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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 16:35
MARC DUCRET  TRIO + 3 « Métatonal »

Marc Ducret (guitare), Bruno Chevillon (contrebasse), Éric Échampard (batterie), Christophe Monniot (saxophones alto & sopranino), Fabrice Martinez (trompette), Samuel Blaser (trombone)

Les Lilas, 2-6 décembre 2014

Ayler Records AYLCD-148 / www.ayler.com

Cela fait presque vingt ans que le fantastique trio qui associe Marc Ducret à Bruno Chevillon et Éric Échampard s'est constitué. Et depuis, sa vitalité créative et sa faculté de renouvellement n'ont jamais désemparé. Tandis que d'autres projets suivaient leur cours, le trio se produisait régulièrement en concert. Absents au disque depuis les enregistrements de 2004 & 2005 publiés confidentiellement par le guitariste, ils reviennent en force, avec renfort : deux compagnons de route déjà familiers (Christophe Monniot & Samuel Blaser) et un nouveau venu dans l'univers de Marc (Fabrice Martinez). La connivence est totale : la guitare mène la danse, la rythmique est au plus près, stimulant, anticipant ou redoublant les éclats comme les nuances ; puis les souffleurs trouvent leur exacte place dans cet ensemble de haute précision libertaire. Le répertoire conjugue hier et demain, avec évidence : Dialectes, enregistré naguère pour « L'Ombra di Verdi », puis sur l'un des « Trio Live » auto-produits, et aussi avec Big Satan ; deux reprises de Dylan (souvenir du groupe « Seven Songs From The Sixties » voici près de 20 ans) , reprises rassemblées et amoureusement corrigées, en un ensemble intitulé 64 ; Porteurs de lanternes, que le trio jouait régulièrement en concert depuis une dizaine d'années ; et deux nouveaux thèmes, Inflammable et Kumiho. C'est dans ce dernier morceau que les trois invités sont conviés à dialoguer en toute liberté avec le trio, avant que le thème fétiche des concerts du trio ne donne sa conclusion. Éclatant de bout en bout, ce disque nous rappelle, s'il en était besoin, que Marc Ducret pourrait à lui seul incarner la musique à venir, « The Shape of Jazz to Come », en quelque sorte.... Enregistré voici tout juste un an à la faveur d'une série de concerts au Triton, avec le trio dans l'ancien puis le nouveau répertoire, trio rejoint ensuite par les invités, ce disque est magistral, de bout en bout !

Xavier Prévost

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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 19:25
YVES ROUSSEAU « Wanderer Septet »

Xavier Desandre-Navarre (percussions), Édouard Ferlet (piano), Régis Huby (violon), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Thierry Péala (chant, diction), Pierre-François Roussillon (clarinette basse), Yves Rousseau (contrebasse, composition et adaptation)

Malakoff, juillet 2014

Abalone AB 020 / L'autre distribution

Yves Rousseau aime Schubert, passionnément. Et il a eu l'idée, ou plutôt le désir, d'élaborer une musique qui se nourrirait de ce grand compositeur, tirant vers le jazz certains fragments, restituant d'autres extraits dans leur caractère originel, et mêlant le tout dans une tissage savamment amoureux de thèmes originaux. Aventure risquée, et même osée, mais menée à bien d'éclatante manière. Par delà la passion, et la connaissance de cette œuvre, ce qui paraît déterminant, c'est le choix des partenaires, tous imprégnés de cette profonde musicalité sans quoi un tel projet ne serait que démonstration ou divertissement : Xavier Desandre-Navarre, qui joue batterie et percussions en rêveur impénitent ; Édouard Ferlet, coutumier des détournements de la musique classique par le jazz, ardemment musicien jusqu'au tréfonds de l'âme ; Régis Huby, passeur d'univers toujours aux aguets ; Jean-Marc Larché, virtuose de l'improvisation, résolument lyrique, et trop rare dans le jazz ; Thierry Péala, dont la voix et la sensibilité épousent exactement la beauté mélancolique de cet univers ; Pierre-François Roussillon, soliste classique qui a choisi de diriger de belles institutions culturelles, et renoue ici avec les musiques qu'il aime ; et Yves Rousseau, qui depuis quelques lustres trace entre les musiques une voie singulière, qui conjugue le goût et le talent. Lieder, musique de chambre et fragments symphoniques se télescopent avec bonheur. Ici l'on croirait entendre recycler un accord dissonant de l'Allegretto pour piano en do mineur. Ailleurs, explicitement ou allusivement, une bribe de quatuor ou de sonate. Quelques textes émaillent ce festin mélancolique : inventaire d'après décès, épitaphe rédigée par un ami, et courts récits du quotidien.... Le tout procède de ce mouvement irrépressible propre au jazz, où le rythme, les syncopes et l'improvisation aspirent à tutoyer la beauté. J'ai coutume, quand j'écoute du jazz contaminé par l'esprit de la musique de chambre, de dire à ceux qui l'écoutent avec moi « c'est beau comme du Schubert ». Eh bien, je persiste et signe : comme du Schubert, vous dis-je !

Xavier Prévost

Le groupe sera en tournée en janvier et février 2016 : Nancy, Lausanne, énart, Bagneux....

On peut également écouter Yves Rousseau dans la récente réédition du Mop Trio du batteur Bertrand Renaudin, avec le pianiste Hervé Sellin ( « New Acoustic » , www.opmusic.fr )

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 22:41
ÉRIC LE LANN « Life on Mars »

Éric Le Lann (trompette), Paul Lay (piano), Sylvain Romano (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie)

Vannes, avril 2015

Moods MA3729BR01 / L'autre distribution

Quel plaisir de retrouver Éric Le Lann avec un grand disque, et un groupe qui lui sied à merveille ! Le pianiste, Paul Lay, non content d'être l'un des musiciens les plus intéressants de sa génération, est aussi un sideman exceptionnel : il s'implique dans les groupes comme personne, apportant la subtilité de l'accompagnateur, la fièvre créative de l'improvisateur, et une science musicale sans ostentation, mais d'une évidence confondante. Le contrebassiste, Sylvain Romano, est un pilier du jazz de stricte obédience, et il sait faire avancer la musique, mine de rien, sans éclat apparent, mais avec une force irrésistible. Et Donald Kontomanou confirme sa grande classe ; lui aussi sait stimuler, et plus si nécessaire, pour faire vivre cette musique dont la vitalité est le credo. Et sur ce mouvement constant de balancement obstiné, quel que soit le tempo, Éric Le Lann nous foudroie de sa mélancolie. La trompette timbre parfois comme un bugle, avec cette rondeur de toutes les nostalgies. Les thèmes, pour la plupart du trompettiste, ont cette qualité d'être mélodiquement évidents, même quand ils évoluent sur des harmonies sinueuses. Et le pianiste s'en donne à cœur joie quand il faut conduire ces harmonies sur d'autres chemins. Un blues d'anthologie, d'une expressivité intense, précède une Danse profane, empruntée à Debussy (Deux Danses, pour harpe et cordes) et légèrement transposée. Douce mélancolie, toujours. Vient un standard (Everytime We Say Goodbye) de la même veine, et là encore Éric fait merveille dans cette douceur vénéneuse à quoi l'on ne résiste pas. Puis c'est une reprise, alanguie, de la composition qui ouvrait le disque, et l'on va s'abandonner encore à cette nostalgie dévorante, jusqu'à l'instant où la pulsation transporte le thème vers une autre sphère. Une valse jouée naguère en duo avec Michel Graillier (Twins Valse), et qui évoquait les jumelles dont il est le père, nous conduira à la plage conclusive : Life on Mars, de David Bowie. L'ensemble est prenant, délicieusement sombre ; c'est un peu le règne du clair-obscur, où l'ombre fait surgir des luminosités inouïes : grand disque, vraiment. Merci Éric !

Xavier Prévost

Le groupe jouera le jeudi 10 décembre à Paris, au Petit Journal Montparnasse

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 20:15
Stacey Kent-Tenderly

Stacey Kent-Tenderly

Avec Roberto Menescal (guitare), Jerry Brown (basse), Jim Tomlinson (saxophone ténor et flute alto).

Okeh/Sony.

C’est un retour aux sources du Great American Songbook pour Stacey Kent. Rien que de classique me direz-vous pour la chanteuse américaine. Que non. Elle a choisi d’effectuer le voyage en compagnie d’un artiste n’appartenant pas à la jazzosphère, le guitariste brésilien vétéran (78 ans) Roberto Menescal. Le choix n’a rien pourtant d’incongru. « Roberto est le compositeur brésilien le plus jazzistique, Stacey la chanteuse américaine la plus bossa noviste » explique en français le saxophoniste britannique Jim Tomlinson, complice musical et intime de Stacey (son mari depuis 1991).

Leur rencontre était donc prévisible. Stacey fit la connaissance de Roberto au Brésil lors d’un concert en 2011. Elle était fan de bossa nova comme elle devait le démontrer dans son précédent album (The Changing Lights.Parlophone.2013. ). Il adorait les standards américains. « Nous partageons la même sensibilité », confie Stacey Kent. « Tenderly » reflète cette proximité avec un répertoire de titres classiques de la chanson américaine à commencer par le titre qui donne son nom à l’album ou encore Embraceable You, The Very Thought of You ou encore In the Wee Small Hours of the Morning, un des succès de Frank Sinatra.

On n’a plus besoin de vanter la suavité de la voix de Stacey Kent et son phrasé qui rend toutes les nuances des textes. Roberto Menescal apporte une touche délicate avec des accents de Barney Kessel. Jim Tomlinson, au saxophone ténor et à la flute, se met au diapason du duo qui bénéficie du soutien du bassiste Jeremy Brown. Sans batterie ni piano, cette formation évolue avec aisance et décontraction. Un vrai bonheur.

Jean-Louis Lemarchand

Stacey Kent sera en concert le 12 décembre au Théâtre des Champs-Elysées et effectuera une tournée en France au printemps (Limoges, Le Mans, Carcassonne, Perpignan, Bordeaux, Paris (La Cigale), St Priest…)

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 09:05
HANS LÜDEMANN « Das reale Klavier, ein Kölner Konzert »

Hans Lüdemann (piano acoustique & piano numérique, en solo)

Cologne, 16 mai 2013 & Düsseldorf, 26 octobre 2013

Budapest Music Center BMC 219 / UVM distribution

J'ai abordé ce CD avec un vif intérêt, car depuis trois décennies je m'intéresse au traitement électronique et numérique du son des instruments, et en particulier du piano. À l'écoute de ce disque, dont le discours d'escorte déploie de copieuses réflexions sur le « vrai piano » et le « piano virtuel » (échantillonné numériquement), j'avais donc de fortes attentes, d'autant que le propos s'étendait à la perception que l'on peut avoir d'un piano acoustique par le truchement de l'enregistrement numérique. Le CD se conclut par une plage purement acoustique, réalisée au centre Steinway de Düsseldorf, pour une courte pièce lyrique commandée par la célèbre marque de pianos. Tout ce qui précède est la captation d'un concert au Loft, salle de concert (également studio d'enregistrement) de Cologne, et le pianiste utilise un piano de concert et un piano « virtuel » (à échantillonnage numérique). Acoustique d'abord, pour la première pièce, le disque évolue à la seconde plage vers le piano virtuel, avec des inflexions micro-tonales qui paraissent bien pauvres et convenues eu égard aux promesses du discours d'accompagnement. Vient ensuite un moment de piano préparé par les moyens classiques de contacts directs de la main ou d'objets sur les cordes, et là encore on reste sur sa faim si l'on a en mémoire ce que font bien des pianistes-improvisateurs (de jazz ou pas) depuis pas mal d'années. Et après avoir entendu des choses qui rappellent un certain concert à Cologne d'un autre pianiste, on glisse vers une plage, acoustique, où rôde un peu du souvenir d'Abdullah Ibrahim, quand il s'appelait encore Dollar Brand. Vient ensuite Ankunft (l'arrivée), où le piano virtuel produit des effets moins rudimentaires qu'auparavant. Ma mémoire me dit cependant que le piano de Joachim Kühn, traité en temps réel par l'ingénieur du son Walter Quintus en 1988 (CD « Dark », Ambiance AMB 1, musique conçue pour un ballet de Carolyn Carlson), offrait plus de surprises, et ouvrait plus d'espace vers la création d'inouï. Une rapide vérification par l'écoute de ce disque un peu ancien confirma mon impression. Reste qu'il y a dans le disque de Hans Lüdemann de belles plages de piano solo, où l'aisance inspirée de l'improvisateur convainc plus que l'ambition du compositeur, même si le projet explicite est d'abolir la frontière entre le prémédité et le spontané. La dernière pièce du concert (et la pénultième du disque) nous réconcilie cependant avec l'improvisateur et le jazzman. Cela dit Hans Lüdemann demeure un pianiste de premier plan : à ce disque, on pourra préférer, parmi d'autres « Die Kunst des Trios 1-5 » (BMC Records).

Xavier Prévost

Vidéo de studio piano acoustique/piano numérique

https://www.youtube.com/watch?v=IhjnsDzDab8

Texte d'accompagnement en Anglais sur le site de BMC Records

http://bmcrecords.hu/pages/frameset/langchange_en.php?kod=219

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 08:55
MATTEO BORTONE TRAVELERS « Time images »

Travelers : Matteo Bortone (contrebasse, guitare basse, composition), Antonin-Tri Hoang (saxophone alto, clarinette, clarinette basse, synthétiseur), Francesco Diodati (guitare), Ariel Tessier (batterie)

Cavalicco, Italie, 2-3 février 2015

Auand AU 9052 / Differ-Ant

Deux ans après la publication du premier CD, le groupe revient, avec un nouveau batteur (le précédent était Guilhem Flouzat). La musique, très lyrique (Italie oblige ?) est des plus élaborées. Raffinement mélodique, conduite minutieuse des voix dans l'arrangement, équilibre et vitalité du tandem basse-batterie, c'est du grand artisanat d'art, et même du grand Art. Le contrebassiste, Matteo Bortone, qui s'est établi à Paris voici une dizaine d'années, et qui a suivi le cursus du département de jazz du CNSM, a manifestement le goût de l'élaboration, sans jamais perdre de vue la pulsation collective et vitale qui fait le jazz. Il tient sa place, exactement, mais sans se laisser déborder par un ego de leader. Le guitariste, Francesco Diodati (entendu récemment au disque et au concert avec Enrico Rava), n'hésite pas à dynamiter la musique quand l'intensité l'exige, y allant même de la voix pour attiser l'expression. Quant à Antonin-Tri Hoang, auquel le réenregistrement donne une présence plurielle (sax alto et clarinette basse simultanément par exemple), il contribue très largement à la densité musicale de l'écriture, et ses interventions de soliste portent loin la qualité de l'ensemble. Quant au batteur Ariel Tessier, nouveau venu dans le groupe, et qui s'impose chaque fois un peu plus dans le milieu du jazz comme un valeur très sûre (avec Pierrick Pedron, Riccardo Del Fra, PJ 5, Enzo Carniel....), il magnifie par son énergie stimulante, par son subtil à propos et la riche sonorité de ses fûts, une projet éminemment collectif, qui évolue sur les hauteurs du plaisir musical. Et pour couronner le tout, aux compositions du contrebassiste, s'adjoint une reprise déjantée de Houses of the Holy, un thème de Led Zeppelin conçu pour l'album éponyme de 1973, mais qui ne fut finalement publié que deux ans plus tard dans l'album « Physical Graffiti ». Bref avec ce nouveau disque, la qualité du groupe est plus que confirmée !

Xavier Prévost

Matteo Bortone & Travelers se produiront en février en Italie, puis en mars à Anemasse et à Paris, et à nouveau à Paris, le 25 juin,à la Maison de la Radio, pour un concert « Jazz sur le vif » programmé par Arnaud Merlin

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 10:57
GUILLAUME de CHASSY-ANDY SHEPPARD-CHRISTOPHE MARGUET « Shakespeare Songs »

Guillaume de Chassy (piano, composition), Andy Sheppard (saxophones ténor & soprano), Christophe Marguet (batterie, composition), Kristin Scott Thomas (récitante)

Pernes-les-Fontaines, janvier 2015

Abalone ABO 23 / L'Autre distribution

Deux musiciens passionnés par Shakespeare : Guillaume de Chassy et Christophe Marguet, et le projet, un peu fou, de relier certains textes de ce Maître en dramaturgie à des musiques de jazz suscitées par l'intensité des mots. Pour ce faire, ils ont sollicité deux partenaires britanniques : le saxophoniste Andy Sheppard, expert en lyrisme exacerbé, et Kristin Scott Thomas, voix singulière et diction sublime au service d'un monument littéraire. En ouverture, un prélude instrumental qui tourne autour d'une chanson française contemporaine de Shakespeare, Le Roi a fait battre tambour, évocation allusive d'un drame dont le poète de Stratford-sur-Avon eût certainement fait son miel.... Puis c'est un florilège d'instants privilégiés de ce grand théâtre : le tragique destin de l'enfant perdue des Contes d'hiver ; la vengeance dans le pardon de Prospero ; l'invitation à la danse de Capulet ; l'amour criminel et jaloux d'Othello ; l'amour passionné et tragique de Juliette ; la désarmante sincérité de Cordelia ; le désarroi d'Hamlet ; l'aveuglement égotiste de Macbeth ; la colère hallucinée de Caliban ; et la douce sorcellerie de Puck : tout Shakespeare défile en un cortège d'émois, de passions et de drames. La voix de Kristin Scott Thomas, tantôt contenue dans une réserve où le texte se magnifie, tantôt furieusement expressive (Capulet, Macbeth, Caliban) sera le fil sur quoi s'édifie la musique. L'ambition du projet initial est totalement réalisée, et la réussite indiscutable : on se précipite sur cette ode à la terrible beauté, littéraire et musicale !

Xavier Prévost

« Shakespeare Songs » sera en concert le samedi 5 décembre à 20h à Paris, Maison de la Poésie, avec pour récitante Delphine Lanson

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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 12:47
IMUZZIC GRAND(S) ENSEMBLE « OVER THE HILLS »

imuZZic Grand(s) Ensemble : Jean Aussanaire (saxophones ténor & soprano), Alain Blesing (guitare), Rémi Gaudillat (trompette, bugle), Antoine Läng (voix, électronique), Perrine Mansuy (piano), Fred Roudet (trompette, bugle), Bernard Santacruz (contrebasse, guitare basse), Olivier Thémines (clarinette & clarinette basse), Bruno Tocanne (batterie).

Bourgoin Jallieu, avril 2015

IMR 008 / Muséa

À l'origine Escalator Over The Hill , une œuvre un peu folle de Carla Bley (triple 33 tours à l'époque, aujourd'hui 2 CD), sur des textes du poète Paul Haines, œuvre enregistrée entre 1968 et 1971 à la faveur des disponibilités des studios et des interprètes. Pas un opéra, ni un oratorio, mais selon leurs auteurs une chronotransduction, terme intraduisible qui évoque une sorte de voyage dans le temps et l'imaginaire. Œuvre légèrement pataphysique et totalement déjantée, à laquelle tout ce que New York comptait alors d'allumés notoires de la musique (tous styles confondus) apporta son concours : Jack Bruce, Linda Ronstadt, Gato Babieri, Don Cherry, John McLaughlin, Enrico Rava, Charlie Haden, Paul Motian, Sheila Jordan, Jeanne Lee, Don Preston, Jimmy Lyons, Howard Johnson, Roswell Rudd, Dewey Redman....). Puis le désir, tout aussi déraisonnable, chez Bernard Santacruz et Bruno Tocanne, d'en donner une nouvelle version, partielle et à neuf musiciens. Carla Bley, sollicitée pour donner son accord, leur dit : « Si vous êtes assez fous pour le faire, allez-y ! ». Ainsi fut fait. Au festival Djazz de Nevers 2014, où elle jouait en seconde partie de leur concert, Carla Bley leur manifesta son enthousiasme en venant avec eux saluer sur scène. Et quand elle a reçu le disque, tout récemment, et après l'avoir écouté en compagnie de Steve Swallow, elle leur a écrit ceci : « Nous avons écouté votre merveilleuse version d'ETOH hier soir et nous avons été stupéfaits et ravis comme nous l'avions été à Nevers. C'est une parfaite combinaison de l'ancien et du nouveau, du contrôle et de l'abandon, du réalisme et de l'abstraction... ». Et à l'écoute de ce disque, on ne peut que souscrire au jugement enthousiaste de la compositrice. Dix thèmes sont repris, arrangés par des membres de l'orchestre, et en ordre bouleversé, sur les 27 que comportait la version princeps. Des thèmes parfois développés, ou au contraire condensés, souvent métamorphosés, mais dans l'absolu respect de la magie originelle. Tout est là : la cérémonie des fanfares, mystérieuse, mélancolique ou enjouée ; l'énergie héritée du free jazz, canalisée par une ambition esthétique aboutie ; un esprit de fête et d'apocalypse tout à la fois ; une folle liberté des solistes, tous impeccables ; et un esprit collectif comme l'on en voit rarement. L'auditeur passionné que je fus de la version originale est totalement conquis par cette relecture amoureusement libre. Carla Bley a toutes les rasions du monde d'être comblée par le travail de ces doux énergumènes !

Xavier Prévost

L'ensemble imuZZicz jouera cette musique le 5 décembre à 17h30, à Paris, Maison de la Radio, pour la série « Jazz sur le vif » d'Arnaud Merlin. Ce concert sera diffusé sur France Musique le mercredi 9 décembre à 20h.

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 21:54
FIDEL FOURNEYRON « High Fidelity »

Fidel Fourneyron (trombone solo)

Germigny l'Exempt, 30 juin-2 juillet 2015

Umlaut UMCDFR 14 / http://www.umlautrecords.com

Fidel Fourneyron est infiniment représentatif de la génération de musiciens à laquelle il appartient (celle des jeunes trentenaires) : absolue polyvalence, extraordinaire ouverture d'esprit, extrême exigence musicale, et ce en toute simplicité. Depuis l'époque où, encore étudiant au département de jazz du CNSM de Paris, il m'épatait en compagnie de ses compères en proximité pyrénéenne (Paul Lay & Benjamin Dousteyssier) dans le très tristanien trio « Into The Lines », je n'ai pas cessé de l'écouter avec le plus grand plaisir. Membre de plusieurs collectifs (un signe générationnel), il participe à de grandes formations qui semblent diamétralement opposées : Radiation 10, « Tower Bridge » de Marc Ducret, « White Desert » d'Ève Risser, Surnatural Orchestra, Ping Machine, L'O.N.J. d'Olivier Benoit d'une part, et d'autre part le Duke Orchestra de Laurent Mignard, ou cette improbable phalange de modernistes forcenés (re)jouant la tradition : l'Umlaut Orchestra. Mais Fidel Fourneyron s'engage aussi dans de petites unités qui font bouger les repères esthétiques, comme Papanosh,où il fut invité, et Un Poco Loco. Quoi de plus naturel donc que, parcourant toutes les étapes du possible, il aboutisse au solo intégral, ce qui au trombone n'est pas un mince gageure, et présente quelques précédents très stimulants (Albert Mangelsdorff, Yves Robert....). Pari gagné, dès l'abord, pour cet instrumentiste curieux de tout, que l'on peut goûter en impeccable soliste dans un big band de facture classique, autant qu'en improvisateur libre de toute entrave dans l'émission « À l'improviste » d'Anne Montaron sur France Musique. Les figures imposées (sons multiphoniques, sourdine hyper expressive, modes de jeu hétérodoxes) tout est là ; avec en guise de surcroît une série de variations très libres sur le blues Mais l'essentiel est ailleurs, dans l'élaboration minutieuse d'un vocabulaire qui finit par sécréter sa grammaire propre, et un langage spécifique. Je sais, des esprits éclairés, et parfois brillants, ont entrepris de démontrer (et parfois même on prétendu l'avoir fait) que la musique n'est pas un langage. Mais je maintiens cette analogie, car elle me semble, dans le cas de Fidel Fourneyron, et de ce disque en solo, opérante, et pertinente. Une voix singulière nous parle : tendons l'oreille !

Xavier Prévost

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29 novembre 2015 7 29 /11 /novembre /2015 21:27
LINX / FRESU/ WISSELS/WALLEME :: «  THE WHISTLEBLOWERS »

Bonsaï Music 2015

David Linx (vc), Paolo Fresu (flgh, tp, elec), Diederik Wissels (p, fender), Chrostophe Wallemme (cb, b), Helge Andreas Norbakken (dms, perc), Quartetto Alborada (stgs).

Soulful !

C’est un album magnifique dans lequel nous embarque celui qui est aujourd’hui l’un des plus grand chanteur de jazz de sa génération. Un album qu’il porte avec ses camarades et qui poursuit ici une route commencée il y a une dizaine d’années avec la trompettiste sarde et avec le pianiste Diederik Wissels notamment lorsqu’ils signaient l’album Heartland en 2001.

Ils reviennent aujourd’hui dans un nouvel opus où Wissels et Linx signent plus de la moitié des chansons, le pianiste pour livrer des mélodies absolument renversantes (il faudra un jour que quelques-uns de mes confrères se posent deux minutes sur les talents de compositions du pianiste) et le chanteur pour y poser des poèmes émouvants..

Dans cet album, il est question de vie. Il est question d’amour, de passion et de vie. Il est question de vie, d’exaltation de l’instant et de la beauté du monde. Oui il est question de vie. C’est une sorte de cœur battant au rythme de palpitations douces ou sauvages. Il est aussi question de voir ce et ceux qui nous entourent, avec plus d’amour. Comme une sorte d’ode à un monde meilleur. Peaceful.

David Linx immense chanteur porte la musique à son point d’extase. Comme si pour lui le chant était affaire de partage et d’ouverture. Entier. Engagé.

Paolo Fresu illumine quant à lui le propos comme s’il s’agissait d’une autre voix parfois caressante ou parfois transperçant l’espace. Pour Diederik Wissels, chacune de ses notes doit s’entendre comme l’exemple même de l’intelligence de l’accompagnateur, essentiel et génial à la fois. Et Christophe Walleme pour sa part ancre le jeu de ses trois compères dans une sorte de gravité légère. Comme si la gravité pouvait aussi donner des ailes.

Sur 4 titres le quartetto Alborada apporte un tapis de cordes d’une rare élégance.

Il y a dans cet album comme une sorte de symphonie au nouveau monde qui passe par la beauté de celui-ci. Les Whistleblowers sont des lanceurs d’alerte. Ils nous enjoignent en quelque sorte de nous donner corps et âme à la beauté de l’instant. Il n’y a finalement qu’à les écouter et les suivre.

Jean-Marc Gelin

NB : Regardez sur la vidéo de Matthieu Wilson l’étendue de ce qui passe par le visage du chanteur, expressif à chacune des intentions de la voix.

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