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29 décembre 2015 2 29 /12 /décembre /2015 17:51
MYRIAM ALTER « Cross / Ways »

Luciano Biondini (accordéon), John Ruocco (clarinette), Michel Massot (tuba, trombone), Michel Bisceglia (piano & arrangements), Nicolas Thys (contrebasse), Lander Gyselinck (batterie), Myriam Alter (composition, piano solo sur le dernière plage)

Bruxelles, 13-14 septembre 2014

Enja ENJ-9626 2 (Harmonia Mundi)

Myriam Alter est à elle seule un cas d'école : formée dès l'enfance au piano classique, elle l'a abandonné à l'adolescence, a étudié la psychologie, travaillé dans une agence de publicité, dirigé une école de danse, avant de revenir au piano, et de choisir le jazz, en composant son propre répertoire. Dans son premier disque « Reminiscence », en 1994 (dont le contrebassiste était Michel Benita), et dans le suivant, « Silent Walk » (1996) elle tenait le piano. Pour les deux suivants, enregistrés à New York, elle céda le clavier à Kenny Werner. « Cross / Ways » est son sixième CD, le pianiste Michel Bisceglia signe les arrangements, et Myriam Alter se met au piano, en solo, pour l'ultime plage, dédiée à Mal Waldron, qui fut un ami proche. Cette dernière plage tranche d'ailleurs sur le reste du répertoire : une basse obstinée, avec une ligne mélodique qui va vers doucement vers des intervalles très tendus. Mais ce thème conclusif respire, comme l'ensemble de l'album, une belle et douce mélancolie. À ce climat l'accordéon de l'Italien Luciano Biondini contribue largement, comme en 2002, pour « If », celui de l'Argentin Dino Saluzzi, grand expert en mélancolie s'il en fut. Sur Youtube, à la page où l'on trouve l'intégralité de « If », un commentaire affirme « c'est du tango, pas du jazz.... ». On pourrait, sur telle ou telle plage de ce nouvel opus, penser au tango, mais c'est bien de jazz qu'il s'agit, avec cette liberté de cheminement, ces bouffées de mélodies judéo-espagnoles, et ces escapades à trois temps, comme au bon vieux temps de Bill Evans. Myriam Alter a le talent de composer dans cette veine nostalgique, ce qui lui vaut de s'adjoindre les partenaires les plus idoines, et aux qualités considérables : naguère, outre Kenny Werner et ceux déjà cités, Marc Jonhson, Joe Baron.... et aujourd'hui la fine fleur de la scène bruxelloise (dont l'Américain John Ruocco, établi de longtemps dans les plats pays belges et néerlandais). Quelle que soit votre langue imaginaire, si les mots Sehnsucht, saudade, melancholy, malinconia, melancolia.... résonnent en vous, précipitez vous sur ce disque : il est pour vous !

Xavier Prévost

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25 décembre 2015 5 25 /12 /décembre /2015 13:26
ERIC SEVA : « Nomade sonore »

Gaya 2015

Eric Seva (bs,ss), Daniel Zimmerman (tb), Bruno Shorp (cb), Mathieu Chazarenc (dms), Ludovic Lanen (enr, mix)

Si au pied du sapin vous n’avez pas trouvé le dernier album du saxophoniste Eric Seva, sachez qu’alors le vieux barbu s’est gouré grave et qu’il ferait bien de retourner à son atelier pour réparer sa boulette et vous le déposer illico presto au fond de vos chaussettes.

Quant à nous, il ne nous a pas oublié et c’est tant mieux ! Car le nouvel album, d’Eric Seva est un pur moment de joie communicative.

Eric Seva est en effet un des piliers indéfectibles de ce jazz hexagonal dont il porte haut l’identité très forte dans l’écriture ( on pense à l’écriture des Sclavis, Texier ou Emler) ou grâce aux multiples collaborations qui émaillent un CV ma foi fort bien rempli. Et c’est vrai qu’au fil du temps, fort de deux ONJ et de rencontres multiples ( Khalil Chahine, Franck Tortiller, Didier Lockwood etc…) le saxophoniste ne cesse de s’affirmer et de parvenir au fil de ses albums à une sorte de lâcher prise totalement libéré.

Avec Daniel Zimmerman, Mathieu Chazarenc, et Bruno Shorp il se lance ici à cœur et à corps perdu dans une sorte de danse effrénée. Eric et Daniel se courent après (Cheeky monkey), se dépassent, font le route ensemble et se laissent distancer. C’est parfois un tourbillon de la vie, une danse légère, une douce valse jazz ( Kamar). C’est un blues moite et qui colle. C’est une sorte de conversation animée et vive entre potes comme ceux que l’on a en terrasse des cafés (Monsieur Toulouse). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cet album est dédié aux douzes personnes disparues le 7 janvier ( attentats à Charlie Hebdo) et à cet esprit libre, goguenard et amoureux qui animent nos rues et nos vies.

A l’exception de 3 thèmes ( 2 de Khalil Chahine et un de Michel Marre), tous les titres sont de la plume du saxophoniste. Plume alerte et sacré sens des alliages des sons et des textures, associant avec un immense bonheur ceux de Zimmerman ( toujours magnifique) et ceux d’Eric Seva lui même qui tant au soprano qu’au baryton s’y révèle éblouissant. Tiens d’ailleurs tant que l’on y est et que l’on parle de soprano : Eric Seva s’y montre renversant de puissance expressive sur un thème comme Matin Rouge alors qu’au baryton il imprime toujours une sorte de groove irrésistible et sensuel.

Libres voix, libres paroles, libres expressions, libres improvisations.

Sur cet album flotte définitivement un air de la liberté.

Jean-Marc Gelin

PS : en écoutant l'album, mon fils qui jouait dans sa chambre est venu me voir pour me dire : " c'est du jazz ça Papa ? ". Je lui ai dit :" oui c'est du jazz". Alors il m'a dit " ben alors j'adore le jazz !"

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22 décembre 2015 2 22 /12 /décembre /2015 22:56
ENRICO PIERANUNZI « Proximity »

Enrico Pieranunzi (piano), Ralph Alessi (trompette, cornet, bugle), Donny McCaslin (saxophones ténor & soprano), Matt Penman (contrebasse)

New York, 9-10 avril 2013

Cam Jazz CAMJ 7894-2 ((Harmonia Mundi)

En publiant aujourd'hui cet enregistrement réalisé deux ans plus tôt, Enrico Pieranunzi confirme son tropisme new-yorkais, et son désir de se frotter à d'autres expériences. C'est cette fois un quartette sans batterie, et des partenaires très impliqués dans quelques-unes des aventures jazzistiques les plus exigeantes des deux dernières décennies (avec Fred Hersch, Uri Caine, Don Byron, Steve Coleman, Maria Schneider, Joshua Redman....). L'absence de batterie, et la liberté prévalente dans la conduite des thèmes (Line For Lee, Proximity, Five Plus Five ), rappellent certaines connivences de la galaxie Lennie Tristano-Warne Marsh-Lee Konitz ; ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'un des thèmes fait référence à Konitz, et à cette manière de concevoir des lignes libres et inventives sur de harmonies empruntées à des standards. Toute les compositions sont signées par le pianiste, et certaines portent indiscutablement une empreinte musicale européenne, et même italienne (Simul). L'ensemble laisse poindre une touche de mélancolie, et les solistes captent nos émois (Donny McCaslin, au soprano, Ralph Alessi, au bugle, dans Sundays). Pieranunzi parcourt l'album en majesté, avec cette façon d'être libre et rigoureux tout à la fois. Quant à Matt Penman, solide et expressif dans l'accompagnement, il brille par son lyrisme chaque fois qu'un solo lui en offre le loisir. Bref c'est une excellente cuvée pour le pianiste italien, très prolixe sur le plan phonographique, mais qu'une telle profusion ne prend jamais en défaut.

Xavier Prévost

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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 00:54
LE JAZZ DE CABU

Une petite histoire du swing de Louis Armstrong à Miles Davis

BDJAZZ collection de BDMUSIC (directeur Bruno Théol)

Difymusic https://www.difymusic.com/bdmusic

www.bdmusic.fr

On le sait bien, Cabu aimait le jazz, enfin pas vraiment celui que l’on classe dans les musiques actuelles. Un peu comme Jacques Réda, il était tombé amoureux de ce jazz historique, jazz classique, et de cette fabuleuse période swing ; aussi la collection BDJAZZ, en présentant ce florilège de ses portraits de jazzmen, est particulièrement bienvenue de « rendre hommage à cet indéfectible compagnon de swing ». Ce qui se confirme dès la couverture où un jeune batteur à lunettes (Cabu) s’exprime avec allégresse aux balais, sur l’anthème ellingtonienne : “It don’t mean a thing if it’ain’t got that swing”.

Les 2 CDs habituels de la collection présentent sans suivre l’ordre chronologique ni alphabétique, quarante figures emblématiques de l’histoire du jazz, ces maîtres du jazz, du blues, du bop auxquels Cabu avait déjà rendu hommage dans plusieurs collections : si on s’amuse à reclasser dans le temps, cela part de « l’impératrice du blues » Bessie Smith en 1929 avec « Nobody knows you when you’re down and out » à l’année 1954... avec plusieurs pépites « Love me or Leave me » de Billie Holiday, «Round about Midnight» par son créateur en piano solo, «Down by the Sycamore tree» de Stan Getz ou «Solar» de Miles Davis. Un bonus track indiqué comme Cabu ‘s favorite number, version 2 de «It don’t mean a thing... » est interprété en 2014 par Sylvia Howard and the Black Label Swingtet sur des arrangements de Christian Bonnet, le rédac-chef de ce numéro où ont participé les amis Philippe Baudoin, Jean Buzelin, Pierre Carlu, Claude Carrière, Irakli, Daniel Nevers, Alain Tercinet, Fabrice Zammarchi.

Cabu croque avec gourmandise chaque artiste dont le portrait malicieux et toujours très ressemblant illustre une notice qui inclut quelques éléments biographiques tout en analysant avec une juste concision l’intérêt du morceau choisi dans la sélection.

Voilà un numéro particulièrement réussi, bienvenu aujourd’hui, et une merveilleuse façon de se souvenir longtemps, sans nostalgie paralysante de Cabu, disparu tragiquement avec les attentats de Charlie Hebdo en janvier dernier et de ce jazz qu’il aimait tant.

PS : www.jazzradio.fr/news/radio/28220/bd-music-nous-presente-les-meilleurs-dessins-de-cabu-sur-le-jazz

Sophie Chambon

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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 00:52
Alain Gerber présente Sarah Vaughan

Sera & Aranthell

BDJAZZ www.bdmusic.fr

https://www.difymusic.com/bdmusic#!sarah-vaughan

http://www.francemusique.fr/jazz/jazz-culture-sarah-vaughan-en-bd-music-109865

Voilà une belle cargaison de bulles qui nous arrive pour cet hiver et les fêtes en particulier. La collection BDMusic est toujours bien identifiable même si elle a changé de distributeur : c’est le même concept de « long box » consacré à une BD inédite et 2 CDs (quintessence des enregistrements) consacrés à un musicien incontournable.

C’est au tour de Sarah Vaughan -chanteuse pour musiciens, celle qu’on appelait « matelot », qui se comportait comme un musicien de l’orchestre, d’être « racontée » par Sera, artiste cambodgien, auteur et enseignant sur la bande dessinée à Paris I. La plasticienne Aranthell met en couleurs les albums dessinés par Sera. Le résultat est assez saisissant : de grandes plages à la palette sombre, atmosphères hivernales et nocturnes, quadrillent les pages avec assez peu de textes, des titres forts comme « Ce monde si blanc », des références directes aux chansons et à la vie agitée et souvent difficile de « la divine égaleent appelée «Sassie», l’effrontée. On a le plaisir de retrouver Alain Gerber, le romancier du jazz, avec un texte superbe sur « la plus savante des chanteuses de jazz... refusant toute routine, recréant sans cesse un répertoire qui, lui-même, évoluait fort peu ». Il revient à son habitude sur certains repères biographiques, concluant sur l’été 1963, sans doute le plus heureux de sa vie, où elle se produisit en trio au Tivoli Garden de Copenhagen.

Pour la bande-son de ce livre-disque, les enregistrements du premier CD partent de 1944, avec un All Stars où joue Dizzy Gillespie, s’attardant ensuite sur son propre trio où le batteur Roy Haynes est une figure primordiale - Swingin’ Easy. Le deuxième CD illustre les années fastes 1957-1958, où elle triomphe en trio à Chicago (At Mr Kelly’s) puis, At the London House, avec des membres de l’orchestre de Count Basie. Pour Philippe Carles, son « Shulie a bop » de 1954 est un « condensé explosif de son talent, de sa vivacité rythmique » de son ample tessiture qui la fait passer des aigus les plus tendus à des graves proches de ceux d’un baryton.

Et sans doute, faudrait il rajouter que le swing était son arme absolue... ce qui nous facilite la transition avec Cabu.

Sophie Chambon

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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 00:50
Jazz Temptation

BLUE NOTE

Universal Music France

http://www.universalmusic.fr/2918-jazz-temptation-la-nouvelle-collection-jazz-par-blue-note.html

La nouvelle collection jazz de Blue note…

https://www.youtube.com/watch?v=VpfsT6CCiLo

Une couverture et un trailer ad hoc pour célébrer le jazz vocal, glamour évidemment, pour ces voix splendides féminines et masculines (Gregory Porter, Jamie Cullum ...) dans une proportion écrasante pour les divas du jazz : j’ai compté 21 chanteuses sur un total de 24. Cette compil chic et intelligente de 2 CDs met en effet en valeur les chanteurs et chanteuses d’aujourd’hui qui sont de plus en plus nombreux. Qui écouter ? Voilà une sélection plutôt brillante des CDs parmi les plus exemplaires de la carrière de ces musicienn(e)s. Par exemple, pour Youn Sun Nah, c’est sa version singulière et mémorable de « My favorite things » qui est retenue, Melody Gardot est impériale dans ce tube de 2004 « Your heart is as black as night », on remonte aussi très loin, en 1994 pour entendre la version superbe de Cassandra Wilson du standard « You don’t know what love is » ; on entend Laïka Fatien, révélation 2004, dans un album de 2011 sur un titre intitulé « Imagination». Kelly Lee Evans par contre est saisie dans son dernier album sur un titre coécrit avec le pianiste Eric Legnini « Hands up ». Une façon de retraverser l’histoire récente du jazz, du blues par le medium, l’instrument le plus sensible et fragile, la voix. Et puis quel formidable guide à placer dans la hotte du Père Noël, une mini-discothèque du jazz vocal. Madeleine Peyroux, la plus vivante incarnation de la voix de Billie Holiday, chante une de ses propres chansons « Don’t wait too long ». Il y aussi les nouvelles venues comme Melanie de Biasio, Cecile Mc Lorin Salvant qui reprend du Lennon « Oh My love » et puis cette Australienne extraordinaire découverte dans la playlist de France Inter (!) Sarah McKenzie dans ce très drôle et virtuose « Quoi, Quoi, Quoi ».

Alors, n’hésitez plus et bonne écoute.

Sophie Chambon

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16 décembre 2015 3 16 /12 /décembre /2015 14:16
UN CADEAU IDÉAL POUR LES AMATEURS DE PIANO : BRAD MEHLDAU « 10 Years Solo Live »

Brad Mehldau (piano solo) Enregistré en concert, en Europe, entre 2004 & 2014

Nonesuch 549103 / Warner Music

Pour élaborer ce coffret (4 CD ou 8 vinyles), Brad Mehldau a réécouté 40 concerts donnés en Europe entre 2004 et 2014, enregistrés par son ingénieur du son, et aussi par les radios publiques (Radio Danoise, BBC & Radio France). Il a ensuite sélectionné des extraits de 19 d'entre eux, qu'il a organisés pour l'édition phonographique en 4 grands chapitres : l'un associant le sombre et le lumineux, l'autre redessinant un concert idéal, le troisième associant l'idée d'intermède à celle de regard rétrospectif, et le dernier mettant en relation des musiques, en Mi mineur et Mi majeur, empruntées à Léo Ferré, Brahms, Pink Floyd, les Rolling Stones.... Le tout est, comme souvent chez le pianiste, accompagné d'un copieux commentaire rédigé par ses soins : à la faveur d'une de ses compositions intitulée Meditation I - Lord Watch Over Me, Brad Mehldau évoque Dieu, comme coexistence de l'ombre et de la lumière, comme le silence qui rend possible la musique, le négatif qui suscite l'affirmation de l'être. Et le propos dérive de titre en titre, d'inspiration en concrétisation, sans que l'on sache toujours si c'est le discours qui structure cette fresque musicale, ou la musique qui serait la source de ce discours, voire son simple prétexte. Quoi qu'il en soit, c'est la musique que l'on évoquera, en survol, car l'abondance rend un commentaire détaillé illusoire en une telle chronique. C'est une vision panoramique de tout ce que l'on peut déceler des tropismes du pianiste : les nouveaux standards issus de la pop et du rock (Le cher Radiohead bien sûr, mais aussi Jeff Buckley, les Beatles, Massive Attack, Nirvana, les Beach Boys....) ; les « vrais » standards comme le jazz les chérit depuis des décennies (ceux de Richard Rodgers, Harold Arlen, Jerome Kern, Jobim....) ; les « standards du jazz » (Coltrane, Bobby Timmons ; Monk, avec deux thèmes, un Monk's Mood réharmonisé avec révérence, et Think of One, entraîné progressivement de sa claudication originelle vers une sorte de tempête rythmique et de déconstruction amoureuse). À quoi s'ajoutent deux pièces de Brahms, jouées dans leur littéralité originelle, et bien sûr quelques compositions de Mehldau, pour baliser mieux encore son univers. On se penchera avec délices sur deux versions de Knives Out de Radiohead (Rome 2011 & Londres 2004), très différentes, entre furia romantique et vertige contrapuntique. Les contraintes du vinyle ont obligé à intervertir à deux reprises des plages en raison de durées dissymétriques, mais le tout restitue bien le désir de Brad Mehldau d'offrir une vision, un ordre, une cohérence, une voyage ou une dérive. Et l'on est conduit progressivement vers les longues plages finales, en apothéose, qui concluent l'objet, à grand renfort d'ostinato et de transe hypnotique. Le voyage est envoûtant, vertigineux : c'est du grand piano de jazz, du grand piano tout court, bref de la grande musique au sens le plus œcuménique du terme.

Xavier Prévost

Infos et extrait sur le site de Nonesuch

http://www.nonesuch.com/albums/10-years-solo-live-cd

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15 décembre 2015 2 15 /12 /décembre /2015 22:41
ANDRÉ VILLÉGER – PHILIPPE MILANTA « For Duke and Paul »

André Villéger (saxophones ténor, soprano et alto), Philippe Milanta (piano)

Meudon, 29-30 juin 2015

Camille Prod MS062015CD / Socadisc

Ces deux-là sont, dans leurs générations respectives, des maîtres en jazz de stricte obédience : jazz classique, mais pas que ; jazz moderne, là aussi ils en connaissent un fameux rayon. André Villéger, c'est le saxophoniste qui peut tout aborder, avec le même naturel, la même authenticité, la même pertinence, parce qu'il s'immerge chaque fois dans l'amour du jazz. Et dans ce domaine, Philippe Milanta n'a rien à prouver : adolescent, il hantait les coulisses de concerts, traquant les musiciens de Basie pour satisfaire sa curiosité musicale si bien que, des années plus tard, il eut le plaisir d'entendre le Count Basie Orchestra jouer un de ses arrangements. Il joue du piano comme un orchestre, et ça tombe bien, car le duo rend hommage à un homme orchestre, Duke Ellington, et à un musicien qui fut un pilier de l'orchestre du Duke : le ténor Paul Gonsalves. André Villéger connaît ce répertoire, cette esthétique, cette école, mais il se garde bien de mimer le grand Gonsalves : il joue simplement avec le même engagement, qui donne cette faculté de capter l'écoute. Au ténor, velouté, mais aussi acuité, quand il le faut ; au soprano, un brin de vibrato surexpressif à la Bechet, ce qu'il fait magnifiquement, et sans emphase ; à l'alto pour une seule plage, le doux rappel que l'histoire de l'instrument dans le jazz n'a pas commencé avec Charlie Parker. Côté piano, Philippe Milanta déploie tantôt les fastes d'accords larges, tantôt des traits incisifs, percussifs, avec un à propos qui force l'admiration. Le répertoire est magnifiquement choisi, des tubes de l'orchestre jusqu'à ses thèmes les plus secrets, avec une place de choix pour Billy Strayhorn, l'homme sans qui le Duke n'aurait pas été tout à fait Ellington. Et en plus, le texte du livret est signé Claude Carrière, connaisseur mondialement reconnu de la musique du Duke. Alors, ellingtoniens néophytes ou fans de père en fils, on se rue sur la précieuse galette !

Xavier Prévost

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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 20:23
JOHN TAYLOR-KENNY WHEELER « On The Way to Two »

Kenny Wheeler (trompette, bugle), John Taylor (piano)

Ludwigsburg (Allemagne), 21-22 mars 2005

Cam Jazz CAMJ 7892-2 / Harmonia Mundi

C'étaient deux compagnons de route, infatigables, depuis le début des années 70, et notamment à partir de 1977 et du premier disque du groupe Azimuth, qui les associait à la chanteuse Norma Winstone ; ils se retrouvaient régulièrement pour ce trio, mais aussi en d'autres contextes. Kenny Wheeler nous a quittés en septembre 2014, et John Taylor en juillet 2015. Le pianiste avait préparé l'édition de ce duo inédit, enregistré en 2005, et il avait aussi écrit pour le livret du CD un petit texte (comme l'on fait également Norma Winstone et Evan Parker) à la mémoire de son vieil ami, le trompettiste canadien devenu londonien, soulignant son jeu éminemment vivant et brillamment créatif, et insistant sur le fait que ce fut pour lui-même une source d'inspiration. L'exhumation tardive de ce disque, et le fait qu'il paraisse finalement après la disparition des deux protagonistes, tout cela augmente assurément la charge émotionnelle qu'il porte, pour les amateurs que nous sommes. La musique est à leur image, qu'il s'agisse des compositions du trompettiste, de celle du pianiste, de leur trois improvisations, ou du choix d'un des grands thèmes de Billy Strayhorn, A Flower Is A Lovesome Thing. Chaque plage révèle leur goût commun pour le lyrisme, l'introspection liée à l'expressivité, une forme d'abstraction douce, et une certaine mélancolie. Il est urgent de succomber au charme et au recueillement de cet inédit, pour ce qu'il résume des qualités des deux musiciens, pour les souvenirs qu'il ravive, et pour la promesse qu'il nous fait de nous aider à les garder vivants en nos mémoires.

Xavier Prévost

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11 décembre 2015 5 11 /12 /décembre /2015 07:53
Das Kapital  : " Kind of Red"

Das Kapital Kind of Red

Hasse Poulsen/ Edward Perraud /Daniel Erdmann

Label bleu/ L’Autre distribution www.label-bleu.com www.das-kapital.com

www.youtube.com/watch?v=uMSXqxrtx20

Quatrième album de ce trio européen atypique créé en 2002, formé d’un guitariste danois, d’un batteur nantais et d’un saxophoniste allemand. Si leurs deux premiers albums étaient consacrés aux compositions de ce musicien au parcours extraordinaire et pourtant peu connu, Hans Eisler, exilé à Hollywood avant de revenir à l’Est (créateur de l’hymne national), ils s’abandonnent à présent à leur propre partition, des chansons sans parole d’une grande beauté. Une musique toujours toujours aussi énergique grâce à la batterie de Perraud, à la gestuelle si visuelle, donc photogénique, lyrique en diable avec les saxophones ténor et soprano de Daniel Erdmann, et la guitare maîtresse de Hasse Poulsen. La lutte n’est donc pas finie et cette fois, elle se pare de compositions originales d’un triangle plutôt équilatéral, un « power trio » qui ne respecte pas l’arrangement habituel de guitare/basse/batterie. Le choc n’en est pas moins fort ! Ça commence directement par un rock amplement électrifié, ce « Webstern » de Perraud, figure d’un ouest parodique et actualisé? Poulsen est loin des gratouillis de ce Sound Kitchen dans lequel je l’avais découvert ... Ça continue aussi prestement sur «Iris » le deuxième titre du batteur qui est le troisième en fait, explosant en tempête de cordes, propulsé par une batterie d’une violence douce. Puis Erdmann prend la main, nous rassurant vaguement « au milieu il y a encore de la place », une ambiance différente...est-il plus en retrait sur cet album avec seulement deux compositions de son cru ? Ecoutez- le donc dans ce titre nitzschéen, «Jenseits von Gut und Böse» qui taraude l’esprit, tant la recherche est lancinante,progressive. Un accord en demi-teinte intimiste et quand même un peu rebelle avec l’arrière-pays brossé largement par un batteur qui ne tient pas en place. Cet album semble une parfaite illustration d’un cinéma virtuel qui se projette dans votre tête : trois voix, souvent irréelles, se répondent dans ce «How long, so low » aux sonorités travaillées ou dans «Just like that » par exemple. Un volet plus onirique incite les musiciens à une improvisation complice, où la guitare écraserait bien le ténor. Ce serait sans compter les effleurements, la construction ascendante de Poulsen, intégrant avec bonheur tous les imprévus d’une musique souple mais invasive, constamment sous tension jusqu’au final intense, déchirant.... On ne comprend pas toujours comment fonctionne ce mix de folk/jazz/ rock. Qu’importe ! L’album conserve une unité, une dimension originale et poétique, une inquiétude qui vous trouble et transporte dans cette sorte de rouge....qui imprime un certain bleu à l’âme.

Sophie Chambon

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