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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 07:09

Alors que le festival Esprit jazz fête ses dix ans, le concert de vendredi soir trouvait une résonnance bien particulière : le trio du batteur André Ceccarelli y rendait en effet hommage à Claude Nougaro, qui avait accepté il y a une décennie d’être le parrain de la première édition. Une forme de retour aux sources en somme, dans le cadre à la fois luxueux et insolite d’un salon de réception de l’hôtel Lutetia, qui fait désormais partie de ces lieux rares que le festival investit chaque année. Et aussi l’occasion de redécouvrir sur scène le répertoire de l’album « Le coq et la pendule », sorti chez Plus Loin Music à la rentrée 2009.

Sur le papier, l’idée de transposer à un format instrumental l’univers du grand parolier qu’était Claude Nougaro peut paraître pour le moins risquée. « Dédé » Ceccarrelli et ses talentueux acolytes (Pierre-Alain Goualch au piano, Diego Imbert à la contrebasse) relèvent pourtant le défi avec brio, grâce à des arrangements bien troussés faisant la part belle aux mélodies et à une dynamique de groupe alliant la finesse à l’énergie. En dépit d’une sonorisation un peu excessive – du moins depuis le troisième rang où j’étais installé – on ne perd pas une miette de leurs échanges.

Et puis, il y a David Linx, invité sur plusieurs titres, dont une version anglaise (!) d’Eau douce. Avec lui, on entre dans une nouvelle dimension : une silhouette dégingandée qui gesticule au gré de ses embardées vocales, des scats décoiffants à n’en plus finir, une énergie et une présence de tous les instants. Il n’en faut pas plus pour embraser le public du très chic sixième arrondissement. Cerise sur le gâteau : le concert s’achève par trois « bonus tracks » absents de l’album : Autour de minuit alias ‘Round Midnight, Les mots, que Linx prit à son répertoire à la demande de Nougaro lui-même, et enfin l’incontournable Rimes (adaptation d’Il Camino d’Aldo Romano), pris à un tempo endiablé, dans un esprit très différent de l’original. Une relecture étonnante d’un thème pourtant familier, comme on le ferait d’un bon standard.

Pascal Rozat

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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 08:13

Concert du 20 mai 2010, Eglise Saint-Germain des Prés

 

 Michel-Legrand.jpg

Avant le concert, il se disait inspiré par l'église Saint-Germain des Prés, au coeur du quartier cher à sa jeunesse. Michel Legrand, qui jouait pour la première fois en duo avec sa compagne et harpiste Catherine Michel, ancienne de l'Opéra de Paris, a offert un concert confinant par instants au divin. En tout cas plein d'émotion. Et de sourires. Avec un son magnifique.

Le (Messager). Version baroque. Contrepoint maîtrisé avec un art consommé. On n'est pas loin de Bach. Le début d'envolées magistrales. Et angéliques. Une Catherine Michel reine des nuances, capable de faire sonner sa harpe tantôt comme un pupitre de cordes, tantôt comme un orchestre entier, tantôt même, comme un carillon. Un Michel Legrand très détendu qui confiait quelques jours plus tôt « n'avoir jamais aussi bien joué du piano qu'en ce moment. » En effet, la technique est toujours là.Epoustouflante.

Adepte de la variété en toute chose, le pianiste, chanteur et compositeur a en fait surtout livré des versions inédites de ses oeuvres fétiches. Principalement des musiques de films (il en a composé plus de 250). Des réductions savantes de partitions symphoniques réorchestrées spécialement pour cette soirée. Peu de jazz et de swing, mais qu'importe... C'est du grand Legrand.

S'enchaînent ensuite les musts : «  La chanson des Lilas » alias « One upon a Summertime » devenue standard des chanteuses de jazz. «  La Chanson de Maxence », des Demoiselles de Rochefort. Catherine Michel est magistrale dans « Un Eté 42 ». Tout comme dans « Yentl ».

Toujours, les harmonies sont d'une rare élégance et souvent osées. Un bonheur.

Puis Legrand chante. Des poèmes qu'il a mis en musique. La voix est un peu fatiguée dans les aigus. Et on aurait aimé en distinguer mieux les paroles. Mais on lui pardonne tout bien volontiers.

Au bout de deux heures, c'est le final, brillant, avec un medley des Parapluies de Cherbourg.

Juste avant, moment d'émotion intense avec Dingo, qu'il avait écrit et interprété avec son ami Miles, juste avant sa mort. Legrand scatte toujours à sa manière. Nous on adore.

Bénédicte Agoudetsé

 

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23 mai 2010 7 23 /05 /mai /2010 11:58

Le jazz s'invite aux Starbuck Cafés de St Germain.


Ce vendredi 22 mai.

 


C'est au deuxième étage des Starbuck cafés de St Germain, à Paris, que les concerts du festival ont pris position. Les Starbucks café sont des lieux qui correspondent bien au quartier St Germain de 2010: on y vient pour prendre un café mais aussi pour profiter de son atmosphère privilégiée et sa tranquillité déconcertante. Le Festival de St Germain des Prés y amène le jazz pour une rencontre-expérience hardie.

Le Starbuck café de la rue St André des Arts est un lieu très agréable à vivre, plus livré à l'espace entre les tables qu'à la surpopulation, qui accueillent le trio guitare / basse / batterie de Yann Cole. La musique de ce trio bien rodé est ancrée dans le blues rock de Stevie Ray Vaughan avec de fortes influences soul. Une agréable surprise: la musique de Yann Cole nous donne l'impression d'être assis sur un bloc de blues transpirant en raze campagne alors même que de suaves vagues soul, typiques de Prince, nous entraine dans un monde plus doux et clinquant. Dans le public, les discussions se tarissent, un café est renversé, le techno-addict lève la tête avec un sourire, certains se lèvent pour se rapprocher. Ca prend!

Dans un tout autre registre, le Starbuck St Michel Seine accueille Arthur Borgnis aka Doctor Donuts pour faire un mix à partir d'enregistrements jazz dopé à l'acid(jazz) et aux basses rondes et groovantes. La prestation est de qualité même si le public tarde à tendre l'oreille.
La plus belle surprise vient du Starbuck Cluny qui voit la diva électrique, alias Deborah Benasouli, éclater son talent face à un public studieux, très à l'écoute et visiblement venu pour cette occasion. La chanteuse est associée à la contrebasse de Jean-Daniel Botta et au piano électrique d'Alexandre Saada. Mais Deborah Benasouli a t-elle besoin d'être accompagnée? Blague à part, la chanteuse est vibrante, straight et son vivant artistique pousse les musiciens à la suivre sur le chemin qu'elle sillonne ce soir là. Véritable moteur de ce trio elle déroule une très belle prestation faite de standards jazz et brésiliens, en passant par des chansons pop (Cat Steven). Devant une assemblée, dont certains membres sont médusés et d'autres font la queue dans l'escalier, venue écouter le trio, Deborah Benasouli entreprend des standards avec l'envie de les rendre ludiques. Talent, rires dans la voix et quelques fins de morceaux originales et audacieuses - principalement dues à Alexandre Saada - font de ce concert un vrai moment de joie créative.

Jérôme Gransac

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19 mai 2010 3 19 /05 /mai /2010 07:40

Murat-Ozturk.jpgPour cette deuxième soirée du Festival Esprit Jazz, les programmateurs avaient choisi de recevoir au sein du théâtre de l’Alliance Française,  deux trios piano-basse-batterie, formation quintessencielle au jazz s’il en est. En première partie le jeune pianiste Murat Ozturk,  jeune recrue du label Laborie Jazz présentait pour l’essentiel le répertoire de son dernier album «Crossing My Bridge ». Pianiste d’une extrême finesse, Murat joue tout en retenue, effleurant le medium de son clavier avec tact et légèreté. Il faut presque tendre l’oreille parfois pour l’entendre. Les compositions s’enchaînent à fleuré moucheté mais révèlent néanmoins un équilibre fragile entre les membres du trio. Bill Evans évoquait souvent le rôle difficile du batteur au sein de cette formule. L’illustration en était ici donnée avec un jeu de batterie un peu envahissant et qui s’accommodait difficilement  avec l’intention subtile du pianiste.

 

 

como-ej2.jpg

Avec l’âme immense qu’on lui connaît, Jean-Pierre Como abordait la deuxième partie, axée autour de son nouvel album, Répertoire avec sa formation habituelle. Diego Imbert, incontournable à la contrebasse et Aldo Romano à la batterie. Pour le coup l’illustration du parfait équilibre où le trio monte et descend ensemble les collines du swing, accélérant et ralentissant ensemble, corps constitué et solidaire. Jean-Pierre Como avec cœur et envie tournait autour de ces chansons d’amour livrant

 

© Ph Cibille/Fondation BNP Paribas.

 

 

quelques versions superbes et très simples de ces    grands standards comme Bewitched ( belle intro de Diego),  Over the Rainbow ou encore The way you look tonight ( cf. notre chronique de cet album ci-dessous). Aldo Romano avec cette classe hiératique imprimait sa griffe de batteur-chat, alerte et agile, inventif dans le geste, gracieux dans l’intention, roulant sur les toms, poussant avec tact le groove devant lui.

Pour clôturer cette soirée, Jean-Pierre Como nous réservait une surprise avec la venue d’un chanteur de ses amis, peu connu des amateurs de jazz, Ousman Danedjo pour un moment décalé et d’une grâce infinie. Ousman , chanteur inspiré des griots du Mali, entre chant et improvisation, se calait parfaitement aux harmonies du piano, pour nous livrer, hors champ, un moment de ces magies nocturnes dont la force onirique clôturait la soirée et ouvrait de façons

magnifique la voie aux rêves de la nuit.

Jean-Marc Gelin

 

 

Jean-Pierre Como : « Repertoire »***

Murat ÖZTÜRK : « Crossing my bridge » ***

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 07:00

 

LUNDI 17 MAI 2010 :

 

CONCERT DE RICHARD GALLIANO AU THEATRE DE L’ODEON.

GALLIANO BACH001

Frédéric Charbaut et Donatienne Hantin ont le don de ne rien faire comme tout le monde et savent créer des surprises et susciter l’évènement. Ils démarrent leur 10 ème festival par un concert qui ne s’apparente pas vraiment à l’image habituelle que l’on peut se faire du jazz et le proposent dans un lieu emblématique et magique, qui lui aussi n’est pas référencé « jazz ». Ils frappent donc très fort d’entrée et donnent la couleur et la définition de la manière qu’ils conçoivent leur festival. Ouvrez grand vos oreilles, laissez de côté vos préjugés, oubliez les étiquettes, les définitions et les cases simplificatrices et laissez vous emporter par la magie de la musique dans un cadre exceptionnel. Richard Galliano est ce soir entouré du somptueux quintette à cordes qui avait participé à l’aventure « Piazzolla Forever » (comprenant deux violons, un alto, un violoncelle et une contrebasse). Ce sont des musiciens chevronnés venant du monde de la musique classique qui vont interpréter en osmose avec l’accordéon, Jean-Sébastien Bach (le dernier projet discographique de Galliano chez Deutsche Grammophon), sans oublier bien sûr quelques morceaux incontournables d’Astor Piazzolla, ainsi que les propres compositions de Galliano réarrangées pour l’occasion. Un concert mémorable et intense où l’on retiendra entre autres, le célèbre adagio du concerto pour hautbois de Bach où accordéon et premier violon dialoguent dans un superbe contrechant, ainsi que la « Badinerie », véritable tube du grand Jean-Sébastien, joué avec ferveur à l’accordina. On appréciera aussi la succession de thèmes de Galliano réarrangés dans une suite orchestrale (comprenant le superbe « Chat Pître »), ainsi que les incontournables « Tango pour Claude » et « New-York Tango », sans oublier bien sûr la musique de Piazzolla avec « Oblivion » et « Libertango ». Histoire de boucler la boucle et de donner cohérence à son projet, Galliano n’oublie pas de nous rappeler que c’est en écoutant Bach que Piazzolla a décidé de devenir musicien et nous, spectateurs ébahis, sommes ravis d’avoir été au centre de ce triangle équilatéral dont les trois côtés se nomment Bach, Piazzolla et Galliano.

 

Lionel Eskenazi

 

 

 

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8 mai 2010 6 08 /05 /mai /2010 20:00

 

Laura LITTARDI / Alain JEAN-MARIE au 9JAZZ CLUB (Paris)
Concert du 29.04.2010


C'est un beau, un grand duo qui vient de se constituer entre la chanteuse Laura Littardi et le pianiste Alain Jean-Marie au 9Jazz Club (prochaines dates : 13 juin ; 7juillet ; 8 septembre 2010, etc.), l'un des très rares lieux à continuer à promouvoir la formule de la « résidence » comprise comme véritable laboratoire de musique (et d'écoute amoureuse de la musique, dans ses révélations chaque fois imprévues, on n'y insistera jamais assez).


Partons du site, cristal improbable de l'émotion. Entre Ménilmontant et Oberkampf, en plein Est parisien, loin de la dégoulination sur-urbaine des Halles mais avec la même électricité qu'on leur connut jadis, s'est créé et se développe un club de jazz , un vrai : pas branché sur les circuits internationaux ni servilement sur les sorties de disques des labels, mais bien sur une une échelle de goûts qui lui est propre et, surtout, sur une offrande dont les musiciens connaissent la juste valeur : le temps de la maturation des projets, de la complicité devenue télépathie. Sous l'impulsion de Cathie Fichelle, ex-Petit Opportun, ex-7Lézards, ce sont ainsi Nelson Veras et Gilda Boclé, Rick Margitza et Peter Giron, Deborah Tanguy et Laura Littardi et désormais Laura Littardi et Alain Jean-Marie qui viennent exposer chaque quinzaine, chaque mois, l'état renouvelé de leurs études et de leurs échanges. Il faudra bien, un jour ou l'autre, rendre grâce, comme il se doit, à celles et ceux qui continuent de croire et d'ouvrir leurs portes à ce type d'aventure.

 

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Stéphane Carini.



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11 décembre 2009 5 11 /12 /décembre /2009 06:16

EVENEMENT!!


"Au large d'Antifer" - Bruno Régnier, musicien des sens

29 novembre 2009 - Scène Nationale d'Orléans

Sébastien TEXIER (Sax alto et Clarinettes), Rémi DUMOULIN (Sax ténor et Clarinettes), Olivier THEMINES (Clarinettes), Alain VANKENHOVE (Trompette), Matthias MAHLER & Jean-Louis POMMIER (Trombone), Alexis THERAIN (Guitare), Frédéric CHIFFOLEAU (Contrebasse), Matthieu DESBORDES (Batterie), Pablo PICO (Percussions), Bruno REGNIER (Compositions et Direction)

On connait bien Bruno Régnier: musicien, arrangeur, compositeur, chef d'orchestre. On connait bien ses X'tet et CinéX'tet, "moyenne grande" formation à géométrie variable, qui l'un laisse libre cours aux envies de son créateur (la dernière en date sur cd est Suite de danses) l'autre met en en musique les films de Buster Keaton et The Mark of Zorro de Fred Niblo avec Douglas Fairbanks, qui paraîtra ces jours prochains et dont on pourra voir et écouter une représentation live au ciné Balzac à Paris le 13 décembre prochain.

Mais, on sous-estime son talent de compositeur. Sur la Scène Nationale d'Orléans, Bruno Régnier a mis en musique les peintures d'un jeune artiste: Louis Gagez. (ndr: Autant le dire tout de suite, je n'ai pas souhaité joindre une photo d'une peinture - bien que l'envie ne me manque pas - de Gagez, car cette photo ne ferait pas ressortir le plaisir stupéfiant que j'ai pu ressentir en zieutant au plus près ses oeuvres dans la petite galerie de la Scène Nationale d'Orléans juste avant le concert du X'tet. Il faut les voir en vrai, en face de soi et frissonner.)
On comprend tout de suite où Régnier a puisé l'inspiration pour composer "Au large d'Antifer". Antifer est un phare en haut d'une falaise de Fécamp et le seul tableau de Gagez qui porte un nom. Ce qu'on remarque dans ses peintures: c'est l'inexplicable impression de relief des figures sur une toile lisse. Puis il y a la vie qui se répand sur la toile, le mouvement des éléments des paysages - que ce soit la mer en furie ou un désert chaotique - la ténébreuse atmosphère où l'on ressent - sans véritablement l'identifier - cette beauté rassurante et joyeuse, cet halo coloré, comme une vision illuminée. Gagez a un secret: il travaille l'obscurité de sa toile, la colore d'un jus blanc, puis gratte, ponce, sculpte et découpe sa peinture. Le résultat est emballant.
Cette méthode de travail originale a été un élément déclencheur pour Régnier: il y a trouvé une correspondance avec sa façon de composer. Le même langage de travail.
Exigeant que de mettre en musique des peintures contemporaines! Il faut trouver un fil conducteur, illustrer la musique pour susciter l'envie de les voir chez l'auditeur. Lors du concert, une vidéo nous est projetée. Elle montre les peintures de Gagez sous tous les angles, avec des filtres de couleurs, cachées dans l'obscurité ou sur-éclairées. On découvre la main du jeune maître manipuler les couleurs, tapoter la toile, triturer les pinceaux et sculpter la peinture. Les images amènent le spectateur à dompter les sons pour les associer aux toiles: boisé de clarinettes qui évoque des atmosphères étouffantes, orageuses trompettes et grelons en percussion, étal de peinture sur trombone large, picotement de pinceaux pour clarinette taquine.

Par tous les moyens, Régnier déploie les atmosphères, les transcendent parfois: certaines qe l'on perçoit, d'autres qu'on devine. Surtout, Le compositeur a tout compris de l'oeuvre de l'artiste. D'abord obscure ou opaque - c'est la première impressions des peintures de Gagez - sa musique se fait doucement pop, nous entraîne dans son swing subtil et nous fait entrer au coeur des rouages de la toile... Au fur et à mesure du concert, Régnier met en exergue l'aspect enjoué et lumineux de la peinture de Gagez: ce petit côté mystérieux qui nous attire. Inexplicable. Plus qu'une mise en musique, Régnier s'est mis au service de la peinture avec une proposition musicale apaisée et léchée - se détournant d'une interprétation libre dans la musique - où l'on perçoit odeurs, chaleurs et vents. Régnier met en musique nos sens.

Jérôme Gransac


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8 décembre 2009 2 08 /12 /décembre /2009 06:06

Oddjob - Institut Suédois à Paris - 26 novembre 2009

Peter Forss (b), Per "Ruskträsk" Johansson (sax, bcl), Goran Kajfes (tp), Janne Robertson (dr), Daniel Karlsson (p)

 

Dans le cadre du festival Jazzycolors, festival qui consacre les artistes étrangers des pays représentés par un centre culturel à Paris, l'Institut Suédois accueille Oddjob, ce jeudi 26 novembre 2009. Ce quintet suédois a adopté un line-up classique pour une musique originale et totalement vibrante. Oddjob, ce n'est pas un quintet de jazz avec répartition des soli. Non, Oddjob: c'est une atmosphère où on mélange habilement jazz acoustique et électro; une concoction de rêveries musicales à la Wim Wenders et d'ambiances Lounge qui côtoient les riffs des génériques des séries télévisées écrits par Lalo Schiffrin; des envolées saxophonistes à la Kenny Garrett qui s'échappent de la pesanteur de Miles; des rythmiques jungle au tribal qui flirtent avec la valse. Multi-instrumentistes et metteurs en scène sonore de leur musique, Johansson, Kajfes et Karlsson ponctuent l'esthétique d'Oddjob en modifiant les sonorités de leur instrument, jouent d'un instrument rythmique un peu inattendu et contrastent ainsi avec la force rythmique, mettent en relief les qualités singulières des compositions apparemment simples mais très efficaces par des interventions calculées. Oddjob effectue un excellent travail de texture sonore et associe à leur musique originale le côté théâtral d'un groupe décontracté et détaché. Formidable idée qu'a eu l'Institut Suédois, qui a fait mine de disparaitre en milieu d'année, d'accueillir ce groupe représentatif du jazz moderne suédois dans ces locaux! Il ressort de ce concert un halo de brillance et une envie irrésistible de revivre ce moment de béatitude. C'est peut être çà la « Swedish Touch ».

 

Pour écouter: cliquez là  et

The Big Hit:

Jérôme Gransac

 

 






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6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 11:29

   

Photos Gerard Rouy

 

 

Evocations, relectures, adaptations et hommages divers constellaient le programme des 23e Rencontres Internationales D’Jazz de Nevers. Tels ces témoignages d’admiration et de respect rendus à Syd Barrett (ex-Pink Floyd) par l’ « i.overdrive trio » (Philippe Gordiani, Rémi Gaudillat, Bruno Tocanne), à Django Reinhardt (mais pas seulement) par le « Gipsy trio » du phénoménal Biréli Lagrène ou encore à la pop music (Beatles, U2, Tears For Fears, Police…) par David Chevallier en sextet avec Christophe Monniot, Yves Robert, Michel Massot, Denis Charolles et le chanteur David Lynx. Son programme s’intitule « Is That Pop Music ? », comme si la réponse s’imposait d’elle-même : « Non, bien sûr ! », tant la précision d’horloger et l’érudition sophistiquée des arrangements, ainsi que les parties vocales de David Lynx (qui « fait »… du David Lynx !), n’incitent pas toujours à facilement identifier les mélodies d’origine. Le pianiste Jean-Marie Machado s’attaquait quant à lui — non sans humour — à l’univers musical et poétique de Boby Lapointe, à la tête de son octette Danzas augmenté du chanteur André Minvielle. S’il n’est pas le premier à faire « la fête à Boby » — souvenons-nous par exemple du projet « Round about Boby » porté par le pianiste suisse René Bottlang en compagnie du chanteur britannique Phil Minton qui n’entravait que dalle aux calembours et contrepèteries du génial farceur de Pézenas —, Machado s’est livré à un véritable travail d’orfèvre par des arrangements tendres ou décalés des mélodies souvent truculentes du scaphandrier de La Ciotat, de L’hélicon (où le merveilleux tubiste François Thuillier est évidemment le soliste principal)

à La maman des poissons ou Ta Katie t’a quitté, avec la faconde du Béarnais Dédé Minvielle et une pléiade d’instrumentistes impeccables, tels que Jean-Charles Richard dont le soprano épicé ajoute un parfum inégalable à la sauce de Lapointe. D’une manière totalement différente, la clarinettiste Catherine Delaunay a choisi d’adapter en chansons des écrits de Malcolm Lowry dans sa création « Sois patient car le loup » interprétés par le bassiste John Greaves (ex-Henry Cow, ex-National Health, etc.), ici uniquement chanteur, au sein d’un quintette superbe et délicat avec Thierry Lhiver (tb), Isabelle Olivier (harpe) et Guillaume Séguron (b). Un univers sonore et poétique extrêmement tendu, raffiné et sensible, grâce à son instrumentation singulière, en particulier dans l’association des cordes de la harpiste et du contrebassiste. De son coté, Henri Texier s’est attelé dans “Prévert Blues“ à une mise en musique de textes (choisis par lui-même) de Jacques Prévert dits ou chantés par le comédien Frédéric Pierrot




au sein de son Red Route Quartet (Sébastien Texier, Manu Codjia, Christophe Marguet). On redoutait un peu il est vrai cette mise en scène de la musique, cette « mise en jazz » des pages de Prévert, force est de constater que l’opération est une réussite incontestable, en particulier grâce au talent du comédien qui ne surjoue pas (en dépit d’accents et d’attitudes à la Gérard Depardieu). Hormis des reprises de Sanguine et (inévitablement) Les feuilles mortes (alias Autumn Leaves — sic), le chef d’orchestre a choisi les textes les plus subversifs, virtuoses et profonds du poète qui, ne l’oublions pas, écrivait dès 1932 des pièces pour le groupe d’agit-prop Octobre (qui réunissait des comédiens engagés tels que Raymond Bussières, Maurice Baquet ou Mouloudji) et qui milita pour l’émergence d’un « théâtre du peuple » dans les années précédant le Front populaire. Bref. Autre grandiose joueur de textes et chanteur de sons, l’incomparable Beñat Achiary interprète avec une folle ferveur des chants traditionnels et des chansons d’amour, un hymne aux Black Panthers et le Django de John Lewis, des reprises de Nina Simone et de Colette Magny (qui se souvient d’elle ?), un poème de Lorca, etc. Le trio “Apirilean“ qu’il forme avec l’autre Basque Philippe De Ezcurra (acc) et Ramon Lopez (dm, perc) est un trésor de profonde concentration et de duende. Enfin, le merveilleux trio “Tryptic“ (François Couturier, Jean-Paul Céléa, Daniel Humair) a choisi, lui, de revisiter le « texte » de grandes partitions classiques (Beethoven, Mahler, Britten…) avec une sensibilité et un lyrisme exceptionnels, à des années-lumière de toute tentative de « playbachisation » (suivez mon regard) du répertoire classique. Mais le festival nivernais présentait aussi bien évidemment des groupes n’ayant pas de rapport au texte (encore que…). Comme le septet à cordes hollandais “Elastic Jargon“ (violons, altos, violoncelle, contrebasse, guitare électrique) de l’altiste Maurice Horsthuis sur des compositions originales du leader (pétri d’improvisation libre, de musique contemporaine et de tentations schubertiennes), balançant entre rigueur formelle et chausse-trapes audacieuses.




Outre le quintette “Share » de Baptiste Trotignon qui met à l’avant-scène les souffleurs Tom Harrell (tp, bug) et Mark Turner (ts), tous deux en grande forme, on retiendra le trio de Belges à l’instrumentation singulière constitué de Michel Massot (tuba, tb), Tuur Florizoone (acc) et Marine Horbaczewski (cello), pour une musique totalement inclassable (et c’est tant mieux !) aux climats variés et fleuris, mettant notamment en valeur le superbe virtuose du tuba à l’imagination sans limite. Et pour conclure, osons fièrement l’affirmer : Vive les jeunes ! Le power trio Jean Louis (Aymeric Avice-tp, Joachim Florent–b, Francesco Pastacaldi–dm) offre en effet le double mérite d’enjamber sans vergogne les frontières des publics et de nourrir son inspiration dans le free jazz, le néorock hardcore (comme Zu ou Massacre) et certaines manipulations électroniques. La revanche des raisins aigres sur les figues moisies !


Photos : Gérard Rouy

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6 novembre 2009 5 06 /11 /novembre /2009 07:12
 

 

Comme à l’accoutumée, c’est sans promotion aucune que le groupe vocal « Take 6 » fit salle comble lundi 2 novembre ! Mais cette fois-ci il ne se produisait pas au « New Morning » qui l’a déjà accueilli à plusieurs reprises mais dans la salle majestueuse du Théâtre du Châtelet. En première partie le public découvrit un sidérant chanteur-joueur de ukulélé, Matthew Andre, qui se produisit soit en solo soit en duo avec le claviériste Dominique Fillon. Quant au groupe-vedette, il donna un show (pas d’autre mot, dans la grande tradition de l’entertainment américain) hyper-rodé pour les plus initiés mais toujours aussi jubilatoire dans son enchaînement, son explosive diversité esthétique, le spectre époustouflant de ses possibilités vocales et une empathie continue avec le public. Ce qui fait la force de « Take 6 » aujourd’hui, c’est de faire « groover » avec une justesse incroyable (dans la forme et dans l’esprit plus encore) la grande musique noire en quasiment toutes ses composantes, là où bien des jazzmen purs et durs ont laissé perplexe dans une entreprise ou une revendication similaire…Du gospel le plus dépouillé à Mickaël Jackson, de Stevie Wonder (partie de cuivres synthétisées comprises) à Miles Davis (ce virtuosissime « Seven Steps to Heaven » qui fit croire un instant que Al Jarreau trépignait dans les coulisses pour venir l’interpréter !) et aux standards (de « Just In Time » aux « Moulins de Mon Cœur »), le voyage musical est impressionnant mais se double au surplus d’un hommage constant à la grande tradition scénique négro-américaine : « jokes », « minstrel », « vocal contest », chaloupés « doo-wop » du plus bel effet ou « moon walk dance » d’une aisance féline ! Ce qui reste inouï aujourd’hui encore, c’est non pas la perfection dans la reprise vocale d’indémodables succès mais bien le traitement orchestral de la voix, des voix, avec les effets de sections, les brisures rythmiques, les combinaisons sophistiquées, les contrastes de registres ou, à l’inverse, les unissons les plus suaves que cela implique ! Je ne sais pas si ce groupe est porté par la grâce mais je crois comprendre pourquoi il croit en la grâce…

Stéphane Carini

 

 

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