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24 janvier 2016 7 24 /01 /janvier /2016 20:51
FRANCK WOESTE : «  Pocket rhapsody »

ACT 2016

Franck Woeste ( p, fder, Org, bass synth), Ben Monder (g), Justin Brown (dms), Ibrahim Maalouf (tp), Youn Sun Nah (vc), Sarah Nemtanu (vl), Gregoire Korniluk (cello)

Il y a dans ce nouvel album du pianiste allemand la marque d'une grande diversité. Celui qui vit en France et que l'on sait élevé au biberon de la musique dite « classique » et des orgues des grands compositeurs allemands, celui que l'on jurerait élevé à l'école du rigorisme protestant et qui affiche en apparence des airs de gendre idéal s'est plongé avec délice depuis plusieurs années dans un jazz de bad boys parfois bien déjanté notamment aux côtés de Mederic Collignon (Jus de bosc).

Cet album, c'est justement le reflet d'une personnalité musicale aussi riche qu'ambivalente. Entre jazz électrique, musique de chambre et ambiant jazz, Franck Woeste navigue entre l'acoustique et le fender. Il se fait ici moins soliste que formidable arrangeur, directeur artistique et compositeur. A quand Franck Woeste pour Big band !

Des compagnons de route et stars du label passent la porte du studio et viennent en ami prêter main forte. Ibrahim Maaalouf emporte avec lui quelques beaux moments paroxystiques comme sur un "Moving Light" incandescent alors que la chanteuse Youn Sun Nah laisse planer un univers plus mystérieux et mélancolique sur "Star gazer ".

Mais si l'album est superbement arrangé on a parfois l'impression de perdre le pianiste qui dirige plus qu’il ne joue. On en est un peu frustrés. N'empêche, chacune de ses interventions est absolument précieuse et lumineuse. Où fusionnent un certain clacissime et un sens du groove terrible (Terlingua) mais toujours intelliogemment et sans esbrouffe.

Parfois il se fait très americain (on pense à Bill Frisell) sur Pocket Rhapsody avec un Ben Monder étonnant de grâce. Franck Woeste a aussi l'intelligence d'ajouter parfois quelques cordes et de venir au clavier accompagner en surimpression. Franchement classieux ! Et puis c’est tout autre chose lorsque, après une intro apaisée se déclenchent des foudres noires sur un Nouakchott sombre porte par les déchirures d’Ibrahim Maalouf et les bombardements guerriers de guitare presque hendrixiennes de Ben Monder conçu comme une vrai suite.

Aux côtés de Franck Woeste, une impressionnante rythmique avec un Justin Brown qui, depuis que nous l’avions entendu aux côtés d’Ambrose Akinmusire s’avère comme l’un des véritables petits génie de la batterie.

Débordant, cet album dit beaucoup. Tout simplement luxuriant !

Jean-Marc Gelin

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20 janvier 2016 3 20 /01 /janvier /2016 14:48
SURNATURAL ORCHESTRA « Ronde »

SURNATURAL ORCHESTRA : Izidor Leitinger (trompette, direction musicale), Antoine Berjeaut (trompette, bugle), Guillaume Dutrieux (trompette, bugle, mellophone), Julien Rousseau (trompette, bugle, saxhorn baryton, mellophone), Hanno Baumfelder & François Roche Juarez (trombones), Judith Wekstein (trombone basse), Cléa Torales (flûte), Fanny Menegoz (flûte & piccolo), Baptiste Bouquin (saxophone alto, clarinette), Robin Fincker (saxophone ténor, clarinette), Nicolas Stephan (saxophone ténor, voix) , Jeannot Salvatori (saxophone alto), Fabrice Theuillon (saxophone baryton, effets électroniques), Adrien Amey (saxophones alto et soprano), Laurent Géhant (soubassophone, synthé basse), Boris Boublil (orgue, synthé, guitare), Sylvain Lemêtre (percussions), Antonin Leymarie (batterie), Emmanuel Penfeunteun (batterie sur une plage), Ferry Heijne (voix ou guitare sur 3 plages)

Villetaneuse, septembre 2015

Collectif Surnatural / Absilone

Inclassable par nature, par choix, par revendication même, le Surnatural Orchestra récidive avec un objet insolite qui, déjà, sort des sentiers battus par sa forme : après la boîte en carton de « Sans tête » (avec livrets de texte et arts graphiques), et le livret cartonné en technicolor de « Profondo Rosso », voici l'emboîtage boisé de « Ronde », comme une ode à la matière qui résiste à la dématérialisation de la musique. Ferry Heijne, leader du groupe néerlandais De Kift, et Izidor Leitinger, trompettiste nouvellement recruté, et musicien rompu à tous les univers artistiques, sont venus apporter un regard extérieur sur ce collectif turbulent, et créatif ; et Camille Sauvage poursuit sa contribution visuelle à l'orchestre (il existe d'ailleurs une version en double vinyle avec une pochette créée par la graphiste). La musique est fidèle aux directions du collectif, qui conjugue son attachement aux sources que sont les musiques populaires, sources captées, canalisées et magnifiées, dans la simplicité festive comme dans l'élaboration virtuose. Le répertoire, composé par différents membres du groupe, possède l'homogénéité et la cohérence que confère l'engagement dans l'esprit collectif. Ici un groove puissant sur une mesure composée, avec de l'espace pour les solistes, nuancés, inspirés.... avant un tutti qui ravive chez l'auditeur chenu le souvenir des belles ambiances des orchestres de Carla Bley ou de Mingus. Plus loin une musique à grand spectacle, assumée et maîtrisée, qui fera place ensuite à une plage plus abstraite, où la voix trouvera son emploi dans un registre inclassable, qui fut naguère celui, par exemple, d'Escalator over the hill (on connaît des références plus ingrates....). Liberté des solistes (flûte, bugle, sax alto....) dans une autre pièce qui se conclura dans une harmonie solennelle et sans doute un peu ironique (Carla Bley, encore?). Puis une valse de chevaux de bois qui croiserait l'univers des musiques répétitives, avant une conclusion riche d'harmonies peaufinées et de free rock : réussite indiscutable pour ce nouveau répertoire. N'étant personnellement pas très en phase avec le surnaturel, je conclurai en disant que la singularité de ce collectif le rend.... extra-ordinaire.

Xavier Prévost

Le Surnatural Orchestra est en concert à Paris, au Carreau du Temple, dans le cadre de la « Jazz Fabric » de l'O.N.J., les mercredi 20 & jeudi 21 janvier 2016

Quelques aspects sur Facebook

https://www.facebook.com/SurnaturalOrchestra/app/245407692273853/

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16 janvier 2016 6 16 /01 /janvier /2016 16:07
THE WATERSHED : «  Inhale / exhale »

Shed Music 2015

Christophe Panzani (ts, clb, fl), Pierre Perchaud (g), Tony Paeleman (p, rhodes, kybds), Karl Kannuska (dms)

Voilà un album qui au départ, part de rien du tout et qui à l’arrivée côtoie des véritables sommets.

Au départ disions-nous, la rencontre de potes musiciens qui s’amènent chacun avec trois fois rien, juste quelques riffs, et qui font tourner l’impro. Et ces copains-là ont le sentiment qu’il se passe quelque chose, qu’ils se sont trouvés immédiatement, fusionnellement au point qu’ils se disent qu’avec juste ce minimum ils pourraient bien entrer en studio. Alors, aussitôt dit aussitôt fait.

Et à l’arrivée disions-nous, un album majeur et qui ne ressemble à rien d’autre. Que l’on voudrait raccrocher à quelques influences et que l’on n’y arriverait pas. Car cet album porte en lui sa propre identité et surtout son extrême richesse musicale.

C’est fou les nuances de cet album ! Qui dans la même foulée peut passer ainsi d’une pop-jazz évanescente à des extrêmes powerful et très rock. Où les ciselures sublimes de Christophe Panzani au ténor trouvent leur pendant très contrasté avec la guitare de Pierre Perchaud, qu’elle soit électrique ou acoustique. Ca groove grave à la Hendrix ou bien ça part dans des délicatesses raffinées. Et toujours il se passe quelque chose de nouveau. Ils lancent trois notes de départ et ça tourne. Mais pas, comme ça, juste pour tourner, mais aussi pour installer des climats, des ambiances, des sonorités comme sur ce titre éponyme qui évolue dans différents espaces comme de mouvantes poussières d’or.

Pierre Perchaud que l’on avait perdu un peu au cours de ses escapades ONJiennes revient ici particulièrement inspiré. Ses sonorités très rock se marient à merveille avec celles très jazz de Panzani que celui-ci soit au ténor ( quel phrasé, y god !) ou à la clarinette basse. Christophe Panzani qui, il faut le rappeler a longtemps tenu le pupitre de sax ténor dans l’orchestre de Carla Bley, excusez du peu.

Derrière, toujours ça assure avec un Karl Jannuska dantesque comme à son habitude. L’un des plus grands batteurs que compte cet hexagone. Et Tony Paelemean qui d’album en album se révèle ici assez bluffant alterne là encore le piano et l’électrique.

Où l’on assiste à la naissance d’un groupe absolument remarquable, où chacun de ses membres semble apporte une attention et un soin extrême à chacune de ses interventions, en empathie totale avec les trois autres.

C’est fort, c’est prenant c’est souvent émouvant, ça voyage et ca vous emporte.

Inspirez / Expirez et laissez vous porter par cet album absolument splendide et qui dit beaucoup de ce jazz de demain que l’on guette et vers lequel il ouvre des portes bien prometteuses.

Jean-Marc Gelin

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16 janvier 2016 6 16 /01 /janvier /2016 09:02
Marcel Kanche : "Epaisseur du vide".

Marcel Kanche (chant, piano et guitares), Julien Lefèvre (violoncelle, guitares), Isabelle Lemaître (chœurs et chant), Nicolas Méheust (orgue, fender Rhodes, méllotron), Pierre Payan (accordéon, scie musicale, synthétiseur, trompette), Bruno Tocanne (batterie). Studio Parachute à Percy (50), 2015. Pbox/Caramba.

Voici un musicien inclassable, hors normes, marginal, engagé…. Et qui n’encombre pas les bacs des disquaires. La soixantaine, Marcel Kanche signe avec « Epaisseur du vide » son dixième album. L’avant-dernier sorti en 2012 avait frappé les esprits par une lecture forte « triturante » (selon ses propres termes) de Léo Ferré (i.overdrive trio et Marcel Kanche interprètent Léo Ferré. Cristal Records). Chanteur résistant qui considère le jazz comme « la seule musique libre à ce jour », Marcel Kanche a conservé intacte cette passion pour cette musique depuis ses rencontres new-yorkaises avec Don Cherry et Carla Bley. Il partage d’ailleurs ce penchant pour la compositrice de Escalator over the hill avec son batteur Bruno Tocanne qui vient de participer au projet en forme d’hommage, Over the Hills (Imuzzic Grands ensembles.2015).

Oublions les chapelles. Marcel Kanche fait partie de ces compositeurs interprètes rebelles comme Tom Waits ou Gérard Manset. Nous sommes dans un univers poétique, globalement sombre, qui évoque aussi bien les troubles personnels que les interrogations sur cette société « en fin de course ». C’est un homme taraudé par le doute (« Dans la fabrique du doute, je froissais mes pensées, tâtonnais, cherchais la route et encore j’hésitais… ») qui cherche sa voie (« Les ai-je vues ces lumières tombées des falaises, combien d’échardes dans les regards, de reflets si blancs dans les torrents…).

On retrouve dans « Epaisseur du vide » cette quête qui marquait déjà trois de ses précédents albums, « Vertiges des lenteurs », « Dog Songs » et « Vigiles de l’aube ». L’auteur revendique cette cohérence : « Je continue l’histoire. On creuse toujours le même sillon. Mais avec le temps, on a évidemment un regard autre sur les choses à 60 ans qu’à 20. » Par un hasard du calendrier, « Epaisseur du vide » a été présenté à Paris dans une galerie du 18 ème arrondissement le jeudi 12 novembre dernier. Son écoute aujourd’hui permet de (re)découvrir un poète authentique et sans contraintes, fidèle en cela à un certain esprit français.

Concert à Bougenais (44) au Piano’cktail, le 25 mars.

Jean-Louis Lemarchand

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14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 17:41
BOJAN Z – JULIEN LOURAU « Duo »

Bojan Zulfikarpasic (piano, piano électrique), Julien Lourau (saxophones ténor & soprano)

Les Lilas, mai 2014

2birds1stone (2015) / www.2birds1stone-rek.com

Enregistré à l'occasion d'une série de concerts au Triton, ce disque a été produit par un financement participatif via la plateforme Ulule ; et comme beaucoup d'amateurs, j'ai suivi le mouvement. Le répertoire comporte quelques thèmes que le duo jouait déjà en concert depuis pas mal d'années, mais aussi des titres du répertoire spécifique de Bojan Z, ainsi que de nouvelles compositions (Roumgrois de Bojan ; Mr. Waits de Julien). Disponible via Bandcamp depuis le printemps dernier, le son s'est concrétisée en CD fin 2015. Leur duo repose sur une complicité de plus de 25 ans, et cela s'entend ! Dès l'abord, Bojan sollicite le piano électrique et le piano acoustique, en dialogue tendu avec le soprano : pulsation et balancement à quoi l'on résiste difficilement, et le public présent le fait savoir. Puis le ténor introduit d'un long solo l'exposé en duo de Seeds, mélodie mélancolique où le piano va ensuite cheminer sur un mode méditatif, avant réexposition du thème, et coda sous influence répétitive. Ils nous ont pris par la main, on ne peut que les suivre, entre influences orientales, envolées balkaniques et références aux diverses stratifications déposées dans le jazz par son histoire. Un pas de côté ici vers l'abstraction, ailleurs une mise en évidence appuyée de la matérialité du son, plus loin encore une échappée insouciante vers le ragtime qui va débouler droit dans les Carpates, avant que les deux dernières plages nous emportent vers l'ancienne Yougoslavie, si chère au cœur du pianiste. Beau feu d'artifice, de musicalité, de virtuosité et d'expressivité. Très belle empreinte d'un vrai moment de jazz capté sur le vif !

Xavier Prévost

Le duo jouera en concert le 15 janvier 2016 à Annonay, le 16 à Aubenas, puis au Jazz Club de Dunkerque les 21, 22 & 23, et à Cosne-sur-Loire le 25

Sur Dailymotion : Seeds, un thème du disque joué en direct dans la "Matinale culturelle" de France Musique en décembre 2015

http://dailymotionfile.com/v_x3gti7z

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13 janvier 2016 3 13 /01 /janvier /2016 18:30
JÉRÔME BARDE  & les Jazztronautes « Spinning »

Jérôme Barde (guitare), Irving Acao (saxophone ténor), Vincent Strazzieri (piano, piano électrique, synthétiseur), Darryl Hall (contrebasse & guitare basse), Lukmil Perez (batterie), Magou Samb & Jiji (voix, sur une plage)

Vannes, 25-27 mai 2015

Space Time Records BG 1541 / Socadisc

Le précédent disque en leader de Jérôme Barde, enregistré en 2000, avait été publié en 2003 (« Melodolodie », Sunnyside Records). C'est donc une surprise, doublée d'un plaisir, que de voir surgir ce nouveau CD dans l'actualité phonographique. Toujours au plus près des traditions de la musique afro-américaine le guitariste, qui avait à plusieurs reprises longuement résidé aux USA, nous offre un quintette d'instrumentation relativement peu usitée, où la guitare et le piano cohabitent avec le saxophone. Et la conception du groupe est manifestement fondée sur un son très collectif : non que les solistes n'y aient pas leur place, au contraire, mais parce le mouvement général est celui d'une machine à groove où chacun trouve sa place, dans un investissement total, et totalement pertinent. Jérôme Barde signe la majorité des compositions, et elles semblent élaborées dans cet esprit de groupe, qui fait que l'on ajuste l'inspiration à la palette de partenaires que l'on s'est choisi. Cette musique est pleine d'une énergie positive, même si elle n'occulte pas les douleurs du monde : le massacre de 147 jeunes chrétiens au Kenya dans Remember Garissa , et l'hommage à Martin Luther King dans une composition de Donald Brown. Et c'est à un autre pianiste avec lequel il a joué que le guitariste emprunte Habiba, thème lancinant composé par Kirk Lightsey. Motune, dédié à Stevie Wonder, évoque la richesse du « son Motown ». Ailleurs, dans le thème-titre, le son de guitare, toujours chantant, nous entraîne en plein lyrisme, avec une forme élaborée. Les partenaires (deux Cubains de Paris, un Américain tout aussi parisien, et un pianiste provençal) sont impeccables d'adhésion au projet artistique, et magnifient la musique, dans les tutti comme dans les interventions solistes. Un standard (Sweet Lorraine, en mode caribéen) surgit avant la plage conclusive, comme pour nous rappeler que ce jazz-là ne néglige pas ses classiques. Et une valse explosive ferme le ban, soulignant encore si nécessaire que ce retour de Jérôme Barde est un GRAND retour !

Xavier Prévost

Le groupe jouera le 1er février 2016 à Paris, au Duc des Lombards

Un avant goût en vidéo sur la toile :

http://www.jeromebarde.com/videos/remember-garissa/

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10 janvier 2016 7 10 /01 /janvier /2016 19:15
Michele Hendricks : " A Little Bit of ELLA"

Now And Then

www.critalrecords.com

http://www.cristalrecords.com/cristalrecords/fr/736

Label Cristalrecords/Harmonia mundi

Michele Hendricks : Chant
Tommy Flanagan : Piano
Peter Washington : Contrebasse
Lewis Nash : Batterie
Brian Lynch : Trompette
Robin Eubanks : Trombone
David “Fathead” Newman : Saxophone tenor
Jon Hendricks : Chant sur titre 2.


Quel entrain, quelle joie mélodique sur la version de « Sweet Georgia Brown » qui commence cet album tout à fait réjouissant, intitulé sobrement A little bit of Ella. Variant les styles dans le chaudron jazz, du funk au reggae, refusant la parodie ou une certaine facilité, la chanteuse a revu ces morceaux de choix, convoquant nostalgie tendre ( tous les titres sont connus) au service de sa propre technique vocale. Reprendre des chansons immortalisées par l’une des plus grandes chanteuses jazz est une véritable aventure. Mais avec Michele Hendricks, c’est l’esprit préféré à la lettre, et puis elle en a le droit, la légitimité, descendant d’une lignée vocale certaine (son père, créateur virtuose du « vocalese » est à l’origine d’un fameux trio Lambert, Hendricks & Ross).

Ecouter cet album vous plongera dans une certaine joie de vivre et un pan de l’histoire du jazz vocal : Cole Porter, George Gershwin, Duke Ellington...Les standards s’enchaînent avec élégance, variant astucieusement les « moods » car Michele Hendricks s’est entourée d’un fabuleux pianiste qu’elle a réussi à entraîner avec son trio, Tommy Flanagan : l’ensemble swingue avec bonheur : écoutez donc « How High The Moon » où se joint la voix du père, Jon Hendricks, comme par hasard !

Comme le fait remarquer avec sa pertinence habituelle, Claude Carrière qui présente dans les « liner notes » Michele Hendricks, pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour sortir cette pépite ? Le disque fut enregistré en 1998 peu de temps avant la disparition du pianiste ce qui rend cet album d’autant plus précieux, un double hommage en somme. Et puis on le sent bien, Michele Hendricks est parfaitement à l’aise dans ce répertoire plein de chausse-trappes, si souvent repris, rarement à l’égal de leur version « fitzgeraldienne ». Elle réussit à en faire autre chose, à le rafraîchir ou disons à en raviver les couleurs, ne pas les plonger dans celles, sépia de la nostalgie. Aucune affectation, une interprétation vraiment habitée qui vient des origines. Car si Michelle combine talent et expérience, le chant est aussi sa demeure.
Cela a-t-il encore un sens en 2016 ? Dans la forme, les mélodies peuvent encore se développer, elles sont intemporelles. Elle rephrase astucieusement, a une invention rythmique très naturelle quand elle scate, admirablement soutenue par les musiciens dans « Oh ! Lady Be Good » ou « Air Mail Special » de Charlie Christian. On goûtera ce plaisir gourmand de faire tourner les sons et les mots, chavirant de tendresse (le toujours émouvant «Everytime we say goodbye» de Cole Porter), ou de les rouler en bouche comme de vifs cailloux, dans le final porté par des vents enthousiasmants. Indispensable en ce début d’année !

NB : EN CONCERT :

-Les 29 et 30 Janvier 2016 au Sunside à Paris

-Le 29 Avril 2016 au Petit Journal Montparnasse à Paris

Sophie Chambon

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6 janvier 2016 3 06 /01 /janvier /2016 18:05
MICHAEL FELBERBAUM « Lego »

Michael Felberbaum (guitare, composition), Pierre de Bethmann (piano, piano électrique), Simon Tailleu (contrebasse), Karl Jannuska (batterie)

Montreuil, 26-27 février 2013,

Fresh Sound New Talent FSNT 485 / Socadisc

Par son titre, et la géométrie de sa pochette, le CD fait référence à un célèbre jeu de contruction danois. Il évoque aussi, sur un volet intérieur de son digipack, l'origine du mot lego, en puisant dans les sources indo-européennes, grecques et latines. Et le discours d'escorte du document promotionnel développe un peu les traductions du verbe grec puis latin (recueillir, rassembler, dire....). Il en oublie d'autres : comme lire ; et aussi passer en revue. Ce dernier sens figure chez Virgile, dans l'Énéide (6, 755). Énée embrasse du regard les âmes de sa descendance et se place sur un promontoire « unde omnes longo ordine possit aduersos legere », ce que Pierre Klossowski, dans sa tentative périlleuse de rendre en français la métrique latine, traduit par « d'où en longue file il pût en face les ombres choisir ». Blague à part (ce n'est pas tous les jours que l'on peut blaguer avec l'Énéide ....), le disque est une réussite, en cela qu'il rassemble les tropismes musicaux de Michael Felberbaum (le jazz, un passé rock, le goût de la construction, de la composition, des contrastes et des nuances subtiles), et qu'il en fait un objet neuf, collectif et inspiré. Il faut entendre comment, dès la première plage, Flow , les membres du groupe suivent la guitare dans son cheminement sinueux, en totale interaction, et jusqu'au moment paroxystique qui précède le solo de Fender Rhodes, lequel est soutenu par un solo de batterie intégré dans la montée en tension du clavier. Et le miracle se renouvelle de plage en plage, de la méditation harmonique de Variations jusqu'à la sinuosité conclusive de Lego, en passant par la richesse rythmique de Horse, à partir d'une figure simple qui ouvre de multiples horizons. Le thème suivant, avec son drive très jazz, offre une autre facette. Puis Nostalgia rappelle les infinies ressources d'expressivité d'un univers modal exploré avec un mélange de maîtrise et de liberté. Now nous la joue un peu façon bossa, tandis que la plage suivante nous la fait plus rock, avant de rejoindre pour l'avant dernière plage les méandres qui faisaient le charme de la première. Pour résumer, le disque s'écoute d'une traite, dans l'ordre, de paysage en perspective, reflet exact d'une vision, d'un « concept » assumé et abouti : bel ouvrage d'art lancé par-delà les gouffres d'insondables émois.

Xavier Prévost

Le groupe jouera le 23 janvier à Paris au Sunset

Quelques extraits du répertoire, en studio ou en concert

https://www.youtube.com/watch?v=BsUlmm6g_fY

https://www.youtube.com/watch?v=rcBkm-JaclE

https://www.youtube.com/watch?v=jy5LHAHq3LA

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3 janvier 2016 7 03 /01 /janvier /2016 16:23
PATRICK CABON « African Flower »

Patrick Cabon (piano), Sylvain Gontard (trompette & bugle), Manuel Marchès (contrebasse), David Grébil (batterie).

Meudon, 12-13 mai 2014

Peach Prod pp002-14/1 / Rue Stendhal

Le jazz est ainsi fait que l'on peut être un jazzman de plein droit, formé entre les conservatoires français et les Maîtres new-yorkais, avoir joué dans les clubs et les festivals, et accompagné nombre de pointures américaines ou hexagonales, et cependant attendre la quarantaine pour signer son premier disque en leader ; et de surcroît avec une réussite incontestable. Pourtant le pari est osé : jouer exclusivement Ellington, toutes périodes confondues, des années 20 aux années 60. En ouverture, Isfahan, thème insipré par une tournée du Duke au Moyen-Orient en 1963, et enregistré en décembre 1966 : Sylvain Gontard se substitue à Johnny Hodges, le tempo est plus vif, mais c'est le vif du sujet. La musique d'Ellington et Strayhorn est servie, magnifiée, enrichie aussi d'une nouvelle interprétation, magie dont le jazz détient le secret. Le pianiste, dans son chorus, se rappelle qu'il a étudié avec les dépositaires de la mémoire du bebop (Barry Harris) et de son prolongement (Mulgrew Miller). Et dans la plage suivante, après une introduction empruntée à Rachmaninov (Prélude en Do dièse mineur, transposé en Do naturel), il évolue avec aisance et délectation dans le style d'Avant-guerre, en jouant East Saint Louis Toodle-Oo (créé en 1926). Ici le trompettiste fait revivre magistralement le son du jungle style des années 20 (ce sera encore le cas plus loin avec The Mooche et Black Beauty). Dans la plage suivante, Warm valley, le pianiste se souvient à nouveau du bebop : quoi de plus naturel, ce thème, comme le suivant (Fleurette africaine, joué en solo) figuraient dans le disque « Money Jungle », qui associait Ellington à Mingus et Max Roach. Et la fête continue, jusqu'au terme de l'album, avec au passage un Come Sunday torride, qui rappel l'esprit gospel qui prévalait dans ce thème de la suite Black,Brown & Beige, immortalisé par Mahalia Jackson. Et le plaisir d'écoute demeure total, avec au passage un revigorant trio sur Drop me off in Harlem. Réussite incontestable disais-je en prélude ; je confirme en guise de coda.

Xavier Prévost

Le quartette jouera le 7 janvier 2016 à Paris au Studio de l'Ermitage

Infos et musique sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=byxXXDxNzWg

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3 janvier 2016 7 03 /01 /janvier /2016 15:17
ATLANTICO : «  En rouge »

La Fabrica’Son 2015

Dave Schroeder (ss, cl, fl, harmc), Sébastien Paindestre (p), Martin Wind (cb), Billy Drummond (dms)

Un quartet transatlantique et une bien belle rencontre du pianiste Sébastien Paindestre avec trois musiciens américains de grands talents. Parmi les plus connus, on ne présente plus Billy Drummond, immense batteur qui joua avec Rollins ou Konitz et qui fut longtemps un des compagnon de route de Carla Bley. Martin Wind, quand à lui est le bassiste allemand depuis si longtemps intégré à la scène New-Yokaise qu’on le mettrait plutôt de l’autre côté de l’Atlantique. Dave Shroeder est lui un multi-intrumenstiste très impliqué dans la vie du jazz de la grosse Pomme et a notamment pas travaillé l’art des compositions avec des maîtres de la pointure de Gil Goldstein ou Kenny Werner. Quand à Sebastien Paindestre c’est sur un terrain beaucoup plus pop qu’il évolue habituellement, celui de son groupe fétiche, Radiohead auquel il a déjà consacré plusieurs albums remarquables (et remarqués) (http://www.lesdnj.com/pages/AMNESIAC_QUARTET_Tribute_to_radiohead_vol2_-8813098.html)

S’ils se retrouvent ici, c’est avec une sorte de plaisir d’artisans qui aiment à faire de la musique ensemble dans le creuset commun qu’ils partagent en toute fraternité.

Ce quartet repose essentiellement sur les compositions de Dave Schroeder et de Sébastien Paindestre dans le climat d’un jazz particulièrement relaxé et relâché. Et ce n’est certainement pas un hasard si une des compositions s’intitule Giuffre Cool, en hommage au célèbre clarinettiste de la West coast mais surtout ancien partenaire de Paul Bley et de Steve Swallow. Car c’est bien cet esprit-là qui flotte sur cette session.

Une session où le drive raffiné et subtil de Billy Drummond ( écoutez le sur Bruce Lee) s’allie à la belle musicalité de David Schroeder tant au soprano qu'à la clarinette ( et même à l’harmonica) et aux enluminures très bopiennes de Sebastien Paindestre, le tout servi par le swing implacable et métronomique de Martin Wind.

Ce jazz-là coule tout seul, coule tranquille et alerte. Toujours léger et classe. Et ce n’est pas pour rien si Joe Lovano signe quelques lignes sur la pochette pour rendre hommage à l’inspiration de ce quartet.

Une bien belle surprise pour commencer l’année.

Jean-Marc Gelin

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