3ème édition AJMI /La Manutention
07-18 Juillet 2015
Le jazz et les musiques actuelles reviennent pour la 3ème année consécutive faire de la résistance dans l’ilôt privilégié de l’AJMI et de La Manutention (cinémas Utopia), derrière le Palais des Papes en face du Théâtre (belge) des Doms, l’un des nombreux partenaires de l’opération. Car, au cœur de l’une des plus importantes manifestations de spectacle vivant, Têtes de Jazz est la vitrine d’exposition de ces musiques qui propose pas moins de quarante concerts (à 12H30, 15h30, 18h30 et 21h30 chaque jour), du 8 au 16 juillet, ainsi que des rencontres professionnelles autour de tables rondes. Ce festival de musique ne serait pas possible sans les bonnes volontés coopératives de tous les partenaires qui coproduisent les spectacles de ce marché des musiques à venir. Pour le grand public, voilà l’occasion rêvée de découvrir la cité papale autrement et d’appliquer la recette de l’AJMI à savoir que «la meilleure façon d’écouter du jazz c’est d’en voir».
Passons donc à la pratique :
AmbreOzChristopheJodet Purcell
La Compagnie de l’Amour du Loup propose un duo voix/contrebasse, basse électrique, loop station, sur quelques airs célèbres du compositeur baroque Henry Purcell, popularisé entre autre par le travail du Deller Consort. Cette forme ouverte et souple a demandé un sérieux travail d’arrangement au contrebassiste. La basse continue sur laquelle la voix improvise, est, pour citer Pascal Quignard dans L’origine de la danse : Quelque chose « sous le plancher » appelle le corps qui marche... le ground en anglais c’est la basse continue, le rythme de fond chez Purcell.
La basse électrique est comme une guitare baryton. Les loops de Christophe Jodet servent à enregistrer et à faire jouer en boucle ses deux basses, et il peut à loisir ajouter des effets d’archet. Ce dispositif ingénieux jette un autre éclairage sur les textes forts et les mélodies d’ «O Solitude » de « La Mort de Didon » ou de «Music for a While». Le résultat, organique plus encore que lyrique, souligne le talent de conteuse d’Ambre Oz, qui s’étant déjà frottée aux chants ethniques et trad, fait rouler en bouche les fragments choisis « O solitude, my sweetest choice », ou « My soul has never known delight», plongeant au plus près de ces chants de déploration et d’introspection.
Journal intime Lips on fire suivi du Bal des Faux Frères
Sylvain Bardiau (tp), Frédéric Gastard (saxophone basse), Matthias Mahler (tb)
http://www.lesdnj.com/article-journal-intime-lips-on-fire-67941798.html
Quel plaisir de retrouver le trio de cuivres si original (sax basse, trompette et trombone) de Journal Intime. Ces formidables musiciens, très impliqués dans le travail artistique, de la production à la distribution, recherchent une indépendance musicale qui leur permette de vivre leur exigence musicale. Depuis leur création, il y a déjà dix ans, le trio qui fonctionne plaisamment sur un mode collégial, a renforcé sa cohésion : le programme autour de Jimi Hendrix s’est étoffé. Cette «mise en oreille de leur vision fantasmée» de la musique du génial gaucher enchaîne avec le plus grand sérieux des élucubrations musicales vraiment acrobatiques : une introduction délirante de Fred Gastard sur « Odysseus Praeludium » nous prépare à plonger dans ces reprises très spéciales de «Hey Babe», «Lover Man» (d’après Muddy Waters) et enfin «All Along The Watchtower », chanson «empruntée» à Bob Dylan qui, bon prince, reconnut la version d’Hendrix indépassable. Le plus extraordinaire est que l’on finit par entendre Hendrix, l’essence même de son chant, au cœur des distorsions et autres bruits de tuyauterie. La transposition est extravagante mais elle réussit à merveille. Quel régal de les voir évoluer sur scène : attaques franches, impeccables unissons, solos fougueux, tout est réglé avec un enthousiasme ébouriffant et une précision orchestrale. La beauté de cet alliage inusité de timbres ne le dispute en rien à la ferveur de « grooves » qui feraient se dresser une assemblée de paralytiques en pèlerinage à Lourdes. Leur musique est une création très travaillée, à la recherche d’un équilibre souvent instable. Généreusement expansionniste parce qu’elle ne prend pas le pouvoir, elle se développe au contraire à perte d’ouïe.
La bonne idée est d’enchaîner, après les reprises hendrixiennes, un autre programme tout autant jubilatoire, mis au point avec la même rigueur, avec le trio des « faux frères », composé du saxophoniste ténor (Fabien Kisoka) et de 2 batteurs Fabrice Lerigab et Laurent Di Carlo. Leur rencontre, il y a une quinzaine d’années sur la caravane du Tour, constituait un début original, très formateur pour comprendre ce qu’est le spectacle vivant. Ils ont continué par une pratique plus raisonnable mais non moins ardue, celle de la déambulation, de la fanfare de rue, reprenant ainsi la tradition des « marching bands » de La Nouvelle Orleans. Le répertoire de cet album dont on fête la sortie aux Têtes de Jazz, emprunte autant aux Rita Mitsouko (Le petit train), à Buckshot leFonque (Brandford Marsalis) qu’à ACDC. Et c’est littéralement aphone que finit Fred Gastard dans « I wanna be your dog » des Stooges, s’improvisant en un Iggy Pop halluciné.
Le public de l’Ajmi s’est levé spontanément pour danser, dans une exaltation joliment fraternelle. Et ce n’est pas si souvent que l’on retrouve ce plaisir du corps qui fait sens.
https://www.youtube.com/watch?v=igUhlH5GlQQ
Sophie Chambon
A venir :
Paysage, avec bruits : sortie CD 2015/2016 avec et sur des compositions originales de Marc Ducret qui fait suite à leur Extension des feux avec Marc Ducret et Vincent Peirani.
Lips on fire II avec Guillaume Magne (guitare) et chant et Emiliano Turi ( batterie)
« On est tous Charlie » me dit un ami, quand je lui annonce que je vais au Charlie Jazz Festival...Mais au-delà de la boutade, quelque chose, assurément, demeure de l’esprit des débuts, frondeur et opposant à la politique qui se menait à Vitrolles. D’ailleurs, dans la vaillante équipe de bénévoles, le noyau dur a une moyenne d‘âge respectable, ce qui tendrait à prouver que le maillage associatif est solide. Des potes qui se retrouvent pour oeuvrer utile au bar, à la billetterie, au catering pro. Même si la restauration est encore un peu difficile à mettre en place, avec des roulottes ou « foodtrucks » dans la prairie qui servent à flux tendu wok minute ou hamburgers et qui n’ont plus rien à proposer dès le premier entracte. Le bar lui, résiste et par ces températures extrêmes, le blanc ou rosé de la Vénus de Pinchinat a moins de succès que la bière qui coule à flot. Le petit glacier, nouveau venu cette année, n’a aucun mal à écouler sa production en un temps record.
Depuis le temps que je suis le festival, je n’avais encore jamais vu autant de public, y compris un samedi soir. Je me souviens d’années pus ou moins fastes, en particulier de 2003, sur fond de canicule et de grève des intermittents... C’est la première fois que la jauge explose littéralement. On dépasse les 1350 personnes pour cette deuxième soirée et une noria de chaises processionne, occupant les derniers espaces disponibles. La tonnelle derrière la régie est prise d’assaut. Le livret de présentation du festival annonce près de 3000 spectateurs sur les 3 jours, la politique tarifaire est raisonnable, un pass de 3 jours à 60 euros, quand il est acheté acheté sur place et de seulement 51 euros en prévente, avec des tarifs très avantageux pour les moins de 25 ans.
Arrivée juste à temps pour le concert du trio de Renaud Garcia Fons, je me propose d’aller voir plus tard, comme chaque année, les photos de Gérard Tissier, fidèle de l’association et du Moulin à Jazz, exposées dans la galerie, non loin des JAZZBOX de Céline Léna et de l’ami Philippe Méziat. Sont présentées 8 fictions, 8 lieux fantasmés du jazz de Cuba à Tokyo, Chicago, New York, Paris, Detroit ou La Nouvelle Orleans. Un périple sur l’histoire du jazz à travers le temps et les continents qui prend tout son intérêt dans le contexte de ce festival, ouvert sur le monde.
Il fait encore chaud quand le concert commence, et la colophane fond, collante comme un sparadrap alors que le trio du contrebassiste joue son nouveau programme Revoir Paris ( qui sortira bientôt sur le label de son dernier duo Silk Moon avec Derya Türkan, l’Autre distribution).
Revoir Paris évidemment c’est en référence à Trénet, non pas l’hommage spleenétique et mollasson de reprises parlées par Benjamin Biolay. Le premier titre, nous annonce le contrebassiste, s’inspire de la chanson sans en reprendre la mélodie. Il m’avouera hors scène que dans le disque, figure un arrangement chanté de la chanson de Trénet . Je n’en saurai pas plus, c’est le «teasing» de bonne guerre avant la sortie du disque. Avec ce nouveau trio, composé de l’accordéoniste David Venitucci, autre voyageur infatigable et du vibraphoniste marseillais Stephan Caracci, à la batterie pour ce concert, il emprunte encore une nouvelle direction, tout en dévoilant ses souvenirs. C’est une vision du Paris tendre et nostalgique, populaire et musette, avec valse et tango, que traversent des images de films, comme « Monsieur Taxi » avec Michel Simon tourné en 1952 par le très oublié André Hunebelle. On entendrait bien alors la ritournelle si prenante de Jean Constantin dans les Quatre Cents Coups illustrant les frasques et cavalcades du petit Léaud. Car Renaud Garcia Fons nous entraîne sur les hauteurs de Montmartre et « les escaliers de la butte si durs aux miséreux ».
C’est le retour aux origines de sa musique et de son existence qu’il exprime de façon originale, dans un univers baroque qui suit le pourtour méditerranéen, depuis la Catalogne familiale. Ses racines, il les promeut avec efficacité mais il ne limite pas à elles. Avec la qualité des accords et la spécificité de sa contrebasse, il tend vers un jazz de chambre. Ce musicien, au début classique, a évolué, devenant l’un des chantres du «cross over» entre classique, jazz et musiques du monde. Et ainsi apparaissent les couleurs orientalisantes, quand quittant Montmartre et la rue Championnet, ses pas le rapprochent de Barbès. Voilà des rythmes arabo-andalous qui tordent le répertoire plus classique de l’instrument, une cinq cordes de belle facture du luthier Jean Auray. Il a coutume en solo de s’aider de boucles, tapis moelleux sur lequel il imagine ses figures de styles toutes en courbes et contrecourbes. Ses lignes de basse intenses sont augmentées des effets du « delay » et autres « devices » électroniques. Il manie l’archet avec une élégance rare, et l’électrification fait résonner l’instrument comme un violon, une guitare, voire un oud selon le contexte. Tout un univers de cordes sensibles que l’on entend ce soir dans sa musique soulignée par la qualité du son.
Après l’entracte, c’est un trio «all star», cosmopolite, qui prend place sur la scène superbement mise en lumière, aux platanes habillés de mille feux : le pianiste cubain tout de blanc vêtu, Omar Sosa, le trompettiste sarde aux pieds nus Paolo Fresu et l’indien Trilok Gurtu à la batterie et aux percussions. De sacrées pointures qui savent échanger et développer une musique du monde. Au sens littéral puisqu’ils reforment ici un carrefour de trois continents. La direction de l’ensemble garde cohérence, malgré le mélange de rythmes. C’est encore de retour aux sources qu’il est question (le continent africain d’où partirent les esclaves déportés) avec la musique d’Omar Sosa qui met en jeu ses racines latines en introduisant des rythmes urbains, afro-caribéens et de l’électro. Le Cubain est adepte de la santeria, religion syncrétique qui allie le vaudou d’origine yoruba (Benin-Nigeria) à un catholicisme animiste, pour faire court. Et une certaine spiritualité baigne sa musique qui n’exclut pas la sensualité dans les ballades ; rimant avec « torrides » et « diaboliques », tournent, dans l’air du soir, les grooves de Trilok Gurtu qui s’emballe dès qu’il touche ses fûts. Quant au trompettiste de Bercchida, adepte de la respiration circulaire, il souffle le vent du jazz, qu’il soit assis ou debout, tendu comme un arc, avec un son toujours impeccable, quelque soit le contexte, avec ou sans sourdine, ou autre effet de la chambre d’écho. «Ce qui nous rappelle que cela fait bien longtemps que le jazz est latin, depuis ses débuts même», écrit Philippe Méziat dans la «Jazz box» sur la Nouvelle Orleans, avec un extrait de Jelly Roll Morton, qui se proclamait l’inventeur de cette musique, écoutant et jouant une musique influencée par les rythmes espagnols et créoles. Après que les musiciens ont émigré vers le nord, l’ouest, ou New York, le jazz a quelque peu oublié ces belles couleurs latines... Jusqu’à la fin des années quarante où il se les réapproprie grâce aux percussionnistes des Caraïbes comme Chano Pozo.
Ainsi, aux sons enivrants et parfumés d’une musique populaire de qualité, la soirée s’achève, dans une certaine allégresse. Une vraie réussite pour la bande à Charlie...
Sophie Chambon
Sophie Chambon
Le 3 Juillet / jazz a vienne : STEPHANE KERECKI https://vimeo.com/130435111
Conference de presse a 17H30 avec Laurent de Wilde ( representant de l adami ) et Stephane Kerecki
Le 8 juillet / Jazz a Vienne : LAURENT COULONDRE TRIO https://vimeo.com/130435110
Les festivals partenaires :
Jazz in Marciac – Jazz à Vienne – Paris Jazz Festival London Jazz festival - Bratislava Jazz Days
L’opération Talent Adami Jazz, initiée par l’Association artistique de l’Adami & Jean Jacques Milteau ( pdt de l Adami) se positionne comme un véritable tremplin à l’exportation des artistes de jazz français avec la complicité des plus grands festivals. Avec cette opération, l’Adami est un véritable partenaire de développement d’artistes, le lien entre les tourneurs et des festivals incontournables en France et à l’étranger.
Les dates :
PARIS JAZZ FEST :
STEPHANE KERECKI : le 7 Juin
LAURENT COULONDRE TRIO : le 26 Juillet
JAZZ A VIENNE :
STEPHANE KERECKI : le 3 Juillet // conf de presse a 17H30 avec laurent de wilde ( representant de l Adami)
LAURENT COULONDRE : Le 8 juillet
JAZZ IN MARCIAC :
LAURENT COULONDRE : le 30 Juillet
STEPHANE KERECKI : le 4 aout
FESTIVAL MIMO / BRESIL
STEPHANE KERECKI : le 20 Nov
LONDON JAZZ FEST ( Nov )
LAURENT COULONDRE TRIO & STEPHANE KERECKI
JAZZ DAYS BRATISLAVA ( Oct) :
STEPHANE KERECKI
Vingtième édition (13 au 23 mai 2015)
Soirée du jeudi 21 mai
Misja Fitzgerald Michel (guitare solo)
Dans un rond de lumière apparaît un grand escogriffe à la chemise à carreaux bleus. Misja Fitzgerald Michel[i] commence à jouer un solo de guitare qui nous fera parcourir le plus doux des trajets, du sensible «Ornettish» à une ballade «Heat», de « Don’t explain » de Billie Holiday à « Lonely Woman » (retour à Ornette Coleman), de « Pink Moon» du folk songwriter Nick Drake à «Nardis» en rappel (composition du guitariste Chuck Wayne qu’a su s’approprier Bill Evans). Tout est surprise, changements de ton, d’accords, avec des phrases complexifiées à souhait. Ce qui n’enlève rien à la finesse, à l’imprévisibilité attachante que le guitariste insuffle à l’ensemble. C’est dans un contexte aussi particulier, strictement libre, tout simplement étonnant que l’on peut apprécier la beauté insensée d’une mélodie et sa capacité à durer. Misja célèbre la guitare plurielle, l’essaie à toutes les pluralités. Il connaît les chansons, les reprend puisqu’il les aime et nous les fait découvrir autrement. Ce sont bien elles et pourtant, en se glissant dans le répertoire, il se fait une place avec sa guitare qui sonne et donne tout leur espace à ces « petits » morceaux qu’il éclaire, autrement, à sa manière, simplement et avec talent. Voilà ce que c’est que d’être doué, inspiré. Libre. On reparlera, au cours de la soirée, de ses sources d’inspiration, de Nick Drake, ce troubadour disparu trop tôt, en 1974 auquel il a consacré son dernier album Time of No Reply, en 2012. Tout comme de la malédiction qui a frappé les Buckley. Car le succès foudroyant du fils, Jeff avec l’album Grace, sorti en 1994, a quelque peu éclipsé le travail du père, Tim, plus orienté folk, mais profondément éclectique dans ses goûts et orientations musicales.
Il faut décidément louer l’esprit avisé du directeur artistique Jean Paul Ricard qui sait programmer des talents rares, trop peu entendus. C’est toute la grâce de ce festival arlésien, unique, de faire découvrir chaque année des choses rares, de programmer des concerts que l’on n’entendra plus dans les grosses machines estivales, ou même dans le réseau plus pointu de l’AJC, ex Afijma.
80 years BARRE PHILLIPS « Listening »
Urs Leimgruber, saxophones/Jacques Demierre, piano / Barre Phillips, contrebasse
www.barrephillips.com-emir.org
Changement de ton après l’entracte avec LDP: on attend le contrebassiste Barre Philips en trio avec Urs Leimgruber au saxophone et Jacques Demierre au piano, un alliage qui a déjà une quinzaine d’années, se produisant sur le label allemand, de qualité, Jazzwerkstatt. Contre toute attente, il y a un point commun avec le concert précédent : si l’on ne peut, cette fois, fredonner la mélodie, on retiendra cette recherche exigeante du son, dans sa qualité la plus pure. Barre Phillips est un artiste véritable qui suit son propre fil. Et ce, depuis longtemps, depuis Music from Two Basses avec Dave Holland ou son solo, Journal Violone en musique improvisée. Avec ce trio, c’est la surprise et la découverte dans l’instant, un entrelacs de figures dans l’espace, une chorégraphie gestuelle et un abandon à l’instant-ané. On se laisse conduire par ce mixage de fragments sonores reliés à une écoute intime, des stridences et vrilles exacerbées du saxophoniste et autres grincements du piano plus ou moins préparé ; parfois c’est un ostinato de basse, un bourdonnement continu qui s’harmoniserait presque avec la soufflerie aléatoire de la tireuse de bière ou de la machine à café. Au fond, derrière le plateau technique, les conditions d’écoute sont parfaites. Le trio est de plus, visuellement intéressant, au sens pictural, un tableau de groupe flamand. Il faudrait un peintre, plus encore qu’un photographe, pour saisir ce qui se joue là, entre les trois : des emportements incontrôlés d’Urs aux gestes menus de Barre, délicat quand il enlace, retourne, frotte, tapote la basse.
Cette capacité de création immédiate résulte t- elle de la seule virtuosité ? Quand il s’agit de rentrer en soi même, à l’écoute de soi et des autres, de faire remonter des réminiscences. Une création « live », dans l’instant, d’après des choix imposés de l’extérieur, comme de jouer entre les notes. Une expérience à trois, partagée, où « l’écoute comme matériau », selon les mots même de Jacques Demierre[i] est « à chaque nouveau concert plus présente... Une réactivation continuelle de la totalité des possibles...quand tous ces sons produits et échangés ne semblent résulter d’aucun travail et naître spontanément de leur propagation dans l’espace ».
C‘est la marque d’un beau concert quand le souvenir que l‘on en garde s’accompagne de sérénité. Quelques personnes sont malgré tout un peu surprises, mais la majeure partie du public, constituée de fidèles, connaît le parcours sensationnel et transdisciplinaire de cet octogénaire toujours vaillant, qui a accompagné la chorégraphe Carolyn Carlson, composé des musiques de films, de Jacques Rivette et du documentariste Robert Kramer.
Avec cet aparté avec le chroniqueur du Monde, Francis Marmande, dont le chapeau, ce soir là, m’évoque irrésistiblement « le Doulos » de Melville, un film qu’il connaît bien, la transition avec la soirée suivante est toute trouvée, puisqu’ il s’agira de Cinéma et de musiques de films, ceux de La Nouvelle Vague. J’aime ces moments en immersion, où l’on est là, captif et libre. De méditer et rêver. De penser à tout et à rien. Prêt à lire et à écrire.
Sophie Chambon
NB : les photos qui illustrent l’article sont de l’ami Philippe Méziat dont vous pouvez lire le compte rendu sur le blog de jazzmagazine.
[1] Misja Fitzgerald Michel tourne dans des contextes différents, des formations différentes : proche de Jim Hall, il a joué avec Ravi Coltrane, Chris Potter, Drew Gress, pratiquant avec aisance une gymnastique totalement acrobatique, un grand écart des formes
[i] J’irai voir après le concert, sur les conseils de Luc Bouquet, le carnet de route du trio proposé par l’initiateur du son du Grisli, Guillaume Belhomme. www.grisli.canalblog.com
Xavier Prévost
Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés Paris du 15 au 25 Mai 2014
Découvrez la bande-annonce 2015 : Chers publics, Alors que vous lisez ce texte, voilà presqu'un an que les équipes du festival explorent la planète jazz pour en retenir les artistes et les musi...
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