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20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 07:09

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envoyé par jmgelin
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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:16
Jazz in Arles douzième édition

Retour sur  la fabuleuse édition en mai dernier de « Jazz in Arles » au Méjan, festival singulier concocté par un des programmateurs hors pair de la scène de jazz et des musiques actuelles, Jean Paul Ricard, directeur de l’AJMI en Avignon.  Aidé par l’association du Méjan qui effectue un formidable travail, avec une équipe restreinte, cette manifestation

Pourrait, on se plaît à l’imaginer, devenir la version jazz d’un festival de piano comme La Roque d’Anthéron, dans le même département.

Cette année, il s’agissait d’une semaine autour du piano. Le piano, instrument parfait, instrument complet qui assure la triple fonction rythmique, harmonique et mélodique, ne pouvait que s’imposer dans l’histoire du jazz.

Autour de cette thématique passionnante, le programme construit était d’un éclectisme subtil : du trio NEW DREAMS de Jean Michel Pilc, aux VARIATIONS de Yaron Hermann qui a enthousiasmé le public arlésien, sans oublier le formidable  récital « solo » de Myra Melford qui sut revenir sur l’héritage du blues…Ou encore le duo délicatement intimiste de Claudia Solal et Benjamin Moussay dans leur programme PORRIDGE DAYS ou le quartet de Pierrick Pedron, DEEP IN A DREAM, décidément pour nous l’artiste de l’année, la véritable révélation, un altiste généreux et fougueux qui entretient brillamment  la tradition. Il fait partie de ces musiciens rares qui, au delà de la diversité des styles, avancent aujourd’hui sans nostalgie, soucieux du patrimoine collectif, mais ne figeant pas pour autant l’évocation du passé.

 

Oui, c’était bien du jazz qui était joué à Arles, du vrai, de l’authentique,  revu, revisité avec intelligence,  et respect, à l’exemple de ce qu’a pu faire Bill Evans, par exemple, qui inlassablement, a  repris des standards ou des mélodies de Broadway pour les recréer en  versions « originales ». 

 

 Si écrire sur la musique (ou le jazz) est le lieu d’ouvertures, de passages, de frontières abolies, d’euphories et d’admirations, voilà très précisément les sentiments éprouvés avec  le  groupe  Echoes of Spring, réuni par Stéphane Oliva et François Raulin  qui ont construit  le programme du même nom, autour du Harlem piano Stride.

 

Dans une analyse musicologique passionnante réalisée dans le JAZZMAN d’avril dernier n° 123, François RAULIN nous éclairait sur sa démarche : Le stride est un  style dense, complet où les pianistes assuraient la basse, l’harmonie et la mélodie sans soutien extérieur.

Comment faisaient donc  Willie « The Lion » Smith, James P. Johnson, Fats Waller pour jouer avec autant d’allégresse et de virtuosité ? Fats Waller, hilare, tourné vers le public, cigare au bec, un verre de gin ou de bourbon bien rempli sur le piano, était capable de tout obtenir de l’instrument, comme de « plaquer un accord de 15 ème d’une seule main, la gauche chantant alors sur les tempos lents et medium » ?  C’est qu’à force de jouer tous les soirs, la musique les traversait, les irriguait non pas mécaniquement mais en totale osmose. Les pianistes de stride étaient des sorciers, de vrais « ticklers », de diaboliques chatouilleurs de touches.  Willie Smith essayait déjà de détourner le stride comme le feront la plupart des pianistes modernes,  même si les trouvailles de ce style  particulier furent adoptées par bon nombre  de suiveurs. Cette influence est essentielle chez Art Tatum, très présente chez Count Basie,  importante chez Monk…  

 

Cette grande soirée jazz  constituait une véritable introduction au piano stride que l’écoute des albums originaux de ces pianistes prodigieux complètera. Ainsi, dans la collection historique, JAZZ in PARIS chez Universal, de Daniel Richard, Alain Tercinet et François Lê Xuân, figure « Music on my mind » l’autobiographie musicale, de William The Lion Smith. Pour  pleinement apprécier les arrangements des deux pianistes  Raulin et Oliva,  se référer aussi aux  albums  « Hot Piano » (Pearl/ Abeille) pour James P Johnson, « Ain’t Misbehaving » (Dreyfus Jazz Reference/Sony BMG) pour Fats Waller ou chez Classics,  « The Chronological 1938-1940 »  pour Willie The Lion Smith.

 

Le programme mis au point par Stéphane Oliva et François Raulin  est une promenade intelligemment conçue autour de pièces emblématiques ou rares. 

Soulignons par exemple la reprise d’un petit chef d’œuvre « In a mist », la seule composition écrite pour le piano par le jeune cornettiste blanc, le prodigieux Bix Beiderbecke, de Davenport (Iowa). Un gars qui avait de l’atmosphère dans les doigts (Boris Vian).

Il avait créé cette improvisation à la fin d’une nuit passablement embrumée, d’où son titre. Ce fut un solo de piano et une expérience uniques, une mélodie visionnaire par bien des aspects, où les pianistes retrouvent des accords inusités, un penchant pour la phrase en arabesque. « C’est un ragtime mélodieux et subtilement construit, éclairé de moments tendres, d’images insaisissables et délicates dont la présence dans le langage du jazz était alors inconnue » écrit Jean-Pierre Lion dans son ouvrage insurpassable, la biographie de Bix Beiderbecke aux Editions Outre Mesure. Il est à parier que la version de plus de dix minutes entendue à Arles fera date, avec une longue évocation impressionniste de Stephan Oliva.

 

La réussite de ce projet est d’avoir su démultipler les potentialités du piano stride, en le renouvelant par une forme et une instrumentation différentes.  Car cette musique pleine de polyrythmies et d’écueils, est un véritable enjeu pour qui parvient à se la réapproprier avec élégance. Et il fallait des musiciens aguerris pour en découdre et mettre à vif cette tradition. Ce quintet dont les musiciens  se connaissent depuis longtemps est la formation idéale : Laurent Dehors joue des clarinettes, clarinette basse et contrebasse, Christophe Monniot, des saxophone alto, baryton et sopranino; Sébastien Boisseau, infatigable, accroché au mât du rythme, forçat irrésistible du swing, assure sans batterie, une rythmique fervente à la contrebasse. Et ces trois musiciens sont entraînés dans cette folle aventure par les initiateurs du projet, François Raulin et Stephan Oliva, qui, sur le canal de droite, double certaines parties de basse, ou joue des particularités du Fender.

 

Le stride, issu du ragtime, procède plus de la variation que de l’improvisation pure . Ce qui ne saurait  mieux correspondre à ces musiciens : à chaque fois, ils gagnent en aisance. Une complicité originale et exigeante dont chaque nouvel échange complète le tableau de  variations en série.

Ce concert marquait l’aboutissement d’une tournée depuis mars 2006, date de création du programme à Grenoble, l’un des festivals du réseau Afijma. Le concert des Rencontres internationales de Nevers qui fut programmé (excellente initiative de Xavier Prévost sur France Musique en  décembre dernier) permet de mesurer le travail accompli  en  quelques mois et on peut penser que  le groupe, au Bordeaux Jazz Festival en novembre 2007, donnera encore une performance mémorable . D’autant que d’ici là, Echoes of Spring aura été enregistré, par l’ingénieur-son Boris Darley,  en studio à Meudon, en juillet prochain, sur le label Mélisse du pianiste Edouard Ferlet (graphisme de Philippe Ghielmetti) . 

 

 Cette musique est une recréation de chaque instant, une évocation lumineuse où tous se livrent à corps perdu.

Les énergies libérées se déploient, toujours généreusement, et comme  personne ne prend le pouvoir, la musique se développe à perte d’ouïe. Rien de plus beau que la complémentarité des deux pianistes qui jouent de tous les registres ; rien de plus troublant que les contrepoints des souffleurs, leurs unissons sensuels. Quand Christophe Monniot joue de ses saxophones, il se situe très exactement entre l’angle vif, l’écartement et l’arabesque, câlin au baryton, fougueux à l’alto, vacillant au sopranino. Il a participé au big band de Tous Dehors du clarinettiste Laurent Dehors qui équilibre sa turbulence gouailleuse, ses stridences chahuteuses, le comprenant parfaitement parce qu’ils pratiquent tous deux le « décalage oreille ».

Le groupe arrive à créer de petits instants d’éternité, prétextes à une chorégraphie imaginaire comme sur le virevoltant final, « Echoes of Spring », fragile mélodie de janvier 1939, dont l’arrangement de François Raulin a su garder les harmonies et le balancement de la main gauche. Voilà notre titre préféré et peut-être aussi celui des musiciens qui l’ont choisi comme titre du  programme .

Il faudrait  encore souligner  la version décapante et drôle de « Ain’t misbehaving » de Fats Waller. La formation donne ici une variation qui  devrait s’inscrire dans les nombreuses versions du thème.  De même pour le « Morning Air » de Willie « The Lion » Smith,  thème si mélodieux, porteur d’envolées fougueuses. C’est que les mélodies  présentent souvent une douce violence avec des changements de tons, des ruptures de climat. Comme cet inquiétant “Child of disordered mind” (solo d’Earl Hines de 1940, réarrangé merveilleusement  par Stephan Oliva). Véhémence des timbres, flamboyance encore,  rugosités éclatantes dans le « Boogie Woogie on St Louis blues »  toujours d’Earl Hines, très à l’honneur dans ce programme.

 

Cette traduction enthousiaste, généreuse, sensuelle, fidèle jusque dans la réinterprétation même, est la version française de la musique de jazz  :  elle sait caresser sans perdre sa force, faire entendre son chant sans tomber dans la romance. Avec Echoes of Spring, ce n’est pas seulement le printemps qui arrive par bouffées, c’est une rêverie en jazz, un bouleversant et mystérieux rappel  d’un autre temps, réminiscence d’une histoire aimée.

Sophie Chambon

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:14
Jazz au confluent

 

Bien sûr nous sommes loin de la rue des Lombards, de la place du Châtelet et de ces endroits où il est si difficile de se garer. En ces périodes de travailler plus pour gagner moins des alternatives existent. Par exemple travailler un max pour gagner rien du tout comme sous mais du bonheur, des sourires et de la convivialité.

 

C’est la réflexion qui me vient à l’esprit en écoutant Dan DUPARC le Président de l’Association « Jazz aux Confluent » présenter le bilan de son activité des cinq années écoulées. Pas moins de 50 concerts organisés, excusez du peu. Tout cela avec le soutien financier de la Mairie de Conflans Sainte Honorine, des adhérents de l’association et d’une troupe de bénévoles motivés. Ça s’appelle la passion où je n’y comprends plus rien. Le principe est simple vous prenez une adhésion à l’année, fort modeste de 10 € au minimum et vous avez accès gratuitement aux concerts organisés chaque mois au conservatoire de musique de la ville. Vous recevez le programme sur votre boîte E mail et vous voyez à vous organiser pour y aller.

 

Samedi dernier deux concerts au programme : Une formation locale « Carpe Jam » qui réunissait Pierre VAAUZELLE : trompette, Romain TOUTYRAIS : saxophone, Clément PRIOUL : piano, Arnaud TAURINES : basse électrique, Rémy PRIOUL : batterie.

Une formation de jeunes amateurs locaux qui, sans prise de tête, a déroulé un répertoire original, mélangeant funk et Be Bop . Mention spéciale pour le jeune pianiste Clément Prioul qui allie à ses dons de compositeur une réelle virtuosité et un talent d’improvisateur. Une demi heure  de concert qui permet à des amateurs éclairés de se produire et de se risquer face au public. Bon apprentissage pour la suite…

 

Le temps de débarrasser la scène, on picole. Il y a une buvette sympa, la Leffe est à 2,50 € et à ce prix on peut soutenir réellement l’association. Ça permet de causer du premier groupe et d’envisager le deuxième avec impatience. Ce soir là Le quartet de Peter KING(saxophone alto) accompagné de Alain JEAN-MARIE (piano), Duy Linh N'GUYEN (contrebasse), Yves NAHON (batterie).

Peter King est un saxophoniste anglais de réputation mondiale qui a joué entre autres avec des légendes du jazz comme Bud Powell, Elvin Jones, Max Roach, Milt Jackson, Lalo Schifrin, le « new Count Basie Band » dirigé par Frank Foster et le Ray Charles Orchestra.

Alain Jean Marie est un pianiste au toucher fantastique qui a accompagné Chet Baker, Sonny Stitt, Art Farmer, Johnny Griffin, Clark Terry, Lee Konitz, Dee Dee Bridgewater, Barney Wilen, Cat Anderson, Abbey Lincoln.

Duy N’Guyen (contrebasse) et Yves Nahon (batterie) complètent ce quartet. Sans avoir les références des « grands anciens » précédemment cités ces deux musiciens accompagnent de nombreux groupes et chanteurs de jazz tant en France qu’à l’étranger.

 

Nous sommes ici dans le monde du Be Bop et ça décoiffe. Je n’ai malheureusement pas noté les thèmes entendus ce soir là. Mais peu importe, la salle est bondée, le concert chaleureux, splendide et le public conquis.

Le succès de cette soirée ne constitue pas une exception car à chaque fois la qualité des musiciens présents emporte le public. Ont défilés cette année, entre autres et en vrac : Batiste Trotignon, Michel Perez,, Dominique Piffarelly, Richard Razafindrakoto, Elisabeth Caumont, Jacques de Lignières, Claude Tissandier… Que voilà un programme qu’il est beau. L’an prochain ce sera encore mieux, c’est garanti…

 

Si vous voulez savoir comment c’est possible allez donc sur le site : http://www.jazzauconfluent.fr et rendez vous en septembre pour la saison 2007/2008.

Jean -Pierre Foubert

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15 avril 2007 7 15 /04 /avril /2007 16:13

La tectonique des nuages,

 

Théâtre de la Ville – Paris le 14 avril 2007

 

Vivement la version mise en scène de «  La Tectonique des nuages » ! Nous n’avons eu hier soir au Théâtre de la Ville qu’un avant-goût version concert (sans scénographie et décors) de l’opéra-jazz tant attendu de Laurent Cugny. Cela fait déjà longtemps qu’il porte ce désir de créer un opéra. Il a d’abord fallu la rencontre d’un texte, « Cloud Tectonics » de l’auteur portoricain Jose Rivera, un récit cosmogonique mêlant l’humain et le surnaturel qui « charrie l’air de rien, poésie et drame, passion et déception, métaphysique et fantastique, telle une variation contemporaine des amours impossibles entre l’absolu et l’humain, l’éternité et la finitude » (F. Rancillac). Il a ensuite fallu le talent exceptionnel de mise en espace musical de Laurent Cugny : une écriture musicale exigeante  pour dire la nature cataclysmique de Los Angeles, la suspension du temps provoquée par l’énigmatique Celestina del Sol, l’irruption du fantastique et du merveilleux dans la vie d’Anibal de la Luna , la confusion des sentiments, la réconciliation des personnages avec leurs racines latino-américaines. Servie par d’excellents musiciens (citons notamment Airelle Besson à la trompette et Thomas Savy à la clarinette et au saxophone), la musique s’entremêle subtilement au texte. David Linx, l’épervier-chanteur que son chant semble emporter dans les airs, Laïka Fatien, à la voix si mélodieuse et si douce, et Yann-Gaël Poncet, tout de fougue et de passion, alternent parties parlées, scandées et chantées et sont des guides sûrs vers l’imaginaire et l’émotion. Toutefois, dans cette version concert qui exige la présence d’un choryphée-lecteur des didascalies, nous ne pouvons à certains moments du spectacle réprimer un sourire devant la platitude de certaines réparties. Pas si facile en effet de donner toute la fougue tectonique de ce texte ainsi assis côte à côte sur le devant de la scène.  On ne peut donc que souhaiter après une telle soirée qu’un programmateur courageux offrira très prochainement la possibilité de voir ce spectacle dans l’espace et le temps qui lui conviennent. Le spectacle se termine par un thème chanté en espagnol par David Linx : l’émotion est à son comble !

 

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3 décembre 2006 7 03 /12 /décembre /2006 07:37

Bordeaux Jazz festival 2006, le bon cru ?

Aimer le jazz c’est apprécier cette musique d’affirmation, de liberté qui tout en faisant la part belle à l’improvisation ne se réduit pas à cette seule urgence. C’est le credo de Philippe Méziat, directeur heureux de ce Bordeaux Jazz Festival dont la sixième édition a rencontré un vif succès, auprès d’un public bordelais et régional, désormais acquis. Le public se laisse guider, quand il ne connaît pas, faisant confiance aux choix très personnels du directeur artistique du BJF, qui relèvent d’un engagement authentique et d’une connaissance approfondie de cette musique dans ses évolutions les plus récentes.

 

 

« La surprise est  donc au rendez-vous, mais elle n’est pas certaine .Si on y va quand même, ce n’est pas uniquement parce que les tarifs des concerts le permettent. On y va parce que c’est l’un des bonheurs qui nous restent. Consommer n’est pas un bonheur, découvrir c’est déjà mieux,  se risquer à prendre ce qui advient et qu’on n’attendait pas, voilà qui fait bondir ! »

Mederic Collignon

 

(photo : Bruce Milpied)

 

 Ces  phrases de l’éditorial auguraient de la fréquentation qui allait suivre aux Chartrons, un quartier original du Port de la lune, qui abrite aujourd’hui, non loin des anciens chais  bordelais, la Halle des Chartrons, l’un des lieux  les plus expressifs du jazz et des musiques « affines ».

 Un festival sous le signe de l’éclectisme le mieux compris, avec des thématiques heureusement choisies. Ainsi,  l’un des moments forts  déclina « Jazz et opéra »  le jeudi soir : Mederic Collignon présentait son inénarrable Jus de Bocse sur le Porgy and Bess déjà revu par Miles Davis sur les arrangements de Gil Evans de 1958 . Le spectacle furieux du trompettiste chantant, rehaussé par l’adjonction de quatre cors d’harmonie, dirigés à la perfection, obtint pas mal de suffrages. C’est que le caractère détonant, la personnalité intriguante, pour ne pas dire dérangeante, les excès du personnage talentueux , il est vrai, sont une véritable révélation pour un public non averti.

 Mais l’émotion avait été à son comble  en première partie de soirée, avec  la Vie de Bohême, présentée par l’ Italian Trio, composé  du pianiste Dave Burrell , entouré du trompettiste Giovanni Falzone et de l’ altiste Paolo Botti, musiciens à la présence incroyable.

 Une première version de cette « œuvre » revisitée par le pianiste existait sur un album sorti en 1969, en plein délire free. Philippe Méziat  eut la bonne idée de lui redemander, lors d’un séjour récent à New York lors du festival Visions, une nouvelle approche : après un blues classiquement amené, vinrent successivement  le premier duo  (« Che gelida manina », « Mi chiamano Mimi »), la valse de Musette ( « Quando m’nvo soletta per la via »), un choral de marche et le duo final de Rodolphe et Mimi. 45 minutes de musique lumineuse et inattendue,  un moment inoubliable, pure recréation  qui devrait tourner sur les scènes ou les festivals jazz.

 Programmateurs, n’hésitez plus !

 Il y eut un autre temps fort, lors du final, le dimanche soir avec le « Klezmer Madness » de David Krakauer. Le klezmer est la musique de célébration traditionnelle des juifs de l’Europe de l’est, importée aux Etats-Unis par les vagues successives d’immigrants entre 1880 et 1920. Comme dans les films de Woody Allen, ou  les meilleurs sketchs de Jerry Lewis, on se partage entre nostalgie et allégresse, rire et larmes.  Après son tube « Klezmer à la Bechet », hommage à deux maîtres contemporains de l’instrument, le créole Bechet  et le Klezmer Naftulé Bradwein, David Krakauer travaille les chants et revisite certains rites de la tradition hassidique, comme les interminables  mariages où  les poètes chantent des couplets de mise en garde  aux futurs époux… Si le caractère joyeux de cette musique de danse est affirmé, souffle aussi  un vent d’innovation dans ce « revival », un soin tout particulier à réinterpréter les standards de cette musique : garder l’inflexion de la langue yiddish dans la musique, préserver son caractère ornemental, mais aussi sortir le klezmer du musée. Parlant un français impeccable, le clarinettiste partage son héritage culturel, de bon cœur et en toute humanité,  entouré d’un noyau de musiciens qui modernisent  le répertoire : ainsi le groupe accueille la guitar-héroïne Sheryl Bailey, aussi calme que David Krakauer est enjoué, un accordéoniste sensible et mélancolique (Will Holshouser), un invité rappeur, le DJ So called, qui intervient à propos, scandant avec entrain et humour (y compris en yiddish) le chant des klezmer, ces musiciens de la rue.

 Si le formidable batteur qu’est Michael Sarin  accompagne idéalement le délire klezmer, il est aussi pour beaucoup dans l’attraction du Frank Carlberg quintet. Ce fut vraiment un concert délicat où s’illustra ce batteur phénoménal que l’on n’entend guère sous nos latitudes, inventif, précis et… imprévisible. Entouré de deux musiciens français qui se connaissent bien, l’altiste Guillaume Orti  et le contrebassiste aux machines Olivier Sens, le couple du pianiste d’origine finlandaise (à la voix étrange, étranglée, quasi synthétique quand il explique sa démarche) et la chanteuse Christine Correa  reprit des poèmes de la Beat Generation ainsi que des textes plus récents d’Alan Ginsberg , toujours étonnamment prophétiques. Scansion originale et  sens prosodique rares pour dépeindre la folie du monde. Un très joli rappel enfin, sur une composition du contrebassiste,  « tristanienne » d’inspiration, qui convenait particulièrement à l’expressivité de Guillaume Orti.

 Les Bataves étaient à l’honneur au BJF 2006 avec deux ensembles grands formats tout à fait originaux : le BBB, entendez «Bik Bent Braam », croisement inespéré en France, d’un big band « classique » et d’une formation déjantée, bravement free comme en dirige Willem Breuker . Du « middle free » si on veut avec des morceaux de bravoure à l’unisson pour les cuivres et aussi des solos que chacun  prend de bon cœur dans la plus belle tradition, comme le souffleur allemand Frank Gratkowsky. Le trompettiste américain Herb Robertson, toujours facétieux,  sort de sa musette des  instruments minuscules qui ressemblent à des jouets, trompinette et divers appeaux. La rythmique est dans le ton, alliage décalé entre un batteur tristement lunaire, un Buster Keaton replié sur ses fûts  et un contrebassiste, très près du pianiste, qui tira un solo poignant sur une seule corde.

 bik ben braam - wilbert de joode - frank gratkowski

(photo : Brice Milpied)

Autres Hollandais, volant littéralement sur un tapis de cordes, l’ensemble à géométrie variable des jeunes  musiciens du  JARGON de Maurice Horsthuis enthousiasma le public par les  mélodies du chef, altiste de formation, la virtuosité de l’exécution, jazzifiée par une guitare et contrebasse alertes.

 Sans surprise mais remportant un succès mérité, le trio énergique de Bojan Z avec l’impeccable Rémi Vignolo et le fougueux Ari Hoenig  fit vibrer la Halle le vendredi soir, sur le programme de son dernier album Xenophonia, alors que le groupe  TTPKC et le marin, sélectionné pour le Jazz Migration de l’AFIJMA,  devait constituer une vraie découverte pour beaucoup.

 Pour notre part, nous avions été séduits lors du Tremplin Jazz d’Avignon où ils furent tout de même devancés par le quartet belge de Pascal Schumacher. Autre esthétique, autre musique. Heureusement récupérés par le label Chief Inspector, TTPKC put sortir son premier album, un opus risqué, à l’écriture foisonnante, aux thèmes bâtis sur une architecture complexe : une musique superbe, intense, sans beaucoup de respiration, accrocheuse malgré ses aspérités, qui fait voyager sans se prévaloir d’une trop grande folklorisation. Une instrumentation originale pour un groupe qui ne l’est pas moins : un trio de saxophonistes accompagné d’un batteur qui n’a pas oublié d’écouter Jim Black.

 Une dégaine marrante que celle du  marin du groupe, le baryton  présentateur Sylvain Tamalet, l’imperturbable ténor Han Sen Limtung, le batteur Antonin Leymarie, au faux-air d’Antoine de Caunes, et enfin le compositeur de beaucoup de titres, le remarquable altiste Adrien Amey. Les titres plutôt drôles apparenteraient  le groupe à la veine « non sense » des Monty Python de la grande époque : ces électrons libres tout excités, développent  des tonalités étranges, créant un climat planant qu’entrecoupent des ruptures de rythmes et d’atmosphères.      

 

A moins que la source de toute cette jeune génération de libres improvisateurs n’aille voir outre-manche du côté d’Evan Parker ? Autre excellent choix de programmation, l’avant-dernier concert du festival donnait la parole à ce génial défricheur, sopraniste et ténor anglais, toujours aussi impressionnant dans son approche spontanée de l’instrument, toujours renouvelée depuis la grande époque des seventies  ( voir la liste extraordinaire de ses participations de Von Schlippenbach au « Globe Unit » sans oublier Peter Brotzmann, Paul Lytton, Anthony Braxton …).

Rejoignant les maîtres de la musique d’improvisation européenne, il tint en haleine un public conquis, se jouant de la technique de la respiration circulaire dont il maîtrise tous les effets,  sans abuser des stridences et autres déviations de l’improvisation pure, créant toujours une mélodie fine et affûtée avec des changements de registre si rapides que l’on croit entendre des sons simultanés.

Le BJF 2006 a tenu ses promesses : un festival en liberté, entraînant et innovant, au-delà de tous clivages d’époque ou de style : surprises, émotion,  et gaieté débridée (Sina & Stucky les deux Valaisannes et leur café-théâtre décapant),  dérapages vraiment productifs. Tout cela dans une ambiance heureusement détendue autour des tartines et autres collations (huîtres d’Arcachon) que servaient les bénévoles soudés et visiblement heureux de participer à cette fête. Alors  il ne reste plus qu’à attendre 2007… vite…

Sophie Chambon

 

 

 

 

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2 octobre 2006 1 02 /10 /octobre /2006 09:21

Le Festival Jazz à La Villette nous a réservé de beaux moments. Bien sûr nous fumes assez triste de voir Abbey Lincoln (76 ans) annuler son concert pour raison de santé. N’empêche il y a quelques vétérans qui ont su nous régaler. Certes Charlie Haden par exemple avec son new Libération Music Orchestra n’a pas provoqué chez nous un enthousiasme débordant et à l’image de l’album sorti l’an dernier, nous retrouvâmes des solistes que nous savons par ailleurs excellents (Tony Malaby, Chris Cheek ou Miguel Zenon) cantonné dans une sorte de réserve gentille. On est bine loin des cris rauques de Gato Barbieri et du tranchant de Don Cherry. Reste que la belle amitié complice entre Haden et Carla Bley ne cesse de nous émouvoir. Dans l’émotion tout le monde avait aussi une pensée pour le saxophoniste Dewey Redman  (le père de Joshua) qui fut justement l’un des piliers du LMO.

 

 

 

Toujours à la Villette William Parker déclencha la foudre et irradia la scène du Cabaret Sauvage pour la reprise du spectacle déjà présenté à Banlieues Bleues quelques années auparavant. Son hommage à Curtis Mayfield est une des expériences musicales les plus intéressantes du moment et cette rencontre entre Jazz et Soul music, cet enchevêtrement des deux musiques est assurément une belle réussite. Beaucoup de choses dans ce concert et beaucoup d’émotion. Parker reprit quelques thèmes bien connus de Mayfield comme Pusherman, Move On Up, People Get Ready, Give Me Your Love... Nous fumons alors subjugués par la grâce de la chanteuse Leena Conquest aussi gracile dans le chant que dans la danse. L’immense poète Amiri Baraka (Leroy Jones) etait là et nous gratifiait de ses magnifiques textes slammés en prolongement, en écho détournés de ceux de Mayfield. Le pianiste Dave Burrell  sur le premier morceau sorti un chorus tout droit venu de l’espace où l’on retrouvait quelques similitudes avec le jeu d’un Django Bates. Mais surtout, et comme toujours l’association Parker avec Hamid Drake (qui est selon nous pas loin d’être aujourd’hui le meilleur batteur de sa génération), cette association là relève du surnaturel. De l’entente télépathique. De la magie noire. Lorsque les deux sont ensemble on a affaire, comme me le disait Jacques Bisceglia  à l’oreille, à la meilleure rythmique au monde. Pas loin d’être vrai.

 

 

 

 

Les nuits manouche de l’Européen sont désormais un rendez vous incontournable du jazz gypsy. Ce soir là nous étions allé entendre Angelo Debarre et Ludovic Beier dont l’album paru cet été chez Chant du Monde, « Entre ciel et terre » nous avait totalement conquis.  Et ce que les deux hommes nous donnèrent ce soir là était en droite ligne du bonheur que nous avions à l’écoute de l’album. D’abord parce que Angelo Debarre confirme qu’il est un immense guitariste manouche. Pas du genre à dévaler les grilles  toute allure et les accords de passage sur un standard de Django. Plutôt du genre à mettre dans chacune de ses notes un petit supplément d’âme. Ce millième de seconde où la note prend son temps avant de partir, ce glissando subtil, cette légère distorsion. Car même dans les tempos lents Angelo Debarre met une vraie force dans chacune de ses notes montrant qu’il se situe dans une autre inspiration que celle qui consiste à faire la course avec la pompe. Une vraie force subtile.  Quand à Ludovic Beier c’est un partenaire idéal qui sait se faire à la fois présent et discret. Présence dans les chorus où l’inspiration mélodique se situe dans la ligné des Gus Viseur et Joe Privat, mariant ainsi le jazz manouche et le balloche du samedi soir. Discret dans son sens de l’accompagnement. Beier est aussi un admirable compositeur. Ses compos entre bossa et gypsy sont une pure merveille. Assurément Debarre et Beier forment un couple efficace et  nous montrent qu’il se passe (enfin !) des choses  dans le jazz manouche.

 

 

 

 

Un peu plus loin dans la soirée nous sommes allé entendre un autre guitariste. Manu Codjia nous donnait au Sunside un  aperçu de son prochain album avec Daniel Humair. Codjia confirmait là qu’il est l’un des guitaristes majeurs de la scène française. Le pilier du Strada de Texier s’inscrit dans un registre proche de Hendricks mais aussi de Zappa. Ses compositions shorteriennes de haute volée nous transportent dans un univers fait de moelleux étiré et de foudre guerrière. Il y a dans sa façon de jouer une large part de l’histoire du jazz qui commence avec Wes Montgomery et se poursuit jusqu’aux guitar héro du rock. Ce qui nous fait attendre avec impatience la sortie de son prochain album.

 

 

 

 

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2 septembre 2006 6 02 /09 /septembre /2006 23:09

On y était. Pas vous ?

 

 

 

Il y avait comme tous les étés de la musique partout. La capitale s’était mise en quatre pour nous offrir quelques bons moments de jazz entre deux matchs de l’équipe de France.

 

Le théâtre du Châtelet ouvrait le bal au tout début de l’été avec une affiche de rêve. Nonobstant l’équipe de France qui faisait chavirer d’autres têtes et empêcha certains d’aller voir John Zorn avec Masada (on a des noms !) nous eûmes néanmoins droit à un concert très beau de Bill Frisell venu le 6 juillet présenter sa toute nouvelle formation avec Greg Tardy au sax, Ron Miles à la trompette, Tony Scherr à la contrebasse et Kenny Wollesen à la batterie. Il faut dire que Bill Frisell a le chic pour mettre du bleu sur ses mélodies sudistes avec ses accents de folksongs matinées de jazz. Jamais il n’abuse de la réverb mais utilise juste sa pedal street guitar chère aux joueurs de Country avec un grand sens du dosage subtil. On entendrait presque des sonorités simples à la Oscar Moore. En revanche la formation avec laquelle il évolue n’est pas la meilleure qui soit et l’on a pu assister après un premier quart d’heure brillant du trompettiste Ron Miles à l’éclipse totale de ce dernier au cours de ce bien agréable concert. Agréable mais par moments toutefois inégal.

 

Le lendemain nous nous faisons une fête d’aller entendre pour la clôture du festival l’immense Ran Blake. A 75 ans Blake n’a rien perdu de la magie de son discours. Incroyable profondeur des phrases monkiennes. Monk qu’il transcende. Monk qu’il ramène à Ellington. Pas l’Ellington chef d’orchestre mais Ellington le pianiste dont chaque attaque de note est un point de suspension. Mais Blake est vieux et suet à toutes les angoisses. Au bout de 20mn, parce qu’il était allé tout au bout de lui-même et qu’il ne pouvait plus rien rajouter, Blake se leva et quitta la scène très intime (des chaises avaient été placées sur la grande scène, autour du piano) devant un  public néanmoins conquis et compréhensif qui ne manqua pas de lui faire une véritable ovation. Beau moment de compréhension par le public de l’artiste en souffrance.

 

Au New Morning durant ce torride mois de juillet Carla Bley venait sur scène avec son éternel côté potache. Son Big Band venait là pour s’amuser. Mais avec l’âge Carla se rangeait moins du côté de Mingus que d’ Ellington (là encore) avec un trompettiste qui nous faisait penser à Ray Nance et un Gary Valente, tromboniste génial dans une forme éblouissante alors qu’à l’orgue la fille de Carla Bley, Karen Mantler (dans le rôle du parfait sosie) restait dans une posture sage. Carla Bley possède cette faculté d’écrire des choses complexes et de les rendre simples par son sens du swing. Elle assume carrément un clin d’œil appuyé Glenn Miller. Fait circuler d’une main toujours assurée une énergie bouillonnante à laquelle n’est pas étrangère la rythmique menée par Steve Swallow dont les yeux ne quittent pas d’un seul instant Carla. Sa reprise du morceau de Ray Noble (‘til you) fut un des grands moments de ce beau concert. Son Big Band se situe toujours quelque part dans les sommets du jazz. On comprend qu’il soit encore et toujours une référence prégnante pour grand nombre d’orchestre. Il nous donne furieusement envie de revenir rapidement l’entendre à la Villette

 

 

Dans un autre registre la venue du groupe Take 6 au New Morning nous donnait l’occasion de voir autant de spectacle sur scène (plutôt de show) que dans ce public afro américano antillais de Paris venu de toutes les églises adventistes de la capitale communier avec hystérie avec ce groupe aux allures de prêcheurs du temple. Sensations assurées. On se serait cru du coté de la Glide Church de San Francisco. D’ailleurs ce n’est pas un  hasard si le seul à avoir reçu l’autorisation de photographier et d’interviewer était le représentant de la Fédération Française de Gospel (que nous saluons ici pour nous avoir si gentiment permit d’utiliser ses clichés). Sur scène derrière 6 chanteurs d’exception, un manager cerbère façon Don King de 300 kgs en culottes courtes s’assurait qu’aucun voleur d’image ou de son n’était dans la salle. Parce que ces 6 performers du jazz vocal qui nous assène à longueur de temps que « God’s with you. Oh my Lord yeah !» n’oublient pas de vous inciter à acheter leur dernier album «  to help us to make money ». Eh oui on y est pas habitué ici mais il faut s’y faire, la bible se marie fort bien aux dollars de l’autre côté de l’Atlantique. Mais revenons à l’essentiel : la musique. Reste un véritable show bouillonnant. 6 chanteurs exceptionnels bourrés de vitamines. Derrière la façade à paillettes, des chanteurs immenses, des musiciens et arrangeurs de génie et une volonté de revenir un  peu plus au jazz. On buvait du petit lait malgré un son un peu saturé au premier set. Dans la fournaise du paradis ( !) les 6 nous ont littéralement scotchés avec une mention particulière pour le bassiste du groupe capable de  et faire trembler les murs de Jéricho avec un seule note et de danser à la manière d’un  pack entier de joueurs néo-zélandais façon Haka. Et des harmonies à tomber par terre qu’on vous raconte même pas. Un son unique qu’ils sont les seuls, depuis que Manhattan Transfer ne cesse de décliner, à maîtriser de la sorte. Une école en somme !

 

 

Et puis, pour finir en beauté, on a choisi  Ornette Coleman ! Ornette venu inaugurer le festival « Black rebels » à la Villette. Ornette , le free de la passion ! Ornette la légende. Concert magique comme souvent avec lui. Le maître du son c’est lui. Habité toujours par sa musique. Le maître du blues, à 76 ans c’est toujours lui. Même s’il semblait un peu fatigué, un peu moins capable de tenir de très longs chorus, un peu moins dans l’énergie du souffle, Ornette montrait un autre visage ce soir là ? Montrait qu’il reste une légende du jazz. Pas seulement par son jeu d’ailleurs mais toujours par ses compositions si intelligemment agencées. Décalages rythmiques, retour de thèmes, libres improvisation, digression puis à nouveau ensemble et coda abruptes et tout cela avec l’incroyable sentiment de facilité. De fluidité. Ornette qui vient de sortir un nouvel album en live « the grammar of the sound » était accompagné de son fils Denardo à la batterie (très mal sonorisé) et d’une géniale rythmique de choix, celle de Tony Falanga à la contrebasse (une découverte celui là) et de Al Mc Dowell à la basse électrique. Association géniale aussi que ce jeu d’archet de Falanga au son de Ornette Coleman où il est question d’un poésie un peu folle que seul Coleman est capable de dire. Sorte de complicité de saltimbanque. Un song X un  peu désorientant par le jeu binaire ternaire de Denardo et puis au final pour seul rappel, un Lonely woman simplement joué avec une sublime profondeur.

 

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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 20:55

  

 

 

C’est magie de voir une ville de 10000 habitants se transformer pendant deux semaines en capitale internationale du jazz. Toute la ville est en fête :pas un café, pas un jardin, pas une vitrine qui ne swingue ! La programmation du festival est exigeante, riche, variée et toujours attentive à faire découvrir au très large public les nouveaux talents voire à accueillir des créations. Yves Robert a ainsi présenté cette année à Coutances l’Argent, un spectacle collage patchwork, réflexion philosophico-sociologique sur notre société matérialiste avec témoignages de spécialistes de la finance, voix entremêlées, chocs, violences. Yves Robert et ses musiciens (dont la talentueuse Elise Caron) nous invitent à nous interroger sur notre rapport à l’argent : expérience nécessairement d’utilité publique. 

Mais ce festival populaire qui draine son public bien au-delà des frontières de la Basse-Normandie est avant tout l’occasion de célébrer le bouillonnement artistique du jazz contemporain. Le saxophoniste ténor  Olivier Temime  avec ses « volunteered slaves » (en hommage à une composition de Roland Kirk datant de 1969) en est un des exemples les plus excitants avec une musique qui explore de multiples influences du be bop au funk en passant par l’afro, le tout sur des rythmes endiablés et fougueusement. La chanteuse coréenne Youn Sun Nah, plus élégante, plus précieuse, plus atypique que jamais, se nourrit elle aussi aux sources multiples : jazz, pop (la pureté de sa voix n’est pas sans évoquer celle de Björk), musique orientale Elle est d’une virtuosité extrême tant dans la maîtrise de sa voix, que dans la précision rythmique avec à certains moments une liberté et un lâcher-prise totaux. Tout cela sans aucune ostentation et avec la plus grande humilité. Elle est entourée de musiciens de talent, Benjamin Moussay au piano, David Nierman au vibraphone, Yoni Zelnik à la basse. La magie opère, nous sommes sous le charme, comme en apesanteur.

La qualité du festival de Coutances est aussi dans sa capacité à prendre des risques. C’est ce que l’on s’est dit en découvrant en première partie de Dee Dee Bridgwater la pianiste Magali Souriau. Sa rencontre avec Alex Dutilh racontée avec émotion dans les colonnes de Jazzman nous avait certes déjà mis en appétit. Mais sa musique, ce n’est pas grand chose : des souvenirs d’enfance, des émois de petite fille, beaucoup de sentimentalisme teinté de nostalgie. Cela commence avec au « Clair de la Lune » et cela finit tous en chœur sur « Au feu les pompiers ». Entre temps, on est passé par Randy Weston, Monk et son Epistrophy, Bach parce que comme tout le monde sait « Bach ça swingue d’enfer ». Du presque rien accompagné par l’immense saxophoniste Chris Cheek et joué avec une infinie fraîcheur. Une jolie écriture inspirée du quotidien (la promenade, la belle dame avec son grand chapeau)…des petits riens qui font la vie. Elle chantonne en jouant et c’est charmant. Elle a un toucher subtil, elle effleure à peine le piano et nous transporte au pays de l’enfance. Nous ne savons pas bien l’expliquer mais cet instant passé en sa compagnie est précieux et rare.

L’événement annoncé de cette vingt-cinquième édition de Coutances était sans aucun doute la venue du Trio Beyond, créé par Jack DeJohnette en hommage à Tony Williams avec à la guitare John Scofield et à l’orgue Larry Goldings. Sur la scène de la très grande halle aux grains de Coutances, le batteur anime le groupe en déstructurant les rythmes, en passant du binaire au ternaire, jeu arachnéen, généreux et énergique, toujours en délicatesse, il fait sonner sa batterie comme personne… il est simplement immense. Scofield de son côté avec un son saturé et plein de réverbérations, invente en permanence, reprend en boucle des motifs pré-enregistrés...Oui mais leur grande technicité laisse peu de place à la rêverie et le jeu très mécanique de Scofield étouffe quelque peu l’ensemble. La version en studio qui sortira dans peu de temps sur le label ECM est dit-on plus réussie. Le festival de Coutances c’est aussi le dépaysement et Jean-Marie Machado présent cette année en sextet ( à noter l’indispensable Andy Sheppard au saxophone et l’excellent Gueorgui Kornazov au trombone) nous a transporté en Espagne. Ses arrangements de Falla, Granada ou Albeniz évoquent toutes les couleurs de son Maroc natal et de l’Andalousie. L’ocre et le rouge. Nos sens en éveil...

 Jazz sous les pommiers c’est surtout le dialogue permanent entre le public et les artistes ; un dialogue institutionnalisé par les organisateurs à travers le soutien d’un programme d’artistes en résidence dans la région.  Le but de ce projet est d’accompagner des artistes dans leur travail de création et de favoriser tout au long de l’année des rencontres avec la scène de Basse-Normandie. Après Bojan Z, c’est  le guitariste Louis Winsberg qui est depuis 2 ans en résidence à Coutances, « moment privilégié de création, de rencontres, de partages avec la scène régionale, d’expérimentations, de composition.“  Vous l’aurez compris JSLP, c’est de la Jubilation sur tous les Plans ! A tout bientôt à Coutances.

 Régine Coqueran

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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