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21 février 2016 7 21 /02 /février /2016 19:15
WATCHDOG « You're Welcome »

Anne Quillier (piano, piano électrique, synthétiseur analogique, composition)

Pierre Horckmans (clarinette, clarinette basse, effets électroniques, composition)

Bourgoin Jallieu, juin 2015

Label Pince Oreilles / www.collectifpinceoreilles.com

Un duo, démultiplié par la pluralité des instruments de chacun et chacune. Ils avaient convaincu dans le sextette de la pianiste, qui jouait ses propres compositions, et dans le trio Blast. Les revoici, dans l'apparent dépouillement d'un binôme instrumental où il faut décupler les énergies et la présence pour occuper l'espace musical. Et ils y parviennent, sans coup férir. Volutes de clarinette et sons mystérieux sur ostinato de piano Fender Rhodes, relayé par des lignes improvisées sur le piano acoustique : dès l'abord, l'intérêt s'impose, et ne faiblit pas au cours de la première pièce, joliment scénarisée, et même dramatisée. Des slaps de clarinette basse engagent la suivante, tandis que la petite clarinette s'égare dans l'aigu, sur un piano obstiné et rythmique, avant que le piano acoustique ne s'aventure dans une ligne anguleuse, soutenu dans la magie du multi-piste par le piano électrique. Et le parcours se poursuit sur la plage suivante, qui donne au duo son nom. Les pièces sont concises, la forme maîtrisée, les choix musicaux ambitieux, et pourtant la musique respire une liberté réjouissante. Ici ce sera, après une introduction électronique rythmée par la clarinette basse, un interlude mélodiquement sinueux, et plus tard un danse exotique, mi-habanera, mi-mambo. On hésitera plus loin entre la valse et le rythme afro-cubain, mais toujours le propos musical est dense, tendu, requérant. L'invention improvisée est au rendez-vous, l'expressivité aussi, et le CD nous conduit, de plage en plage, au terme d'un parcours d'une trentaine de minutes : suffisamment pour goûter la richesse et le talent de ce duo, qu'il convient de découvrir d'urgence.

Xavier Prévost

Le duo Watchdog jouera le 25 février 2016 au Cassiton, Auberge de Rosset-Longchaumois (Jura) ; le 10 avril au Rex de Toulouse ; le 27 avril au Siman Jazz Cub de Bordeaux ; et en juillet au festival « Jazz à Vienne »

Extrait de la musique, pour un avant-ouïr :

https://labelpinceoreilles.bandcamp.com/track/watchdog

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20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 19:30
Stephane TSAPIS : «  Border line »

Cristal 2016 - Dist. Harmonia Mundi
Stephane Tsapis (p, Compos), Marc Buronfosse (cb), Arnaud Biscay (dms)

Il y a plusieurs années nous avions été émus par l’album du pianiste grec, "Kamaiki" qui aujourd’hui nous semble d’une actualité encore plus brûlante dans ce qu’il racontait de l’histoire des migrants grecs après la guerre (http://www.lesdnj.com/article-kaimaki-mataora-106690805.html) Il y avait alors une vision quasi prophétique qui résonne aujourd’hui avec force.
Aujourd’hui c’est encore le sujet des frontières qui semble obséder le pianiste qui continue de naviguer, tel Ulysse entre plusieurs univers musicaux qui forment ses racines, sa culture. Profondément grec mais aussi profondément ancré dans la culture française. Toujours entre deux.
Le pianiste , professeur de création musicale pour l’image au Conservatoire de la ville de Paris a cette force évocatrice des sentiments. On l’avait trouvé dans Kaimaiki, on la retrouve ici.
Ici en trio, Stephane Tsapis met du sentiment, met son coeur à l’ouvrage. Met son coeur sur une table où l’on trouve posés pêle-mêle poésie, chants traditionnels ( Macédoniens -Patrounino ou d’Asie Mineure - Giorgitsa), blues gras (To praktorio, border blues) nappes électriques un peu plus rock. Le pianiste y créé des climats et surtout respire fort son envie de vivre, de dire et de danser aussi.
Border line comme il l’explique dans ses liner cela veut aussi être à la limite de tout. A la limite de soi même. il y donc comme un voyage introspectif ( Fièvres) dans lequel on suit le pianiste.
Encore peu trop peu connu en France , Stephane Tsapis mérite que l’on parle de lui.
Ce qu’il dit est rare et précieux.
Une totale réussite qui confirme le chemin très personnel de cet artiste.
Jean-Marc Gelin

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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 18:06
DIDIER PETIT / LUCIA RECIO / EDWARD PERRAUD « Anthropique »

Didier Petit (viloncelle & voix), Lucia Recio (voix), Edward Perraud (batterie)

Missery, 20-22 septembre 2014

In Situ IS 246 / Orkhêstra

Sous-titré « Sur les routes de Bourgogne », cet insolite objet musical, sonore et photographique, retrace très subjectivement le périple des trois improvisateurs, de l'Yonne à la Saône-et-Loire en passant par la Nièvre et la Côte d'or. Ils ont rencontré des artisans, croisé des chemins, humé les sentiers et parcouru les routes, en quête d'impressions, qui se traduisent en musique (du trio), textes (Didier Petit, assisté de Hoël Germain) et photos (Edward Perraud). Quatre livrets texto-photographiques retracent le périple, de Vézelay à Chalon-sur-Saône, disent les rencontres avec les artistes et les artisans, et offrent un accès (possible parmi d'autres) aux musiques d'un CD divisé en quatre mouvements et 14 plages. Le tout respire une indicible liberté, ouvre un vagabondage, et retrace une aventure humaine, une aventure minuscule, comme les vies du même nom, là où se concentre le plus fort de l'humanité qui nous est donnée en partage. D'improvisations en reprises (Gainsbourg, les Doors, Billie Holiday -en espagnol et en anglais-, Baudelaire et un traditionnel espagnol), la musique suit un très libre cours, les textes parlent de la vie, de l'action de l'artisan sur le matériau, de la présence au monde et à sa nature. Très élaboré pourtant, cet objet est comme une œuvre de salubrité mentale et artistique, une œuvre totale qui n'a pas besoin de Bayreuth pour éclore : juste une route, une chemin, un sentier, des rencontres, des sensations, des sentiments, et des êtres humains pour les éprouver. Alors, si l'on aime la vie, et l'art d'aimer la vie, on se précipite sur l'objet, en remettant à plus tard toute tentative de définition ou de taxinomie !

Xavier Prévost

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 17:33
LES INCENDIAIRES

Olivier Bost (trombone), Guillaume Grenard (trompettes, euphonium), Éric Vagnon (saxophone baryton)

Invités : Jean-Paul Autin (saxophone sopranino), Jean-Luc Cappozzo (trompette), Alfred Spirli (batterie, percussions & objets divers)

Saint-Fons, juin 2015 & Brignais, juillet 2015

Arfi AM 061 / L'Autre distribution

Trois musiciens s'étaient retrouvés en 2013 dans un quintette pour l'un de ces ciné-spectacles dont l'Arfi (Association à la recherche d'un folklore imaginaire) a le secret. Et ces trois-là, inspirés par l'instrumentation de l'inimitable Trio Apollo (le regretté Alain Gibert, avec Jean-Luc Cappozzo & Jean-Paul Autin), vont se rassembler sous la bannière des Incendiaires, au motif que leur aînés avaient allumé la mèche qui enflamme leur passion musicale. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, parmi les invités du disque, on retrouve les deux tiers d'Apollo. La musique est dans l'esprit de l'Arfi, au sens le plus exact, et donc le plus largement inclusif : ici les clivages coutumiers (savant / populaire, écrit / improvisé, sérieux / ludique....) sont brassés avec un ardeur joyeuse, et passés à la moulinette d'une convivialité exemplaire. Solistes expressifs, polyphonie jubilatoire, folie et chaleur communicatives, tout y est. Le jazz (tendance Mingus-Carla Bley, et plus si affinités) s'est assurément penché sur le berceau du groupe, mais la musique regarde aussi vers l'ailleurs, vers des lignes de fuite que l'on n'en finirait pas de poursuivre si l'on croyait aux chimères... et l'on y croit. Les titres, pleins d'humour et de fantaisie, donnent le ton : sans se prendre au sérieux, on fait sérieusement de la musique, avec la légèreté qui convient, et avec cœur (c'est important !). Ça groove, ça balance et ça emporte ; ça chante aussi, en mélodies bien fatales ou en éclats d'improvisations extrêmes : bref on est bien en territoire d'Arfi, et c'est justement ce qui nous réjouit. Et quand les invités s'y mettent, la réjouissance est à son comble, le chatoiement à son paroxysme, et l'on voit mal ce qui pourrait éteindre ce joyeux incendie, excepté la coda du dernier morceau.... et le dernier mot de cette furtive chronique.

Xavier Prévost

La plupart des musiciens de ce disque se retrouvera au sein de La Marmite Infernale pour le concert-spectacle Les hommes... maintenant ! , le jeudi 18 février à 20h à Paris, au Carreau du Temple

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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 18:16
SARAH MURCIA « Never Mind the Future »

Sarah Murcia (contrebasse, voix, synthétiseur analogique, arrangements), MarkTompkins (voix), Franck Vaillant (batterie), Olivier Py (saxophones ténor et soprano), Benoït Delbecq (piano), Gilles Coronado (guitare)

Villetaneuse, mai 2015

Ayler Records AYLCD-149 / www.ayler.com

Lorsque j'ai entendu ce groupe (le trio Caroline, augmenté d'invités pour cette occurrence), au festival Sons d'hiver 2015, j'étais resté sur ma faim, et pour tout dire perplexe. Le disque qui survient balaie cette relative déception initiale. Il faut du culot (et même une part d'inconscience) pour concevoir un tel projet : reprendre tous les titres du premier album des Sex Pistols, « Never Mind the Bollocks » (en ajoutant My Way , emprunté à l'album « The Great Rock'n'Roll Swindle »), pour les passer à la moulinette de la créativité musicale. Et il m'a fallu me remettre les Sex Pistols dans les oreilles car, en 1977, j'écoutais plutôt Martial Solal (« Nothing but piano »), Miles Davis (« Bitches Brew », déjà un classique , ou « Agartha », plus récent), Ornette Coleman « Dancing in your head »), Sam Rivers, Le Globe Unity, le Workshop de Lyon, Soft Machine, ou dans un autre registre Patti Smith ou The Stooges.... Le disque commence avec No Feelings, dans une version qui subvertit la violence originelle en « soleil noir de la mélancolie ». Le titre suivant, God Save the Queen, ne perd rien de son impact initial, mais dans une production vraiment plus soignée. Et au fil du disque, on s'aperçoit que la rusticité revendiquée de la musique punk est sublimée en un univers musical d'abstraction et d'étrangeté, qui évoquerait plutôt John Greaves, Carla Bley, Peter Blegvad ou Lou Reed. Un envol de piano free ici, une escapade de saxophone là, ailleurs une guitare délibérément excessive ; et puis un solo de contrebasse d'une grande sensualité, des voix qui, par une sorte de futurisme désincarné, redonnent son poids au texte : tout cela contribue à dessiner un nouvel objet, pertinent dans sa référence comme dans son désir d'autonomie à l'égard de sa source. Et le thème conclusif, My Way, donné en version instrumentale sans la rage parodique des Sex Pistols, mais avec ce qu'il faut d'emphase pour risquer un brin d'ironie, donne tout son sens à ce projet insolite, un peu fou, et abouti dans cette folie même.

Xavier Prévost

Le groupe jouera le mercredi 17 février à 20h à Paris, à la Maison de la poésie.

Le groupe dans God Save the Queen au festival Sons d'hiver 2015

https://vimeo.com/120672477

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15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 21:49
PIERRICK PEDRON : «  and the »

Jazz Village 2016 ( dist. Harmonia Mundi)

Pierrick Pedron (as, ss, vc), Vincent Artaud (kybds), Damon Brown (tp), Marja Burchard (kybds), Jérôme Fanioul (xyl), Julien Herné (b), Bernd Oezsevim (dms), Chris de Pauw (g), Dida Ruiz (perc), Tom Simatipang (b), Jan Weissenfeldt (g)

De quelle drogue Pierrick Pedron est elle le nom ? Parce que là, pardon Pedron mais tu voles bien haut l'ami. T'as décollé et au passage tu nous la décolle aussi la pulpe de nos oreilles ! Comment vous dire, vous expliquer avec des mots simples ? Disons que dans la tête du saxophoniste, obsédé par l'art de l'arrangement (pas genre petits arrangements entre amis mais au contraire de la trempe de ceux qu'il porte au plus haut point dans le traitement des compositions et du son), se mêlent un peu tout. On entend ( ou du moins j'y entend) des clins d'oeil psychédéliques aux Beatles, à Genesis, au funk de Fela, à l'éthiopique lunaire, aux mélodies doucereuses et au 70's revival avec une pointe de free et de bop par-çi par-là. Tout se brouille, s'emmêle. Les compositions sont surtout comme un prétexte à façonner du son, un climax et de l’ambiant music. C’est puissant et tout ça est emballé dans un groove au goût fort.

La formation réunie autour du saxophoniste est emportée par la vague à moins qu'elle ne la crée elle-même (Val 2). Où l'on découvre Pedron au soprano dans un morceau aux structures déjantées (Tootoota) et toujours fait mouche à l'alto où il prend de la hauteur ( Val1) au delà des voicings qui s'ajoutent aux tapis sonores. Ça foisonne, c'est riche, ça se découvre et ça s'écoute 10.000 fois pour en faire le tour.

Et quelle orchestration mazette ! Pas moins que deux basses, deux guitares et deux claviers, avec des musiciens venus de l’espace pour des sessions enregistrées à Bruxelles et à Paris. Ça joue sérieux !

A la première écoute j'avais pas tout compris mais à mesure de la réécoute toutes les subtilités se découvrent peu à peu. Les incises, les trucs de marabout, l'électrique qui tapisse le sol, les soufflants qui s'envolent et la rythmique exceptionnelle.

On y entend aussi la pâte (la patte) de Vincent Artaud pas étranger à ces arrangements-là.

Perdu sur la lune, adossé à une Cadillac ou une Buick je ne sais pas, Pedron prend la pose et nous embarque dans son délire interstellaire.

Pierrick est grand. Il lévite, en apesanteur.

Terrible !

Jean-marc Gelin

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15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 10:43
HÉLÈNE LABARRIÈRE - HASSE POULSEN « Busking »

Hélène Labarrière (contrebasse), Hasse Poulsen (guitare)

Enregistré en juin 2015

Innacor INNA 11511 / L'Autre distribution

Busking, cela définit le fait de chanter dans la rue, ou ailleurs, les mélodies que l'on a en tête, sans façon, sans calcul ni préméditation, comme elles viennent, dans la liberté de l'instant. Et la liberté de l'instant, pour Hasse Poulsen comme pour Hélène Labarrière, c'est plus qu'une habitude : une seconde nature. Avec ce disque, ils parcourent leurs mémoires, individuelle ou commune, pour faire revivre la sensation, l'émoi, et l'impact des ces chansons dans leurs vies respectives. L'échantillon est large, de Leonard Cohen et Bob Dylan jusqu'à Alanis Morissette, Feist et Stromae, en passant par les Beatles (époque « Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band ») et Starmania, sans oublier une chanson du film Phantom on the Paradise. Et ils s'approprient magnifiquement ces objets mélodiques devenus part de l'intimité de beaucoup d'entre nous. Alternant ici l'exposé et l'accompagnement de l'un à l'autre, ils cheminent en toute familiarité. La rondeur et la proximité du son, le crissement des doigts sur les cordes, tout ici parle d'être là, tout proche, et dans l'instant. Et pourtant on est bien dans les libertés du jazz : liberté d'interpréter, liberté de s'évader dans l'improvisation, parfois loin des balises originelles. Sur Formidable de Stromae, après une intro de basse qui part de très loin, la guitare effleure le riff entêtant, mais en l'entraînant vers un ailleurs où la contrebasse se donnera encore bien des libertés, avant retour vers la ritournelle. Et ainsi de suite de plage en plage, où la créativité des duettistes continue de faire merveille. Au passage Hasse Poulsen s'offre une petite escapade en territoire danois, et un épisode électronique sur Lucy in the Sky (with Diamonds). Au total dix excursions dans la mémoire collective, à la dérive, et toute liberté, en toute humanité.

Xavier Prévost

Le duo jouera le mardi 16 février à 20h à Ivry-sur-Seine, dans le cadre du festival Sons d'hiver

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 23:13
Rainy Days On The Common Land

Rainy Days On The Common Land
Trio ¾ Peace
Ben Sluijs (sax, flute); Christian Mendoza (piano);
Brice Soniano (contrebasse)

www.elnegocitorecords.com
www.three-for-peace.com
https://www.youtube.com/watch?v=BlDjEi065UQ


Outre-quiévrain, le saxophoniste et flûtiste Ben Sluijs n’est plus à présenter : il a multiplié les participations dans des groupes aussi forts qu’Octurn ou le Brussels Jazz Orchestra, capable de suivre élégamment la tradition du jazz, de décliner le folk nordique, mais aussi de jouer dans le champ du free jazz ou du contemporain avec Erik Vermeulen dans ce superbe album Parity (chroniqué aux DNJ). Qu’en est-il en France ? Ecoute-t-on vraiment nos amis si proches?
Voilà le deuxième enregistrement du saxophoniste avec le trio ¾ Peace, constitué du pianiste belgo-péruvien Christian Mendoza et du contrebassiste français Brice Soniano, sorti sur le label Elnegocito. Intime, voire intimiste, tendrement mélancolique, le lyrisme est la carte maîtresse de ces musiciens qui s’y entendent pour nous faire partager leurs émotions, dans une retenue qui jamais ne s’abandonne au désespoir ou à la plainte trop appuyée. « Poétique sans être sentimental » pourrait être leur devise. L’axe conducteur de leur travail, comme le suggère le saxophoniste dans une interview au festival de Gand, est d’arriver à se perdre en jouant, à s’oublier dans l’échange avec les autres, tout en se nourrissant de l’énergie que peut renvoyer le public.
« Still »,le morceau qui ouvre cet album, porte bien son nom, car tout en reflétant une grande douceur, fait remonter à la surface les émotions et atteint le coeur. Et l’on se dit que l’on ira jusqu’au bout de l’album, jusqu’à la dernière composition aussi subtile que caressante, une merveilleuse ballade «Cycling». Il ne s’agit pas pour autant de déréliction à la manière romantique : dans « Constructive Criticism», les instruments mènent la danse, mêlent adroitement leurs timbres avec une énergie communicative : flûte en intro, puis sax, contrebasse palpitante, piano chantant. L’emprunt au premier concerto pour violon de Bartok, où Brice Soniano joue à l’archet, ne dépare pas avec les autres compositions, majoritairement de Ben Sluijs, s’intègre même parfaitement dans le « mood » de l’album. Rien de lancinant dans l’enchaînement des titres qui, délicatement, nous plongent, de climats intenses en moments de méditation ou de rêves éveillés. Ce qui confirme la palette étendue de ces musiciens, coloristes indéniables, se jouant habilement de ce qui les touche : le trio a entièrement maîtrisé la «fabrique» de cet album, incorporant les musiques aimées : Messiaen, Satie, l’impressionnisme, le jazz, la musique de chambre....
Et le titre ? Il restera longtemps en vous, de même que le graphisme sobre de la pochette, dégageant une spiritualité réfléchie tout en annonçant un envol irrésistible.
Sophie Chambon

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 23:09
Jérémy LIROLA : " Uptown Desire"


Label La Buissonne/ Harmonia mundi
Sortie le 5 février https://www.youtube.com/watch?v=_XKCHT7r8NM
Concert au Studio de l’Ermitage Paris 20ème le 22 mars prochain !

Jerémy Lirola double bass/ Denis Guivar’ch alto saxophone/Jozef Dumoulin piano, fender rhodes/ Nicolas Larmignat drums
www.labuissonne.com
www.lapoulieproduction.com

Du désir de vivre l’effervescence de la grande Pomme, de jouer dans les clubs plus ou moins underground où continue à se faire le jazz, résulte une musique qui énergise pour peu que l’on se prête à une écoute vraiment attentive : ils sont quatre à occuper l’espace de jeu où domine liberté de l’échange et improvisation collective («The 3rd Person»). Une réussite puisque ces musiciens arpentent les mêmes terrains, à la recherche d’un horizon partagé. Sous le feu des coups répétés, des cliquetis énervés de Nicolas Larmignat, emporté par l’ébouriffant altiste Denis Guivar’ch, lyrique et exigeant d’un bout à l’autre de l’album, on est captivé à son tour par cet Uptown Desire. Une musique enregistrée dans l’élan, à la Buissonne sur le propre label du studio, car Gérard de Haro, le maître des lieux, assisté du fidèle Nicolas Baillard, ont fait confiance à ce contrebassiste strasbourgeois pour sortir son premier album en leader. Adoubé par Jean François Jenny Clark, Jérémy Lirola a longtemps fait ses classes en sideman (Bernard Struber Jazztet) : s’il a pris le temps de choisir ses compagnons pour cet album intense, profondément singulier, le résultat est à la mesure de son ambition. Des titres inspirés comme le très élaboré « Art the last belief », «Moutal» où s’impose le piano sensible de Joseph Dumoulin, un final envoûtant («Bello by Bus»), des climats souvent engagés et percussifs, étranges - le son incisif de l’alto y est pour beaucoup. Privilégiant la liberté d’un chant ininterrompu, il y a quelque chose de rugueux, d’âpre dans le rendu de ces compositions, toutes du contrebassiste, proche, palpitant, efficace. Cet album maîtrisé, à l’élégance savante, se découvre donc lentement dans une traversée initiatique dévoilant un univers clairement exposé et pourtant d’une luminosité ténue. Remontant à la surface des émotions, puisant à la fraîcheur d’une musique désirante, sans nostalgie, ouverte au contraire sur le monde actuel, il touche au plus près.
Sophie Chambon

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 18:41
BEN MONDER « Amorphae »

Ben Monder (guitare & guitare baryton), Pete Rende (synthétiseur), Andrew Cyrille (batterie, percussions), Paul Motian (batterie)

New York, Manhattan, octobre 2010 & New York, Brooklyn, décembre 2013

ECM 471 9555 / Universal

Après un long compagnonnage avec le batteur Paul Motian, commencé voici plus de 15 ans sous un autre label (Winter & Winter), et poursuivi ensuite chez ECM, le guitariste Ben Monder a retrouvé le batteur en octobre 2010 pour une session informelle (d'où le titre de l'album ?) en duo. Paul Motian est mort l'année suivante, avant que d'autres sessions aient pu étoffer le CD à venir. Mais le guitariste a prolongé ce projet en le complétant avec la batterie d'Andrew Cyrille, en duo, et aussi pour deux plages en trio avec le synthétiseur de Pete Rende. L'ensemble résonne comme un hommage à Motian, avec des mélodies sinueuses, des intervalles tendus, et des mises en suspens de la phrase pour laisser la sensation et l'émoi s'épanouir. L'essentiel est improvisé, mais on y trouve aussi une relecture très très libre, en duo avec Motian, de Oh, What A Beautiful Morning, composé par Rodgers et Hammerstein pour la comédie musicales Oklahoma !

Motian, comme il savait si bien le faire, bruisse en totale liberté, mais ses accents sont toujours d'une justesse confondante. En solo, Ben Monder évolue dans cet imaginaire de Motian, fait de lenteur, de recueillement, d'espace et de liberté mélodique. Quant au duo avec Andrew Cyrille, et au trio quand les rejoint Pete Rende, il procède de cette même magie, intemporelle et immatérielle en apparence, alors que la réalité physique du son, et l'étirement de l'espace et du temps, sont omniprésents. Pour l'écouter, il suffit de choisir un moment de calme et de disponibilité, et de s'immerger, sans réserve. La beauté est à ce prix.

Xavier Prévost

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