandra Grimal (saxophones), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Joëlle Léandre (contrebasse, voix, composition).

Metz, 29 janvier 2015

Ayler Records AYLCD-146 / http://www.ayler.com

Cette pièce évolutive (work in progress en bon franglais) a une histoire. Donnée en avril 2009 au Festival Kaleidophon d'Ulricshberg, en Autriche), avec des musiciennes et musiciens du monde germanique (et l'Américain Kevin Norton aux percussions), elle avait été enregistrée par la radio publique allemande de Baden Baden (Südwestrundfunk), et diffusée sur les ondes des radios européennes (dont un extrait sur France Musique). Après la publication sur CD, en 2011 chez Leo Records, de ce premier enregistrement public, la contrebassiste-compositrice-improvisatrice a eu le désir de remonter ce programme, avec une nouvelle équipe, dont chaque membre est choisi à la fois pour ses qualités d'interprète et celles d'improvisateur. Ce fut fait en 2014 au festival Musica de Strasbourg, et ensuite en janvier 2015 à Tours, au Petit Faucheux, puis à l'Arsenal de Metz où a été réalisée cette nouvelle captation. De l'ancien enregistrement à celui-ci, des constantes : les parties composées/agencées ; et des écarts, liés à la personnalité des interprètes-improvisateurs/trices, donnée essentielle d'un tel projet musical. Et grâce à la communauté de pensée musicale, et de communication humaine, de cette nouvelle équipe, la pièce est très vivante, et ce dès le brouhaha initial d'où surgit la forme en cours d'élaboration. On circule de l'écrit à l'improvisé sans toujours se soucier de savoir ce qui distinguerait l'un de l'autre. Lorsque l'on écoute un enregistrement de musique improvisée (celle-ci l'est en partie) on a souvent le regret de n'avoir pas été présent lors de sa captation, pour mieux percevoir l'intensité de l'instant. Ici nulle frustration. On est immergé, ça coule de source, et l'on sait pourtant qu'une prochaine écoute dévoilera d'autres horizons. Bref c'est une très belle réussite !

Xavier Prévost

Toute l'équipe sera le jeudi 7 avril 2016 sur la scène de la Dynamo, dans le cadre du festival Banlieues Bleues, pour faire renaître à nouveau cet instant privilégié.

À noter la réédition chez Fou Records de deux solos de la contrebassiste, en 1994 à Raguse (Italie) et 1995 à Vancouver (Canada). « No Comment », Fou Records FR-CD 14 :

http://fourecords.com/FR-CD14.htm

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3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 18:20
DIDIER VERNA : «  Roots and leaves »

DIDIER VERNA : « Roots and leaves »
Didier Verna (g,fl), Laurent Epstein (p), Yoni Zelnik (cb), David Georgelet (dms)
www.didierverna.com

Didier Verna ? Connais pas. Informaticien et scientifique de son état je crois. Chercheur aussi.
Oui c’est cela. Pas un garçon qui a l’habitude d’évoluer dans les sphères habituelles connues et reconnues du jazz officiel. Sauf que ce Bordelais monté à Paris à l’âge de 21 ans a pu rapidement faire valoir ses 16 années de conservatoire et surtout son talent fou. Et c’est d’abord en tant que chanteur qu’il s’est illustré à Paris où cet amoureux de Bobby Mc Ferrin a rencontré Thierry Lalo et intégré le groupe des Voice Messengers dont on connaît l’exigence du recrutement.

Si l’on parle chez ce musicien polyinstrumentiste de ses influences, à l’écouter on pense aux guitaristes très classiques ( Wes Montgomery p.ex) mais aussi à Pat Metheny ou ceux de la trempe de Mike Stern et de tout ceux qui fricotent et tricotent à la lisière du jazz rock. On entend aussi chez lui quelques connivences guitaristiques avec John Scofield dont il aime le jeu de reverbe.
De son passé de chanteur, Didier Verna a gardé un vrai sens de la mélodie et un lyrisme très naturel qui le ferait presque passer pour un chanteur de la six cordes. C’est aussi que le garçon compose magnifiquement bien et joue avec cette facilité qui fait couler chez lui la musique de source avec une grâce aussi évidente que naturelle.
Il a à peu près tout pour lui Didier Verna. Outre le fait qu’il s’agit d’un garçon éminemment sympathique et pas prise de tête du tout, il a aussi pour lui une maitrise sans esbroufe de son jazz sur le bout des doigts qu’il affiche avec l’élégance des modestes.
Dans cet album Didier Verna s’entoure d’une bande de copains, trio infernal qui depuis des lustres a l’habitude de tourner ensemble ( Epstein - Zelnik - Georgelet) ( les habitués des jam Autour de Minuit s’en souvienne encore) et qui fonctionne à merveille.

L’album de Didier Verna sorti il y plus d’un an est encore confidentiel parce que le garçon ne bénéficie ni d’agent ni des gros moyens de com. Et pourtant croyez moi il y aurait matière à vous ruer sur cette petite galette qui fait fichetrement du bien par où elle passe.
En tout cas moi j’y reviens régulièrement, voire e le passe en boucle.
Du pur bonheur.
Jean-Marc Gelin

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3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 10:28
PLUMES QUARTET

Nicolas Rousserie (guitare), Pierrick Menuau (saxophone ténor), Cédric Piromalli (orgue), Arnaud Lechantre (batterie).

Rocheservière (Vendée), 12-14 novembre 2015

Black & Blue BB 808 2 / Socadisc

Dans la plus pure tradition des groupes soul jazz qui firent merveille à la fin des années cinquante et dans les années soixante. À l'époque en effet, parallèlement aux combos de Horace Silver, Art Blakey, des frères Adderley, de Junior Mance ou Les Mc Cann, s'étaient épanouis beaucoup de groupes de cette instrumentation : guitare, sax ténor, orgue et batterie. Les héros du genre s'appelaient Brother Jack McDuff, Shirley Scott, Jimmy Smith ou Jimmy McGriff.... Ce n'est pas par hasard si Stanley Turrentine, dont le groupe détourne, en un aveu admiratif, deux compositions, fut le partenaire des trois derniers cités. Et avant de se nommer « Plumes Quartet », ce groupe avait eu une première vie sous l'intitulé « The Stanley Turrentine Organ Project ». Ces quatre musiciens du Grand Ouest connaissent manifestement sur le bout des doigts cet idiome qui convoque tout à la fois le blues et le boogaloo. À l'orgue Hammond, Cédric Piromalli fait oublier qu'il est aussi un passionnant pianiste de jazz de style très contemporain, tant il maîtrise le langage spécifique de l'instrument, qu'il ne se contente pas de traiter à la manière des références citées plus haut : sa mémoire sait aussi le souvenir, plus proche, de Larry Young, et son imagination lui permet souvent de se passer de références. Le guitariste Nicolas Rousserie, qui signe le répertoire, est familier de cet univers, qu'il a pratiqué dans le groupe de Rhoda Scott ; tout comme le saxophoniste Pierrick Menuau (un secret angevin bien gardé, mais que l'on entendit naguère au Petit Opportun, avant de le retrouver au côté du regretté Butch Warren....) : leur complicité est parfaite, fondée sur une ancienne connivence qui leur permet de jouer ce style (en fait plusieurs styles mitoyens, de la fin des années 40 jusqu'au début des années 70), style pourtant connoté, avec la fraîcheur d'une première fois. Quant au batteur Arnaud Lechantre, entendu en d'autres occasions avec Alain Jean-Marie.... Éric Le Lann ou Benny Golson, il est en parfaite cohérence avec la lettre et l'esprit de ce projet, qui n'est pas revivaliste, mais simplement intègre !

Xavier Prévost

Le groupe jouera le 6 avril 2016 à Paris au Sunset, le 13 mai à Bouchemaine (Maine-et-Loire) pour le festival « Bouche à Oreille », le 4 juin à Caen sur le Camion Jazz, et le 14 juin à Chemillé (Maine-et-Loire), pour le « Camilliacus Jazz Festival ».

UN EXTRAIT SUR YOUTUBE :

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2 avril 2016 6 02 /04 /avril /2016 15:44
FLORIAN PELLISSIER QUINTET  «Cap de Bonne Espérance»

Christophe Panzani (saxophone ténor), Yoann Loustalot (trompette & bugle), Florian Pellissier (piano), Yoni Zelnik (contrebasse), David Georgelet (batterie) + un invité sur une plage : Leron Thomas (voix, trompette)

Heavenly Sweetness / www.heavenly-sweetness.com

Le disque se présente comme inspiré par le souvenir d'une soirée de jazz sud-africain au festival Jazz à Vienne, mais la source la plus probable de son inspiration paraît être le courant qui s'est dessiné sous le label Blue Note à l'orée des années soixante, avec Herbie Hancock, Wayne Shorter, Joe Henderson, Sam Rivers, Tony Williams, Bobby Hutcherson, Grachan Moncur III, et quelques autres. Pulsation affirmée, indiscutable sens mélodique, harmonies raffinées, délicate décontraction des interprètes.... tout ici rappelle à l'amateur un brin nostalgique cette période féconde. Et c'est manifestement une qualité, car ce choix esthétique, assumé avec cohérence, produit de beaux moments. Les thèmes sont signés par le pianiste, mais plusieurs sont aussi déclarés collectivement. À quoi s'ajoute une reprise d'un thème latino devenu un tube de Dinah Washington (What a Difference a Day Makes) chanté et joué à la trompette par l'invité, et une composition du saxophoniste-flûtiste jamaïcain Harold McNair (The Hipster, souvent échantillonné par la scène acid-jazz britannique). À signaler, entre autres belles plages, Almeria, magnifique ballade co-signée par le leader et le contrebassiste. Noter aussi une longue plage, composition collective, La Forêt des biches bleues, qui prend sa source dans une rêveuse intro du pianiste, et qui évoque musicalement l'Afrique (celle de l'Ouest plutôt que celle du Sud, semble-t-il). L'Afrique se profile encore discrètement sur certaines des plages suivantes, mais l'essentiel est ailleurs, dans une certaine unité stylistique, servie par de beaux solistes, et une rythmique féline. Recommandable, et même plus !

Xavier Prévost

Le groupe jouera à Paris, au New Morning, le 5 avril 2016

Un extrait sur Youtube

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30 mars 2016 3 30 /03 /mars /2016 22:44
PIERRE PERCHAUD/NICOLAS MOREAUX/JORGE ROSSY «Fox»

Pierre Perchaud (guitare électrique & acoustique, clavier sur la première plage), Nicolas Moreaux (contrebasse), Jorge Rossy (batterie)

Poitiers, 17-18 février 2015

Jazz & People JPCD 816001/ Harmonia Mundi

Accords déroulés en arpèges et chemin harmonique sinueux : on part pour une sorte de voyage ambiant qui bifurque, vers une minute et vingt-cinq secondes, sur un tempo de jazz, et le doux balancement d'une pulsation irrépressible. Le cycle harmonique est une longue boucle qui rappelle un peu Silence de Charlie Haden, mais aucune lassitude ne s'installe, car chaque nouvelle phrase donne vie à un nouvel espace. Contrebasse et batterie ont une grande part dans la vitalité de ce déroulement, qui transforme en ductilité ce qui aurait pu n'être qu'hypnose. Et c'est la grande force de tout ce disque, qui chemine entre les compositions du guitariste et celles du contrebassiste (avec une reprise finement revisitée de And I Love Her de Lennon et McCartney) : tout se joue entre le je-ne-sais-quoi et le presque-rien, dans un territoire de raffinement sans préciosité, de subtilité sans ostentation. Du grand art en quelque sorte. La troisième plage du disque, celle qui donne son titre à l'ensemble, procède d'un jeu rythmique extrêmement élaboré, mais qui jamais ne dévoile la moindre pesanteur. On est entre orfèvres : le guitariste étonne depuis quelques années maintenant par sa maturité, sa science du son et de l'harmonie ; le contrebassiste, remarqué en 2013 pour un Grand Prix de l'Académie Charles Cros, a le goût des lignes élaborées, équilibrées, et sans tapage ; quant au batteur, Catalan longtemps exilé aux USA, faut-il rappeler qu'il a longuement accompagné Brad Mehldau avant de regagner ses pénates barcelonaises, et tâter du piano sans renoncer pour autant à la batterie. Tout cela donne un trio de très haut vol, qui nous entraîne en douceur (mais sans résistance possible) vers les confins du bonheur musical. Ce disque a vu le jour, selon la démarche du label Jazz & People, grâce au financement participatif : il est heureux que la passion des amateurs rende possible une telle réussite. En ces temps trop moroses, tous les espoirs demeurent permis !

Xavier Prévost

Le groupe jouera le 2 avril 2016 au Bravo de Bruxelles, et le 3 avril à Bouray-sur-Juine (Essonne) dans le cadre du festival « Au Sud du Nord »

Découvrir sur Youtube

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30 mars 2016 3 30 /03 /mars /2016 00:04
CORONADO « Au pire, un bien »

CORONADO : Gilles Coronado (guitare), Matthieu Metzger (saxophone alto, effets électroniques), Antonin Rayon (orgue et autres claviers), Franck Vaillant (batterie, percussions électroniques). Invité sur une plage : Philippe Katerine (voix)

Pernes-les-Fontaines, 9-11 mars 2015

La Buissonne RJAL 397026 / Harmonia Mundi

L'un des traits saillants de Gilles Coronado, c'est certainement son absolue singularité. Leader de son propre groupe, Urban Mood, voici plus de 20 ans, il a parcouru tous les territoires du jazz contemporain en une quête perpétuelle d'écart, d'altérité, voire d'altération du discours musical ambiant. Ses affinités multiples et électives l'ont conduit aux côtés de Louis Sclavis mais aussi du collectif Hask, et des groupes de cette mouvance (Thôt, Print, et les alliés d'Outre Quiévrain que sont Aka Moon). Formé comme beaucoup de musiciens de cette nébuleuse par les académies d'été du Banff Center for Fine Arts, dans l'Ouest canadien, il garde trace des libertés conquises dans ce contexte, sur le plan des rythmes, des structures, et d'une farouche revendication d'autonomie artistique. Une renaissance d'Urban Mood, voici deux ans, l'avait associé à Matthieu Metzger (lui aussi passé par un groupe de Louis Sclavis), Jozef Dumoulin (auquel succède désormais Antonin Rayon), et un complice de longue date, croisé dans bien des aventures : le batteur Franck Vaillant. Et c'est encore un nouveau départ à la faveur du changement de clavier : le groupe s'intitule tout simplement Coronado, et c'est bien un groupe, plutôt que l'identité d'un leader. On croit reconnaître ici et là des influences multiples, venues du rock progressif-ou du rock tout court-, de la musique répétitive, de la musique sérielle, et des aventures surgies depuis trois décennies des prolongement du mouvement M'Base. Mais aucune adhésion à nulle chapelle, rien que la revendication radicale d'une pulsation complexe, un sens confondant de la dramaturgie musicale, et une liberté de chacun des membres dans ce très collectif dispositif. Les thèmes (dont quelques uns appartenaient déjà à la récente mouture d'Urban Mood) sont à la mesure de l'humour inventif de leurs titres (Des bas débits des eaux, La fin justifie le début....) ; et l'intervention du chanteur Katerine (complice en d'autres aventures du guitariste, du côté du Gros Cube d'Alban Darche, et du groupe « Francis et ses peintres ») apporte une note supplémentaire de fraîcheur décalée. Au pire, un bien, la chanson qui donne son titre à l'album, éclaire de son humour légèrement pataphysique un objet artistique d'une grande richesse. Décidément le guitariste signe une fois encore une œuvre originale, qui ravira tous ceux qui aiment les empêcheurs de jouer en rond, ou de penser en boucle.

Xavier Prévost

Le groupe jouera le 30 mars au Vauban de Brest ; le 31 mars Aux Anges, à Guern dans le Morbihan ; le 1er avril au Pannonica de Nantes, et le 5 avril à Paris au Studio de l'Ermitage.

Des extraits sur Bandcamp :

https://labellabuissonne.bandcamp.com/album/au-pire-un-bien

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26 mars 2016 6 26 /03 /mars /2016 13:17
Machado/ Ithursary un duo voyageur

Uppercut : rue Sainte, Marseille (7ème)
Jeudi 24 mars, 21heures
https://www.youtube.com/watch?v=oaeGdcz8QW0
www.didierithursarry.com
www.jeanmariemachado.com

C’est à Marseille, au bout de la rue Sainte dans le quartier historique de l’abbaye de St Victor (Vème siècle de la chrétienté) et du four aux navettes, encore plus célèbre dans la cité phocéenne, que se déroule cette scène. Un quartier ou plutôt un lacis de ruelles qui se « boboisent», centre nocturne de la jeunesse qui sort à Marseille. Le club de jazz, l’Uppercut n’est sans doute pas pour rien dans cette initiation. La salle du haut donne dans une restauration rapide, pas toujours rapidement servie, avec à la carte, une sélection intéressante de bons vins. La cave accueille des concerts en première partie de soirée avant que les DJs ne s’installent pour continuer la fête.
En ce jeudi soir, l’une des soirées actives en semaine, se produisait le duo Jean Marie MACHADO/ Didier ITHURSARRY dans un programme de reprises et de créations, rodant leur prochain album. En une vingtaine d’années, Jean-Marie Machado a enchaîné des projets très différents, tout en suivant le fil de sa propre histoire musicale. Vivant la musique plus comme un passeur qui compose que comme un chercheur, il intègre les musiques, et leur intime poésie dans une direction nouvelle, plus personnelle, effectuant sa propre synthèse. Difficile de renier ses origines, il y a également du chant dans la musique du basque Didier Ithursarry, le «kantuz» qui exprime dans cette langue difficile et mystérieuse, « l’instant présent où l’on chante». Du lyrisme, il y en aura donc dans leur musique commune. Et de la danse encore et toujours, les deux hommes ne se sont-ils pas connus dans l’orchestre de Jean-Marie Machado DANZAS, il y a près de dix ans ?
Une invitation à la danse avec des rythmes vifs, comme cette valse « Little Dog Waltz » qui sans faire forcément écho à Ravel, rappelle qu’elle n’est pas synonyme des seuls plaisirs bourgeois. L’accordéoniste vient aussi du bal et de cette tradition populaire, qui n’est pas un folklore imaginaire. Le fado a une place particulière dans le cœur de JM Machado. Rappelez-vous de ce superbe album Sœurs de sang (Le Chant du Monde, 2007) où il réunissait le blues de Billie Holiday et la « saudade » d’Amalia Rodriguez, pour faire vite. Il disait alors souhaiter trouver «entre les rives du fado et du jazz un endroit sensible et commun».Le dernier morceau sera donc un fado (qui ne figurait pas dans le disque cependant), pour restituer le mystère du fado et la nostalgie du blues.
Ainsi, partant de ce socle qui les constitue, de leurs racines, le pianiste et l’accordéoniste nous emmènent fort loin. Ils font leur jazz, pour nous, un jazz de rêve, avec cette faculté de changer à chaque nouvel album, car cette musique accepte dérives et courants. S’ils se connaissent, ces deux musiciens ne tombent pas dans les chausse-trappes de l’habitude, même quand ils recyclent des compositions plus anciennes, comme ce «Blue Spice» du CD Eternal Moments de 2010 (Dave Liebman/ JM Machado) très monkien. Quand ils « arrangent», reconstruisent avec humour et une réelle habileté dans l’improvisation, le jazz revient toujours d’une façon ou d’une autre, se déjouant de toutes les formes classiques, revisité dans « JSB » en hommage au Cantor de Leipzig, ou prenant autrement qu’en si bémol mineur, le célèbre Nocturne de Chopin opus 9 n°1, qui devient alors une mélodie de film noir, une ritournelle lancinante. Leurs propres compositions renvoient elles aussi des échos, prélude à la découverte de leur imaginaire. Jean Marie Machado a un univers mélodique, vif et énergique, que ce soit dans ce bel « Aspirez la lumière» plein d’espoir ou dans le plus tourmenté et rageur «Broussailles» qui évoque les ravages de la tondeuse à gazon, « serial killer » des plantes et herbes folles....Quant à la «Berceuse» de Didier Irthussary, d’une douceur élégiaque, elle me renvoie, allez savoir pourquoi, à ce délicieux « Song of India », plus du côté de Chris Cheek que de Tommy Dorsey ?
Le jazz est la musique choisie pour être libre et apporter des couleurs nouvelles, un certain swing, osons le mot ! Piano et accordéon s’accordent bien : une affaire de matières, de textures qui souligne le caractère original de l’accordéon, loin des clichés qui lui sont associés. Ithursarry n’a-t-il pas tenté d’ailleurs avec succès, un autre alliage inusité cette fois, avec le hautboïste Jean Luc Fillon ?
Virevoltants, mélancoliques, toujours lyriques, ces thèmes, construits avec délicatesse et intelligence entraînent sur le versant d’une intimité que l’on partage chez soi ou que l’on savoure en club entre amis. Le set qui s’ouvre sur tempo vif, se conclut sur un rappel, une valse samba, tout aussi intense.
L’enregistrement de ce duo se fera à la Buissonne chez l’ami Gérard de Haro, en juin prochain et la sortie du CD en janvier prochain. Qu’on se le dise !
Sophie Chambon

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25 mars 2016 5 25 /03 /mars /2016 09:24
ANNE PACEO « Circles »

Émile Parisien (saxophone soprano), Leila Martial (voix), Tony Paeleman (claviers), Anne Paceo (batterie, voix, percussions) + invité sur plusieurs plages : Adrien Daoud (saxophone ténor & claviers additionnels)

Limoges, 2015

Laborie Jazz LJ 35 / Socadisc

Anne Paceo ne se contente pas de jouer de la batterie. Elle a le goût des mélodies, et elle y réussit fort bien. Dès une première plage qui peut faire le bonheur de bien des radios fédératrices, on est saisi par la justesse de ses choix, notamment en ce qui concerne les partenaires : l'irremplaçable Émile Parisien, qui insuffle dans chaque intervention un lyrisme torride ; la fragile Leila Martial, dont la voix installe dès les premières notes une émotion qui porte la musique ; le sinueux Tony Paeleman, dont les circonvolutions pianistiques entraînent le thème hors de la redite. Le disque est produit avec un raffinement qui n'est pas le seul apanage de la pop, mais renvoie aux subtiles collusions de timbres dont le jazz a le secret. Ce disque marque aussi l'émergence d'un nouveau groupe, avec des personnalités dont la musicienne souhaitait s'entourer, mais sans avoir avec eux l'antériorité d'expériences communes. Et le mélange se révèle plus qu'opérant, avec pour l'auditeur le sentiment d'une vraie cohésion, d'un groupe qui fait corps. Et l'invité s'y insère avec une grande pertinence. Certaines mélodies, comme le très sinusoïdal Moons, captivent par leur étrangeté ; on retrouve les émois du rock progressif, mêlés d'effluves mystérieux, comme en distillait les musiques d'ailleurs avant que le goût de la world music ne nivelle toute nos émotions.... Les textes sont le fait de Leila Martial, membre du groupe, mais aussi de Marion Rampal, dont Anne Paceo fut l'accompagnatrice à la batterie pour un projet de la chanteuse intitulé « Main Blue ». Beaucoup d'envoûtements hypnotiques (Circles), de tourneries vertigineuses et d'évasions plurielles (Toundra) : inclassable, assurément, mais tellement prégnant. Une réussite en somme, quelle que soit l'étiquette ; d'ailleurs en faut-il une ?

Xavier Prévost

Le groupe jouera à Paris, Maison de la Radio, le samedi 26 mars 2016 à 17h30 ; et aussi au Plan de Ris Orangis le 3 avril, et au Conservatoire de Rosny-sous-Bois le 8 avril

Un extrait sur Youtube

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24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 11:04
ROSWELL RUDD-JAMIE SAFT-TREVOR DUNN-BALAZS PANDI « Strenght & Power »

Roswell Rudd (trombone), Jamie Saft (piano),Trevor Dunn (contrebasse), Balazs Pandi (batterie)

Kingston (New York), juillet 2014

Rare Noise Records RNR 060 / Differ-Ant

Ce disque est comme une belle leçon de choses : l'émergence d'un jazz improvisé, dans l'urgence de l'expression, la maturation progressive de l'instant, l'interactivité des esprits et des sens. Chaque séquence part d'une impulsion, souvent individuelle, qui se mue très vite en expérience collective. L'enregistrement s'est effectué chez Potterville International Sound, le studio du pianiste Jamie Saft, dans un hameau de l'état de New York, non loin de Woodstock.

Sur la première plage, le piano se lance, dans un registre atonal, avec l'esquisse d'une série qui se cherche. Très vite viennent les cymbales, et l'appel hyper expressif du trombone, avec sourdine. La basse entre dans la danse, à l'archet : la cause est entendue ; l'improvisation collective est en marche. Tout ici réside dans le cheminement, l'écoute, l'interaction, le désir qui se meut vers un objet encore obscur, mais dont la silhouette se dévoile peu à peu.

Au fil des plages l'initiative revient au trombone, toujours très expressif ; à la batterie ; au piano rêveur pour inaugurer ce qui devient une belle ballade improvisée, puis à la section rythmique dans son entier, et enfin, pour l'improvisation conclusive, au trombone, ici au maximum de son expressionnisme. Et tout au long du disque on sent le jazz sourdre, dans la vitalité de la pulsation, et la bienveillante démocratie qui préside à son avènement. Décidément, voici un vrai grand disque de musique improvisée ; de jazz improvisé ; de jazz, tout simplement !

Xavier Prévost

Ce CD existe également en double vinyle, et en téléchargement.

Des extraits sur le site de Rare Noise Records

http://www.rarenoiserecords.com/rudd-saft-dunn-pandi

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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 16:11
CLAUDE BARTHÉLEMY « Roxinelle »

Claude Barthélemy (guitare, oud), Antonin Rayon (orgue), Philippe Gleizes (batterie), + Sylvaine Hélary (flûte, flûte alto) sur une plage

Paris, décembre 2015

Le Maxiphone Collectif / Absilones Tecnologies & Socadisc

À l'origine, toute récente, le trio s'appelait « Ghetto Report », puis c'est devenu «Roxinelle» parce que « ça rock, ça raille, ça fly, c'est rugissant et doux à la fois ». En fait c'est une espèce de power trio, mais avec parfois la douce nostalgie du oud. Pas un power trio avec guitare basse, plutôt le genre « Lifetime », qui associait naguère (et presque jadis....), Tony Williams, Larry Young et John McLaughlin : donc un trio avec orgue Hammond B3. Le choix n'est pas innocent : outre qu'Antonin Rayon est l'un des claviers les plus créatifs de la nouvelle génération (dans les groupes de Marc Ducret, Dominique Pifarély, Alexandra Grimal....), c'est aussi une forte personnalité, susceptible de tenir la dragée haute, musicalement et sur le plan des décibels, au guitariste. Et le batteur Philippe Gleizes est de la même trempe : admirable maîtrise et intrépidité foncière. Bref Monsieur Clôd a des partenaires de haut vol. Le oud, c'était le point de départ de l'aventure : Claude voulait sur cet instrument faire un disque en solo, en adjoignant des bruits du monde (sons « teknorganiques », captés parfois au bout du monde, et traités électroniquement). Et le trio est venu ensuite, par la vertu des rencontres et du désir de faire groupe. Et ça commence effectivement par le oud seul, dans une réverbération de palais des mille et une nuits, pour déboucher dès le début de la deuxième plage sur un son très rock, où la basse vrombissante sort des entrailles du B3 et de ses roues phoniques. Après ce nouveau thème, et son break en forme de solo de oud avec soubassement électro-acoustique, vient une compo plus ancienne (Eric Watson, qui figurait sur le disque « Lieder », en 2011), plein jazz succède à plein gaz, « à l'horizon l'orgue se hisse », et Antonin Rayon nous démontre qu'en jazz l'orgue a encore quelques beaux sentiers à défricher. Une bouffée de mélancolie atonale suivra, puis encore les bruits du mondes, confrontés cette fois à la guitare électrique, à la batterie et à l'orgue, avec le renfort de flûtes oniriques signées Sylvaine Hélary. Le oud revient, désormais en trio, titillé par une guitare en rerecording. En pénultième, voici une compo du bon vieux temps, enregistrée un première fois en 1993 dans ce même studio Piccolo, pour l'album « Solide » : La Nomenklatura. On est en plein jazz, comme au début des années 70 avec René Thomas, Eddy Louiss et Kenny Clarke, mais avec pas de côté et bouffées d'ailleurs.... Et le disque se conclut sur un mélange oud / électro-acoustique, par une sorte de manifeste pour un temps présent : Monsieur Clôd n'en finira jamais de nous étonner, et de nous ravir !

Xavier Prévost

Le groupe jouera le samedi 26 mars 2016 à 20h, au Triton, près de la Mairie des Lilas ; et au Comptoir de Fontenay-sous-Bois le 15 avril

Extrait sur Youtube

Pendant l'enregistrement, au studio Piccolo, le 22 décembre 2015

Pendant l'enregistrement, au studio Piccolo, le 22 décembre 2015

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