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4 juillet 2016 1 04 /07 /juillet /2016 15:28
TROIS ESCAPADES au PARIS JAZZ FESTIVAL

Nasheet Waits "Equality Quartet" sur la scène du Paris Jazz Festival, au Parc Floral

Parc Floral de Paris, Bois de Vincennes

Daniel Humair Quartet, 19 juin 2016

Nasheet Waits Quartet, 2 juillet 2016

Toni Green & Malted Milk, 3 juillet 2016

L'offre est pléthorique en Ile-de France au début de l'été : festivals ou programmations spéciales dans les clubs (qui profitent du passage des tournées estivales et américaines....), festival Django Reinhardt.... et Paris Jazz Festival au Parc Floral de Paris. Le festival du Bois de Vincennes se tient chaque week-end jusqu'à la fin de juillet. Fidèle à sa réputation d'éclectisme et de diversité, il sait toujours offrir, à côté des indispensables événements « grand public » (ce que justifie la nature du lieu, à la jauge extensible par beau temps -lequel fit hélas, cette année, un peu défaut), des programmes plus pointus. Les programmations sont thématisées chaque week-end, et alternent souvent concerts « sur l'eau » (avec une barge posée sur un bassin) et prestations abritées sur la grande scène de l'Espace Delta. C'est dans ce lieu protégé des intempéries que se déroulaient les concerts ici évoqués.

Daniel Humair d'abord, au sein d'un week-end helvétique, et entouré de la jeune garde du jazz hexagonal. Ce groupe récent (une dizaine de concerts jusqu'alors), rassemble Vincent Lê Quang, Fabrice Matinez et Stéphane Kerecki. L'ambiance est sereine et le batteur, manifestement heureux d'être là, présente ses partenaires avec un chaleureux humour. Les thèmes sont issus des différentes périodes de la carrière du leader (avec une indispensable composition de François Jeanneau), le musique est vive, tendue, et chacun s'y jette avec audace, à mesure de ses talents, lesquels sont pour chacun d'eux considérables. Bref c'est une fête pour la musique, deux jours avant les festivités officielles du 21 juin !

Vient ensuite le week-end états-unien, avec le samedi une perle rare : le quartette "Equality" du batteur Nasheet Waits. Il était venu l'an dernier en sideman dans le groupe du trompettiste Avishai Cohen, ce qui a donné l'envie à Pierrette Devineau, directrice du festival, de l'inviter cette année avec son propre groupe. Le répertoire est signé par chacun des membres : le batteur bien sûr, mais aussi le contrebassiste Mark Helias (magnifique composition !), le saxophoniste alto Darius Jones (un blues torride et dévoyé, avec intro free en solo), et le jeune pianiste cubain Abel Marcel, entendu notamment au côté de David Murray. Il y eut aussi une très belle composition d'Andrew Hill, hommage suscité par l'anniversaire du pianiste-compositeur deux jours plus tôt. Le batteur, très présent par un drumming intense et subtil, joue cependant très collectif. Les solistes sont impressionnants, même si mes oreilles, comme celles de quelques amis présents, étaient irritées par la propension obstinée du saxophoniste à jouer en dessous du diapason dès que l'on allait vers le médium et le bas-médium.... Mark Helias est toujours d'une absolue pertinence, et le pianiste éblouit par la puissance de son jeu, lequel réserve aussi des espaces très nuancés. Bref, et malgré les offenses du saxophoniste au diapason, ce fut un beau moment de musique.

Le lendemain la scène de l'Espace Delta était investie par la chanteuse Toni Green, vocaliste de Memphis qui se produit régulièrement avec un très bon groupe de soul-funk nantais, Malted Milk. Ils s'étaient déjà produits voici deux ans sur cette scène pour les Victoires du jazz. Sebastian Danchin, directeur artistique du festival et spécialiste justement renommé de la musique populaire afro-américaine, est à l'origine de cette programmation. Qu'il en soit remercié ! La chanteuse «fait le show», dans la grande tradition, mais le respect de l'idiome est là, profondément ancré . Soul et funk laisseront aussi place à un blues torride, émaillé de chorus instrumentaux de la plus belle eau. Malgré le crachin obstiné qui pourrait gâcher la fête pour ceux qui n'ont pas trouvé abri sous le très grand velum, la chanteuse « met le feu » et l'incendie des âmes (le propre de la soul music?) n'est pas prêt de s'éteindre dans le cœur des spectateurs.

Xavier Prévost

Prochains week-ends thématiques au Paris Jazz Festival : Espagne le 9 juillet, Arménie le 16, musique afro-cubaine le 23, et rencontres classique & jazz le 30. Détails sur le site www.parisjazzfestival.fr

Toni Green sur la scène du Paris Jazz Festival au Parc Floral

Toni Green sur la scène du Paris Jazz Festival au Parc Floral

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3 juillet 2016 7 03 /07 /juillet /2016 15:52
@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

Festival International de Jazz à Montreal ( 4/4)


Hier, dernière soirée à Montreal pour un programme light alors que le festival s’apprête le lendemain à recevoir un gigantesque concert en plein air de Jamie Cullum pour ce qui s’annonce être d’avance l’un des futur moment fort de cette 37ème édition.

Pour l’heure c’est dans le petit club de l’Astral que j’ai démarré la soirée avec la chanteuse de Sammois , Cyrille Aimé que j’avais eu le plaisir d’interviewer dans ces colonnes à l’occasion de la sortie de son album « Let’s get lost ». (http://www.lesdnj.com/2016/03/cyrille-aimee-let-s-get-lost.html)

@Jean-Marc Gelin
@Jean-Marc Gelin

Cyrille Aimée : un petit oiseau sur sa branche
( L’Astral - 305 rue Ste Catherine Ouest)

La chanteuse tel un petit chaperon arrive sur scène toute de rouge vêtue et met en deux tempi trois mouvements le public dans sa poche en démarrant un scat d’enfer sur Live alone and like it. Il faut dire que la chanteuse de Sammois, pays de Django a trouvé la recette de charme pour conquérir le public de ce côté-ci de l’Atlantique portée par une voix impeccable et une formation composée de formidables musicien venus tout droit du jazz manouche. Des arrangements efficaces, des chansons simples, un sens du swing et un Adrien Moignard qui à la guitare acoustique joue terrible, emballe la salle avec ses impros et trouve avec Michael Valeanu l’autre guitariste, une excellente contrepartie. La chanteuse égrène son dernier album avec cette belle chanson d’Edith Piaf (T’es beau), une belle chanson hispanisante ( sa maman est de la république dominicaine), Estrellas y duendes, puis continue avec un arrangement intéressant de Well you need’nt.
Tel un oiseau sur sa branche, Cyrille Aimée vit une vie de chanteuse libre, avec une vraie personnalité musicale. Ce petit quelque chose qui tient de l’envol du rouge gorge ou de la fauvette. Cette apparente simplicité qui n’appartient qu’à elle et qui la fait s’envoler si gracieusement

Je sort de là bien sûr, ravi et enchanté de ce moment délicieux qui, l’espace de quelques concerts nous fait oublier les tristes nouvelles venues de France. Et je poursuis sur la trace d’un saxophoniste de légende.

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

James Carter déchaîné !
(Gesùs 1200 rue de Bleury)

C’est un James Carter dans une forme éblouissante qui arrive sur la scène du Gésus avec sa formation ( Morgan trio) et ses deux acolytes , l’organiste Gérard Gibbs et Alex White à la batterie. L’ombre de Django plane sur cette soirée puisque le thème du programme du saxophoniste est « Django unchained », non pas en référence au film de Tarentino mais bien en hommage au guitariste de Sammois avec un revisitation du repertoire de Django qui démarre par un étonnant "Manoir de mes rêves" totalement transfiguré.

Le multi-saxophoniste de Detroit est visiblement heureux être là et pour l’heure s’il y a bien quelqu’un qui est déchainé c’est Carter, totalement hilare sur scène, jouant avec la puissance qu’on lui connaît, dansant sur les chorus de Gibbs, riant à gorge déployée bref faisant le show !

captation youtube d'un autre concert, mais qui donne bien le ton de la soirée

Les morceaux eux, en revanche s’enchaînent avec force explosion de sax et force est de reconnaître que le son de James Carter est ébouriffant. Dans la lignée des grands ténors américains. Dans celle des David Murray, Davis S. Ware ou Maceo Parker. De cette lignée au son rauque et ultra puissant qui me fait un peu penser à Earl Bostic, ce saxophoniste au son déchiré.
Spectaculaire mais un poil ( mais alors un bon gros poil) démonstratif.
On retient quand même la formidable énergie et la bonne humeur communicative de ce concert. Un Gérard Gibbs qui prend des airs de Jimmy Smith et un Alex White surevolté.
C’est sûr ce trio envoie du lourd !


Voilà, festival terminé pour moi.

Quand je regarde ce qui attend les heureux festivaliers qui restent encore toute la semaine et cette affiche incroyable qui fait de Montreal et de son festival, la vraie capitale mondiale du jazz, je me décide d’y prendre racine tous les ans.
Parce que franchement moi j' vous l’dis : on aurait tort de se priver…..

Des becs à vous tous,
et à bientôt pour de nouvelles aventures en jazz !

Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

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2 juillet 2016 6 02 /07 /juillet /2016 17:03

Hier , jour férié à Montreal et de tout le Canada d’ailleurs. Fête nationale. Mais les frenchies bossent et j’ai donc accompagné mon ami, Alex Dutilh, producteur sur France Musique de l’émission Open Jazz dans les studios de Radio Canada où il recevait le directeur artistique du festival, André Menard. L’occasion si vous réécoutez l’émission d’entendre des extraits des concerts dont je vous parlais hier et notamment cette magnifique ouverture de celui de Chris Potter qui me laisse encore chancelant d’émotion.

L’émission est à réécouter ici…..

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

Petite pause déjeuner au Bouillon Blik, restaurant que je vous recommande au passage chaleureusement, au 1595 Boulevard St Laurent. Si je vous parlais du poulet de cornouailles, polenta, crevettes nordiques, bisque, poireau, champignons , asperges, pêche, romesco, amandes ce serait comme prendre un chorus sur My Favorite things !
Une tuerie !

Festival International de Jazz à Montréal ( 3/4)

Place au jazz avec mes billets en poche

Festival International de Jazz à Montréal ( 3/4)

Quand Susie Rie…..
J’ai commencé par un concert de la chanteuse Susie Arioli au Club Soda (1225 Bd Saint Laurent).
L’endroit est charmant. Entre Club de jazz et théâtre. Chaleureux. Un écrin pour la chanteuse qui se sentait visiblement comme à la maison, hyper relax et décontractée, plaisantant avec le public avec lequel elle a l’air de se sentir, comme en famille.
Une section rythmique ( p, cb, dm, g) + trois soufflants ( ts, tp, as) pour un concert de standards de jazz avec une orchestration très West Coast. On se croirait à San Francisco à un concert d’Anita O’ Day dans les années 50 avec un trompettiste à la Jack Sheldon.
Susie Arioli chante sans façons sans chichis mais avec une redoutable efficacité ( Mean to me, After you’e gone, Je bois (de Boris Vian), Lover boy etc…). Susie est une vraie show woman et
ça le fait carrément et je sors de là avec une pêche d’enfer pour aller retrouver le concert de Chick Corea.

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

Chick forever….
Du Club Soda à la Maison Symphonique il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement et entre les gouttes (de pluie).
Salle évidemment comble.
Chick Corea arrive sur scène accompagné de ses deux acolytes le colossal Christian Mc Bride avec sa contrebasse et le si raffiné Brian Blade avec ses cymbales.
Corea visiblement content d’être là sort de sa poche son smartphone et prend quelques photos de nous, le public. Attends Chick, si tu veux je viens te la dédicacer !
Et puis, pour s’accorder, il entreprend de faire chanter le public. Et là le premier chorus de Mc Bride est juste énorme. Et durant tout le concert, le contrebassiste va atteindre des sommets. C’est vrai que le pianiste s’accompagne souvent de contrebassistes très présent ( Avisai Cohen p.ex) et hier soir Mc bride prenait des airs et des sons de Mingus multipliant les chorus de très haute volée. Chick Corea est totalement libéré et aérien. Un morceau dédié à Miles et dont les harmonies reprennent celles de Someday My Prince will come suivi d’un Sophisticated Lady où c’est presque Corea et Blade qui se transforment en accompagnateur de Mc Bride. Pour conclure, Chick Corea nous offre un thème de Bud Powell qu’il avoue avoir écouté à l’âge de 5 ans, se désespérant alors de ne jamais pouvoir arriver à jouer aussi vite que lui.

Festival International de Jazz à Montréal ( 3/4)
Festival International de Jazz à Montréal ( 3/4)

Et puisque l’on parle de génie en herbe, j’en profite pour filer au concert du nouveau prodige du jazz venu tout droit d’Indonésie, le (très) jeune pianiste Joey Alexander.

Joey Alexander, ou le prodige incarné

J’étais en effet assez curieux de découvrir pour la première fois ce tout jeune pianiste de 13 ans dont je vous avais parlé dans ces colonnes (http://www.lesdnj.com/2015/05/joey-alexander-my-favourite-things.html). C’est assez drôle de penser que Joe Alexander, lorsqu’il n’est pas un pur génie du piano va, comme tous les enfants de son âge… l’école . Et il faut le savoir qu’il ne peut venir jouer que durant les vacances scolaires ( !!). Ma première émotion de la soirée fut donc de découvrir sa maman venue s’asseoir juste à côté de moi. La voir ainsi, s’installer dans le public avec une délicate discrétion pour se transformer ensuite en fan absolue de son génie de fiston, enregistrant tous ses morceaux avec soin, se levant presque à chaque chorus, s’émerveillant lorsque Joe s’adresse au public avec des mots choisis, bref cachant avec tact une immense fierté m’a franchement touché. Au deuxième morceau elle se tourne vers moi et me dis avec enthousiasme, là où on pourrait la croire blasée : « c’est My blues, un morceau que Joe a composé lui-même ».
Pour le reste c’était bien sur un concert hallucinant : Résolution ou Giant steps de Coltrane, Summertime, It might be Spring etc…..
Joe Alexander fait montre ( déjà !) de beaucoup de métier.
Sa science de l’improvisation se passe de mots. Elle s’accompagne d’une immense créativité dans chacun de ses chorus où il déploie une énergie décoiffante. Alors qu’au début du concert ( certainement le trac) il semblait attaquer doucement le clavier, la suite devint assez échevelée martelant ainsi le piano d’un jeu en blocks chords et mettant le feu dans le public. Pour ma part si je suis totalement bluffé par la très grande maturité de son jeu et de toutes les intentions qu’il met dans ses interventions, par son lyrisme autant que par les reliefs qu’il met dans son jeu j’ai été un peu frustré de ne pas l’entendre jouer de ballades. Du coup cela était un poil démonstratif (mais heureusement il ne s’Hiromise pas) tout en restant dans une intelligence du jeu exceptionnelle.

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

Finalement il commence à se faire tard.

Je rentre à mon hôtel tout en prenant le temps d'absorber toutes les musiques qui me viennent des scènes de la rue.

Le coeur de Montreal bat et vibre.

Moi aussi

@Jean-marc Gelin

@Jean-marc Gelin

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1 juillet 2016 5 01 /07 /juillet /2016 14:47
@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin


Décidément pendant le festival, cette ville s’est installée dans le jazz. C'est bien simple, il y en a partout autour de vous. Et pour tout le monde.

Pérégrinations du matin.

Au détour d'une déambulation qui m'amène à entrer dans un centre commercial, ce sont les enfants qui sont conviés à la fête pour une Petite Ecole du Jazz bien réjouissante.

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

Un peu plus loin ce sont des fanfares ou des orchestres de rue qui prennent place dans le quartier, entre deux concerts et lui donne presque des airs de Nouvelle-Orléans.
De la musique non-stop....

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

Conférence de presse à la Maison du festival où André Menard, le directeur du festival récompense du prix Bruce Lundvall le travail du producteur JIM WEST, fondateur du label canadien Just in Time ( Kenny Wheeler, Oliver Jones, Myriam Alter, Cecil Mc Lorin etc….). Petite séance sympa en toute intimité. Où André Menard se souvient de l'époque où Diana Krall franchissait pour la première fois les portes de ce festival, morte de trouille et d'une timidité confondante.

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

Puis les choses se mirent à démarrer avec un premier concert en plein air d'un jeune trompettiste anglais que je ne connaissais pas, Matthew HALSALL. Approche très coltranienne ( jusqu'à intégrer une harpiste dans sa formation) pour une musique modale qui révèle ce jeune talent de la scène britannique. Ca ne décolle pas vraiment mais peu importe , il y a du monde et je surprend le jeune trompettiste certainement impressionné de se retrouver là, sortir son smartphone pour prendre une photo du public.

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

Pas trop le temps de lésiner car je dois vite filer à la Maison Symphonique pour retrouver le célèbre Jazz at The Lincoln Center Orchestra dirigé par Wynton Marsalis. Le soyeux de cet orchestre, l'intelligence de la direction du trompettiste, la beauté des arrangements et l'excellence des solistes en font ( évidemment pourrait t-on dire...) l'un des plus beaux big band dans la plus tradition.

Le répértoire y est très Ellingtonien ( ça tombe bien il paraît qu'il y a des gens de la famille du Duke dans la salle). De quoi se lécher les babines avec un Braggin in Brass ( 1938) ou encore une belle compo de Strayhorn, Isfahan ( 1967) sur laquelle l'altiste, la montagne Sherman Irby se transforme en monument de pure tendresse et de douceur incarnée.

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

Festival International de jazz à Montreal ( 2/4)

Je file ensuite pour ce qui va être pour moi le premier choc de ce festival, le concert énorme de CHRIS POTTER !!!

Avec Joe Martin à la contrebasse et Marcus Gillmore à la batterie, le saxophoniste de Chicago donna hier soir un concert à sa dimension : immense !

Si Chris Potter affirmait durant ce concert avoir été très largement influencé par Johny Hodges, c'est surtout et évidemment à Sonny Rollins que l'on pense en l'entendant.

Le continuateur du maître. Le fils prodige.

Un son gravé dans le roc, projeté avec une puissance et une énergie hallucinantes, un placement rythmique hors du commun. Avec Potter c'est 1000 variations en une seule phrase, passant du staccato au légato et du forte au piano dans un seul et même geste.

Et tout y passe. Un superbe thème de Police, un blues ultra rollinsien, un thème de Hodges

et au final une conclusion échevelé sur Ask me Now ( Thelonious Monk) que Potter avait entendu Joe Henderson jouer plusieurs fois. A coup sûr l'élève était là, sur le point de dépasser le maître.

Et s'il est des "saxophone colossus" , assurément la claque que nous a mis Chris Potter hier soir, montre qu'il fait partie de la clique des très très grands.

Festival International de jazz à Montreal ( 2/4)

Finalement pour me remettre de mes émotions je termine la soirée Place Heineken où tous les soirs après minuit la légende du folk song québecois, le guitariste Jordan Officer ( vous vous souvenez le disque avec Susie Arioli http://www.lesdnj.com/article-2126454.html ) donne à l'endroit des airs de bar country où les cow-boys viennent boire de la bière et jouer des coudes.

Totalement décalé dans le contexte mais tellement bon !

@Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

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24 mai 2016 2 24 /05 /mai /2016 15:43
EUROPA JAZZ : Une journée mancelle

Journée chargée au festival Europa Jazz du Mans: chargée de concerts (cinq groupes entre midi et minuit!) et d'émotions fortes. Depuis les duos vertigineux de l'après-midi à La Fonderie, jusqu'à la renaissance du répertoire de Brotherhood of Breath en fin de soirée à l'Abbaye de l'Épau, et en passant par les deux créations du jour, ce fut une succession de temps forts, d'émois conjugués de surprise et de nostalgie, et un constant bonheur d'immersion dans la musique.

THÉO CECCALDI - ROBERTO NEGRO « Danse de salon »

Théo Ceccaldi (violon), Roberto Negro (piano)

Le Mans, La Fonderie, 21 mai 2016, 12h15

La journée commençait en trombe, à La Fonderie - Théâtre du Radeau, avec le très étonnant duo de Théo Ceccaldi et Roberto Negro. L'intitulé, « Danse de salon », paraît d'autant plus mystérieux que les premières minutes se déroulent dans un esprit de musique de chambre (laquelle est née dans les salons mais ne porte pas précisément à danser). On pense à Bartok, pour les intervalles distendus, à Alban Berg, pour le lyrisme intense, à Ravel, et au deuxième mouvement « blues » de la Sonate pour violon et piano.... Le violon a parfois une exquise rondeur d'alto. Puis l'on entre dans la danse, et tout y passe : rhythm'n'Blues, tarentelle, menuet mozartien, free calypso, valse à la Satie (peut-être noble et sentimentale....), vertige tzigane, tango ou polka, pour accoster sur la plage de Philip Glass et d'Einstein on the Beach. Époustouflant de bout en bout, par la réactivité, la connivence, qui fait que l'on jurerait que tout cela est totalement spontané alors que c'est manifestement le résultat d'une vrai maturation, mais qui laisse toute liberté à l'instant du concert. Public conquis, et rappel en forme de patchwork express : magistral !

EUROPA JAZZ : Une journée mancelle

MICHEL GODARD – GÜNTER SOMMER Duo

Michel Godard (tuba, serpent, guitare basse), Günter Sommer (batterie, percussions, guimbarde)

Le Mans, La Fonderie, 21 mai 2016, 15h

C'est un plaisir de retrouver deux habitués, dans des groupes distincts, du festival des premières décennies (80-90), cette fois ensemble, et dans un duo qui a vu le jour en 2014 pour Jazzdor Berlin, le prolongement berlinois du festival Jazzdor de Strasbourg. Stupéfiante agilité virtuose de Günter « Baby » Sommer, batteur-percussionniste d'Allemagne orientale, et qui est l'une des grandes figures de l'instrument, dans sa version libérée de toute entrave, depuis les années 70. Gestuelle idéale, goût du jeu et de la surprise, espièglerie, profonde musicalité : tout est là. Face à lui Michel Godard, tout autant musical et virtuose, pétri d'un humour pince-sans-rire. Ils échangent, se surprennent, se font des niches : nous les suivons, ils nous manipulent, et nous nous laissons faire de bonne grâce. Ils nous gratifient d'une étonnante version de My Heart Belongs To Daddy, qui ressemble parfois au Buena Sera de Louis Prima, mais partent le plus souvent sans filet, avec un sens rare de l'équilibre. Un court solo de chacun complète notre bonheur, et après un épisode percussif sur la sculpture florale offerte aux artistes, la vraie conclusion se fait en rappel pour l'alliance inédite de la guimbarde et du serpent : jouissif !

EUROPA JAZZ : Une journée mancelle

ALEXANDRE GOSSE Quintet (Création)

Alexandre Gosse (piano, composition), Régis Huby (violon), Sylvain Kassap et Olivier Thémines (clarinettes & clarinettes basses), Claude Tchamitchian (contrebasse)

Le Mans, La Fonderie, 21 mai 2016, 17 h

Le pianiste Alexandre Gosse, qui dirige le département de jazz du Conservatoire de Laval, est un pianiste et compositeur dont la réputation excède les limite du Grand Ouest. Europa Jazz l'a invité pour une création, en lui offrant pour partenaires le gratin de la scène hexagonale, avec des musiciens pour le plupart à l'affiche du festival cette année, dans des groupes différents. Le concert repose sur une grande pièce, intitulée Paréidolie, en allusion à l'illusion d'optique qui naît dans le cerveau quand nous croyons voir une forme humaine ou animale dans un objet d'une toute autre nature. Le déroulement de la création est basé sur le contraste,fluide ou anguleux selon les instants, entre des parties écrites dans un esprit de musique de chambre, et des incartades improvisées des solistes. Ici encore on pense furtivement à Alban Berg, avant le déboulé véhément de Sylvain Kassap à la clarinette basse, suivi d'un solo très mélodique d'Olivier Thémines à la clarinette. Tout au long de la pièce des échanges se font en dialogue, lyrique ou emporté, entre Régis Huby, Claude Tchamitchian, Alexandre Gosse et les deux souffleurs. La souple pulsation du jazz surgit à intervalles réguliers, comme pour rappeler que c'est là le fil conducteur, la matrice, et peut-être le but ultime. On navigue constamment du tonal au « total chromatique » en passant par le modal, à l'image de ce qu'explore avec constance le jazz contemporain. Malgré la relative fragilité d'une première, forcément perfectible, ce fut une réussite.

EUROPA JAZZ : Une journée mancelle

STEPHAN OLIVA - SÉBASTIEN BOISSEAU – TOM RAINEY Trio (Création)

Stephan Oliva (piano), Sébastien Boisseau (contrebasse), Tom Rainey (Batterie)

Le Mans, Abbaye de l'Épau, 21 mai 2016, 20h30

Les concerts du soir se déroulaient dans le rituel et magnifique dortoir des moines de l'Abbaye de l' Abbaye de l'Épau, sous une voûte lambrissée qui respire le mystère des siècles écoulés. Le festival Europa Jazz a permis de rassembler ce trio inédit à la faveur d'une création. Ces musiciens, leur parcours l'atteste, sont liés par une communauté de pensée et d'attitude à l'égard de la musique. C'est donc avec une véritable impatience, doublée de curiosité, que l'on assistait à cette première. Les compositions sont signées par le pianiste et le contrebassiste, et l'on promet aussi des compositions du batteur pour une prochaine tournée. Le premier thème, Intérieur Nuit de Stephan Oliva (tiré du second disque en trio avec Bruno Chevillon et Paul Motian « Intérieur, 2001), nous plonge d'emblée dans un univers qui va déboucher sur des séquences rythmiques serrées et des accords larges, façon Sacre du Printemps. Ce seront ensuite un hommage à Gene Tierney, tiré de l'album « After Noir », et Sach's March. Le trilogue fait merveille, entre le piano dont chaque note est pesée à son exacte intensité expressive ; la contrebasse, qui nourrit la tension en évitant tout cliché ; et la batterie, jouée aux balais, aux mailloches ou à mains nues, qui ponctue, relance, et joue aussi à contourner les accents trop convenus. Viennent alors deux compositions de Sébastien Boisseau, inspirée par la Hongrie, où il joue souvent : mélancolie thématique tendance Lover Man ou The Man I Love, puis tensions harmoniques très jouissives. Et l'on revient aux compositions du pianiste avec un thème par lui écrit pour le film « Les liens du sang » de Jacques Maillot : intro de contrebasse, nostalgique, qui rappelle au chroniqueur l'atmosphère du disque « December Poems » de Gary Peacock ; solo de batterie à mains nues ; et toujours ce piano qui respire la nuance jusqu'à se fondre dans l'imaginaire. Après un dernier thème très vif, contrebasse cursive et piano en cavalcade, ce sera en rappel, toujours en pleine vivacité : Blues for Ornette, enregistré par le pianiste en 1993 et en solo, pour le CD « Clair Obscur ». La boucle est bouclée, la rencontre est plus que fructueuse, et cette création aura l'avenir d'une tournée en décembre 2016 ; et d'autres on l'espère !

EUROPA JAZZ : Une journée mancelle

« BROTHERHOOD HERITAGE » : Michel Marre (trompette, bugle, cornet), Alain Vankenhove (trompette, bugle), Jean-Louis Pommier et Mathias Mahler (trombones), Chris Biscoe (saxophone alto, clarinette alto), Raphaël Imbert (saxophone ténor), François Corneloup (saxophone baryton), François Raulin (piano), Didier Levallet (contrebasse), Simon Goubert (batterie)

Le Mans, Abbaye de l'Épau, 21 mai 2016, 22h

Plusieurs festivals se sont associés en coproduction pour cette re-création du Brotherhood of Breath, mythique grande formation du pianiste sud-africain Chris McGregor, qui s'est installé dans notre pays dans les années 70, et s'est éteint à Albi en 1990. La création a eu lieu le 7 mai au festival Jazz sous les pommiers, et Le Mans accueillait la deuxième représentation de ce programme. Didier Levallet, qui avait joué dans la fameuse confrérie du souffle au début des années 80, avait à cœur de rendre au pianiste sud-africain cet hommage, donné au Mans en présence de sa femme Maxine, et de son fils Kei. Le pianiste François Raulin, passionné par l'univers de ce musicien, est l'autre artisan de cette aventure, dont on remarque qu'elle accueille un autre partenaire historique de Chris McGregor : le saxophoniste alto Chris Biscoe. Après Andromeda, un thème emblématique du compositeur sud-africain, l'orchestre a joué deux compositions de François Raulin conçues comme des hommages, et aussi Chris McG, que Didier Levallet avait composé en 1991 pour son tentet « Générations » (dans les rangs duquel on retrouvait Chris Biscoe). Mais le principal hommage, c'était bien sûr de rejouer le répertoire de la Confrérie du Souffle : bouffées de rythmes enfiévrés marqués par l'Afrique, mais aussi par les musique de la Caraïbe, sans oublier l'admirable Maxine, aux couleurs ellingtoniennes (et peut-être plus encore celles de Billy Strayhorn). Il y eut aussi des thèmes des compagnons historique de Chris Mc Gregor, comme le formidable Sonia de Mongezi Feza. Bref un formidable mélange de nostalgie et de joie légère. Tous les membres de l'orchestre ont donné des solos enflammés, et la soirée s'est terminé avec une partie du public dansant sur scène au milieu des musiciens. Ce joyeux bordel ressemblait au finale des concerts de Brotherhood of Breath auxquels j'avais eu naguère la chance d'assister (Angoulême au festival, Paris au New Morning.....). C'était là le plus bel hommage que l'on pouvait rendre à Chris McGregor et à sa mythique confrérie !

Xavier Prévost

A retrouver au cours des prochains mois aux festivals de Cluny et Nevers, aux Rendez-vous de l'Erdre, à Jazzdor Strasbourg et à la MC2 de Grenoble.

EUROPA JAZZ : Une journée mancelle
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23 mai 2016 1 23 /05 /mai /2016 06:48
@jeanmarcgelin

@jeanmarcgelin

Au bout de deux jours de compétition, en marge du festival Jazz à Saint Germain des Près, le tremplin Jeunes Talents où 6 groupes se sont affrontés, a vu le jeune trio Joran Cariou remporter sa 15ème édition.

Une musique épurée dans la pure tradition des trios et un groove élégant aux lignes modales powerful. Un pianiste de haute volée, impressionnant dans ses improvisations, un contrebassiste énorme et un batteur au drive fin.

Que du bon !

Joran Cariou (p)

Damien Varaillon ( cb)

Stéphane Adsuar (dms)

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20 mai 2016 5 20 /05 /mai /2016 22:12
@sophie chambon
@sophie chambon


Mercredi 18 Mai 2016, Arles.
Stephan OLIVA (p) et Jean Marc Foltz (cl, bcl)
21 ème édition du 11 au 21 mai 2016
Retour à Arles, chapelle du Méjan sur les bords du Rhône pour un festival que l’on aime, Jazz in Arles au Méjan, à la programmation originale et pertinente de Jean Paul Ricard.
Cette année, le festival présente le tout nouveau programme, sobrement intitulé Gershwin du clarinettiste Jean Marc Foltz et du pianiste Stéphan Oliva, le lendemain de leur premier concert au Sunside, enregistré par TSF. L’album, déjà chroniqué aux DNJ par Xavier Prévost fut enregistré à la Buissonne, mixé en novembre dernier, et il sort sur le label Vision fugitive le 27 mai.
Hommage, tribut à l’élégance,l’énergie et la modernité de Gershwin ? Certes, mais pas au sens habituel du terme, me semble-t-il, tant la vision de ce duo est personnelle et intime. Ils retricotent avec toute leur sensibilité un répertoire aimé depuis longtemps, «voyageant librement d’une improvisation à une page de répertoire ». Gershwin éclaire la nuit de nos souvenirs d’une mélancolie douce et insistante, à la manière des films de Woody Allen, metteur en scène génial et clarinettiste jazz éclairé, à qui est d’ailleurs dédié l’un des thèmes « Fascinating Rhythm /Someone To Watch Over Me », tant il a créé des Bo inoubliables, inspirées du jazz « classique» dont il raffole.
On suit les chemins d’un compagnonnage peu balisé, assistant à la composition d’un patchwork de textures, de matières et de couleurs. Le duo nous fait «entendre» des scènes d’un film imaginaire où George Gershwin pressé par le temps, avide de tout connaître, s’attelle à plusieurs chantiers, composant furieusement les chefs d’œuvre symphoniques, la Rhapsody in Blue, Un Américain à Paris, le Concerto en Fa tout en écrivant pour les « musicals » de Broadway, le cinéma des studios, les films de Fred Astaire qui lui apporteront la gloire.
Ne faut-il pas alors une certaine assurance pour se lancer dans la traversée de l’œuvre d’un compositeur des plus prolifiques ? Les deux amis n’ont pas eu à l’apprivoiser longtemps tant ils s’y sentent chez eux. Foltz et Oliva savent comment ils vont parvenir à leur but : en insistant sur la clarté, l’élégance du phrasé, avec une façon très particulière, non d’étirer le temps, comme il me semblait au début, mais de jouer hors temps. Ils créent des intermezzi rêveurs, emboîtent des thèmes qui se répondent, « relisant » les morceaux comme ce « Gershwin‘s Dream », toujours dans un souci de cohérence ... Le résultat plonge dans le clair obscur d’une musique de rêve éveillé, qui reprend les standards au plus près, tout contre, dans leur substance même : « The man I love », « Somehow » (composition d’Oliva), « A Foggy Date/ Rhapsody in Blue theme »( JM Foltz), de l’opéra Porgy and Bess, « My Man Gone’s Now », « Summertime » jusqu’à l’aria final, « I Love (s) You Porgy » si poignant que les larmes vous viennent aux yeux. L’étonnante complicité qui les lie explique une interaction prodigieuse « télépathique » : ils n’ont jamais à (se) chercher trop longtemps, chacun s’élance à tour de rôle sur une voie, certain de la réponse de l’autre. D’où la finesse et l’évidence lumineuse qui ponctue et conclut chaque composition. Le public, des plus attentifs, embarque pour la première partie de ce concert, dans le vaisseau de la chapelle servi par le Steinway préparé comme il se doit par Alain Massonneau et la prise de son soignée de Bruno Rumen qui sculpte silences et suspens, conduisant doucement vers l’acoustique.
Pour le dernier set, remplaçant au pied levé la pianiste Kris Davis souffrante, notre duo enchaîne sans problème avec le programme de leur CD Visions Fugitives (qui donna le titre au label) en jouant ce thème de Prokofiev, Vitold Lutoslawski, Francis Poulenc ( Sonate pour clarinette et piano), des Variations d’Alban Berg, un thème d’Oliva intrigant, le tango Duke /Stravinsky, très cadencé, presque martial ( mais après tout, il existe bien un «Turkish Mambo » me souffle Stephan Oliva ), une sublime version de Naïma et une autre variation de la berceuse « Summertime » plus chaloupée, qui roule dans les graves du piano, mixée à leur façon avec un thème « Stereoscope ».Tout se déroule harmonieusement jusqu’au rappel même, souvenir de leur projet Soffio di Scelsi (concert de la Minoterie à Marseille en 2005), qui soulignait déjà le rapport étroit entre musique improvisée et contemporain, dédié à Scelsi, « l’homme du son » dont on peut trouver à la librairie Actes sud toute proche, des livres-référence.
Voilà un concert inoubliable où dans une même soirée, se joue une musique intense, travaillée par toutes sortes d’émotions : du jazz, du contemporain, du classique, des compositions où la technique sait pourtant se faire oublier, dans les mouvements les plus virtuoses ou les pièces les plus tendres. Un travail dans les marges, sur le souffle, en franchissant la ligne ténue, de démarcation entre composition et improvisation. On est à l’intérieur du son, du piano et des clarinettes (la clarinette basse plus moelleuse), ouvert à un au-delà dont ces musiciens, gardiens de l’éphémère, ont le secret.

Sophie Chambon

@sophie chambon

@sophie chambon

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20 mai 2016 5 20 /05 /mai /2016 21:54
JAZZ IN ARLES : Instant Sharings, quartette de Bruno Angelini

Tout commence par un matin de grève de la SNCF : afin de rallier depuis sa banlieue la Gare de Lyon, le chroniqueur francilien a dû, pour pallier les suppressions de RER, anticiper l'abandon du domicile ; et comme transports il y eut, presque à l'heure habituelle, ce premier but fut atteint avec une avance considérable. Occasion rêvée de s'offrir le luxe d'un café dans la décor majestueux du restaurant le Train bleu, et d'entamer la lecture du formidable livre d'Agnès Desarthe sur René Urtreger, Le Roi René (éditions Odile Jacob). Et cette lecture va enchanter les presque quatre heures de TGV jusqu'à l'escale arlésienne.

« INSTANT SHARINGS » : Bruno Angelini (piano, composition),

Régis Huby (violon, violon ténor, effets électroniques), Claude Tchamitchian (contrebasse),

Edward Perraud (batterie & percussions)

Arles, Chapelle du Méjan, 19 mai 2016, 20h30

La chapelle du Méjan demeure l'écrin idéal pour la programmation de Jazz in Arles, et singulièrement du groupe de Bruno Angelini : piano toujours exceptionnel, cadre intime, public motivé, attentif et empathique (sympathique aussi). Le programme est majoritairement celui du disque publié au printemps 2015 ( voir la chronique dans Les DNJ ), mais dans un ordre différent. La plupart des compositions sont signées par le pianiste, et s'y ajoutent des compositeurs admirés par le groupe : Wayne Shorter, Steve Swallow et Paul Motian. C'est le premier cité qui ouvre le set (le concert se joue en deux parties), avec Meridianne, un thème que le saxophoniste avait joué voici une vingtaine d'année en duo avec Herbie Hancock ; suivra Some Echoes de Steve Swallow. Vient ensuite une composition de Bruno Angelini qui figurait aussi sur le CD.

JAZZ IN ARLES : Instant Sharings, quartette de Bruno Angelini

Après l'entracte, et une autre compo extraite du disque, voici un tout nouveau thème. On est frappé d'emblée par la cohésion du groupe, l'adhésion de chacun au répertoire, et le considérable degré d'interaction que suggère l'intitulé : instant sharings, au-delà de la notion de partage, c'est dans l'univers numérique la connectivité instantanée, notion qui rejoint bien la haute connivence où se trouve un groupe de jazz. Car c'est bien de jazz qu'il s'agit : l'esprit de musique de chambre qui régnait sur le disque, et qui n'excluait nulle intensité, se trouve ici sublimé par une formidable expressivité, nuances et violences comprises. Dans ce nouveau thème, les quatre musiciens font entendre successivement (et parfois presque simultanément) l'harmonie des sphères et le chaos originel d'où naît le cosmos. On revient ensuite au répertoire déjà enregistré. Chacun trouve sa place dans cet espace démocratiquement partagé : le bassiste, avec son ancrage solide, et ses libres envolées, en pizzicato ou à l'archet, impressionne par son talent d'écoute qui le fait réagir avec nuance aux sollicitations de chacun ; le pianiste, qui mène la danse sur des indications souples et préalables, lesquelles laissent toujours place au génie de l'instantané ; le batteur-percussionniste, sans cesse à l'affût, pertinent, inventif et imprévisible ; le violoniste, qui privilégie ce soir-là le violon ténor, jouant finement des effets électroniques pour installer des tenues en boucles superposées sur lesquelles s'improvisent une véritable partita, qui sera relayée par la contrebasse à l'archet. On est émerveillé par un tel engagement et une telle connivence. Après un thème de Paul Motian, le concert se conclut provisoirement par une belle composition de Bruno Angelini en hommage à sa grand-mère marseillaise. Le public, comblé, rappelle la bande ; ce qui nous vaudra une toute nouvelle composition (promise à un prochain disque, on l'espère), Jardin perdu, merveille de mélodie nostalgique et de raffinement musical. On est conquis par ce beau voyage en terre de complicité musicale.

Xavier Prévost

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10 mai 2016 2 10 /05 /mai /2016 07:09
JAZZ SOUS LES POMMIERS 35 ème EDITION

Un grand millésime que l’édition 2016 de Jazz Sous les Pommiers à Coutances qui s’est déroulée du 30 avril au 07 mai. On a tendance à le dire chaque année, car la programmation est toujours soignée et inventive chez nos amis jazz-fan normands, mais il se trouve que cette année avait un goût de grand cru exceptionnel à plus d’un titre, avec une météo particulièrement clémente, où un soleil coquin chatouillait notre peau entre deux concerts et le souffle d’un vent modéré qui faisait que la douceur était toujours au rendez-vous à la tombée de la nuit.
Une réussite économique aussi avec un record d’affluence encore battu (38500 entrées), 41 concerts complets et un taux de remplissage de salles qui avoisine les 94 % ! Il s’agit bien sûr de la plus belle fréquentation de l’histoire du festival, mais nous savons que ce record sera au moins égalé (voir battu) l’année prochaine.
Comme toujours à Coutances, il y a des résidences d’artistes et des créations exceptionnelles : un total de sept cette année, dont trois autour la talentueuse résidente trompettiste Airelle Besson qui a réussi à convaincre la chanteuse coréenne Youn Sun Nah (en congé sabbatique depuis plus d’un an) de rompre exceptionnellement son silence pour le seul concert qu’elle effectuera cette année. Chapeau Airelle ! Ainsi qu’aux 25 musiciens de l’orchestre régional de Normandie dirigé par Alexandra Cravero qui se sont pleinement investis autour de cette rencontre magique et si fructifiante !
Prévue l’année dernière, la création du projet « Skydancers » d’Henri Texier, inspiré par les indiens de toutes les Amériques, a heureusement pu voir le jour cette année autour d’un formidable double plateau intitulé : « Texier, père et fils ». Le saxophoniste et clarinettiste Sébastien Texier a ouvert la marche et conquis le public du théâtre de Coutances avec son nouveau projet « Dreamers » en quartette avec orgue, guitare et batterie. Une musique réjouissante et chaleureuse, teintée de blues, de jazz et de soul, autour d’un groupe cohérent et homogène où la guitare de Pierre Durand nous a électrisé en permanence. La standing ovation après l’ultime rappel du sextette d’Henri Texier était amplement méritée au vu de la folle énergie déployée par tous les membres du groupe (Nguyên Lê, Armel Dupas, François Corneloup, Sébastien Texier et Louis Moutin) au service d’un remarquable discours poétique centré sur une musique qui vient à la fois des tripes et de la tête. C’était presqu’une bonne chose que ce concert fût reporté d’un an, car entre-temps, le disque a été enregistrée, le projet a tourné et la musique a pris des formes et des couleurs plus vives, plus contrastées et plus denses.
La création de François Raulin et Didier Levallet « Brotherhood Heritage » fût elle aussi passionnante, car elle rendait hommage à l’un des musiciens importants de l’histoire de Coutances : le pianiste et compositeur Sud-Africain Chris McGregor, chef d’orchestre du « Brotherood of Breath » (la confrérie du souffle !) qui joua en piano solo à la première édition du festival en 1982 et dont le groupe se produisit en clôture du festival 1990 malheureusement sans lui car il venait de décéder quelques heures plus tôt !
Le festival a réussi aussi des soirées thématiques exceptionnelles comme celle autour de blues et de la soul avec un double plateau particulièrement relevé qui réunissait Betty LaVette et l’immense Taj Mahal. Celle sur New-Orleans nous a permis de voir un projet réjouissant d’une Dee Dee Bridgewater en grande forme qui a fait le show en s’amusant à imiter Louis Armstrong, sans oublier de nous émouvoir avec des versions sublimes de Come Sunday et de C’est Ici Que Je T’Aime. Et puis Dee Dee n’oublia pas de rendre un vibrant hommage à Prince en interprétant au rappel un émouvant Purple Rain. Après DeeDee Bridgewater, accompagnée de l’orchestre du trompettiste et arrangeur néo-orléanais Irving Mayfield, place à un autre trompettiste de New Orleans, le talentueux Christian Scott, qui réussit l’exploit de garder un pied dans la tradition, tout en s’aventurant dans la modernité (avec notamment des rythmes électroniques joués en direct par le batteur à l’aide de pads) et la présence à ses côtés du brillant saxophoniste : Logan Richardson.
John Coltrane fût à l’honneur également avec un beau projet de Lionel Belmondo autour d’un big band avec Archie Shepp et Stéphane Belmondo en invités solistes. Un projet qui ressuscitait la période Atlantic de Coltrane où l’on a pu entendre une éblouissante version d’Olé (avec Shepp au soprano), un arrangement pertinent sur Like Sonny et un hommage inattendu (Yal) à Yusef Lateef, proche des frères Belmondo et disparu en décembre 2013.
Le plus beau et le plus émouvant concert du Festival fût aussi quelque part un hommage (indirect) à John Coltrane à travers le duo magique formé par le saxophoniste Charles Lloyd et le pianiste Jason Moran. Une spiritualité toute Coltranienne s’échappait des instruments des deux compères et lors d’un Monk’s Mood d’anthologie, l’on ne pouvait pas s’empêcher de penser à la version jouée par Monk et Trane en 1957 pour le label Riverside. Je vous conseille vivement de vous connecter sur Culture Box afin de revivre ce concert particulièrement exceptionnel, où les larmes aux yeux, j’ai pu croiser des confrères dans le même état que moi, et je dois vous avouer que ce fût extrêmement difficile d’enchaîner sur un autre concert après ce moment magistral !
N’oublions pas aussi de mentionner l’esprit globe-trotter du festival qui tous les ans aime tant nous faire voyager sur des musiques issues de pays éloignés. Cette année la Corée du Sud et le Congo (entre autre) étaient particulièrement à l’honneur. Concernant la Corée : la rencontre inédite entre l’octette coréen Baraji et la guitare de Nguyên Lê, le souffle conjoint de la flûte metallique de Joce Mienniel avec celle en roseau d’Aram Lee pour le projet « Wood & Steel », la présence des groupes « Black String » et [su :m] et puis celle de l’ensemble « The N.E.Q » où la musique traditionnelle coréenne côtoie un jazz contemporain dans l’esprit des productions ECM.
Pour le Congo, la présence du Mbongwana Star, qui enflamma le Magic Mirror et la réconciliation des deux Congos, initié par le génial Ray Lema autour du projet « Nzimbu » où Lema (originaire de Kinshasa) mêle sa voix et son piano aux voix enjouées de Ballou Canta et Fredy Masamba (originaires de Brazzaville) avec la complicité du fabuleux guitariste brésilien : Rodrigo Viana.
Signalons aussi une grande thématique autour du piano, avec une pléiade de pianistes talentueux qui à l’image du nombre de touches d’un clavier ont dû toucher au moins 88 fois l’heureux public de Coutances ! Citons le berlinois Michael Wollny en trio, le français Edouard Ferlet autour d’un beau projet sur Bach avec la claveciniste Violaine Cochard dans la cathédrale de Coutances, le vétéran René Urtreger (82 ans), déjà présent à la première édition du festival en 1982, le génial Bojan Z (en duo avec Julien Lorau), l’incroyable Jeff Neve, ainsi que les talentueux Laurent Courthaliac, Thomas Encho, François Chesnel et Laurent Coulondre.
Enfin, n’oublions pas non plus une belle brochette de saxophonistes, qui du soprano au baryton, nous ont durablement enchantés : Chris Potter, Geraldine Laurent, Céline Bonacina, Julien Lourau, David Sanborn, Raphaël Imbert, Emile Parisien, Julien Soro….
Huit jours intenses de bonheur, ivres de soleil et de musiques aussi belles que variées, autour d’une constante et sympathique convivialité. Il n’y a aucun doute, le rendez-vous est pris pour l’année prochaine du 20 au 27 mai 2017, pour la 36 ème édition de Jazz Sous les Pommiers !
Lionel Eskenazi

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29 mars 2016 2 29 /03 /mars /2016 15:46
GRAND PRIX JAZZ de l'ACADÉMIE CHARLES CROS 2015 et Prix ADAMI : le Roi René adoube  la Princesse Géraldine

Le samedi 26 mars 2016, René Urtreger, pour la première de ses deux soirées au Sunside, avait pour invitée la saxophoniste Géraldine Laurent. À la reprise du deuxième set Claude Carrière, qui représentait la « commission jazz » de l'Académie Charles Cros (Arnaud Merlin, Jean-Michel Proust, Claude Carrière, Philippe Carles, Alex Dutilh, Daniel Yvinec, Reza Ackbaraly…. et votre serviteur), remettait à Géraldine Laurent le Grand prix jazz 2015 et le prix ADAMI pour son disque «At Work» (Gazebo / L'Autre Distribution).

La remise des prix, initialement prévue le 18 novembre 2015 en public, dans le grand studio 104 de Radio France, avait été annulée comme toute les manifestations de la Maison de la Radio suite aux attentats du 13 novembre.

Grâce à l'hospitalité de Stéphane Portet qui dirige le Sunside, et à celle de René Urtreger qui avait invité la saxophoniste à se joindre à son trio régulier (Yves Torchinsky à la contrebasse & Éric Dervieu à la batterie) , la proclamation publique a pu avoir lieu dans l'enthousiasme du public, très nombreux, et conquis par le talent de Géraldine.

Une proclamation avait eu lieu avec les artistes sur les ondes de France Musique le 18 novembre, dans l'émission « Open Jazz » d'Alex Dutilh. Le faire en public quand Géraldine est l'invitée de René Urtreger prend tout son sens : en 2014, René avait reçu le Prix in Honorem Jazz de l'Académie Charles Cros pour l'ensemble de sa carrière, et c'était donc le Roi René qui adoubait la Princesse Géraldine.

Le Roi René, c'est le titre du roman vrai, dont René Urtreger est le héros, que la romancière Agnès Desarthe va publier fin avril chez Odile Jacob.

Xavier Prévost

Le palmarès 2015 de l'Académie Charles Cros

http://www.charlescros.org/palmares/index.php?annee=2015

GRAND PRIX JAZZ de l'ACADÉMIE CHARLES CROS 2015 et Prix ADAMI : le Roi René adoube  la Princesse Géraldine
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