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16 mars 2016 3 16 /03 /mars /2016 09:01
PJ5 « Trees »

Paul Jarret (guitare, effets électroniques, composition), Maxence Ravelomanantsoa (saxophone ténor), Léo Pellet (trombone), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie)

Villetaneuse, 8-10 juin 2015

Gaya Music Production GAYA 025/ Socadisc

Deuxième album pour ce groupe régulier, dont les membres se sont déjà distingués sur quelques belles scènes, mais aussi devant les jurys du département de jazz du Conservatoire National Supérieur et du concours de La Défense. Jeune génération donc, très formée, mais aussi très investie dans une quête artistique qui dépasse largement le (brillant) bilan de compétences. Le disque est très bien produit, riche de subtiles nuances sonores magnifiées par le prise de son et le mixage, mais l'essentiel est ailleurs : dans une énergie mingusienne, une intégrité de chaque instant qui fait nécessité impérieuse de ce qui, chez d'autres, ne serait qu'effets. Des riffs puissamment trempés de rock donnent la réplique à des mélodies parfois mélancoliques, teintées de cette tradition des musiques populaires de la vieille Europe ou d'ailleurs que l'on trouve, par exemple, chez Henri Texier. Les arrangements sont peaufinés, sans « tape à l'oreille », mais touchent cette zone sensible qui chez l'auditeur suscite l'émoi. Ici une guitare qui respire l'air des grands espaces d'un Ouest états-unien nimbé de mythes enracinés. Ailleurs un chorus perdu dans des lointains délibérés, quand la parole est en fait au lancinement des cuivres, et surtout au formidable ciselé du mixage, partie intégrante du projet artistique. Les effets électroniques sont pourvoyeurs d'un imaginaire riche, où les souffleurs évoluent comme par mystère. Les solos ne sont nullement systématiques, mais surviennent (souvent en dialogue entre plusieurs instruments) adossés à un soubassement rythmique puissant. La pulsation est forte, mais toujours soigneusement configurée, comme pour préserver la part de pensée (consciente ou inconsciente) que recèle la musique. Qualité des compositions, cohérence du groupe, pertinence des choix sonores, tout inspire le respect, et même l'admiration : « de la belle ouvrage », qui rappelle que les grands artisans sont aussi des artistes. À découvrir donc (si ce n'est déjà fait), et de toute urgence.

Xavier Prévost

Le groupe sera en concert à Paris, au Café de la Danse, le mercredi 16 mars

Petite vidéo d'aguichage sur Vimeo : https://vimeo.com/144017248

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 19:08
Cyrille AIMEE  : «  Let’s get lost »


Cyrille Aiméé (vc), Adrien Moignard (g), Michael Valeanu (g), Sam Anning (b), Rajiv Jayaweera (dms), Matt Simons ( vc on Each day)
Mackavenue 2016


Cyrille Aimée ? Pour beaucoup encore, de ce côté-ci de l’hexagone, une inconnue, sauf peut-être pour ceux qui l’avaient découvert avec son album sorti l’an passé en France sur le label Mc Avenue.
Et pourtant vous ignorez certainement que Cyrille Aimée est en passe de devenir une vraie star aux Etats-Unis depuis sa participation très remarquée au prestigieux concours Thelonious Monk où elle était arrivée en 3ème position l’année même où Cecil Mc Lorin Salvant remportait tous les lauriers justifiés.

Cyrille Aimée si elle n’est pas manouche, n’en est pas moins tombée dedans quand elle était petite et qu’elle usait ses fonds de culotte à Samois, terre d’héritage s’il en est du père Django. La première école de la petite chanteuse a donc été avant tout et surtout celle de l’écoute et du partage au coin du feu au pied des roulottes. Et ce n’est pas une image d’Epinal un peu kitsch. Tenez j’étais l’autre jour avec des manouches qui se foutaient bien comme de l’an quarante des chanteuses de jazz. Pourtant lorsque j’ai évoqué le nom de la petite Cyrille Aimée, le visage de Yorgui Loeffler s’est illuminé comme si je parlais de quelqu’un de sa famille à lui. Cyrille Aimée n’est pas manouche mais pour elle, pour sûr ils iraient bien taper le bœuf jusqu’au bout de la nuit.
Dans le même temps tous ces gars-là, leur guitare à la main n’ont pas bien compris pourquoi cette jeune et frêle demoiselle pliait bagage pour s’en aller apprendre la musique et le jazz de l’autre côté de l’atlantique. « Tout ce qu’elle devait savoir elle le savait, avec nous ».
Mais Cyrille Aimée sentait bien qu’il lui restait encore beaucoup de choses à apprendre. Et c’est ainsi que Cyrille avec son petit air franchie, ses petites rengaines jazzy et ses acolytes guitaristes formés à l’école de Django partit conquérir la terre du jazz avec un succès étonnant, des concerts programmés un peu partout sur le territoire américain, des salles prestigieuses comme le Village Vanguard et des passages radio en veux-tu en voilà.

Son nouvel album ne paie pas de mine. 13 petites chansons jouées en acoustique pour partie issues du répertoire ( Let’s get lost, That old feeling, There’s a lull in my life) , pour partie moins connues, en anglais ou en Français ( T’es beau tu sais écrit par Moustaki ou un émouvant Samois à moi écrit par elle même). Cyrille Aimée y signe presque tous les arrangements de cet album que l’on aurait tort de classer simplement et vite fait dans la catégorie «charmant» ou « oui, très frais ». Car c’est bien autre chose et même si cet album est effectivement charmant et très frais, il porte en lui la marque d’une grande chanteuse au feeling incroyable et à la superbe musicalité dans chacune de ses expressions. Cyrille Aimée prend son temps, regarde , observe le monde qui l’entoure et le chante sans jamais se mettre en scène elle même. Sa voix on jurerait qu’elle l’a travaillé en écoutant Blossom Dearie ou Lisa Ekdhal. Mais quand on lui pose la question elle reste là dessus très classique et évoque surtout Ella Fitzgerald tout en avouant quand même un gros penchant pour la simplicité du chant d’une Gretchen Parlato.

On a aimé cet album. On se le repasse en boucle. On l’écoute et l’on se sent bien. Et vous aussi, sans aucun doute, vous allez aimer Aimée.
Jean-Marc Gelin

@jeanmarcgelin     Cyrille Aimée rencontrée un matin de fevrier 2016 au Zimmer

@jeanmarcgelin Cyrille Aimée rencontrée un matin de fevrier 2016 au Zimmer

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12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 08:10
RED STAR ORCHESTRA feat. Thomas de POURQUERY  : «  Broadways » Label Bleu 2016


Label Bleu 2016
Johane Myran (dir), Alexis Bourguignon (tp), Franck Guicherd (tp), Matthieu Haage (tp), Xavier Bornens (tp), Bertrand Luzignant (tb), Thomas Henning (tb), Daniel Israel (tb), Stéphane Montigny (tb), Esaïe Cid (sax), Julien Raffon (sax), Jean-Hervé Michel (sax), Julien Duchet (sax), Sylvain Fétis (sax), Matthieu Jérôme (p), Marc-Antoine Perrio (g), Blaise Chevallier (cb), Julien Grégoire (dms), Thomas de Poourquery (vc)


Thomas de Pourquery et Johane Myran se connaissent bien. Ils ont ensemble usé leurs fond de culotte dans les mêmes classes du CNSM et ne se sont jamais vraiment perdus de vue. In imagine qu’il devait y avoir quelque part dans un coin de leur tête, l’idée de faire quelque chose ensemble. Le projet, ce qui les réunit finalement c’est leur amour commun de ce terreau du jazz, celui des grands standards. Jouante dirige un formidable big band et Thomas de Pourquery a raison, se rêve de plis en plus en chanteur. Alors, en grands amoureux de Broadway ils se sont mis d’accord pour que Myran arrange les grands standards du répertoire sur lesquels Thomas de Pourquery poserait sa voix de crooner, quelque part entre Jamie Cullum et Franck Sinatra.

Alors mettez vos costumes à paillettes et montez avec eux sur cette scène de music-hall où le superbe big band de Johane Myran va vous émoustiller les écoutilles. Les thèmes, les chansons sont ultra connus. On les a tous en tête. Et Johane Myra s’amuse autant à les détourner qu’à les restituer.
Alors, ils déstructurent Broadway. Un peu comme s'ils se disaient : comment ces auteurs de music hall écriraient-ils en 2016, dans un environnement où l'urbanité a changé ? Où chaque personnage visité évolue dans un monde autre.
Alors si le big band sonne terriblement jazz avec de superbes arrangements pour cuivre, il tourne autour des standards en les mariant ensemble Night and Day avec My Way et Speak low avec Lush life. Blackbird prend ainsi des allures métalliques inquiétantes.
Mais s’ils jouent avec des émotions différentes, avec des atmosphères qui détournent ces standards ou plutôt les réinventent, nous gardons nos repères rassurants avec la mélodie toujours présente et le chant porté de manière littérale par un magnifique Thomas de Pourquery transformé (mais on le connaissait déjà dans ce registre) en crooner modernisé.
Autour de Broadway ils créent des champs magnétiques et c’est jubilatoire.
Jean-Marc Gelin

Red Star sera à l'ESPACE 1789 à Saint Ouen dans le cadre du 33ème festival Banlieues Bleues le 18 mars

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10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 21:11
Berline :" Mes révérences"

Berline (chant), Louis Winsberg (guitares, mandoline, percussions….), Christophe Lampidecchia (accordéon, bandonéon), Jean-Luc Di Fraya (voix et percussions), Lilian Bencini (basse), Frédéric Pasqua (batterie). Musique additionnelle : Stéphane Huchard (batterie), Marc Berthoumieux (accordéon). Réalisé et arrangé par Louis Winsberg.

Such Prod-Harmonia Mundi.

Louis Winsberg n’est pas artiste à se laisser enfermer dans un registre. Guitariste (acoustique et électrique), de toutes les aventures du jazz de longue date, son penchant pour la chanson française est bien connu. On se souvient de sa collaboration sur ce terrain avec un autre guitariste, Sylvain Luc. Il a également travaillé avec Nougaro, Dee Dee Bridgewater et de manière régulière ces dernières années Maurane. Il n’est donc guère surprenant de le voir aux manettes –et de l’entendre en tant qu’instrumentiste-aux côtés d’une chanteuse, Berline, qui affiche caractère et authenticité.

Winsberg met au service d’une artiste à découvrir son amour du jazz et des musiques du sud, du tango au flamenco. Ainsi, le répertoire sélectionné – signé Adamo, Brassens, Brel, Christophe, Dalida, Gainsbourg, Moustaki, Régine-prend-t-il des accents nouveaux tout en conservant sa force initiale. La prise de risque était manifeste de reprendre Vesoul, Les Flamandes, la Javanaise, La Mauvaise Réputation ou encore les Marionnettes. Berline l’assume : « J’ai simplement voulu faire vivre ces chansons liées à mon enfance, celles que mes parents écoutaient à la maison. Toutes, elles témoignent d’une qualité qui m’a toujours touchée, l’engagement.»

Jean-Louis Lemarchand

Berline sera en concert les 15 et 16 mars au Zèbre de Belleville (75), le 18 mars au Petit Duc d’Aix-en-Provence et le 3 mai à Pont-Royal (Bouches-du-Rhône).

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8 mars 2016 2 08 /03 /mars /2016 21:13
GRAND ENSEMBLE KOA « Ahimsa »

Grand Ensemble Koa : Alfred Vilayleck (guitare basse, composition, direction), Matthieu Chédeville (saxophone soprano), Armel Courrée (saxophone alto), Jérôme Dufour (saxophone ténor), Pascal Bouvier (trombone), Matia Levrero (guitare), Samuel Mastorakis (vibraphone), Daniel Moreau (piano, piano électrique, synthétiseur), Julien Grégoire (batterie).

Pompignan (Gard), juillet 2014

Arbalète / Muséa

Ce grand ensemble montpelliérain participe au Collectif Koa, qui rassemble 7 groupes, organise un festival au printemps, et constitue un vecteur important de la jazzosphère languedocienne. C'est leur deuxième CD, et il confirme l'indiscutable valeur de cette formation : qualité de l'écriture (la forme des pièces, la construction de l'ensemble du CD, et les alliages de timbres, avec de très subtiles couleurs), énergie et cohésion du groupe, maîtrise et créativité des instrumentistes. On est décidément en présence d'une phalange de haut niveau, avec des solistes d'une belle expressivité. Ici ou là, l'impression que l'un ou l'autre d'entre eux produit des phrases un peu prévisibles. Mais il faut dire que le disque a été enregistré voici presque deux ans, et que le concert auquel j'ai assisté en juillet dernier au Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon m'a fait oublier cette très relative faiblesse. Des langages divers (musiques répétitives, fusion, jazz ternaire et contemporain, souvenirs rythmiques de Stravinski ou Bartók....) se combinent ou s'entrechoquent avec pertinence et fantaisie. On est capté par la riche diversité de l'ensemble, et l'on se dit qu'une autre écoute apportera d'autres plaisirs, d'autres curiosités ; et c'est le cas. Le titre de l'album, « Ahimsa », fait référence à une notion de la philosophie indienne qui désigne la non-violence : les émotions et les sensations peuvent cependant y être fortes, et le groove sacrément offensif. Belle réussite, vraiment, qui se concrétise par l'invitation faite au groupe de venir faire un petit tour à Paris, au Carreau du Temple, dans le cadre de la « Jazz Fabric » programmée par l'Orchestre National de Jazz.

Xavier Prévost

Concert le jeudi 10 mars à 20h30 à Paris, au Carreau du Temple, dans le cadre de la série « Jazz Fabric » de l'Orchestre National de Jazz

Un avant-ouïr du CD sur Soundcloud

https://soundcloud.com/grandensemblekoa

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2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 16:38
PERRINE MANSUY « Rainbow Shell »

Perrine Mansuy (piano, composition, voix), Jean-Luc Difraya (percussions, voix),

Rémi Décrouy (guitare, effets électroniques) , Éric Longsworth (violoncelle),

Mathis Haug (voix)

Solignac (Haute-Vienne), 1er-6 avril 2015

Laborie Jazz CD LJ28 /Socadisc

Perrine Mansuy, pianiste et compositrice, aime la chanson. De longtemps elle a accompagné chanteuses et chanteurs, et donné aussi en duo instrumental (avec le saxophoniste François Cordas) des musiques de chanteurs (Jacques Brel notamment). Sa participation récente à la reprise, sous l'appellation « Over the Hills », de larges extrait d'Escalator over the hill de Carla Bley et Paul Haines, œuvre où la voix tient une place de choix, dit encore ce tropisme persistant. Son disque précédent, « Vertigo Songs » (Laborie Jazz), témoignait aussi de son attachement au chant. Et celui-ci, inspiré par un poème de Katherine Mansfield, qui évoque un coquillage arc-en-ciel qui gît au plus profond de l'océan, se veut lyrique et mélodique. Les thèmes, articulés sur une belle assise rythmique, sont un peu de cette veine folky qui prévalait chez Keith Jarrett au tout début des années 70 (« Facing You », et le disque co-signé avec Gary Burton, entre autres....). Le violoncelle apporte à cet univers teinté de pop-rock une note mélancolique, les percussions soulignent les aspérités d'un phrasé qui récuse toute mollesse, la guitare fleure bon parfois l'esprit seventies, et les voix vont de l'onirisme à la rugosité : belle reprise par Mathis Haug de la chanson du western d'Otto Preminger La Rivière sans retour, où s'affrontaient Marilyn Monroe et Robert Mitchum ; et superbe interprétation du même sur Paying my dues to the blues, également magnifié par un beau chorus de piano, et un swinguant tutti vocal. Un beau disque, en somme, cohérent, bien produit, et habité par de vrais interprètes-improvisateurs.

Xavier Prévost

Le groupe jouera le 8 mars 2016 à Limoges, le 9 mars à Paris, au studio de l'Ermitage, et le 31 mars à Marseille, au Cri du Port

La première plage du disque en vidéo sur Vimeo

https://vimeo.com/147447410

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1 mars 2016 2 01 /03 /mars /2016 16:14
FIVE IN ORBIT « Tribulus Terrestris »

Ramon Fossati (trombone & coquillages), Olivier Brandily (saxophone alto, flûte & cooquillages), Laurent Bronner (piano), Nicolas Rageau (contrebasse), Luc Insenmann (batterie)

Montoliu de Segarra (Catalogne), 21-23 septembre 2015

Fresh Sound New Talent FSNT 495 / Socadisc

Le tromboniste Ramon Fossati est un catalan de Paris, ou peut-être de l'Essonne, qui communique avec les autres (autres individus, autres nations, autres cultures....) par l'entremise de sa passion pour le jazz. Après Paris-Barcelona Swing Connection, il s'est retrouvé voici plus de 10 ans avec une autre équipe, aujourd'hui l'essentiel des membres de ce quintette, pour Five in Orbit. La communication, ou plutôt la communicabilité, paraît être la matière première de ce groupe : très forte expressivité, assumée, partagée, qui associe l'ensemble des instruments et des instrumentistes dans une expression très collective, selon ce qui pourrait être l'essence originelle du jazz (si tant est que le jazz ait une essence, alors qu'il est plutôt une musique d'existence, mais laissons là le débat philosophique....). Tout commence par de joyeuses dissonances, comme au début des Éléments de Jean-Féry Rebel (1737), tentative de description de la création du monde, laquelle commence bien entendu par le chaos qui précède l'édification du cosmos. Et le monde qui advient ici c'est le jazz, version hyper-expressive, comme au temps du jungle style de Duke Ellington et Bubber Miley, et jusqu'à Charles Mingus, et au-delà. Dès la première minute, la flûte aventurée dans des modes de jeu hétérodoxes et des sonorités extrêmes (souvenir de Roland Kirk, qui fit un séjour furtif chez Mingus : pas de hasard!) donne le ton. C'est du jazz hot, dans toute la vitalité originelle de l'idiome afro-américain, et dans un langage musical d'aujourd'hui ; c'est ce que suggère le titre de ce premier thème, Tribulus Terrestris, plante aux vertus vivifiantes, stimulantes, pour ne pas dire plus. La mélancolie s'installe ensuite, sur les traces d'Ibn Khaldoun et de ses pérégrinations philosophiques, méditerranéennes et européennes. Et le disque se dévoile progressivement, en plages très libres, toujours animées de cette espèce de vocalité des instruments à vent (y compris les coquillages) qui donne à l'expression sa force. Les compositions sont signées par les trois piliers constitutifs du groupe : Ramon Fossati, le tromboniste , Olivier Brandily, le saxophoniste-flûtiste, et Lauren Bronner le pianiste. Mais leurs partenaires ne déméritent pas de vigueur, de finesses dans le jeu collectif et d'inventivité : Nicolas Rageau et Luc Isenmann sont totalement immergés dans le projet collectif, qui porte le disque jusqu'à son terme : Lonsome Lover, une composition de Max Roach et Abbey Lincoln, extraite du disque « It's Time » (Impulse, 1962). Jusqu'au bout la flamme est entretenue, avec force, par ces gardiens fidèles d'un jazz toujours vif, et vivant ; vitalité magnifiée sur la pochette du CD par les illustrations tout aussi expressives du plasticien catalan Marcel.Lí Antúnez Roca.

Xavier Prévost

Le groupe jouera le 5 mars 2016 à Barcelone au festival Jazz de Terrassa, et le 31 mars à Paris au studio de l'Ermitage.

Un extrait sur Youtube en avant-ouïr

https://www.youtube.com/watch?v=_KcOr4ObmBc

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26 février 2016 5 26 /02 /février /2016 09:53
HENRI TEXIER « Sky Dancers »

Sébastien Texier (saxophone alto, clarinette alto, clarinette), François Corneloup (saxophone baryton), Nguyên Lê (guitare), Armel Dupas (piano, piano électrique), Henri Texier (contrebasse, composition), Louis Moutin (batterie)

Amiens, septembre 2015

Label Bleu LBLC6720 / L'Autre Distribution

Henri Texier a retrouvé en septembre dernier le studio Gil Evans de la Maison de la Culture d'Amiens, lieu pour lui coutumier en raison d'un fidèle compagnonnage avec Label Bleu ; un studio récemment rénové après une longue période d'inactivité. Le groupe respire l'intimité et la familiarité : il est construit autour du Hope Quartet , rejoint par deux musiciens que le contrebassiste apprécie tout particulièrement : le guitariste Nguyên Lê, et son univers de lyrisme et d'expressivité inimitables ; et le jeune pianiste Armel Dupas, qui conjugue magnifiquement maîtrise instrumentale, et profonde musicalité, avec une fougue qui fait merveille. Le groupe parfois se subdivise : ici le quartette originel, sans piano ni guitare ; ailleurs un quintette avec piano. Mais toujours l'exacte pertinence de l'effectif, en adéquation avec l'esprit et l'énergie du thème choisi. Beaucoup de compositions inspirées par les Amérindiens chers au cœur du contrebassiste, et souvent évoqués dans des albums précédents. Le répertoire est nouveau, élaboré au cours des concerts qui ont succédé au disque précédent. Le musique est souvent vive, d'un engagement rythmique profond, sans pour autant négliger le chant : Henri Texier excelle dans l'art de jouer le jazz au plein sens du terme (swing, cursivité, goût de l'aventure...) en conservant l'esprit des musiques populaires d'Europe et d'ailleurs. Ça commence sur un tempo vif, par un échange entre le piano électrique et la batterie, et le premier thème est exactement dans l'esprit évoqué à la phrase précédente. Le baryton prend sa liberté, tout en inflexions et relances ; l'alto le rejoint, d'un lyrisme torride, avant que le piano poursuive la course, en décontraction savante, pour construire la dramaturgie du solo. Puis vient la contrebasse du boss, plein jazz, mais libre, et la batterie enfin vient confirmer la tension rythmique, et la vitalité qui toujours doit prévaloir : un scénario familier, celui du jazz qui, comme la mer du Cimetière marin de Paul Valéry, est toujours recommencé … mais aussi, quand le vent se lève, il s'anime « Rompez, vagues ! Rompez d'eaux réjouies... ». Et tout le disque est à l'avenant de cet élan vital : dans un thème écrit en hommage à Paul Motian, joué en quartette sans piano, chaque saxophone répond au solo de l'autre d'un contrechant lointain ; dans Hopi, en quartette sans les sax, commencé tempo di jazz, la densité des échanges s'installe, sans violence, et la musique pourtant vibre de mille frissons.

Dans Comanche, la fureur expressive reprend ses droits, et ça déménage sérieusement ; et dans Paco Atao, à la mémoire du percussionniste martiniquais Paco Charlery, le recueillement reprend ses droits, dans une mélodie solennelle où clarinette et contrebasse portent un rythme de marche funèbre. Ainsi va ce nouveau disque concocté par Henri Texier : de l'expression la plus vive à l'émoi le plus tendre ; grande cuvée, assurément !

Xavier Prévost

« Sky Dancers » sera sur scène la 4 mars 2016 à la Maison de la Culture d'Amiens pour les 30 ans de Label Bleu. La veille Henri Texier aura carte blanche avec quelques compagnons de route, dont Michel Portal et Bojan Z.

« Sky Dancers » jouera également le 6 mai à Coutances pour Jazz sous les pommiers

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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 19:10
JOACHIM FLORENT « After Science »

Joachim Florent (contrebasse solo & électronique)

Couffoulens (Aude), avril 2014 & Le Mans

Coax Records COAX029JOA1 / www.collectifcoax.com

L'exercice du solo de contrebasse est assurément périlleux, et pourtant Joachim Florent s'en tire à merveille. Ces plages, enregistrées au Théâtre dans les vignes de Couffollens, dans l'Aude, et à la Collégiale St Pierre la Cour du Mans (où le musicien avait joué en mai 2012) recèlent une diversité d'inspirations et de pratiques qui forcent le respect, et même l'admiration. Entre solo absolu, très acoustique, et solo démultiplié par les machines en un large spectre de sonorités mêlées, c'est une déclinaison des horizons possibles de l'instrument. En une trentaine de minutes, le contrebassiste parcourt des univers sonores et esthétiques parfois insoupçonnables (et en tout cas largement insoupçonnés). Une psalmodie suggérée par le souvenir du chant d'un muezzin va conduire, par développements successifs, à une large spectre de résonances presque polyphoniques. Une mise en boucle de pizzicati va créer un espace répétitif riche en variations, hypnotique et vivant tout à la fois. Ensuite un son très acoustique, largement réverbéré (l'électronique ? L'abbatiale du Mans ? L'une et l'autre à la fois?) va produire une brève marche majestueuse, où la mélodie porte en elle l'exacte perception de l'harmonie. Puis l'électronique reprend ses droits, à coup d'échos et de traitements, effet wah-wah, riches harmoniques, jusqu'à ce que le son acoustique établisse sur cet empire technologique et furtif toute sa majesté. Vient ensuite une partita virtuose que l'on jurerait de violoncelle, puis un jeu de percussions qui faite parler les cordes et le bois de l'instrument. Peu après, ce serait presque une viole de gambe élisabéthaine, avant de glisser de nouveau vers l'univers contemporain. Plus loin encore, l'électronique transforme l'instrument en une sorte d'orgue futuriste pour concert sous-marin, et conclusif. Cette laborieuse tentative de description de l'objet, ou d'épuisement d'un réel insaisissable, a pour seul but de donner l'envie d'en savoir plus en écoutant la musique (voir le lien en bas de page). Ce que suggère le titre, c'est peut-être que, lorsque la science musicale et le savoir instrumental sont conquis, maîtrisés, puis sublimés, un au-delà est atteint, qui ressemblerait à l'enfance de l'Art.

Xavier Prévost

Lien vers la musique du CD :

http://collectifcoax.bandcamp.com/album/after-science-joachim-florent

Joachim Florent jouera en solo à Rennes, le 25 février 2016, à la Maison de la Grève

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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 09:32
CHARLES LLOYD & THE MARVELS « I Long to See You »

Charles Lloyd (saxophone ténor, flûte alto), Bill Frisell (guitare) , Greg Leisz (pedal steel guitar), Reuben Rogers (contrebasse), Eric Harland( batterie)

Invités : Willie Nelson (voix), Norah Jones (voix)

Santa Barbara, 27-28 avril 2015

Blue Note 0602547652577 / Universal

Deuxième Cd pour Blue Note de Charles Lloyd, depuis son retour dans le giron de l'historique label. Après « Wild Man Dance », publié l'an dernier avec un groupe différent, le saxophoniste-flûtiste conserve le binôme basse-batterie qui l'accompagnait voici peu d'années, et s'adjoint un tandem guitaristique de haute atmosphère : Bill Frisell, et son compère Greg Leisz, lequel avec sa pedal steel guitar apporte indiscutablement une couleur qui oriente l'ensemble de l'album. Frisell est évidemment déterminant dans ce dispositif, qui nous entraîne vers les grands espaces du Sud-Ouest états-unien, avec la mélancolie attachée à ces paysages sonores. Car ici l'image crépusculaire et l'étendue des espaces semblent prévaloir. Le répertoire emprunte à l'univers pacifiste (Dylan, entre autres, avec une reprise instrumentale de Masters Of War ; et Last Night I Had the Strangest Dream de Ed McCurdy, ici chanté par l'inoxydable Willie Nelson). Il y a aussi des thèmes traditionnels, aux effluves d'Espagne, d'Amérique profonde ou de prière bouddhistes, et une surprenante reprise de You Are So Beautiful (naguère immortalisé par Joe Cocker) dans la voix de Norah Jones, totalement au diapason de cette ambiance diaphane. En prime, Charles Lloyd offre aux nostalgiques de son début de carrière une nouvelle version de Sombrero Sam, par lui gravé en 1966 aux côtés de Keith Jarrett, Cecil McBee & Jack DeJohnette pour l'album « Dream Weaver » chez Atlantic ; ainsi qu'une belle version, à la flûte alto, de Of Course, Of Course, enregistré l'année précédente avec Gabor Szabo, Ron Carter et Tony Willams pour Columbia. En somme, c'est un bon album, homogène et très bien produit, mais qui ne surpasse pas, quoi que l'on ait pu en dire ici ou là, les publications ECM de la période précédente.

Xavier Prévost

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