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6 mars 2016 7 06 /03 /mars /2016 22:33
AMIENS : TENDANCE JAZZ 2016

Pendant la balance, le 3 mars, Henri Texier et ses invités

Pour célébrer les 30 ans de Label Bleu, la relance de son catalogue, et la réouverture du studio Gil Evans après d'importants travaux, la Maison de la Culture d'Amiens a programmé, trois jours durant, des concerts de jazz avec des artistes liés à l'histoire du label. L'événement s'est conclu le 5 mars avec un concert de Rokia Traoré : la chanteuse malienne est en effet une des personnalités marquantes de la collection Indigo, versant du label consacré aux musiques du monde. La veille Henri Texier présentait le sextette de son disque tout récent, « Sky Dancers », et Thomas de Pourquery se produisait en qualité de crooner avec le Red Star Orchestra, avec lequel il vient de publier chez Label Bleu le disque « Broadways ». Et le premier soir la Maison de la Cuture avait donné à Henri Texier, pilier du label (près de 20 références en trois décennies), une sorte de carte blanche. Sous le titre « Henri Texier invite.... », le contrebassiste avait convié des partenaires de longue date (Michel Portal, Bojan Z, Manu Codjia), et aussi deux nouvelles signatures du label : Thomas de Pourquery (cette fois dans son rôle de saxophoniste alto), et Edward Perraud, qui vient de publier sous la même étiquette un CD avec son groupe Das Kapital.

Dans le grand théâtre de la Maison de la Culture, Henri Texier a proposé, avec ce All Stars amical, une sélection des grands moments de son répertoire : Ô Elvin, de son avant dernier disque ; les « tubes » (parmi lesquelsColonel Skopje, Don't Buy Ivory Anymore, Desaparecido ) ; et quelques thèmes moins souvent joués comme Serious Seb ou Barth's Groove. Michel Portal et Bojan Z ont aussi joué en duo un thème d'Eddy Louiss qu'ils avaient naguère enregistré ensemble. Le tout dans une débauche d'intensité, de lyrisme, d'improvisations débridées et de ferveur qui laissa le public, chroniqueur inclus, pantelant et heureux. Ce concert sera diffusé le 27 avril sur France Musique, partenaire de l'événement. Et d'ici là on peut retrouver sur le site les deux émissions « Open jazz »d'Alex Dutilh, et le « Jazz Club » d'Yvan Amar, programmes diffusés en direct de la Maison de la Culture les 3 et 4 mars.

Xavier Prévost

Label Bleu a entrepris pour cet anniversaire la publication de 3 coffrets de 10 vinyles chacun, avec de grandes références du label. Première livraison le 4 mars avec 10 vinyles signés Rokia Traoré, Henri Texier, David Krakauer, George Russell, Daniel Goyone, Stefano Di Battista, Michel Portal, Bojan Z, Enrico Rava & Stefano Bollani. Le coffret suivant (Portal, Ducret, Palatino...) dans quelques semaines. ET à l'automne prochain Boubacar Traoré, Louis Sclavis, Romano-Sclavis-Texier « Carnet de Routes » etc....

Réécouter l'émission « Open Jazz » du 3 mars

http://www.francemusique.fr/emission/open-jazz/2015-2016/les-30-ans-de-label-bleu-amiens-1-2-avec-michel-portal-bojan-z-edward-perraud-et-manu-codjia-03-03

Réécouter l'émission « Open Jazz » du 4 mars

http://www.francemusique.fr/emission/open-jazz/2015-2016/les-30-ans-de-label-bleu-amiens-2-2-avec-henri-texier-thomas-de-pourquery-et-johane-myran-03-04

Réécouter l'émission « Jazz Club » du 4 mars avec Henri Texier et son groupe « Sky Dancers »

http://www.francemusique.fr/emission/jazz-club/2015-2016/henri-texier-sky-dancers-amiens-03-04-2016-22-30

Et retrouver le 27 avril le concert « Henri Texier invite.... » dans l'émission « Les Mercredis du jazz »

http://www.francemusique.fr/emission/les-mercredis-du-jazz

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16 novembre 2015 1 16 /11 /novembre /2015 22:17
D'JAZZ NEVERS FESTIVAL : LES DEUX DERNIÈRES SOIRÉES

©A.Honhim

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On était heureux et insouciants, le vendredi 13 novembre à 20h30 : heureux de réécouter le duo François Couturier / Anja Lechner entendu à « Jazz in Arles » en mai dernier : (cf. Les DNJ : http://www.lesdnj.com/2015/05/jazz-in-arles.html) ; heureux de découvrir sur scène le nouveau quartette d'Enrico Rava (celui du disque « Wild Dance », paru chez ECM fin août) : cette fois l'invité n'était pas le tromboniste Gianluca Petrella, mais le saxophoniste Stefano Di Battista.

Le duo Lechner/Couturier, en donnant pourtant pratiquement le même programme qu'en mai (celui du CD « Moderato Cantabile », ECM, 2014), en offrait une vision différente, dotée d'une nouvelle énergie et d'une nouvelle fraîcheur : perfection du timbre de la violoncelliste, formidable sens de la nuance et de l'expression chez le pianiste. La musique parcourt tous les territoires, du piano romantique jusqu'au jazz en passant par des bouffées de musiques du monde. Lyrisme absolu, recueillement, et sensualité douce d'un univers sans fracas, mais pas sans intensité.

Le quartette/quintette d'Enrico Rava donne lui aussi un programme nourri du dernier disque. Mais là encore on ne rejoue pas la partie : tout se fait au bonheur de l'instant, au sursaut de l'inspiration, sous le doux empire de la connivence. Enrico Rava est au bugle, et le velouté de l'instrument sied à merveille à son lyrisme exacerbé, à son goût du chant. Stefano Di Battista, au saxophone (alto ou soprano selon les instants), est aussi un grand lyrique. Mais son expression est plus vive, quand celle de Rava joue la retenue, le suspens : la combinaison est superbe. Et la rythmique, timide durant les premières minutes, va ensuite donner sa pleine mesure, expressive et hardie.

Le bonheur est parfait, et quand on sort de la salle de la Maison de la Culture, c'est pour apprendre qu'à Paris, pendant ce temps-là, des dizaines de morts ont endeuillé la France pour longtemps : stupeur et sidération.

Le lendemain, samedi 14 novembre, le concert est privé de sa seconde partie, en l'occurrence le groupe de John Scofield & Joe Lovano, bloqué en Autriche par les incertitudes des transports aériens consécutives aux attentats de Paris. La salle est pleine, le public a refusé la terreur, et répondu présent. Le chanteur Hugh Coltman donne un programme consacré à Nat King Cole (comme son disque paru cette année). Dans le groupe qui l'accompagne le pianiste Paul Lay, qui termine un remplacement d'une dizaine de concerts, brille de mille feux, car le vocaliste a su lui laisser l'espace que justifie son considérable talent. Hugh Coltman a dédié le concert à l'un de ses amis qui était la veille au Bataclan, et fait partie des innombrables victimes. Son concert, magnifique, est un témoignage d'espoir, de tolérance, d'adhésion aux valeurs de la vie. Il en parlera chaleureusement au public vers la fin du concert. Il nous donne tout : la suavité de King Cole, le swing, une escapade vers un thème soul funk qui embrase l'assistance.... et des ballades à tomber, avec l'exquise délicatesse du pianiste pour écrin. Hugh Coltman, malgré sa peine, nous a offert une formidable leçon de vie, de fraternité, d'humanité : chapeau l'artiste, et merci !

Xavier Prévost

Ce concert a été diffusé en direct sur Culture Box ; il sera bientôt disponible en replay à cette adresse :

http://culturebox.francetvinfo.fr/festivals/d-jazz-nevers-festival/hugh-coltman-au-d-jazz-nevers-festival-2015-230427

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13 novembre 2015 5 13 /11 /novembre /2015 19:24
D'JAZZ NEVERS FESTIVAL : D'ALBERT CAMUS à SUSANNE ABBUEHL

Susanne Abbuehl à Nevers ©Maxim François

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L'Étranger « Réminiscences », d'après L'Étranger d'Albert Camus

Pierre-Jean Peters (voix, jeu, idée originale), Guillaume Séguron (contrebasse, guitare basse, direction artistique), Adrien Dennefeld (guitare, violoncelle), Jean-Pierre Jullian (batterie, percussions), Pierre Vandewaeter (son, régie générale), Éric Bellevègue (création lumière), Olivier Malrieu (adaptation)

Nevers, Maison de la Culture, 12 novembre 2015, 20h30

Faire dialoguer le texte de Camus (segmenté, en chronologie bouleversée, incarné par un acteur qui endosse tous les personnages) avec une musique qui épouse les contours ou joue le contrepoint : tel est le pari. Gagné, assurément, dans la mesure où ce spectacle, abouti et cohérent, nous remet en mémoire l'extranéité de Meursault, à l'écart du monde, du sentiment convenu, de la sensation univoque, de la valeur avérée et validée par le consensus. Il nous rappelle aussi les figures du conformisme ordinaire, de la frilosité sociale, et de l'acharnement vertueux. La musique puise à de multiples sources, entre jazz contemporain et rock progressif. Et le tout ravive en nous le souvenir d'un émoi de lecture, voire d'un trouble d'identification.

La présence d'un tel spectacle, en première partie d'une soirée de festival de jazz, avant une chanteuse à la voix de nuit profonde, semble des plus naturelles : la musique et le texte cohabitent légitimement dans tous les arts sonores et musicaux. La question qui demeure, pour le spectateur, mais aussi lecteur, que je suis, est celle de l'adaptation comme création. Et j'attends peut-être l'impossible (que n'autoriserait probablement pas les détenteurs des droits de l'œuvre) : un bouleversement, un détournement, une altération profonde, pour l'élaboration d'un autre objet, transgressif, tout uniment musical et littéraire. Je suis sans doute victime de mon caractère exagérément rêveur, qui me fait adhérer à l'horizon d'un autre étranger, celui des Petits poèmes en prose de Baudelaire « J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages ! »

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Susanne Abbuehl « Gift »

Susanne Abbuehl (voix), Matthieu Michel (bugle), Wolfert Brederode (piano, harmonium indien), Øyvind Hegg-Lunde (batterie, percussions)

Nevers, Maison de la Culture, 12 novembre 2015, 22h45

Après l'éblouissement du soleil d'Algérie qui inonde le roman de Camus, la seconde partie de soirée nous offrait un chant crépusculaire (crépuscule du soir ou du matin ? Baudelaire encore, il faut choisir !) ; ou plutôt un chant nocturne, comme l'annonce d'entrée de jeu Susanne Abbuehl au public. Le répertoire est majoritairement celui de l'album « The Gift », paru en 2013 chez ECM. Le chant est de confidence, la tonalité intimiste, et chaque membre du groupe joue ce jeu à un niveau superlatif : les incroyables nuances du batteur (nouveau venu dans le groupe, il n'était pas sur le dernier disque) qui compose, à chaque mesure, un paysage sonore de touches ténues, d'injonctions pertinentes et souterraines, avec une richesse de timbres extraordinaire, et une gestuelle qui ferait à elle seule entendre l'indicible. Le pianiste lui aussi place chaque note à l'exact moment, à l'intensité la plus appropriée. Quant au bugle, il se fond littéralement dans la voix, ou lui fait un écho magnifique quand leurs chants alternent. Susanne Abbuehl place sa voix comme on parle à l'oreille, et les lents mouvements de son corps souple épousent chaque inflexion de la musique. C'est fascinant, d'une beauté presque irréelle. En plus de l'album le plus récent, elle va aussi chercher une ou deux chansons dans les précédents (« April », « Compass »), dont une magnifique reprise de Carla Bley (A.I.R. - All India Radio), et une version de 'Round about midnight qui se coule ensuite dans un chant d'orient. Elle nous offre aussi la primeur de ce qui viendra pour un futur disque, avec d'autres poèmes, et d'autres auteurs. Moment intense, inoubliable : si l'on ne craignait pas le cliché, on hasarderait : magique !

Xavier Prévost

Susanne Abbuehl donnera un concert "Jazz sur le vif" le samedi 21 novembre 2015 à la Maison de la Radio

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13 novembre 2015 5 13 /11 /novembre /2015 16:33
D'JAZZ NEVERS FESTIVAL : WORKSHOP DE LYON

Workshop de Lyon (Collectif ARFI)

Jean Aussanaire (saxophones alto & soprano), Jean-Paul Autin (saxophones alto & sopranino, clarinette basse), Jean Bolcato (contrebasse), Christian Rollet (batterie & percussions)

Nevers, Auditorium Jean-Jaurès, 12 novembre 2015, 18h30

Pour le chroniqueur, bonheur de retrouver le Workshop, que je n'avais pas eu l'occasion d'écouter en direct depuis quelques années. Le nouveau programme s'intitule « Lettres à des amis lointains ». Il raconte des rencontres et des souvenirs, et parle d'amis encore présents, ou disparus. Chaque musicien a choisi une évocation, pour laquelle il a composé, ou seulement exhumé une musique naguère partagée. La première pensée émane de Jean Aussanaire, et va vers le regretté Maurice Merle, cofondateur du groupe. Puis Jean Bolcato évoque Colette Magny, avec laquelle le groupe a partagé la scène : pour ce faire il propose une mélodie arabo-andalouse que la chanteuse aimait beaucoup. Jean-Paul Autin adresse ensuite une carte postale sonore à des amis de rencontre, dans un cadre de collectage, qui lui ont fait découvrir des trésors de musique traditionnelle. Vient le tour de Christian Rollet, qui part d'une ambiance sonore de l'Arsenal de Brest, où les musiciens de l'Arfi s'étaient produits.

De paysage sonore en réminiscence chaleureuse, c'est tout une humanité qui défile à nos oreilles ravies : l'humain, l'être humain, est depuis toujours au centre de l'utopie des Arfieux. Comme le dit souvent un des mes amis très chers, batteur et chanteur, c'est « de la musique de musicien, entièrement faite à la main ». Et le miracle demeure : passer des contours familiers d'une mélodie populaire à une esthétique hardie, ou une envolée très free, et très libératrice, tel est toujours et encore le mot d'ordre (et parfois de désordre) du Workshop. Chacun trouve sa place de soliste mais l'enjeu est constamment collectif. Qu'ils évoquent un ami berger de Buis-les Baronnies, ou un court-circuit improbable entre les musiques de Myriam Makeba et Ornette Coleman ; un professeur de musique du Niger ou le saxophoniste Steve Lacy ; ou encore tel ami peintre, ou trois femmes remarquables opérant dans trois univers différents : l'humanité profonde est au centre de chaque moment musical, manière de rappeler, s'il était nécessaire, que pour les membres de l'Arfi, et singulièrement pour le Workshop de Lyon, l'esthétique est aussi (d'abord ?) une éthique.

Xavier Prévost

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13 novembre 2015 5 13 /11 /novembre /2015 15:36
D' JAZZ NEVERS FESTIVAL : PLEIN SOLEIL !

DAUNIK LAZRO / JEAN-LUC CAPPOZZO / DIDIER LASSERRE

Daunik Lazro (saxophones ténor & baryton), Jean-Luc Cappozzo (trompette, bugle, flûte harmonique serbe), Didier Lasserre (batterie)

Nevers, PAC des Ouches, 12 novembre 2015, 12h15

Cela fait plus de 25 ans que je fréquente assidûment le festival de Nevers, et c'est habituellement le lieu des premiers frimas, des premières gelées blanches et des premiers pare-brise à dégivrer. Cette année, débarquant après 4 heures de route, in extremis et à midi, pour le concert de 12h15, je vois pour la première fois en cette saison le majestueux Palais Ducal en plein soleil ; et au fond de la place, l'adorable théâtre à l'Italienne, où j'ai tant de grands souvenirs et qui, fermé de longtemps, attend impatiemment une improbable rénovation.

Je file en contrebas au PAC des Ouches, pour un concert d'improvisation par trois maîtres de genre. Daunik Lazro choisit de commencer dans le velouté du sax ténor, tandis que Jean-Luc Cappozzo, à la trompette puis au bugle, habille l'espace de timbres mystérieux. La batterie de Didier Lasserre s'aventure vers des terres où les rythmes et les sons tendent à se fondre, et même à se confondre, dans un geste collectif. Puis, dans une deuxième séquence le baryton et la trompette composent dans l'instant un contrepoint hétérodoxe. La batterie s'aventure, comme en suspens, avant de déclencher sa furia. Vient la flûte harmonique, étrangeté sonore en soi, à laquelle le baryton répond, en harmoniques itou, tandis que la batterie fait crisser ses cymbales. Pour chacun le son est déjà une phrase, et presque une forme, si tant est que la question de la forme, même rétrospective, soit le premier souci de l'improvisation libre. Nous sommes en présence de ces musiques qui jaillissent de l'instant, mais dont on sait bien qu'elles ne surgissent pas du néant : ces musiciens sont des faiseurs de miracles, sur le fil de l'incertitude qui devient pourtant évidence. Vient ensuite une troisième séquence où le ténor va cheminer de la douceur au cri, en dialogue avec les deux autres instruments, jusqu'au paroxysme final ; fin provisoire, puisqu'en rappel une sorte d'hymne sacré, dont les premières notes rappellent My Funny Valentine, va nous conduire vers le souvenir d'un extrême recueillement, celui d'Alabama, de John Coltrane. Toute parole, alors, devient superflue....

Xavier Prévost

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8 novembre 2015 7 08 /11 /novembre /2015 13:09
REIMS JAZZ FESTIVAL : SOPHIA DOMANCICH & MARK TURNER

SOPHIA DOMANCICH « Snakes and Ladders »

Sophia Domancich (claviers), Himiko Paganotti & John Greaves (voix), Éric Daniel (guitare)

Opéra de Reims, 5 novembre 2015, 20h30

On connaît la pianiste sous de multiples jours : jouant des standards très revisités en duo avec Simon Goubert, ou ses propres musiques avec son groupe « Pentacle » ; improvisant de la manière la plus libre en traversant les idiomes chaque fois qu'une aventure nouvelle se profile ; ou encore parcourant tous les paysages du trio (DAG, avec Simon, et le très regretté Jean-Jacques Avenel ; ou rencontre avec William Parker et Hamid Drake, entres autres expériences....). Mais la jazzosphère oublie trop souvent que la pianiste coule aussi d'une autre source : le rock progressif britannique, et l'École de Canterbury, dont elle a côtoyé de longtemps les représentants les plus remarquables, comme Elton Dean, Hugh Hopper, Pip Pyle.... Sans oublier bien sûr John Greaves, et Robert Wyatt. Ce dernier était l'invité, pour une plage, du disque « Snakes and Ladders », publié en 2010. Sur scène, l'effectif est plus modeste, et les historiques de l'histoire ont été rejoints par le guitariste Éric Daniel. Le répertoire est très majoritairement composé par Sophia, sur des textes signés Jacqueline Cahen, John Greaves, et Himiko Paganotti. La musique procède d'un univers sinueux, bifurquant hors de l'évidence harmonique : on pourrait parfois songer à une forme de chromatisme mélancolique.... Dans cet univers inclassable le jazz s'infiltre, par une envolée pianistique, ou des éclats de guitare, sophistiqués ou violemment expressifs, selon les instants (Éric Daniel est décidément un très grand talent, scandaleusement mésestimé....). Himiko Paganotti, de sa voix droite et parfaite, fait complément et contraste à la raucité expressive (et inimitable !) de John Greaves. Mais la chanteuse réserve aussi, au détour d'une phrase, la surprise d'une hyper expressivité que ne renierait pas Kate Westbrook. Le concert nous conduit d'émois en étonnements, et nous offre au passage une nouvelle version de Kew. Rhone, thème conçu en 1976 par John Greaves et Peter Blegvad pour un disque culte, et repris par John en 1994 dans son disque « Songs », avec le concours de Robert Wyatt. Cette nouvelle mouture, éclairée par la tension féconde entre les deux voix, fera chemin en nos mémoires. Et après d'autres compositions de la pianiste, décidément en osmose avec ses partenaires, le concert se conclura, en rappel, par une chanson de John, d'une simplicité et d'une intensité rares.

MARK TURNER Quartet

Mark Turner (saxophone ténor), Avishaï Cohen (trompette), Joe Martin (contrebasse), Obed Calvaire (batterie)

Opéra de Reims, 5 novembre 2015, 22h

Après Rotterdam, Bâle et Parme, avant Bologne et Vienne, et en attendant Strasbourg (Festival Jazzdor) le 11 novembre, le saxophoniste Mark Turner faisait étape à Reims, dans cet opéra que les anciens Rémois (catégorie à laquelle j'appartins naguère - je devrais presque dire jadis, tant 1965 me semble lointain....) continuent obstinément d'appeler le théâtre. Le groupe, c'est celui du disque « Lathe of Heaven », publié en 2014 chez ECM ; à une différence près, le batteur. Sur le CD c'était Marcus Gilmore ; et pour cette tournée c'est Obed Calvaire, entendu notamment chez nous ces dernières années avec Jacques Schwarz Bart. Et c'est autour de lui que semble s'organiser cette cérémonie rythmique d'une richesse confondante. Les thèmes de Mark Turner, extrêmement élaborés, jouent en finesse sur des déclinaisons et transformations de rythmes que l'on perçoit sans toujours parvenir à les analyser. Le batteur, dans une perspective qui rappelle Ed Blackwell, s'engage parfois dans les polyrythmies les plus folles avec une aisance qui nous porterait à croire (indûment) que tout cela n'est que l'enfance de l'art. La paire rythmique qui associe Obed Calvaire à Joe Martin est d'une vitalité et d'une effervescence extraordinaires ; le mouvement est permanent, intense. Et sur cette assise souple et rigoureuse, deux personnalités assez différentes se croisent et se complètent : Avishaï Cohen, le trompettiste exubérant et virtuose, et Mark Turner, le saxophoniste qui met de la pensée dans chaque thème et dans chaque phrase, dissimulant fort bien son jeu dans une apparente décontraction d'essence lestérienne. Le trompettiste s'engage dans des escapades volubiles, mais en restant toujours maître de l'impeccable construction de ses solos. Et la richesse d'inspiration du saxophoniste déjoue constamment l'automatisme et le cliché, pour laisser parler d'un seul geste la pensée musicale et la sensation : c'en est fascinant ! Public bluffé, et conquis. En rappel Mark Turner nous offre une de ses anciennes compositions, issue d'une époque où la trinité Tristano-Konitz-Warne Marsh nourrissait son inspiration : Lennie Groove, dérivé de Lennie's Pennies ; le bonheur est total, et il faut en remercier Djaz 51, et toute l'équipe qui organise le Reims Jazz Festival.

Xavier Prévost

Le groupe de Mark Turner jouera le 11 novembre 2015 au Pôle Sud de Strasbourg pour le festival Jazzdor

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27 septembre 2015 7 27 /09 /septembre /2015 12:16

Géraldine Keller (voix), Daniel Erdmann (saxophones ténor & soprano), François Corneloup (saxophones baryton & soprano), Philippe Deschepper (guitare), Christophe Marguet (batterie), Claude Tchamitchian (contrebasse & composition). Paris, Inalco, 17 septembre 2015, 20h.

Pour commémorer le centenaire du génocide arménien, Claude Tchamitchian a choisi pour inspiration un livre de Krikor Beledian, Seuils (éd. Parenthèses, 2011). Un livre qui, à partir des souvenirs d'enfance de l'auteur, dans un quartier de Beyrouth (terre de l'exil), et de la contemplation de vieilles photographies, retrace par l'imaginaire la mémoire et l'identité ( un imaginaire survivant à toute forme d'oppression, précise Claude Tchamitchian dans sa courte et chaleureuse présentation, en début de concert). Mais l'on n'est pas ici dans une musique à programme. Le texte dit (chanté, improvisé....) par Géraldine Keller, nous parle du chemin vers Damas pour fuir le génocide ; de funérailles au bord de l'Euphrate ; du lent cheminement du chaos vers le cosmos, vers l'abondance et les récoltes. Et la musique, tissée d'éléments hétérogènes, s'édifie en parfaite cohérence formelle, étape par étape, entre retenue extrême et paroxysme assumé. Ici un solo de saxophone soprano de Daniel Erdmann évoque le timbre du doudouk arménien ; là le baryton de François Corneloup nous rappelle que l'on voyage en territoire de jazz ; ailleurs encore la batterie à mains nues de Christophe Marguet, ou les transparences fines de la guitare de Philippe Deschepper, nous font découvrir « tout un monde lointain ». Et la contrebasse du leader joue de multiples rôles, entre révolte, colère, douceur et méditation. Avant cette représentation parisienne dans le cadre d'un colloque à l'Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales) consacré au poète Krikor Beledian, ce concert avait été donné une première fois à Marseille, en juin dernier. C'est une sorte de work in progress, dans l'esprit de Charles Mingus, et c'est à Mingus que l'on pense, dans l'ambition formelle aboutie, dans l'implacable cohérence, dans la rage expressive, dans l'irrépressible pulsation ; comme le souvenir d'une émotion ancienne, à l'écoute de The Black Saint and the Sinner Lady.

Xavier Prévost

Le Sextette de Claude Tchamitchian donnera ce programme le 15 octobre à Marseille dans le cadre du festival « Les émouvantes » & le 17 octobre à l'AJMI d'Avignon

Vidéo de la première répétition, au printemps dernier

https://www.youtube.com/watch?t=4&v=kbS7msXyoI0

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23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 15:44

Festival Jazz Campus en Clunisois, 19 août 2015

Oboréades : Jean-Luc Fillon (hautbois, cor anglais), Didier Ithurrsary (accordéon), Château de Berzé-le Châtel, 19h

Anne Quillier Sextet : Anne Quillier (p, el p , comp), Aurélien Joly (tp), Grégory Sallet (as,ss), Pierre Horckmans (cl, bcl), Michel Molinier (b), Guillaume Bertrand (dms). Théâtre des Arts, Cluny, 21h

Duo Marais-Ternoy : Gérard Marais (el g, comp), Jérémie Ternoy (p), Théâtre des Arts, Cluny, 22h30

Château de Berzé-le-Châtel@xavier.prevost

Château de Berzé-le-Châtel@xavier.prevost

Le festival bat son plein depuis 5 jours déjà, sur scène et dans les ateliers du stage qui fut l'origine historique de l'événement, voici plus de 35 ans. Dans le cuvier du magnifique Château médiéval de Berzé-le-Châtel (qui est aussi un domaine viticole), la salle est plus que comble ; on a ajouté quelques bancs pour les retardataires, et les derniers arrivants suivront le concert debout, ou assis à même le sol. Devant un tel succès on est amené à s'interroger sur les raison pour lesquelles certaines collectivités territoriales écornent violemment les subventions à des événements qui trouvent assurément leur public....

Oboréades©Xavier Prévost

Oboréades©Xavier Prévost

Pour Jean-Luc Fillon et Didier Ithurrsarry, le programme sera majoritairement celui du disque paru en 2012 (« Oboréades, 52ème Rue est) : des compositions des deux compères, plus l'explosif Bebe signé Hermeto Pacoal ; mais avec la vigueur renouvelée du jazz « sur le vif », car ces deux là n'aiment pas rejouer la partie à l'identique. Ici rayonnent toutes les couleurs du monde (et même de tous les mondes), dans une musique qui enserre la pulsation du new tango dans les volutes du jazz pur. L'accordéoniste ose un swing inflexible et un drive infernal, tandis que le hautbois de Jean-Luc Fillon nous régale d'un chorus résolument torride. Les mises en place sont millimétrées, mais avec une souplesse féline (dans Le Chat Pacha, entre autres). Ailleurs s'associent rythmes impairs et groove funky. Le public (votre serviteur inclus) est conquis, et son enthousiasme sera récompensé d'un rappel qui ne figure pas sur le disque, mais provient du répertoire de Jo Privat : Rêve Bohémien.

Gérard Marais-Jérémie Ternoy©Xavier Prévost

Gérard Marais-Jérémie Ternoy©Xavier Prévost

Deux heures plus tard, au Théâtre des Arts, également bondé (décidément les édiles devraient être attentifs à cette belle fréquentation....), c'est un compagnon de route du festival, Gérard Marais, qui présente une formule inédite, qui l'associe au pianiste Jérémie Ternoy. Ce duo est l'émanation d'un quartette du guitariste (avec Henri Texier & Christophe Marguet) qui a publié récemment un CD intitulé « Inner Village » (Cristal Records/Harmonia Mundi). Les thèmes sont pour la plupart d'anciennes compositions de Gérard : Baron Noir, Le Rouge et le Noir, Quand les mahs (inspiré par un vers d'Henri Michaux), Katchinas...., compositions qui figurent sur le disque. Et d'autres, enregistrées ailleurs, comme Cassavetes ou Natural Reserve. Le format duo convient parfaitement à ces thèmes, qui révèlent ici de nouvelles couleurs. Les exposés sont clairs, en parfaite connivence, et dans les improvisations les langues se délient, chacun s'évadant dans son imaginaire propre, mais toujours en dialogue. Pour le pianiste, ce sont des phrasés anguleux, aux accentuations marquées, comme au temps de Lennie Tristano, ou de l'envolée tristanienne de Bill Evans dans All About Rosie de George Russell. Pour le guitariste, ce sont des circonvolutions très lyriques, mais où le chant conduit toujours vers des sentiers harmoniquement féconds. Bref une vraie réussite pour le duo ici inauguré, et que l'on aimerait entendre sur d'autres scènes (tout comme le quartette d'ailleurs....).

 

 

Pour conclure la soirée, la pianiste et compositrice Anne Quillier présentait son sextette, Grand prix du Concours de Jazz de La Défense en 2013. Belle écriture faite de polyphonies subtiles, riches en couleurs et alliances de timbres, avec de grandes nuances, hélas contrariées par un niveau de sonorisation globalement trop élevé (la concurrence sonore du Marché nocturne à l'extérieur peut-être, et d'un groupe qui sévissait là à coup de décibels destructeurs ?) , ce qui en altérait la finesse. Pulsation toujours très marquée de la batterie, décalages rythmiques en répons, crescendo en tutti, telle fut la dramaturgie souvent retenue, avec des codas en suspens, sans résolution (le refus de l'impérialisme du retour à la tonique?). De très bons solistes aussi, qui trouvèrent leur espace d'expression, dans un répertoire qui recoupait celui du disque paru en janvier (« Daybreak », www.collectifpinceoreilles.com ), agrémenté d'un peu d'inédit.     Manifestement, il faudra compter désormais avec cette musicienne, pour son talent d'écriture et de soliste autant que pour sa faculté de rassembler et diriger un groupe. Une fois encore Jazz Campus en Clunisois, et Dider Levallet, ont su partir à la découverte de nouveaux talents !

 

Xavier Prévost

 

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7 août 2015 5 07 /08 /août /2015 08:16
Thibault Gomez Quintet    Grand Prix et Prix du Public     @Claude Dinhut

Thibault Gomez Quintet Grand Prix et Prix du Public @Claude Dinhut

SCHNTZL  Prix de la meilleure composition et Prix du meilleur instrumentiste  @Claude Dinhut

SCHNTZL Prix de la meilleure composition et Prix du meilleur instrumentiste @Claude Dinhut

Avignon Jazz Festival 24ème édition (Suite)

Tremplin Jazz européen (Cloître des Carmes)

www.tremplinjazzavignon.fr

Avignon se démarque résolument dans sa présentation du jazz : en juillet, au cœur du « off » de théâtre, existe la vitrine Têtes de Jazz à l’Ajmi et au tout début août, quand les murs se nettoient de leurs peaux d’affiches, que la ville revient à elle-même, commence le deuxième temps fort de jazz estival dans la cité papale, le tremplin européen qui s’insère dans un vrai festival de jazz. Soit deux soirées très courues et pas seulement parce qu’elles sont gratuites. C’est un cadeau fait au public local, attentif et connaisseur, assidu et passionné qui s’exprime également en votant. Et son choix, le Prix du Public rejoint très souvent celui du jury, le Grand Prix!

Cette année encore, le tremplin se révéla précieux, reflétant la diversité des projets et engagements, permettant l’appréciation de certaines tendances musicales existantes. Le tremplin illustrant la problématique des musiques actuelles et du jazz, doit-on apprendre et continuer à jouer comme le font souvent, nos voisins nordiques dans le respect de la tradition, ou tenter de faire bouger les lignes, quitte à se perdre et à sortir du cadre ? De nombreuses pistes s’ouvrent aux jeunes musiciens aujourd’hui s’ils ont prêts à se lancer... Prises de risque ou productions d’école un peu laborieuse, on entend souvent des musiciens talentueux, en devenir. Ce qui confirme au demeurant la vocation d’un tremplin et justifie son existence.

La première difficulté du tremplin résulte de la présélection, qui peut poser problème. Avec le président du jury - cette année, Nicolas Baillard, ingénieur son des studios de La Buissonne aux côtés de Gérard de Haro- nous nous demandons comment déjouer les mystères, les hasards ou les pièges de cette opération. Pour l’avoir pratiqué, l’exercice est redoutable : marathon d’une journée, écoute en aveugle et trop rapide d’une centaine de groupes avec des séries parfaitement inadaptées ou fort rébarbatives. Au final, ne restent que six groupes européens. Cruel dilemme.

Cette année, le résultat de cette sélection faisait la part belle aux voix avec trois groupes sur six aux commandes desquelles figuraient des chanteurs. En écho à la programmation du festival ? Qui donnait aussi de la voix en débutant par le concert de la chanteuse guadeloupéenne Tricia Evy et en optant pour un final dansant sur le R&B de la rousse Robin McKelle.

Le tremplin et le festival reposent sur un savoir-faire associatif et la générosité des bénévoles. Tous ceux qui sont venus au tremplin confirment que l’accueil chaleureux, simplement familial est l’un des atouts de la manifestation, mettant à l’aise candidats et jurys.

Si certains partenaires changent, le cercle de bénévoles s’agrandit (ils sont 48 à faire tourner la boutique) avec des jeunes stagiaires motivés, sous la houlette du solide Jeff Gaffet. Robert Quaglierini et Jean Michel Ambrosino, toujours sur le pont, assurent efficacement la co-présidence. Un «dronie» devait d’ailleurs immortaliser cette «belle équipe», montée sur scène lors de la soirée de clôture.

3 août: premier soir du Tremplin

  • THE DUET (I) Alberto Bellavia (p), Roberto Rebufello (saxophones, clarinette)
  • SCHNTZL (B) Casper Van de Velde (batterie), Hendrik Lasure (p)
  • RAVEN (F) Manu Domergue ( chant et mellophone), Raphael Illes ( saxophones) Damien Varaillo-Laborie ( contrebasse), Nicolas Grupp( batterie)

Dès la première soirée, il y avait de quoi satisfaire (presque) goûts et esthétiques les plus divers.

The Duet nous tricota un patchwork coloré et joyeux, sur fond de «commedia del arte» avec un élégant florilège de styles : du piano stride au sax qui fait pleurer son blues, quizz de citations de Gershwin, Bernstein... Un exercice de style réussi mais pas assez convaincant pour un concours, sans l’enjeu de véritables compositions originales.

La surprise vint, dès le second duo, Schntzl, de très jeunes musiciens belges (le pianiste a 17 ans et il n’est pas sérieux) au nom imprononçable. Si vous allez sur leur site, vous comprendrez vite à quoi ce nom fait allusion : www.schntzlmusic.wordpress.com . Avec savoir-faire, humilité et humour, le duo fit preuve d’une grande maîtrise du geste, du jeu à tous les sens du terme, construisant avec expression et imagination un programme pertinent. Une excellente accroche et de la délicatesse jusque dans leur version fraîche de l’émouvant «Moon River» d’Henri Mancini.

Le troisième groupe Raven était français, son leader Manu Domergue, chanteur- conteur, installa une atmosphère fantastique de conte, sans citer Poe mais Rimbaud, le« Black Crow » de Joni Mitchell, nous entraînant autour de leur album «Chercheur d’orage »... tout en jouant du mellophone, curieux instrument de fanfare proche du cor d’harmonie. Visant la carte du spectacle plus que celle du concours, leur projet aurait sa place dans le « off » avignonnais intégrant une approche vraiment pluridisciplinaire.

4 août : deuxième soirée :

  • LES COMPTES DE KORSAKOFF (F) Quentin Lavy (batterie), Geoffroy Grangé (basse et chant), Christophe Blond (piano), Diego Fano (sax), André Paco (tb), Guillaume Pluton (tp)
  • Thibault GOMEZ QUINTET (F) Thibault Gomez (p), Robinson Khoury (tb), Pierre Marie Lapprand (saxophones), Etienne Renard (contrebasse), Benoît Joblot (batterie)
  • INEZ QUINTET (D) Inez Schaefer (chant), Christian Pabst (p) , André Nendza ( basse), Matthias Gurth (g), Demian Kappenstein (perc)

Le lendemain entraient en scène trois nouveaux groupes dont un français, au nom étrange et quelque peu hermétique, Les Comptes de Korsakoff. Là encore, un chanteur comédien faisait entendre une histoire parodique entre voix de cartoons, Zappa et même élucubrations à la Nina Hagen.
Des compositions originales, « le projectionniste », « l’heure du loup » avec un solo de trompette, une suite en trois parties allant crescendo, de beaux solos. Mais quelque chose résiste dans leur interprétation.

Le jazz advint enfin avec le Thibault Gomez Quintet : voilà de jeunes instrumentistes très doués qui s’écoutent et s’entendent, une musique subtile aux arrangements légers. Le trio rythmicien tire admirablement son épingle du jeu sans l’aide des solistes excellents, avec une mention particulière pour le tromboniste de vingt ans dont on dit déjà le plus grand bien, Robinson Khoury. Un jazz post bop certes daté mais terriblement attachant et tant pis si ce quintet n’ouvre pas(tout de suite) les nouveaux langages du jazz....Selon la formule consacrée, on oublia très vite qu’il s’agissait d’un tremplin pour écouter un concert. Avec élégance, ils surent séduire le public dans un silence révélateur.

Dernier groupe, Ines quintet celui de la chanteuse allemande Ines Schaefer : une fois encore, autant la forme que le répertoire ne sont pas convaincants pour le tremplin : une charmante jeune fille, style Alice in Wonderland, qui débute en minaudant sur «I’m old fashioned», continue dans le même registre, une pop acidulée trop influencée par Bjork...

Les jeux étant faits, le jury allait longuement délibérer et leur choix se partager assez équitablement entre les deux groupes les plus saisissants, remplissant le contrat du tremplin. Après une discussion des plus animées, le Thibault Gomez Quintet obtint le Grand Prix du Jury (enregistrement et mixage au studio de la Buissonne et première partie d’un concert du festival) mais aussi le Prix du Public. Les deux autres prix allèrent au duo belge : le prix de la meilleure composition au pianiste de Schntzl et celui du meilleur instrumentiste au batteur.

Fin d’une belle édition avec une cuvée de haute tenue, des groupes de qualité, pas toujours originaux mais néanmoins talentueux et prometteurs. Souhaitons à ce Tremplin Jazz sudiste de continuer longtemps cette aventure musicale chaleureuse et non sectaire. Et que cela jazze plus encore pour le rendez vous des vingt-cinq ans, l’an prochain !

Un grand merci pour les photos de Claude Dinhut, l’un des trois infatigables reporters-photographes et membres actifs de l’association.

Sophie Chambon

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11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 16:57
KURT ELLING AU NICE JAZZ FESTIVAL 2015

Le Maître du jazz vocal officiait le jeudi 9 juillet au Nice Jazz Festival. Sous une chaleur écrasante, et néanmoins vêtu d’un costume, le chanteur a délivré un concert de toute beauté.

Il était accompagné par son guitariste et son contrebassiste attitrés, respectivement John Mclean et Clark Sommers, ainsi que par Bryan Carter à la batterie. Gary Versace était au piano et à l’orgue, remplaçant le talentueux Laurence Hobgood, qui partageait la musique de Kurt depuis plusieurs années.

Alors que son dernier album « Passion World » est loin de refléter l’âme et le génie de Kurt Elling, il est époustouflant sur scène. Arrivant le sourire aux lèvres, il démarre avec « Come Fly With Me » qu’il enregistra en 2012 dans l’album « 1619 Broadway – The Brill Building Project ». Il regarde son public avec amour, l’invitant à le rejoindre dans cette envolée. Rien ne peut le distraire de cette magie, même pas le réglage défectueux de la grosse caisse qui fait des « clacs », ce dont il s’amuse en mimant un golfeur frappant sa balle.

Le magnifique titre « The Waking » paraissant sur l’album « Nightmoves » fera également partie de la playlist. Sur ce morceau, Kurt Elling a transformé le poème de Theodore Roethke pour l’adapter à son phrasé et sa voix. Les texte final et son interprétation sont l’œuvre d’un grand parolier, qu’il est incontestablement puisqu’il a déjà composé ses paroles sur des morceaux de John Coltrane ou de Jaco Pastorius, entre autres (nous avons évidemment en tête la version magistrale et inégalable de « Resolution » de John Coltrane, qui figure sur l’album « Man in the Air »).

Le quintet interprètera également deux grands tubes de Kurt Elling, sous les applaudissements d’un public ému parfois jusqu’aux larmes. Tout d’abord « April in Paris » qu’il démarre avec un scat « percussion », art dans lequel il excelle. Puis le final : « Nature Boy », que Kurt aime bien placer en clôture de ses performances. Dès les premières notes, le Théâtre de Verdure s’enflamme, certains se lèvent, d’autres, comme l’auteure de cet article, sont envahis par une émotion qui les cloue sur leur chaise.

Sous l’ovation du rappel, le quintet tentera « La Vie en Rose », qui fait partie du dernier album. Un essai qui plait bien sûr au public français mais qui froisse un peu l’oreille des jazzophiles, tant l’atmosphère de ce morceau se marie difficilement avec la voix et le style de Kurt Elling, malgré les paroles additionnelles qu’il a écrites pour se l’approprier.

« Du grand Kurt ». Nous dirions même un concert « Kurtissime ».

Yaël Angel

Plus d’informations sur la discographie et l’agenda des concerts de Kurt Elling sur http://kurtelling.com/

Site du Nice Jazz Festival : http://www.nicejazzfestival.fr/

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