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22 avril 2014 2 22 /04 /avril /2014 21:38

esselieres

 

Connaissez-vous l’Espace Congrès des Esselières à Villejuif ? Si non, c’est bien dommage… Ce lieu sympathique propose chaque mois un concert de Jazz sous l’efficace patronage de l’association « Jazz aux Esselières »[2] et le jeudi 17 avril cette heureuse scène accueillait l’Anachronic Jazz Band. Belle brochette de virtuoses en l’occurrence qui frôlent une moyenne d’âge proche de celle des Rolling Stones. Ici s’arrête la comparaison même si pour certains amateurs on pouvait trouver un côté mythique à l’Anachronic. Le mythe renaît pour une série de concerts pas piqués des mites et ce grâce à Patrick Artero (Trompette) qui a eu la bonne idée de réunir de malicieux complices pour renouer avec la transposition du Be Bop vers le style musical des années 20 et 30.

On retrouve quelques uns des fondateurs de 1976 : Philippe Baudoin (Piano), Daniel Huck (Sax Alto, chant), Marc Richard (Clarinette, Sax Alto), André Villeger (Clarinette, Sax Ténor, Sax Soprano), Gérard Gervois (Tuba), auxquels se regroupent avec bonheur Jean-François Bonnet (Clarinette, C-Melody Sax), Pierre Guicquéro (Trombone), François Fournet (Banjo), Sylvain Clégarec (Batterie).

Comment dire… Les caves de Jazz ont-elles le même effet que celles des crus de Bourgogne ? Il faut croire que oui. Les trente huit ans qui séparent la formation du début de celle d’aujourd’hui n’ont en rien altéré l’enthousiasme des musiciens, la qualité des arrangements, l’originalité des chorus et le plaisir des auditeurs. Les trios de clarinettes, les quatre quatre au cordeau, les envolées des solistes nous plongent dans la joie au-delà même des thèmes originaux totalement réarrangés pour mériter une admission dans ce répertoire anachronique. A l’occasion vous revisiterez : Yarbird Suite, Armando’s Rumba, Blue Monk, Salt Peanuts et le passage savoureux du Take Five de Dave Brubeck au Take Four de Philippe Baudoin dont les accents arabisants sont néanmoins New Orléanesques en diable.

Si vous avez le bonheur de les voir en direct vous retiendrez quelques vannes à deux balles dignes de collégiens (on ne se refait pas…), quelques sourires des uns et des autres à l’audition de leurs chorus respectifs. Vous apprécierez également leur grande culture musicale inspiratrice du choix des thèmes. Vous profiterez enfin d’un énorme moment de complicité non coupable entre musiciens qui se connaissent bien et sont tout au plaisir de s’être retrouvés pour faire un bout de chemin sur une portée commune. Vous vous devez également d’acheter leur dernier disque « Anachronic Jazz Band : Back in Town » et celui réédité en 2009 « Anthropology ». 

Le deuxième, je l’ai déjà… En vinyle…

Bonne écoute.

 

 

 

 

 

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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 12:04

 

Francis Le Bras (piano), Daniel Erdmann (saxophone), Claude Tchamitchian (contrebasse)

Sortie du disque en mars 2014 sur  Vents d’EST, label et collectif artistique

iwww.ventsdest.com

Distribution  Allumés du Jazz www.allumesdujazz.com

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Ça commence comme un chant d’amour, d’abandon au désir ou à la plainte, c’est tout comme. Avec ses formidables complices, le contrebassiste Claude Tchamitchian, particulièrement en forme, le saxophoniste imperturbable et néanmoins follement réactif Daniel Erdmann, Francis Le Bras engage une conversation subtile, drôle et mélodique. Voilà tout un art du trio qui se réinvente sous nos yeux, une façon de réarranger, et de faire virevolter la musique autour d’une contrebasse  très active, d’un «allumé» du saxophone et d’un pianiste qui harmonise ses propres déséquilibres, à la recherche  non pas d’un enfermement protecteur mais d’élans lumineux, d’horizons éclatés. On assiste à une mise en jeu du corps  avec ce concert réjouissant qui préfigure la sortie d’un album enregistré cet été à la Buissonne ...

Aucun des trois n’est marseillais mais cette ville a su  devenir incontournable dans  leur parcours personnel et artistique. Ceci dit, malgré le titre, le concert  de ce samedi 8 février n’a pas donné lieu à une série de pièces folkloriques, une galéjade arrosée au  pastis, avec vue dégagée sur la Grande Bleue. C’est autrement plus original et intimiste. Le pianiste Francis Le Bras, à l’origine de ce projet, est parvenu à transposer sa vision de la cité phocéenne avec humour et sensibilité,  jusqu’à nous régaler d’un gospel, réécrit en l’honneur de la Bonne Mère (!) « Holy Mother ». Et  ça colle, peuchère.

Cette musique a une profondeur émerveillée, une qualité de sérieux immédiatement palpable, avec des pièces plus atmosphériques comme cette «Corniche JFK» qui ne sera  peut-être pas le nom définitif  de la composition. De toute façon, le pianiste a su recréer un itinéraire particulier, une géographie décomplexée qui emprunte le chemin des écoliers, jamais les transports en commun (marseillais). Une vision  qui se matérialise dès le premier titre, la déambulation de  «Saturday night au Panier» en évoquant une nouvelle narration, une enquête sur un rythme dense et syncopé, tel un polar d’Izzo, Chourmo ou Total Chéops, et qui va voir également du côté du cinéma : le ciel et l’obscurité sont réconciliés dans ces échappées nocturnes,  ces travelling avant sur l’asphalte luisante... Bande-son d’un film noir imaginaire, un extérieur nuitdont la mise en scène joue du décor urbain aux images contrastées en noir et blanc.

le-bras.jpeg

Le saxophoniste Daniel Erdmann a laissé aussi quelques traces de sa réflexion et l’on retiendra ce « Igor on the Autobahn », une pièce au titre décalé, qui lui sied comme un gant. On aime la diversité des couleurs proposées, ces valeurs douces où viennent se couler les sonorités du saxophone. On vous le disait, une création libre à plus d’un titre mais pas free, avec même, le plaisir d’une ballade au cœur de la mélancolie. C’est que Francis Le Bras paraît fasciné par une certaine qualité de sombre qu’il déjoue en vitesse, comme s’il se défendait d’une pente naturelle méditative et recueillie. Le trio se livre avec bonheur au jeu d’un texte ouvert : toutes les pièces prennent un relief particulier qui les rend actuelles sans autre référence que le seul désir qui s’y trouve engagé. Un parcours initiatique qui renouvelle notre vision de la cité phocéenne. Vivement recommandé.

 

©sophie chambon

 

NB : Précisons pour les Marseillais que ce concert se déroulait dans un nouveau lieu branché, L’U.percut,  127 rue Sainte, bar à tapas à deux pas de la puissante abbaye fortifiée de St Victor (Vème siècle avant J.C ),  là où l’on bénit les navettes pour la Chandeleur ....

 

Sophie Chambon

 

 

 


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24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 19:25

 

Samedi 18 novembre

www.djaz51.com 

 

KUBIK’s MONK: Pierrick Pedron  (saxophone alto), Thomas Bramerie (contrebasse),  Frank Agulhon (batterie)

Arborant un tee-shirt à l’image de leur pochette, les musiciens entrent en scène pour un récital  Monk joué avec brio par un trio décomplexé.

Je me souviens d’avoir écrit sur ce même site, alors que le CD sortait chez ACT : Voilà que Pierrick Pedron revient à Monk et cela pouvait faire peur : comment osait-il s’attaquer au roc aride et tranchant, à ce géant bancal et inimitable, ce pianiste fou et génial ? Aux côtés de Monk, a défilé la fine fleur du jazz moderne de l’époque, les batteurs Kenny Clark, Art Blakey, Max Roach, le contrebassiste Oscar Pettiford,  le trompettiste Clark Terry...

Avec ses fidèles complices, Franck Agulhon, Thomas Bramerie, l’une des plus belles rythmiques jazz actuelles, Pierrick Pedron fait entendre la formidable musicalité de la musique de Monk dans des compositions peu jouées, comme ce « Who knows » qu’affectionnait Steve Lacy, « Ugly beauty », « We see », « Trinkle, tinkle », l’étonnant « Skippy ».  Rejouer sans piano ces petites pièces, aux titres improbables, n’est vraiment pas facile, car il faut entrer dans la logique de Monk, s’adapter à sa vision des choses, reproduire en l’adaptant une architecture complexe, une «  toile en trois dimensions » à la  façon des cubistes. « L’ermite » Monk va  loin dans son souverain mépris des règles, ne suivant que son « tempo intérieur». Laurent de Wilde a écrit que dans Monk, « rien n’est carré, tout est de guingois...La tyrannie de sa mélodie singulière est totale, et l’improvisation, plus que jamais est totalement asservie ».

 Le résultat  est une musique précisément ciselée : avec l’expérience de nombreux concerts,  elle a acquis une lumineuse « évidence », elle respire et s’épanouit  comme dans ce titre justement, qui débute le set. On retrouve les envolées, toujours très lyriques de Pierrick Pedron  et sa généreuse sonorité. Un sacré défi qu’il s’était lancé ... et qui a réussi ( il rêve à présent d’un Kubik’s CURE, toujours avec ses potes). Car le chant monkien resurgit dans la musique du trio, sans que cela ne ressemble à un hommage ou un « tribute » de plus. Quel talent pour se risquer en solo à jouer le célébrissime « Round Midnight » sans tomber dans une reproduction trop serrée.

Après le concert, la conversation s’engage entre le saxophoniste et le président de l’association du festival ( bénévole , pharmacien de son état, pianiste et fin connaisseur de  Monk) autour de l’œuvre du « maître » (75 titres au moins)  et de ces jazzmen, véritables « chevaliers de l’éphémère » (Pascal Quignard) qui fondèrent le be bop.

 

Le Diaporama Pedron par Alain Julien

 

Eric Seva ( saxophones baryton, soprano, sopranino), William Leconte (piano), Didier Irthusarry (accordéon), Pierre François “Titi” Dufour ( batterie)

Décidément, Francis Le Bras, le directeur du festival a concocté une soirée réussie au style musical plus limpide et familier, illustrant la formidable plasticité du jazz actuel.

Changement de set  pour le dernier groupe, les Espaces croisés d’Eric Seva, saxophoniste vivant à Marmande dont le premier album en leader en 2005, Folklores imaginaires obtint un succès vraiment mérité. Il manie le baryton avec aisance, mais ne dédaigne pas le soprano et sopranino. Il continue son voyage au long cours avec une formation originale, où contrebasse et guitare sont remplacées par piano et accordéon, fort élégamment... C’est un tout autre style que l’on entend, des premières notes de « Résonances » ou « Crossroads » jusqu’au final. On embarque pour un itinéraire sans fausse note, au carrefour d’influences assimilées finement, de musiques traditionnelles («Les roots d’Alicante») : un jazz à « l’identité vagabonde», sensible, fraternel, qui exalte les  rencontres. La musique se risque et s’épanouit dans le souffle du leader et le son inoubliable de l’accordéoniste Didier Ithursarry.

 

Le diaporama Seva par Alain Julien

 

 

Sophie Chambon

 

 

 

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20 novembre 2013 3 20 /11 /novembre /2013 17:40

Vingtième édition du  REIMS JAZZ FESTIVAL : du jazz dans les bulles
(14 au 23 novembre)

 

AfficheDjaz51.jpg

 Photo Alain Julien

 

OPEN JAZZ en direct
Cap sur Reims, à seulement quarante-cinq minutes en TGV pour assister au premier week end  du festival Djazz 51. Dans le train, j’ai retrouvé Alex Dutilh qui poursuit sa tournée Open Jazz sur France Musique, après Marseille et Nevers. Sans plus tarder, nous filons au Centre Culturel St Exupéry, plus précisément au  Bar éphémère de Pierre Roy-Camille, au comptoir duquel la radio s’installe. J’assiste à l’émission, comme les auditeurs ravis du direct : une heure de  conversation et d’échanges entrecoupés de longs extraits musicaux et le luxe d’un premier morceau de ...8mn, « Illinx Bassline » du contrebassiste Marc Buronfosse. Francis Le Bras, figure essentielle du festival, pianiste et directeur artistique, l’un des créateurs du label Vent d’Est est là, heureux de partager son amour du jazz, de donner à voir et entendre des musiques actuelles.
 Alex Dutilh, excellent maître de cérémonie, relance l’échange, divertit tout en instruisant, sans oublier les coups d‘œil dans le rétroviseur ( un titre de 1962 du trompettiste d’Howard Mc Ghee « Blue Duende » dans Nobody knows you when you’ re down and out).  Il commente avec ses invités l’évolution du jazz actuel, musique difficile à immobiliser dans une définition » ( Enzo Cormann).

 

Sophie-Chambon-Open-Jazz.jpg

 Open Jazz d'Alex Dutilh: Francis Le Bras, Alban Darche, Marc Buronfosse

 

Vendredi soir 15 novembre : J.A.S.S


Sébastien Boisseau (contrebasse), John Hollenbeck (batterie), Samuel Blaser (trombone), Alban Darche ( saxophone ténor)
A l’honneur ce soir, un groupe mixte franco-américano-suisse et  collaboratif  J.A.S.S  dans un programme inédit en disque du moins.  J.A.S.S   est l’acronyme des premières lettres des prénoms des musiciens : l’une des hypothèses étymologiques du mot  « jazz » remonte à  « jass »  (la chasse), pas loin de « jackass » si l’on s’intéresse aux noms d’oiseaux et autres expressions sexuellement connotées jusqu’à  « All that jazz » qui inspira le regretté Bob Fosse.
 Voilà une musique qui respire, intelligente, libre, affranchie  sur un répertoire de compositions originales. S’il  faut quelque temps pour s’immerger dans le magma du quartet, leur lave en fusion  ne consume  pas. Intense et enlevée, la musique ne se livre pas facilement,  comme un puzzle en pièces que l’on reconstitue peu à peu. On y entre sans toutefois en  percevoir tous les codes.  Voulant libérer la musique de ses propres carcans, ces expérimentateurs n’hésitent pas à la manière d’oulipiens, à se donner des contraintes pour  faire bouger les lignes comme dans  ce « No D » par exemple ( composition  sans la note ré), à la manière de Georges Perec qui s’était amusé à faire disparaître le « e ».
On prend plaisir à écouter en live ce quartet tant l’expression collective est essentielle. Pour ces arpenteurs de nouveaux territoires, il s’agit de se porter mutuellement, faisant exulter les fulgurances communes.  Cela démarre dans un espace rendu géométrique par l’expansion du souffle et du rythme, dans un rapport au temps des plus exacts. Un duo splendide de soufflants que la rythmique non seulement soutient mais propulse. Sébastien Boisseau, arrimé à sa basse comme au mât du navire, donne le cap à Alban Darche et Samuel Blaser, volubiles et pourtant précis, qui dialoguent sur le front : des lignes de force d’une douce violence tracées sous l’impulsion du batteur, dans une énergie continue. Il est impressionnant John Hollenbeck (Claudia Quintet entre autre), pas vraiment bavard mais sur scène, ce qu’il fait est éloquent. Jamais la tension ne retombe ou ne semble faiblir. Il y a une véritable « jazz envy » (titre d’un morceau), à moins que ce ne soit  « en vie », mais on ne va pas jouer sur les mots.  Suit l’une des compositions qui m’accroche le plus, celle du saxophoniste Alban Darche (c’est lui, le A de J.A.S.S) dont j’essaie de suivre le  déroulé: « L’eau » démarre par des petites « agaceries» ornementales du trombone et du sax en contrepoint, qui enflent ensuite sur accords ternaires et marche quasi-militaire dans un grondement continu. Cela roule en effet comme un cours d’eau qui divague sans perdre de vue son lit, se ressaisit, gagne en puissance et  s’emporte en atteignant les chutes. Samuel Blaser  souffle, feule, hoquète avec son trombone « complet » (une noix supplémentaire). En coulisse, j’apprendrai que les valves s’appellent aussi des « noix ». Rythmicien hors pair, il part du jazz et y revient sans cesse : extrême dans un élan continu, il peut tout obtenir de son instrument, du growl le plus classique aux stridences atonales. Il a un son moelleux alors qu’il se refuse à toute voluptueuse caresse, comme savent si bien en jouer les trombonistes dans les balades. Au pays du champagne, ça pétille, mais n’écoeure jamais.

 

Découvrez le diaporama du J.A.S.S quartet par Alain Julien

 

 

 Le SOUNDS QUARTET du contrebassiste Marc Buronfosse sur le label ABALONE de Régis Huby, distribué par les Allumés du Jazz :   FACE THE MUSIC  avec Benjamin Moussay ( piano, keyboards) Antoine Banville ( drums, percussions).

 
On attend maintenant la suite et... on ne sera pas déçu. Un équilibre de funambule s’instaure vite dans le groupe qui suit le « blast » de JASS. La guitare ailée de Marc-Antoine Perrio (on ne discutera pas de ses préférences électriques  Fender ou Gibson) est la surprise de ce concert : le  contrebassiste Marc Buronfosse  a en effet décidé de ne pas remplacer Jean Charles Richard  qui joue sur l’album, épatant au demeurant, de tenter l’expérience avec un jeune guitariste qu’il a  entendu jouer, autant du classique sur une guitare à cordes en nylon que de la dobro. Intuition qui fonctionne en tous les cas : advient autre chose, une musique vraie et complexe où s’affirme une fois encore que l’on joue comme l’on est, avec de la  pudeur griffée d’une belle audace pour le leader-contrebassiste. Contrôlant la vision particulière de l’ensemble, Marc Buronfosse réussit à faire sonner la forme, en changeant les basses et l’instrumentarium comme dans cet étonnant « AOC » (à Ornette Coleman, précisons). Le quartet  déménage avec ferveur et musicalité, entre épure et passion, sur le versant d’un romantisme (échevelé ) de Benjamin Moussay  dans « Jennifer’s mood » par exemple. Sans oublier tout le travail précis de modulation du son, de recherche de résonance, d’ effets et autres boucles qui résiste à la déferlante d’un batteur solaire, Antoine Banville. Une suite en deux parties au titre énigmatique (« Before and After the second round ») achève de nous convaincre, le jazz a toujours été une musique d’urgence, de liberté, de prise de risque.
 Le festival démarre bien, et  Francis Le Bras confirme qu’en dépit de difficultés rencontrées ces dernières années (baisse drastique des subventions de près de 60%), le public reste fidèle et se montre plutôt heureux de ce qui advient, faisant confiance à la programmation innovante. Le Directeur artistique souligne qu’il fait, à chaque fois, l’effort de programmer deux concerts très différents le même soir pour croiser les publics, et tenter d’élargir la vision du jazz, des jazzs, faire découvrir ces musiques plurielles. C’était bien le cas ce soir avec deux groupes complémentaires qui s’ajustent au foisonnement actuel. Plus de première et deuxième partie, encore moins de vedette américaine. Novembre est le mois de grands festivals dans le réseau A.J.C  (ex  Afijma)  , réunissant des propositions artistiques très diverses, mais toujours en recherche de qualité et qui prouvent que le jazz peut encore toucher corps et âme... 
NB : Mention spéciale au travail d’ALAIN JULIEN sur www.djaz51.com.  Il est aussi l’auteur du DVD dont nous avons déjà évoqué toute la beauté radicale dans le projet PATCHWORK de Francis Le Bras et Daniel Erdmann sur le label VENT D’EST (enregistré en tournée au Mali et Guinée Bissau)

 

Découvrez le diaporama du SOUNDS Quartet par Alain Julien

 

( A suivre...)

Sophie CHAMBON    
   
   
   
   
   
 

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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 07:22

 

Ahmad Jamal, piano, Herlin Riley, batterie, Manolo Badrena, percussions, Reginald Veal, contrebasse.

 


Même le solo de contrebasse (Reginald Veal), habituel pensum des concerts, est bien passé. C’est dire. Le quartet d’Ahmad Jamal a donné ce 7 novembre à l’Odéon, celui-là même qui vibra de fureur en 68 avec Jean Genet, un concert où la grâce le disputait à l’élégance.

Coqueluche du public parisien, le pianiste de Pittsburgh, octogénaire alerte, a retrouvé des accents de jeunesse avec ce trio qui publie ces jours-ci un deuxième album (Saturday Morning. Jazz Village-Harmonia Mundi). La paire rythmique formée de Reginald Veal, au son généreux et à la belle habileté à l’archet, et Herlin Riley, métronome imparable, répond alertement aux impulsions du Maître, tandis que Manolo Badrena apporte son autonomie facétieuse aux percussions.

Le public –quelques jeunes, des cadres, des chefs d’entreprise- prenait un réel plaisir à ce répertoire tiré en grande partie de ce dernier disque, avec une mention spéciale à la composition-titre Saturday Morning, évocation rêveuse d’une matinée de début de week-end. Deux rappels et une standing ovation de rigueur pour le magicien du piano.

Ne manquait pour parfaire cette revigorante soirée que Poinciana, le tube qui assura le succès planétaire d’Ahmad Jamal voici quatre bonnes décennies. Ce sera certainement pour les deux autres concerts des 8 et 9 novembre dans ce théâtre qui s’ouvre de plus en plus au jazz. St Germain des Prés retrouve-un peu-l’esprit des années 50, où Miles (grand admirateur de Jamal) se préparait à laisser une œuvre aussi majeure qu’improvisée, la bande-son d’Ascenseur pour l’échafaud.

Jean-Louis Lemarchand

 

Ahmad-Jamal-page-couv-Saturday

Retrouvez ici la chronique des DNJ AHMAD JAMAL : » Saturday Morning – La Buissonne Studio sessions»

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15 octobre 2013 2 15 /10 /octobre /2013 22:59

 

Salle Pleyel 13 octobre 2013

 

Incandescence

Transcendance

Magnificence

C’est à cela que l’on s’attend lorsque trois grands saxophonistes rendent ensemble hommage à une icône comme John Coltrane.

C’est bien dans cette fastueuse ferveur qu’a démarré le concert du Saxophone Summit à la salle Pleyel le 13 octobre 2013. Le sextet a entamé sa prestation avec une interprétation déchaînée de « Seraphic Light », composition de John Coltrane et également titre éponyme du dernier album du groupe, sorti en 2008.

Sur le devant de la scène on retrouve Dave Liebman, Joe Lovano, et Ravi Coltrane qui les a rejoint récemment suite au décès de Michael Brecker. Ceux-ci sont accompagnés par Cecil McBee à la contrebasse, Phil Markowitz au piano et Billy Hart à la batterie.

Immédiatement, Dave Liebman s’impose comme le leader du groupe, et peut-être aussi le plus coltranien des trois.

Sa présence quasi paternelle permet l’articulation et la cohabitation sur une même scène de trois musiciens affirmés, de trois styles, de trois énergies, dont chacune risque à tout moment de briser l’espace de l’autre.

Le groupe se lancera dans une version originale de « Minor Blues », puis de « Reverend King », et fera suivre une composition de Michael Brecker qui est aussi le titre du premier album du Summit : « Gathering of Spirits ».

Tricycle de Dave Liebman sera finement introduit par Cecil McBee à la contrebasse, qui s’aventurera, à pas feutrés, sur les chemins les plus tortueux qu’il puisse trouver, avant d’entraîner miraculeusement le reste de l’orchestre avec lui. Un morceau tourmenté, mystérieux, qui place l’auditeur au cœur serré dans un univers où le péril l’attend à chaque détour de croche. C’est ainsi avec apaisement que l’on accueille le retour bien amené à une bonne rythmique ternaire, où une ligne de notes se met à courir lestement comme un insecte affolé sur le manche de la contrebasse de Cecil McBee.

Le final sera assuré par l’un des morceaux primordiaux de John Coltrane : Ole, dont l’étrange introduction nous amène non pas sur les rives ibériques attendues mais au pays du soleil levant : accords joués avec les cordes du piano, mélodie japonisante, flutes et silences méditatifs (cf extrait ci-joint).

La salle comble, vibre son plein.

John Coltrane jouait dans cette salle en 1965. Nul doute que sa musique a reçu hier soir l’un des hommages les plus passionnés qui lui ait jamais été donné.

 

Yaël Angel

 

 

Ce concert sera diffusé le 11 décembre 2013 à 20h sur France Musique

 

 

Composition du Saxophone Summit

Dave Liebman (s)

Joe Lovano (s)

Ravi Coltrane (s)

Phil Markowitz (p)

Cecil McBee (b)

Billy Hart (d)

 

 

Discographie du Saxophone Summit :

« Seraphic Light » 2008

« Gathering of Spirits » 2004

 

 

 

 

 

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23 juillet 2013 2 23 /07 /juillet /2013 22:35

AVISHAI COHEN QUARTET
FESTIVAL JAZZ A JUAN
16 JUILLET 2013
 
Avishai Cohen : contrebasse/chant
Nitai Hershkovitz : piano
Eli Degibri : saxophone
Ofri Nehemya : batterie
 
Découvreur de talents, Avishai Cohen l’est indubitablement, comme le fut en son temps Miles Davis. Ainsi, c’est accompagné notamment par deux très jeunes prodiges, qu’il s’est présenté le 16 juillet 2013 sur la scène mythique du festival "Jazz à Juan". Nitai Heshkovitz au piano, 23 ans - avec lequel il vient d’enregistrer son dernier opus "Duende" - et Ofri Nehemya à la batterie, 19 ans, sont propulsés grâce à lui sur les plus grandes scènes du monde, comme le furent également Shai Maestro et Omri Mor.

  

Avishai Cohen Jazz à Juan 2013.1 Avishai COHEN - Photo Gilles LEFRANCQ

 

 

Sur ce point, on peut reconnaître à Avishai Cohen la générosité d’offrir son soutien et sa confiance aux jeunes musiciens qui feront le jazz de demain !
Durant le concert, le quartet jouera principalement les compositions du contrebassiste, aux formules rythmiques et mélodiques parfois un peu répétitives : notamment "El Capitan And The Ship At Sea", "Ballad For An Unborn", "Ann’s Tune" ou encore "Yagla". Le relief sera principalement apporté par certains soli qui enflammeront la pinède. Avishai Cohen improvise différemment qu’à l’habitude, ponctuant ses lignes mélodiques comme il le ferait d’une phrase, utilisant la contrebasse comme un outil linguistique et créant ainsi un véritable discours où l’on entend la reprise du souffle de son instrument. Eli Degibri jouera ardemment, dans un style hard bop, faisant balancer les spectateurs sur leur chaise. Le jeune Nitai Hershkovitz, remarquable pianiste, prendra une place particulière dans l’ensemble. Après le départ de Shai Maestro en 2011, Avishai Cohen s’était tout d’abord associé à Omri Mor, lequel partira également. Nitai, avec lequel il a enregistré l’album "Duende" et avec qui il échangera des regards de connivence tout au long du concert, semble être le compagnon de musique qu’il cherchait depuis longtemps.
Malgré le talent de chacun des artistes, la cohérence du quartet est encore à parfaire. Avishai Cohen opère de fréquents changements dans son équipe et cela finit peut-être par ralentir la construction d’un ensemble homogène, ce que les musiciens appellent "le son".

 


En dépit des moments forts du concert, je n’ai pas retrouvé l’émotion qui me tenait lors du concert d’Avishai Cohen sur cette même scène en 2010, sur la scène du Nice Jazz Festival en 2011 ou encore celle du Moods à Monaco en 2008.
Les fans se lèvent pour l’applaudir après le dernier morceau, une reprise de "Besame Mucho", qu’Avishai Cohen affectionne et joue comme un message de terre promise à son public.


Yaël Angel
 

 Avishai Cohen Jazz à Juan 2013

   Avishai COHEN - Photo Gilles LEFRANCQ

 

Prochains concerts en France :
28/07 – Festival de Carcassonne – Carcassonne, France
12/10 - Nimes, France
13/10 - Tourcoing Jazz Festival, Colisée - Tourcoing, France
15/10 - Schiltigeim, France
16/10 - Théâtre Carpeaux - Courbevoie, France
17/10 - Nancy Jazz Pulsations - Nancy, France

 

 

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18 juillet 2013 4 18 /07 /juillet /2013 16:04


Anat Cohen, lauréate du prix Paul Acket au North Sea Festival

La clarinettiste israélienne Anat Cohen s’est vue décerner le prix Paul Acket (1), lors du North Sea Jazz Festival, succédant au palmarès à Craig Taborn, Arve Hendriksen et Christian Scott. Destiné à récompenser un musicien talentueux méritant la reconnaissance du grand public, le prix accordé par un jury international est doté d’une allocation (5.000 euros) attribuée par la Fondation BNP Paribas.
Délégué général de la Fondation BNP Paribas, mécène du jazz depuis 18 ans, Jean-Jacques Goron a salué le 12 juillet à Rotterdam lors de la remise du prix « l’impressionnante vitalité sur scène d’Anat Cohen, son vrai sens du groove et ses interprétations pleines de tendresse ».
Interprète disposant d’un solide bagage technique, Anat Cohen aime à s’aventurer sur les différents territoires de la musique, du jazz le plus classique des années 30, aux sonorités brésiliennes en passant même par la chanson française avec « La Vie en Rose ». Délaissant le saxophone ténor de ses premières années-au conservatoire et à l’armée- elle s’est consacrée depuis à la clarinette en alternance avec le saxophone soprano. Leader de son groupe, installée à New-York depuis une dizaine d’années, Anat participe également au trio 3Cohen avec ses frères Avishai (trompette) et Yuval (saxophones alto et soprano).

 

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 Photo : Jean-Louis Lemarchand 

 

 

En vidéo

 

 

 


BNP Paribas soutien du jazz depuis 18 ans
La Fondation BNP Paribas apporte son soutien à des musiciens de jazz depuis 1995, un pilier de son engagement mécénal) qui se développe dans cinq domaines : culture, solidarité, éducation, santé et environnement (un budget global de 8,5 millions d’euros en 2012 dont 1,8 million pour les actions culturelles). Cette action en faveur du jazz prend des formes diverses, aide à des enregistrements, promotion de concerts, soutien à des tournées. « Nous souhaitons apporter un accompagnement à des projets, souple, taillé sur mesure pour chaque artiste », souligne Jean-Jacques Goron. Ont ainsi bénéficié de cet engagement Manuel Rocheman, Sophia Domancich, Baptiste Trotignon, les frères Moutin, Thomas Enhco, Ablaye Cissoko…
Dans le même registre, la Fondation BNP Paribas s’investit dans des festivals comme Jazz à St Germain des Prés Paris et Jazz à l’étage à Rennes et à l’étranger, Saint-Louis Jazz (Sénégal), L’Emoi du Jazz à Abidjan(Côte d’Ivoire), Tanjazz (Maroc) sans oublier le North Sea Festival avec un soutien également à une journée dédiée aux enfants… à partir de deux ans.


(1) Paul Acket était le fondateur du North Sea Festival, installé initialement en 1976 à La Haye et depuis huit ans à Rotterdam.
 

 

Jean-Louis Lemarchand

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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 21:37

 

 

 

 

 

 

 

 

cecilia-bertolini.jpg

 

 

 

Dans sa jeune carrière de chanteuse, Cécilia Bertolini aura rarement eu un public aussi participatif que ce 28 mai après-midi à la Maison d’arrêt des femmes de Versailles. Tout au long de cette grande heure de concert, les quelque vingt jeunes femmes détenues ont claqué des doigts, balancé la tête, tapé dans les mains. Autant de signes d’approbation pour

 

©sandrine sauveur

 

 

un répertoire formé de standards (Herbie Hancock, Sting…) et, surtout de compositions personnelles d’une chanteuse prometteuse (« Gotta Do It ».Bonsaï Music.2012). Après le rappel d’usage, Cécilia et ses deux interprètes-Sylvain Gontard (trompette) et Tony Paeleman (piano électrique)- se sont prêtés à une séance de questions-réponses sur le métier d’artiste, le choix du répertoire, le prochain disque à venir… La Maison d’arrêt des femmes de Versailles participe depuis plusieurs années à cette action culturelle jazz en prison baptisée « Dedans comme dehors » et initiée par le festival Jazz à St Germain des Prés Paris. Pour cette septième édition, le festival a d’ailleurs décidé de prendre intégralement à sa charge financière ce concert. « Nous entendons ainsi manifester notre engagement pour la réinsertion sociale par le culturel », témoigne Fréderic Charbaut, directeur artistique d’Esprit Jazz, association organisant le festival. Le récital de jazz vocal donné à Versailles comme le concert de blues de Karim Albert Kook le 23 mai dernier à la Maison centrale de Poissy participe aux actions conduites par le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (S.P.I.P) des Yvelines sur le terrain culturel. La culture a en effet été reconnue dans la loi comme un facteur d’insertion et de réintégration des personnes détenues. La maison d’arrêt de Versailles qui accueillait fin mai 58 femmes propose, outre la traditionnelle bibliothèque, des actions de création artistique (théâtre) et de diffusion, telles que des conférences (par exemple sur le Château de Versailles, tout proche, à l’époque royale) ou des concerts (récemment un récital de piano avec Mozart au programme). « La culture ne doit pas s’arrêter à la porte de la prison », assure Christelle Delozé, directrice adjointe de l’établissement. Un moment réticentes –« la culture ce n’est pas pour moi »- les femmes détenues semblent apprécier ces moments d’ouverture sur un univers qui leur est généralement peu ou pas connu. C’était du moins l’impression que les observateurs extérieurs pouvaient ressentir ce 28 mai dans cette salle de concert improvisée au cœur de la Maison d’arrêt des femmes de Versailles. www.festivaljazzsaintgermainparis.com Jean-Louis Lemarchand

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24 avril 2013 3 24 /04 /avril /2013 10:06

Mise en scène Anne Marie- LAZARINI

Musique originale Andy Emler

Création Les Athévains

Coproduction La Compagnie aime l’air et Théâtre 95

Du 27 mars au 05 mai 2013

 

Etrange expérience vraiment que de parler d’une musique conçue pour un spectacle de théâtre (que je ne pourrai voir) mais dont je peux lire le texte qui a inspiré la pièce. Il s’agit du Ravel de Jean Echenoz paru aux éditions de Minuit en 2006. Jusqu’au 5 mai, au théâtre Artistic Athévains, dans le 11ème à Paris, ce RAVEL (interprété par Michel Ouimet ) retrace les dix dernières années de la vie du compositeur (1875-1937) depuis sa folle tournée aux Etats Unis en 1927. Ce spectacle, mis en scène par Anne Marie Lazarini, est joué par le pianiste Andy Emler qui a composét «quelques pages musicales à la manière de... », dans le même esprit que l’écrivain dont l’écriture, toute musicale, est faite de brisures, de changements de tempos. Dans ses pages se joue une vie, sa fin plutôt, « celle de Ravel qui fuit sous ses doigts ». On pourrait reprendre en effet une formule d’un autre livre d’Echenoz, Cherokee, pour qualifier Ravel, dandy « un peu absent de lui même».

Sans voir l’acteur interpréter le compositeur au caractère singulièrement difficile, je relis le texte épuré, élégamment ironique, tout en écoutant la musique. L’écrivain a composé une partition imaginaire, immergé dans l’univers ravélien. « Ravel serait donc une biographie romancée du musicien ? Non plutôt une vie réinventée, avec ses sinuosités, ses failles, ses absences, ses incertitudes... » lit-on dans les liner notes de cet album que l’on peut se procurer au spectacle. Un récit sans fioritures, retransmis en version quasi-intégrale sur cet homme dont on connaît si peu de la vie privée, qui semble n’avoir eu comme passion que la seule musique. Le spectacle lui redonne vie, incarné par les comédiens et la musique jouée, improvisée sur un piano peint en bleu.

Alors pourquoi ne pas avoir pris la musique de Ravel elle-même, des fragments des œuvres évoquées, à savoir le Concerto en sol, « conçu non pas pour le piano mais contre lui », le Concerto en ré, et surtout le fameux Boléro dont Echenoz nous explique si bien la genèse : « Il sait très bien ce qu’il a fait, il n’y a pas de forme à proprement parler, pas de développement ni de modulation, juste du rythme et de l’arrangement... Phrase ressassée, chose sans espoir, c’est seulement fait pour être dansé. » La tentative serait, dans ce cas, purement illustrative. Avec le choix d’ Andy Emler, leparti-pris tout à fait réussi, fait plus qu’ évoquer, s’inscrit tout contre la figure ravélienne. Quand on aime Ravel, on ne peut pas ne pas aimer le jazz, à moins que ce ne soit l’inverse. Sans vraiment le savoir, Ravel a créé un système, ouvert une voie aux jazzmen à venir. Attiré par « cet art neuf et périssable », Ravel a découragé néanmoins Gershwin, venu lui demander des cours de composition. La réponse fut sans appel, « lui représentant qu’il risquerait de perdre sa spontanéité mélodique, et pour faire quoi, que du mauvais Ravel ... Et puis bon Gershwin, son succès universel ne lui suffit plus, il vise plus haut mais les moyens lui manquent, on ne va pas quand même l’écraser en les lui donnant. »

L’ influence de Ravel a irrigué nombre de musiques plus contemporaines, y compris des musiques de films. Andy Emler s’en est souvenu dans cet exercice de style qui n’en manque pas, à la manière d’un pastiche littéraire, au sens le plus noble du terme. Pas de caricature dans ce « labour of love », mais au contraire une version originale de « my own Ravel », une extrême fidélité au mot, au signe près, de la chose écrite, des partitions. Savoir recréer l’univers, les couleurs, le raffinement complexe de cet écrivain de musique, solitaire, distant, immense orchestrateur et arrangeur minutieux. Sous le charme de l’écriture superbement distante d’Echenoz, Andy Emler s‘est prêté à son tour au jeu de faire revivre lui aussi le compositeur, et comme il connaît son Ravel « de mémoire vive », il en est ressorti avec 9 pièces écrites et cinq improvisations.

« Ravel préfère considérer le plus longtemps possible la surface blanche et grise...dans l’idée d’en extraire une ligne mélodique, un rythme, un leitmotiv, pourquoi pas. Il sait bien que cela ne se passe jamais ainsi, que l’inspiration n’existe pas, qu’on ne compose que sur le clavier. »

Voilà une expérience intégrale passionnante, finement transversale qui unit littérature, théâtre et musique. Un portrait littéraire et musical dont, on ose l’espérer, Ravel aurait aimé la justesse dans la recréation même.

Sophie Chambon

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