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29 juillet 2018 7 29 /07 /juillet /2018 15:25

Plaisir intact et toujours renouvelé. Je file en voiture, dernière ligne droite et enfin je vois le panneau d’entrée de ville et les premières affiches des sponsors officiels.
Ca y est, je suis à Marciac, dans la place, heureux de retrouver la famille du jazz, les afficionados et l’ambiance toujours joyeuse et bon enfant de la petite ville du Gers.

La place du village commence à s’animer, ça sent le magret et les effluves de Plaimont nous font un peu tourner la tête à l’approche de la belle soirée qui s’annonce plutôt pas mal. Que du bon !
Ce qui nous attend ?
Une première partie de luxe avec Dave Holland-Zakir Hussain-Chris Potter et une deuxième avec le quarte de Pat Metheny. Rien que ça !

C’est l’alliance du lapin et de la carpe. Celle qui va de la profusion rythmique aux volutes harmoniques.

 

Côté fourmillements rythmiques, c’est le trio de Dave Holland-Zakir Hussain et Chris Potter.

Les polyrythmies s’affolent sous les doigts volubiles du tablaïste Zakir Hussain qui fait office de maître de cérémonie, véritable pièce maîtresse de ce trio. Ça vibre, ça pulse et ça frémit au son des tablas (peut être un peu trop surexposées à mon goût). Là dessus Chris Potter démontre qu’il n’a rien perdu de sa filiation Rollinsienne, adepte du gros son et d’un placement rythmique hallucinant. Et pour en rajouter une couche, Dave Holland impose un son à nul autre pareil. D’une formidable rondeur et d’une profondeur qui pose les bases solides de cette musique syncrétique, entre jazz et musique du monde. Les chorus du saxophoniste qu’il soit au ténor ou au soprano impressionnent toujours autant mais celui qui fait le show c’est un peu Zakir Hussain dont les caméras du festival parviennent à capter les grands yeux d’enfant un peu halluciné.
La magie est dans l’air.

JIM 2018@Laurence Sabathe

 

Elle se poursuit ensuite avec le quartet de Pat Metheny. Aux commandes à côté de l’homme à l’éternelle marinière bleue et blanc, le Bad Hombre (*), le génie du drumming, Antonio Sanchez. La non moins géniale Linda May Han Oh est à la contrebasse. Et au piano, la gallois Gwilym Simock. En somme, les fidèles qui tournent depuis quelques temps avec Metheny, dans la configuration que les parisiens avaient vus à l’Olympia il y a un an. Le guitariste entame son concert avec son instrument étrange à plusieurs manches alliant la guitare et la mandoline ( de Linda Manzer je crois). Ça commence doucement, presque mollement, pas aidés par un son assez cotonneux au départ. Et puis, magie des concerts, ça vient, le son devient plus net et Metheny entre vraiment dans son concert. Et là ce ne sont que profusions harmoniques et mélodiques sur lesquelles le guitariste laisse traîner les notes, les caressent avec une rare subtilité. Gwilym Simeck se révèle, Linda May Han Oh prend ma musique à bras le corps et Antonio Sanchez allie les caresses et le tonnerre

JIM 2018@Laurence Sabathe

 

Avec Metheny, comme toujours la virtuosité se dissout dans une sorte d’évidence musicale. Les lignes mélodiques restent flagrantes malgré ses déambulations harmoniques. Mais bon, cela vous le savez déjà……
La nuit sera étoilée.

 

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27 mai 2018 7 27 /05 /mai /2018 17:50

 

Deux jours en Arles, bravant les grèves de transports pour le plaisir de visiter encore ce beau festival, et cette belle ville. Le voyageur, en ces temps troublés, choisit d'être en avance pour avoir une petite chance d'arriver à l'heure, ce qui occasionne l'indispensable pause au bar du Train Bleu : le -très bon- café a pris plus de 9% depuis la dernière fois, et il avait déjà ces dernières années fait un bond de 10% : l'évolution du coût de la vie n'est pas la même à tous les comptoirs....).

Quoi qu'il en soit (comme on dit à l'Alcazar de Marseille), belle escapade. Et l'irremplaçable Nathalie Basson est venu me cueillir à la Gare TGV d'Avignon pour m'éviter les incertitudes de la fin de voyage. En Arles donc, comme je m'obstine à le dire, et à l'écrire, pour résister à l'horrible hiatus du 'à A....'.

24 mai, 16h

J'arrive à la Chapelle du Méjan (dont les suites de la Révolution Française avaient fait un entrepôt pour les toisons des moutons de race mérinos....). C'est, dans le giron d'Actes-Sud (qui occupe tout le secteur : librairie, cinéma, bar-restaurant, bureaux....), un beau lieu de concerts, et d'exposition. Dans ce dernier registre, c'est encore pour quelques jours une belle présentation des toiles du peintre coréen Kim Tschang-Yeul. Retrouvailles avec l'Ami Jean-Paul Ricard, l'autre animateur de ce festival. Le trio du guitariste Philippe Mouratoglou s'active pour la balance : Bruno Chevillon est à la contrebasse, et Ramon Lopez à la batterie, agrémentée de tablas (dont il est un fin connaisseur). Le groupe va fêter la sortie du tout récent «Univers-Solitude» (Vision Fugitive / l'autre distribution), et le concert va aussi comporter deux blues du disque «Steady Rollin' Man, Echoes of Robert Johnson» (même label), enregistré en 2012 avec Jean-Marc Foltz et Bruno Chevillon. 

24 mai, 20h30

Au concert la musique du trio, déjà très intense dans le CD chroniqué dans ces colonnes (suivre ce lien), va prendre encore de l'épaisseur. Le groupe n'a pas joué depuis l'enregistrement du disque en novembre dernier, et ces retrouvailles sont importantes : les échanges sont vifs, tendus et attentifs, la musique est là. Et cela se confirme avec les blues, en duo avec la basse. Philippe Mouratoglou est aussi un vrai chanteur, habité par son sujet. Quand le trio reprend ses droits, la musique va gagner encore en esprit d'aventure, car cet art-là s'éprend de liberté(s).

Le contrebassiste Luca Bulgarelli

25 mai, 16h

Les transports ferroviaires ont repris leur cours (presque) normal, mais les liaisons aériennes sont perturbées. Enrico Pieranunzi était à pied d'œuvre depuis la veille, André Ceccarelli et le contrebassiste Luca Bulgarelli le rejoignent, et tandis que le trio commence l'indispensable réglage de la sonorisation et des retours, le saxophoniste Seamus Blake (Canadien new-yorkais et désormais parisien) les rejoint : le quartette est au complet. Le saxophoniste a joué avec le pianiste à New-York (il y aurait même un inédit, en quintette, au Village Vanguard), le batteur est un habitué des trios du Maestro, et le bassiste a partagé avec Enrico quelques aventures transalpines. C'est la première étape d'une tournée européenne qui verra, ici ou là, des changements de batteur ou de bassiste.

25 mai, 18h30

Tandis que ses parents, la bassoniste Sophie Bernado et le saxophoniste-clarinettiste Hugues Mayot, procèdent à la répétition-balance du trio 'Ikui Doki' avec la harpiste Rafaëlle Rinaudo, la petite Alma (six mois) dort du sommeil du juste, avec sur les oreilles un casque anti-bruit qui veille jalousement sur sa quiétude.

25 mai, 20h30

L'heure du concert est venue pour 'Ikui Doki', l'un des groupes qui cette année ont reçu le label Jazz Migration, et parcourent à ce titre festivals, clubs et lieux de concerts. La musique est un subtil mélange de relectures, très très libres, de la musique française du début du vingtième siècle (Debussy....), et de compositions originales qui exploitent le potentiel de cette nomenclature instrumentale inédite. La harpe, électro-acoustique, dérive de la version celtique. On oscille en permanence entre un esprit chambriste et des foucades contemporaines et acérées, avec d'indiscutables références au jazz, mais aussi à Philip Glass, au rock, au free jazz, et à toutes les musiques du monde. La harpe s'aventure même parfois du côté de Jimi Hendrix ! Et cette première partie de soirée se conclut par un écho des rythmes de l'Afrique de l'Ouest, comme le jazz le fit si souvent depuis les années 60 (et même avant).

25 mai, 22h

Le quartette d'Enrico Pieranunzi va conclure la soirée. Le répertoire est largement emprunté aux disques publiés avec Donny McCaslin au sax. On entendra aussi des thèmes plus anciens, comme le blues Entropy, gravé en quartette et en 1980. L'émulation est forte : le pianiste mène la danse, mais il laisse beaucoup d'espaces d'expression à ses partenaires, tout en jouant avec le tempo et le rythme. Seamus Blake, au ténor tout au long du concert, fait merveille. Les échanges sont vifs et féconds, que ce soit avec la basse de Luca Bulgarelli ou la batterie d'André Ceccarelli. Sur un thème plus lent, et mélancolique, Flowering Stones (du disque «Stories», enregistré en 2011 avec Scott Colley et Antonio Sanchez), la tension va monter progressivement, et après un beau chorus de sax le solo d'Enrico Pieranunzi va parcourir toutes les facettes du piano dans le jazz moderne, le tout épicé de furia transalpine. Et jusqu'à la fin du concert la musique va s'offrir les libertés qu'autorise la passion, et qui va enflammer jusqu'à la ballade offerte en rappel : belle soirée décidément. Merci 'Jazz in Arles'.

Xavier Prévost

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3 février 2018 6 03 /02 /février /2018 08:51

Fireworks au Bal Blomet, la fête du saxophone

 

 

@jean-louis Lemarchand


Dans le jazz, comme dans la musique contemporaine, le quatuor de saxophones est un format qui a fait ses preuves. Pour se limiter à la sphère française, reste dans les mémoires le quatuor constitué en 1979 par Jean-Louis Chautemps, François Jeanneau, Jacques di Donato et Philippe Maté. Le quatuor Fireworks s’inscrit dans cette grande tradition. Formé en 2012 à l’initiative de Vincent David –très actif sur la scène classique, au sein d’orchestres symphoniques, créateur d’œuvres de Boulez et Mantovani- il regroupe deux autres compagnons connus au Conservatoire, Stéphane Guillaume et Jean-Charles Richard, et un autre jazzman, étoile montante de la jeune génération, Baptiste Herbin.
Leur travail en commun s’est traduit par un album Fireworks, sorti récemment, et présenté le 1er février lors d’un concert au Bal Blomet (75015) dans des conditions optimales d’écoute, sans recours à la sonorisation. C’est à une fête de l’instrument sophistiqué (700 pièces pour un saxophone) crée par Adolphe Sax qu’il nous a été donné d’assister. Toute la gamme était mise à contribution : alto (Herbin et David), ténor (Guillaume, David), baryton (Richard), soprano (David, Richard) sans compter la clarinette (David) et les flutes (Guillaume). Et l’occasion pour les interprètes de donner un coup de chapeau au manufacturier français Selmer qui aborde un tournant de son histoire (*)
Sans aucune rythmique (mais avec des partitions), les quatre saxophonistes ont fait éclater leur passion collective, révélant une formidable capacité à transformer une maîtrise parfaite de l’instrument en émotions. Cette performance de groupe coupe littéralement le souffle du spectateur qui est porté au sommet par un répertoire original comprenant surtout des compositions de Vincent David et Stéphane Guillaume mais aussi une œuvre d’Olivier Messiaen. Nous retrouvons des accents de Debussy et Ravel et des sonorités de musique contemporaine, même si le jazz est bien au cœur de ce Fireworks, véritable feu d’artifice instrumental, sans artifices. Reste à espérer que les programmateurs de concerts et festivals sauront donner à ce quatuor d’exception les chances de s’exprimer sur scène.
Jean-Louis Lemarchand
Fireworks au Bal Blomet (75015) 1er février. Vincent David, Stéphane Guillaume, Jean-Charles Richard, Baptiste Herbin.
L’album Fireworks peut être obtenu sur le site de Vincent David www.vincentdavid-sax.fr
  ’
(*)Les associés d’Henri Selmer Paris, société familiale fondée en 1885, leader mondial de la manufacture de saxophones et acteur majeur des clarinettes et becs haut de gamme, ont annoncé le 10 janvier dernier être entrés en négociation exclusive avec le fonds de capital-investissement Argos Soditic, en vue de la cession du capital de l’entreprise. Au terme de cette opération Argos Soditic deviendrait l’actionnaire majoritaire aux côtés d’un noyau resserré de membres de la famille et de l’équipe de direction qui mènera, avec le directeur général, Jérôme Selmer, cette nouvelle phase de développement.

 

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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 23:16

Ahmad Jamal le magicien
Palais des Congrès. Paris. 14 novembre.

Ahmad Jamal, piano, Manolo Badrena, percussions, Herlin Riley, batterie, James Cammack, batterie et Abd Al Malik et Mina Agossi, voix

 

@valery_Duflot

 

Ahmad le magicien a encore frappé. Le maître de Pittsburgh a séduit le public de Paris… avec Marseille. A quelques encablures du Parc des Princes, ce 14 novembre, le pianiste a déroulé avec aisance et fougue le répertoire de son dernier album (Marseille. Jazz Village-Pias. Juin 2017) consacré à la cité phocéenne. Apportant la preuve qu’il avait conservé à 87 ans les qualités d’architecte des sons qui avaient assuré sa renommée dès 1958 avec Poinciana (At the Pershing.Argo). Devant son Steinway, Ahmad Jamal cultive l’art de ménager ses effets et joue avec le public. Il n’a pas son pareil pour alterner les passages minimalistes et les grandes envolées, le ruissellement de la pluie et les grondements de tonnerre. Une exploration musicale pour laquelle il peut compter sur la complicité aussi souriante qu’efficace de trois compères de longue-plus de deux décennies- Manolo Badrena (percussions), Herlin Riley (batterie) et James Cammack (basse). Même les invités d’un soir, les vocalistes Abd Al Malik et Mina Agossi, se plient à la discipline du pianiste qui voue une admiration pour Napoléon. On ne peut que le constater à l’issue de ce concert parisien, où la vedette est revenue à Autumn Leaves, version désormais classique et toujours originale de la chanson de Prévert et Kosma, :Ahmad Jamal entretient une relation bien particulière avec la France. Dans les années 90, les producteurs Jean-François Deiber et Francis Dreyfus, avaient contribué à relancer sa carrière. Aujourd’hui, c’est le label Jazz Village qui permet au maître des 88 notes d’exprimer toute sa créativité juvénile.
Jean-Louis Lemarchand

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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 00:44

Le festival a commencé dès la fin de semaine précédente, mais le chroniqueur n'avait pas encore abandonné les pluies franciliennes pour les frimas nivernais. À pied d'œuvre le lundi matin, le plumitif s'est réjoui dès le midi à l'écoute d'un formidable duo : celui que forment Claudia Solal et Benjamin Moussay

Débat et peaufinage pendant la balance photo ©Maxim François

«BUTTER IN MY BRAIN»

Claudia Solal (voix, textes, composition), Benjamin Moussay (piano, piano électrique, synthétiseur basse, traitement du son en temps réel, composition)

Maison de la Cuture, salle Lauberty, 13 novembre 2017, 12h15

 

Leur association repose sur une ancienne connivence : ils se connaissent depuis une vingtaine d'années, et à partir de 2003 ont travaillé un duo, dont fut issu dès l'année suivante le disque « Porridge Days ». Après un autre disque en quartette(« Room Service »), ils ont dès 2013 repris le travail en duo, matérialisé par le CD « Butter in my Brain », paru tout récemment (Asbsilone/L'Autre distribution). On a dans ces colonnes dit notre admiration pour ce disque (http://lesdnj.over-blog.com/2017/10/claudia-solal-benjamin-moussay-butter-in-my-brain.html).

Le concert, après une tournée assez conséquente, révèle encore d'autres richesses, d'autres émois. Les pièces, très minutieusement agencées pour le disque, s'ouvrent au fil du concert à des espaces improvisés. De surcroît les deux complices continuent de faire ce qu'ils font sur scène depuis longtemps : improviser autour des textes choisis dans l'instant dans le petit livre que Claudia garde avec elle sur scène. Celui-ci, qui contenait naguère des poèmes d'Emily Dickinson, recèle maintenant les écrits de la chanteuse, conçus dans un anglais poétique, où l'humour croise parfois un univers presque surréaliste. Le dialogue est d'une grande intensité musicale, avec implication majeure des deux protagonistes. C'est une sorte de voyage initiatique dans un monde imaginaire ; on se laisse porter jusqu'au terme : c'est une totale réussite !

Prochain concert de Claudia Solal et Benjamin Moussay le 23 novembre à Lens (festival Tout En Haut Du Jazz)

 

Photo ©Maxim François

«TILT»

Joce Mienniel (flûte, synthétiseur), Vincent Lafont (piano électrique), Guillaume Magne (guitare), Sébastien Brun (batterie)

Auditorium Jean-Jaurès, 13 novembre 2017, 18h30

 

Le groupe joue le programme du disque éponyme paru en 2016. La situation du concert produit un 'effet de vérité' qui démultiplie les sensations éprouvées à l'écoute du CD. La concentration des musiciens est extrême, car il ne s'agit pas de rejouer le disque, mais de donner à entendre un nouvelle objet sonore, unique et forcément éphémère, dont seul subsistera l'émoi ressenti par les spectateurs. On est ici dans un univers musical polymorphe, qui plonge ses racines dans le jazz comme dans le rock progressif, et qui combine une ardente expressivité avec un véritable culte de l'événement sonore. C'est comme un long ruban d'intensité rock paré d'éclats de power trio (l'association piano Fender Rhodes/guitare/batterie) et de bribes de partita pour flûte mêlées d'exploration de tous les modes de jeux possibles sur l'instrument. Joce Mienniel joue aussi d'un petit synthétiseur analogique qui conjugue les sons de naguère et les ritournelles du présent. Après une relecture déstructurée, et savoureuse, de Money (Pink Floyd), A Flower From The City Beneath va nous ramener à l'univers du groupe et de son leader, et nous sommes plutôt conquis.

 

Photo ©Maxim François

EURORADIO JAZZ ORCHESTRA 2017

Airelle Besson (trompette, composition, direction), Alba Nacinovitch (voix), Allan Järve (trompette, bugle), Sigurd Evensen (trombone), Corentin Billet (cor), Quentin Coppalle (flûte), Vincent Pongracz (clarinette), Mria Dybbroe (saxophone alto), Helena Kay (saxophone ténor, clarinette), Dimitri Howald (guitare), Kristina Barta (piano), Vid Jamnik (percussions à clavier), Kaisa Mäensivu (contrebasse), Cornelia Nillson (batterie)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 13 novembre 2017, 20h30

 

L'Euroradio Jazz Orchestra est un projet annuel de l'UER (Union Européenne de Radiotélévision, autrement appelée European Broadcasting Union : EBU). Cette appellation a succédé voici quelques années à celle de Big Band de l'UER (EBU Big Band). Le principe est toujours le même : une radio publique invitante choisit un (ou plusieurs) chef d'orchestre-compositeur, commande un répertoire, et chacune des radios qui le souhaitent délègue un musicien (aujourd'hui obligatoirement âgé de moins de 30 ans) pour la représenter au sein de l'orchestre. Il faut préciser que l'UER n'est pas une émanation de la communauté européenne, mais qu'elle rassemble les radios publiques des pays d'Europe (quand elle a été créée, en 1964, on considérait que la Turquie avait vocation à en faire partie), et qu'elle a des membres associés, comme les radios publiques du Japon (NHK), d'Israël (Kol), du Canada (Radio Canada/CBC) ou des États Unis (NPR)....

La dernière fois que Radio France a accueilli ce projet, c'était le 7 avril 1991, à Strasbourg, avec trois compositeurs-chefs d'orchestre : Patrice Caratini, Laurent Cugny et Andy Emler. Par la suite l'émergence de nouveaux états, en ex-Yougoslavie, en Tchécoslovaquie ou dans les Pays Baltes, a fait que le nombre de radios participantes augmentait, et que la France devait attendre son tour, d'autant plus qu'enfin, dans les années 2000, la Turquie participa, et qu'il fallait aussi pour les états où plusieurs communautés linguistiques ont une radio publique, comme en Suisse, accueillir plusieurs projets sur différentes années. Bref Radio France fut peu sollicitée, et quand elle le fut vers 2005, les gigantesques travaux entrepris rendaient des salles indisponibles et induisaient une certaine frilosité budgétaire. Enfin en 2017 Radio France, sous l'impulsion d'Alex Dutilh, a renoué avec ce projet, confié à Airelle Besson.

Un premier concert a eu lieu le 11 novembre à la Maison de la Radio (dans le cadre des concerts 'Jazz sur le Vif' d'Arnaud Merlin), puis ce furent Coutances le lendemain, Nevers ce 13 novembre, avant de conclure le lendemain-jour où j'écris ces lignes- près de Strasbourg pour le festival Jazzdor.

Airelle Besson a orchestré pour cette formation, dont elle a choisi la nomenclature, quelques-unes de ses compositions antérieures (Lueur, Envol, et en rappel Radio One), et composé pour l'occasion The Sound of Your Voice, hommage aux voix de la radio. L'écriture est soignée, l'esthétique oscille entre musique de genre, harmonie de luxe et orchestre de jazz. Les jeunes musicien(ne)s (je revendique l'écriture inclusive, d'autant que depuis quelques années les musiciennes sont de plus en plus nombreuses dans cet orchestre !) ont répété quatre jours à la Maison de la Radio. L'exécution d'ensemble est très bonne, comme la direction (Airelle étudie depuis plusieurs années la direction d'orchestre). Cela pèche parfois du côté des solistes, avec quand même de beaux moments : un stop chorus du clarinettiste autrichien Vincent Pongracz, un solo expressif du guitariste suisse Dimitri Howald, une improvisation magistrale du tromboniste norvégien Sigurd Evensen, un solo sans tapage mais bien ouvragé de la saxophoniste ténor britannique Helena Kay, et un solo flamboyant de la chanteuse croate Alba Nacinovitch.... et j'en oublie forcément.

Ce fut donc un plaisir, notamment pour moi et mes 32 années de Radio France (où j'ai participé à ma première réunion UER en... 1985), de retrouver sous nos couleurs ce projet où j'ai vu passer, au fil des ans, tant de grands solistes européens alors même qu'ils étaient peu connus (comme le Suisse Samuel Blaser voici quelques années), et où j'ai eu le privilège de déléguer, au fil des ans, André Villéger (avant le jeunisme imposé), et plus récemment Brice Moscardini, Fidel Fourneyron, Bastien Ballaz, Anne Paceo, Quentin Ghomari, Jean Dousteyssier... pardon à celles et ceux que j'ai oublié(e)s !

 

CHRIS POTTER TRIO + 1

Chris Potter (saxophones ténor & soprano, flûte, effets électroniques), Reuben Rogers (guitare basse), Eric Harland (batterie) ; invité James Francies (piano, piano électrique, synthétiseurs)

Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 13 novembre 2017, 22h15

 

Avec Chris Potter la soirée tourne à l'effervescence frénétique. Le saxophoniste a mêlé des thèmes qui sont depuis pas mal de temps à son répertoire (comme Synchronicity, de Sting, période 'Police') à des titres issus de son récent «The Dreamer is The Dream» (ECM), enregistré avec un groupe différent. Et le groupe que nous découvrons à Nevers est carrément nouveau car au trio annoncé initialement s'est ajouté le pianiste James Francies, nouvelle coqueluche de la scène états-unienne. Il faut dire qu'il est brillant, même si ses solos débordent de gammes vertigineuses (heureusement ponctuées de temps à autre d'accents et de ruptures rythmiques), et si ses chorus de synthétiseur ont un léger parfum corny venu tout droit des années 70. Mais on lui pardonne sa vélocité un peu ostentatoire, car il possède un sens de l'intervention, de l'écoute et du dialogue au sein du groupe qui fait merveille. D'ailleurs l'interaction est au cœur même de ce groupe. Tantôt basse et batterie dialoguent intensément quand sax et claviers tissent un autre échange, le tout dans une écoute globale et mutuelle qui laissent pantois. Peu après, alors que le sax a quitté la scène, le pianiste entame un trilogue avec ses complices, et l'échange se joue sur plusieurs plans, simultanés, parallèles ou croisés. Bassiste et batteur ont maintes fois l'occasion de s'exprimer réellement, et ils ne s'en privent pas ! Quant à Chris Potter, si l'on excepte quelques bricolages avec ses effets un peu bateau sur une flûte dont d'ailleurs on aurait pu se passer, il administre une leçon de musicalité foudroyante, croisant l'énergie la plus folle avec des raffinements de phrasé, d'accents, de choix des notes : c'est décidément un Maître saxophoniste.

Xavier Prévost

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4 octobre 2017 3 04 /10 /octobre /2017 11:10

Les concerts 'Jazz sur le Vif' de Radio France entament une nouvelle saison, et pour l'occasion Arnaud Merlin a choisi de célébrer le 20ème anniversaire du Caratini Jazz Ensemble, avec aussi en première partie le trio d'un des membres de l'orchestre : Matthieu Donarier

Nouveauté de taille : pour cette nouvelle saison tous les concerts se dérouleront dans le grand studio 104, salle mythique qui accueillit Thelonious Monk, Bill Evans, Ahmad Jamal, Hampton Hawes, Stan Getz, Dizzy Gillespie, Keith Jarrett et plus récemment quelques autres du même tonneau, parmi lesquels, en octobre 2016, Martial Solal et Dave Liebman, en duo. Concert exceptionnellement à 20h30 pour ce premier concert, et plus habituellement à 20h.

MATTHIEU DONARIER TRIO

Matthieu Donarier (saxophone ténor), Manu Codjia (guitare), Joe Quitzke (batterie)

Paris, Maison de la Radio, studio 104, 30 septembre 2017, 20h30

Dix-huit ans après avoir remporté le Concours National de Jazz de La Défense, le trio est toujours aussi solide, soudé et collectif dans sa pratique de la musique. Il jouait ce soir-là quelques unes des pièces de son troisième disque, «Papier Jungle» (Yolk/L'Autre Distribution), enregistré en 2014 et publié l'année suivante. Les versions sont évidemment étoffées par la liberté du concert. C'est intense, lyrique, plein de rebondissements et d'interactions entre les trois partenaires, un régal pour qui aime la musique vraiment vivante ! Si l'extraordinaire pertinence musicale de chacun se dévoile davantage quand il est soliste (la batterie sur des ostinatos du sax et de la guitare ; l'envol de la guitare-orchestre, quand Manu Codjia joue des lignes de basse sous son chorus au point qu'il semble être plusieurs ; l'improvisation du saxophone qui paraît induire une partition instantanée chez ses acolytes...), l'ensemble relève d'une sorte de magie, aussi claire dans son évidence que noire dans ses méandres. Et l'on va ainsi d'un thème à l'autre, jusqu'au moment où, pour présenter Lugubre Gondole de Liszt (métamorphosée évidemment) Matthieu Donarier nous raconte avec une douce ironie l'histoire d'un compositeur mégalomane qui n'estimait pas son beau père à sa juste valeur, lequel pourtant, quoique fort âgé, eut le bon goût de lui survivre, composant cette évocation de la gondole qui conduisait le corps de Wagner vers ses funérailles vénitiennes, avant le retour post mortem à Bayreuth. Et le concert s'est conclut avec une belle composition du saxophoniste Alban Darche pour ses amis, intitulée Bleu Céleste. Belle conclusion, à la hauteur d'un concert vraiment exceptionnel. 

 

CARATINI JAZZ ENSEMBLE

Patrice Caratini (contrebasse, direction, arrangements, et une grande partie des compositions), Sara Lazarus (chant), Matthieu Donarier (saxophones ténor & soprano, clarinette basse, clarinette métal), Rémi Sciutto (saxophones sopranino, alto et baryton, clarinette, flûte, piccolo), Claude Egea, Pierre Drevet (trompette & bugle), Robinson Khoury (trombone), François Thuillier (tuba), David Chevallier (guitares, banjo), Alain Jean Marie, Manuel Rocheman (piano), Thomas Grimmonprez (batterie), Sebastian Quezada (percussions)

Paris, Maison de la Radio, studio 104, 30 septembre 2017, 21h45

   Le Caratini Jazz Ensemble répète pendant la balance   

Pour fêter les vingt ans de cette belle phalange (à géométrie variable selon les programmes), Patrice Caratini a choisi de présenter un florilège des pièces jouées dans les différents projets, et les différents disques, de ces deux décennies. Il en offre simultanément une synthèse sur CD («Instants d'Orchestre», Caramusic/L'Autre distribution), et ce sont la plupart de ces œuvres qu'il a jouées pour nous. En ouverture la sonorisation fait entendre le West End Blues, enregistré par Louis Armstrong en 1928. Les musiciens entrent progressivement sur scène, et le contrebassiste-leader arrive le dernier, pour attaquer dès la coda du disque d'Armstrong East End Blues, qu'il avait composé pour le disque «Darling Nelly Gray», enregistré en 1999. Après un break de trombone de Robinson Khoury (remplaçant occasionnel, brillant et prometteur de Denis Leloup), Rémi Sciutto nous gratifie d'un solo qui pourrait bien atterrir du côté de Night in Tunisia.... Puis c'est une très belle (et très mélancolique) ballade composée par Alain Jean Marie, et magnifiée par la plume de l'arrangeur, qui inspire le pianiste quand son tour est venu d'improviser, avec le plus grand lyrisme. Le concert est parsemé de petites miniatures, principalement pour tuba, et issues du disque «From the Ground» (2003), tout comme, vers la fin du concert, Pinta, et aussi To the Clouds, une variation autour de Nuages de Django Reinhardt. Entre les pièces inspirées par le jazz des origines et d'autres qui tendent l'oreille vers le futur déjà présent, Patrice Caratini nous offre une vision large du jazz, sa vision, nourrie de multiples sources (latines, caribéennes, ou résolument contemporaines). Dans le programme également, des thèmes qui ne figurent pas sur le disque-mémoire, comme Petite Louise, de Michel Petrucciani, ou Lys, une courte pièce (50 secondes !) qui permet au contrebassiste de faire avec humour une présentation digne de l'univers de la musique contemporaine, où parfois le discours d'escorte est plus long que l'œuvre elle-même.... Difficile de détailler chaque moment du concert, de citer tous les solos (c'est, comme de tradition dans le jazz, un orchestre de solistes qui jouent collectif), mais il me faut évoquer un instant rare : l'arrivée de Sara Lazarus pour chanter deux chansons de Cole Porter (souvenir du disque «Anything Goes», enregistré en décembre 2000), What is this Thing Called Love, version plus que lente avant de plonger up tempo dans Hot House, et My Heart Belongs to Daddy, d'une manière qui rendra caduque à jamais la version de Marilyn Monroe. Décidément, Sara Lazarus est une chanteuse vraiment exceptionnelle ! Bref la soirée fut un régal pour tous ceux, fort nombreux, qui s'étaient pressés au studio 104. Restent les auditeurs de France Musique, qui espèrent toujours une diffusion régulière de ces concerts. Faudra-t-il attendre l'été prochain pour les voir aboutir sur les ondes, comme ce fut le cas pour la saison 2016-2017 ? Les jazzfans (dont je suis !) espèrent que non....

Xavier Prévost

 

Le Caratini Jazz Ensemble donnera un concert le 8 novembre à la Scène Nationale Les Gémeaux de Sceaux

http://www.lesgemeaux.com/spectacles/caratini-jazz-ensemble/

 

Le programme de la saison 'Jazz sur le Vif'

http://www.maisondelaradio.fr/concerts-jazz

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9 septembre 2017 6 09 /09 /septembre /2017 21:02

 


Voici maintenant dix-sept ans que les Trophées du Sunside, initiative du boss du club de la Rue des Lombards, Stéphane Portet, récompensent les jeunes talents  qui se distinguent en tout début de carrière. L’intérêt n’est pas mince puisque les lauréats  garnissent leur carte de visite et attirent l’attention des organisateurs de festivals, programmateurs de clubs, maisons de disques.  Pour cette 17 ème édition, qui s’est déroulée les 5-6-7 septembre sur les scènes du Sunset et du Sunside, douze formations participaient, représentant la diversité du jazz contemporain,  du trio classique, où l’on entendait les influences des références du moment (Mehldau, Bad Plus, EST…) aux groupes inspirés par l’électro et le rock sans oublier la composante vocale et féminine.
Le palmarès émanant du jury  de spécialistes reflète bien cette ouverture d’esprit qui habite les jeunes jazzmen. Le premier prix du Meilleur groupe est allé à OGGY & The Phonics, formation composée de musiciens ayant fréquenté la Haute Ecole de Musique de Lausanne, des Helvètes mais aussi des Français dont le leader, saxophoniste (ténor et soprano) Louis Billette et Clément Meunier, clarinettiste formé au Conservatoire de Nantes qui a également obtenu le Premier Prix de Soliste. Proposant une musique osée et poétique, dans des compositions telles que Ragavulin ou Canyon (Folklore Imaginaire, leur deuxième album. Oggyandthephonics.com), le groupe a su séduire le jury par son interprétation d’un standard-figure imposée à tous les participants- Pithecanthropus Erectus de Charles Mingus.
Véritable OVNI –Objet Vocal Non Identifié- la chanteuse Marie Mifsud, dont l’univers évoque aussi bien la chanson réaliste française que Boris Vian ou les airs de Broadway, a obtenu le deuxième prix du Meilleur Groupe. Sa prestation a littéralement « scotché » le public du Sunside, avec un jeu de scène exubérant et une palette sonore extraordinairement riche. Un tempérament ! Plus classique mais tout aussi forte en swing aura été le concert du groupe vocal féminin Selkies –où brille Cynthia Abraham, qui a été récompensé d’une mention spéciale.
Enfin, le deuxième prix du Meilleur Soliste a été attribué au saxophoniste Pierre Carbonneaux qui s’est mis en valeur au sein du groupe le 5ème degré qui comptait parmi ses animateurs le pianiste Noé Huchard.
Jean-Louis Lemarchand
 

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28 août 2017 1 28 /08 /août /2017 09:51

À peine arrivé dans le Clunisois, une visite éclair s'impose au stage animé par Denis Badault. Dans l'ADN du festival (Jazz à Cluny jusqu'en 2006, puis Jazz Campus en Clunisois depuis 2008), les stages tiennent une place de choix : ils furent la source première. En 1977 ils étaient même la matière exclusive de l'événement. La transmission et le partage étaient dans l'air du temps ; un temps qui vit naître, à Paris, le C.I.M., première 'école de jazz' en territoire hexagonal.

Dans ces stages se mêlent, au fil des ans, amateurs purs et durs qui viennent partager leur passion pour la musique collective et vivante, et jeunes aspirant(e)s à une professionnalisation. Ici l'on vit éclore les talents de Dominique Pifarély, Airelle Besson, Jacques Veillé, Sophie Agnel, Alexandra Grimal, et de quelques autres.

Cette année, les animateurs de stages où se croisent adolescents, jeunes adultes et vétérans étaient Simon Goubert, Fidel Fourneyron, Vincent Courtois, Jean-Philippe Viret, Céline Bonacina, Simon Goubert et Denis Badault. Un stage jeune public (8-12 ans, instrumentistes ou pas) était animé par Fabien Dubois, et un stage fanfare était confié à Jean Paul Autin et Michel Deltruc.

Le stage de Denis Badault, à Matour, village du Haut-Clunisois qui domine la vallée de la Baize, est entièrement dédié à l'improvisation libre : il s'agit d'analyser les processus, de les maîtriser, et de les mettre en œuvre dans un état de disponibilité optimale. Treize musicien(ne)s, Denis Badault inclus : trois claviers numériques, un ensemble synthétiseur et voix traitée, un clavier de fabrication artisanale (une sorte de célesta hétérodoxe dans lequel des marteaux de piano percutent de petits tubes de cuivre), deux batteries, deux guitares, une flûte, une voix, un saxophone soprano et un tuba.

On choisit une ou des conventions (un canevas, une dramaturgie, ou simplement une progression dans la nomenclature), et une durée, et puis l'on se lance. Denis ré-oriente parfois le cheminement en s'adressant en aparté à l'un(e) ou l'autre, et l'on fait un commentaire collectif a posteriori, pour analyser l'événement. On peut aussi se lancer, sans convention initiale : par exemple les claviers installent une séquence répétitive, et chacun prend place dans ce déroulement, par imitation, antagonisme, contraste, prise de parole individuelle, commentaire, accompagnement, silence.... ou tout autre type d'intervention possible dans ce contexte d'improvisation ouverte.

 

Cette visite furtive à l'un des ateliers du stage rappelle opportunément l'origine historique du festival : Didier Levallet, fondateur et toujours directeur artistique de l'événement, n'a pas oublié la manière dont s'est tissée l'histoire : « On n'avait pas la possibilité d'organiser un concert (pas de budget) mais je me suis dit que l'on pourrait proposer que l'on fasse de la musique une semaine ensemble[...] J'ai eu une quinzaine de personne. C'était un stage, gratuit, pour eux comme pour moi : un test ». L'année suivante, ils étaient quarante, et Didier Levallet a fait appel, en renfort, au batteur Christian Lété et au saxophoniste Alain Rellay pour l'aider dans l'encadrement. Et en 1979 une très modeste subvention de la DRAC a permis un premier micro festival, avec trois concerts : Martial Solal, Michel Portal, et le Workshop de Lyon. Cette année, du 19 au 26 août, les concerts ont accueilli, entre autres, L'Effet vapeur, le duo Mario Stantchev-Lionel Martin, le trio 'Roxinelle' de Claude Barthélémy, le quartette d'Ablaye Cissoko et Simon Goubert, et la musique festive du groupe 'Le peuple étincelle'. Et bien sûr les concerts auxquels j'ai eu le plaisir d'assister, et dont je vais vous dire quelques mots.

Ce fut d'abord, le mercredi 23 août, dans le farinier de l'Abbaye de Cluny, le Quatuor Machaut : magnifique cadre pour ces quatre saxophonistes qui relisent très librement La Messe de Notre Dame de ce compositeur des confins ardennais de la Champagne. Dans ce bâtiment du XIIIème siècle, dont la charpente ressemble à la structure inversée d'une coque de bateau, le chef d'œuvre de l'art polyphonique du XIVème siècle est accueilli comme chez lui, même dans une version où la musique d'origine alterne avec des improvisations hardies. Les quatre saxophonistes (Quentin Biardeau, Simon Couratier, Francis Lecointe et Gabriel Lemaire) utilisent pleinement les ressources du lieu, tantôt jouant sur la scène, tantôt dispersés au quatre points cardinaux, et soudain se rassemblant dans l'allée centrale, au cœur du public. Le sentiment musical est puissamment perçu par un public aussi étonné que ravi.

À peine plus d'une heure après la fin de ce concert, le Quartette 'Circles' d'Anne Paceo jouait au Théâtre de Cluny devant une salle comble. Le public, très impressionné par l'énergie et la formidable implication du groupe, a goûté ce mélange de pop très sophistiquée, et de jazz ouvert aux escapades improvisées. Anne Paceo (batterie et composition) emporte sa bande dans un maelstrom où la précision de Tony Paeleman, aux claviers, distribue l'énergie vers les flamboyants solistes, en l'occurrence la voix de Leïla Martial et les saxophones de Christophe Panzani. Beau succès pour ce groupe dont la musique, manifestement, parle à toutes les générations présentes dans la salle.

Le lendemain, le concert de 19h se tenait à quelques kilomètres au Nord de Cluny, à La Vineuse, dans la magnifique Grange du dîme, dans laquelle avant la Révolution les paysans venaient déposer le dixième de leur récolte au profit des chanoines de Macon et du curé du lieu. C'est désormais un lieu d'exposition et de concerts où les artistes déposent, pour le bonheur de tous, le fruit de leur travail. Le concert accueille le groupe Matterhorn#2, émanation d'un collectif qui dans cette configuration rassemble Thimothée Quost (trompette, bugle et composition), Gabriel Boyault aux saxophones, Aloïs Benoit au trombone et à l'euphonium, et à la batterie un enfant du pays, Benoît Joblot, qui porte le nom d'une lignée réputée de vignerons bourguignons. La musique offre de multiples facettes : pièces courtes, mélodies doucement consonantes, échappées sauvages, le tout dans un foisonnement de langages où le jazz croise toutes les musiques du vingtième siècle. Impressionnant de pertinence, de vie et d'invention.

A 21h, c'est au théâtre de Cluny que se déroulait la soirée, avec en ouverture le pianiste Denis Badault, sacrifiant enfin, après 35 ans de carrière, au rituel des standards en solo, mais en y apportant sa touche espiègle : sous le titre de 'Deux en un', il mêle deux thèmes, empruntés au jazz comme à la chanson française. Il renouvelle en partie le programme de ses prestations antérieures (Le Triton, aux Lilas, en décembre 2015 ), avec de nouveaux choix, ou des combinaisons jusque là inédites. Épatant de fantaisie, de richesse musicale et d'aisance instrumentale, c'est un régal pour l'oreille autant que pour l'esprit !

A près l'entracte, Didier Levallet présentait au public un complice de longue date : le violoniste Domnique Pifarély, qui après avoir été stagiaire à Cluny, a partagé avec lui de nombreuses aventures musicales. Le quartette est celui du disque « Tracé Provisoire », publié par ECM en 2016. Une musique qui mêle écriture et improvisation dans une telle intimité que la combinaison devient inextricable : la musique coule et circule, développe ses douceurs et ses escarpements les plus abrupts, sans que l'on puisse jamais mesurer le dosage du cocktail écrit/improvisé. Brillant, lyrique et habité, cet univers musical traverse les frontières stylistiques pour se concentrer sur le cœur de l'expression, là où l'émotion et l'intelligence sont inséparables.

Xavier Prévost

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11 août 2017 5 11 /08 /août /2017 10:31
Remise du prix du meilleur instrumentiste :Thomas Ehnco (Président du Jury), Sam Comerford (Prix du soliste) Robert Quaglierini (co-président du Tremplin)

Remise du prix du meilleur instrumentiste :Thomas Ehnco (Président du Jury), Sam Comerford (Prix du soliste) Robert Quaglierini (co-président du Tremplin)

Grand Prix du Jury : Own your bones Jonas Engel (as),Sebastien Gille (ts), David Helm (cb), Dominique Mahnig (dm)

Grand Prix du Jury : Own your bones Jonas Engel (as),Sebastien Gille (ts), David Helm (cb), Dominique Mahnig (dm)

Walter SEXTAN (Prix du public Rémy Savignat guitare et composition, Reno Silva Couto sax et percussions, William Laudinat tp et machines, Guillaume Pique trombone, Grégoire Oboldouieff basse électrique, Simon Portefaix guitare percussions)

Walter SEXTAN (Prix du public Rémy Savignat guitare et composition, Reno Silva Couto sax et percussions, William Laudinat tp et machines, Guillaume Pique trombone, Grégoire Oboldouieff basse électrique, Simon Portefaix guitare percussions)

Rémi Savignat (prix de la composition) du Walter Sextan

Rémi Savignat (prix de la composition) du Walter Sextan

  

Après le plus grand festival de théâtre du monde, début août commence à Avignon, un autre festival de musique, de jazz, qui plus est. Moins médiatisé, assurément moins connu même s’il en est à sa 26 ème édition. Cette organisation solide, créée par quelques passionnés en 1992 dans le quartier difficile de la Barbière, puis dans le square Agricol Perdiguier, a pris ses marques dans un lieu unique, le Cloître des Carmes, dans un périmètre magique autour de l’Ajmi ( LA scène jazz avignonnaise), le Palais des Papes, les cinémas Utopia, sous la co-direction de deux présidents très impliqués Robert Quaglierini et Jean Michel Ambrosino. https://www.tremplinjazzavignon.fr/

Loin d’être une grosse machine comme Marciac, qui se déroule en même temps, l'Avignon Jazz festival a vu sa durée augmenter avec les années de façon raisonnable, suivant l’actualité du jazz; soutenu par des collectivités locales et des partenaires privés efficaces, il résiste aux incertitudes des réservations et à la versatilité du public, soumis à des choix pléthoriques. Une folie dans cette Provence, justement appelée « Terre des festivals » avec plus de 300 manifestations l’été ? Non, un rendez-vous annuel incontournable (pour moi) qui présente l’originalité d’un festival et d’un tremplin. Donner à entendre un jazz pluriel, même si ce n’est jamais assez ouvert pour certains, en présence d’un jury attentif, présidé cette année par le jeune pianiste Thomas Enhco, qui s’était produit il y a juste deux ans, en trio dans son Fireflies. Au creux du festival, s’insère un tremplin européen (ceci est important) de 2 jours qui ne retient que six groupes sur la centaine qui candidate. Un espace d’expression et d’affrontement amical pour ces jeunes européens, l’occasion de rencontrer des musiciens du même âge, parfois très jeunes, et de voyager dans le sud de la France. Et puis la chaleur de l’accueil et du climat est à la hauteur de la générosité de la manifestation. Le Tremplin offre 500 euros pour le prix du meilleur instrumentiste, le prix de la meilleure composition et celui du public. Il existe en effet un prix du public, appelé à donner son avis et à voter pour désigner son lauréat!  Pour le Grand Prix du jury, le festival offre une séance d’enregistrement chez Gérard de Haro à La Buissonne, le studio vauclusien qu’on ne présente plus et une première partie de concert l’année suivante.

Jeudi 3 août

Le premier groupe Walter Sextan est un sextet français du Sud-ouest, présenté par le guitariste Rémi Savignat, leader et auteur des compositions. D’emblée séduisant par le son d’ensemble qu’il dégage, l’univers des timbres et des couleurs, l’ambiance qui fait référence au rock, au R&B des années soixante-dix. Très agréable, une belle mise en oreille avec quelques compositions qui retiennent l’attention comme « Sarajevo ».

Le deuxième groupe Raphael Herlem est un quintet français mené par un saxophoniste baryton et alto, auteur des compositions dont une suite conceptuelle qui va se révéler décevante dans le rendu. La rythmique puissante étourdit et les solistes ne pourront pas tirer leur épingle du jeu. Ce qui est dommage pour l’harmoniciste ainsi que le claviériste, insuffisamment mis en valeur. Sans doute est-ce dû à un choix de réglages malheureux du groupe, en dépit du talent du sonorisateur Gaetan Ortega. Ainsi des couplages intéressants sont masqués par des effets et un son trop peu organique.

Le troisième groupe Own Your Bones  crée la surprise : ce quartet allemand de Cologne,décidément le vivier de la jeune génération jazz, avec un style, une école qui a le vent en poupe, adopte un parti-pris tranché, dans une interaction parfaite entre un contrebassiste qui sait user de l’archet et un batteur au jeu intense. Quant aux deux soufflants, ils maîtrisent subtilement les unissons qui ravissent au sens propre. On applaudit cette volonté de prendre des risques dans les ballades comme dans les morceaux plus free. Elle se sent, la cohésion de groupe et cette interaction si efficace quand il s’agit de jouer vite. Un jazz aux contours très progressifs qui se réinvente en direct. Une présentation des plus simples pour une musique délicieusement compliquée. Les Nordiques savent toujours intégrer le jazz à leur culture d’origine. Ils jouent de façon décomplexée, faisant preuve d’une sérénité vibrante.

La première soirée s’achève et nous sommes contents de cette sélection qui ne laisse pas indifférent. La nouvelle façon de procéder engage en amont le comité organisateur : une écoute, tranquille grâce au cloud, évite les erreurs passées de l’ancienne organisation, où l’orientation, après l’écoute successive de plus de quatre-vingt titres en aveugle, était nettement plus aléatoire.

Vendredi 4 août

 Début août, quand Avignon retrouve ses aises, les habitants leur maison, quand les affiches ne lézardent plus les murs, ne jonchent plus le sol, il peut souffler un mistral violent et glacial, éclater un orage diluvien... S'il fait toujours chaud,cette année, c’est la canicule avec des pointes de plus de 40° et des records de chaleur dépassant ceux de la terrible année 2003. Une relative accalmie, à la nuit tombée, permettra cependant de goûter à la musique des groupes du concours.

Odil est le premier groupe présenté par la Belgique, autre pays nordique fidèle du tremplin grâce au travail patient de Willy Schuyten, responsable du label JazzLab, qui a toujours su convaincre les jeunes musiciens de tenter l’aventure. Pourtant, ce quartet ne convainc pas avec une musique d’effets, certes travaillés, une volonté de construire des climats qui peinent à mettre en scène une histoire. D’aucuns parleront même de "musique pessimiste", j’avancerai plutôt "bizarre"  avec des sons étranges, dissonants, aigres même. Où veulent ils nous conduire ?

 

Changement  assez radical avec le groupe suivant, Haberecht 4, un quartet allemand emmené par la saxophoniste Kerstin Haberecht : une musique plus « classique », confortable, avec des qualités et un charme certains. Mais demeure une certaine frilosité, la peur de concourir? Quel dommage que la saxophoniste ne se projette pas davantage.

Dernier groupe du concours, le trio Belge Thunderblender montre des individualités vraiment formidables, à la complicité plus qu’affirmée : gestuelle expressive du batteur allié à un son original, un sax ténor envoûtant où s'entend le souffle mouillé de Ben Webster, un phrasé flottant façon Lester Young. Mais le jeu de Sam Comerford, Dublinois et Bruxellois d’adoption, qui dirige le trio, n’est pas sans attrait au sax basse qu’il arrive à rendre souple, moelleux, presque aérien. Impérieux dans les ballades, on s’inquiète du programme un peu lisse jusqu’à ce que le groupe se rapproche d’une esthétique free. En fait, ils sont capables de tout jouer.

Le concours est terminé et tandis que le public vote et que les musiciens font le boeuf, relâchant enfin la pression, avec un « Body and Soul » vraiment original, le jury débat, parfois vivement, confrontant ses arguments dans une discussion très animée. Comment faire venir plus de groupes de style différents, ouvrir à d'autres pays sudistes? Convaincre plus de musiciens français de jouer le jeu et tenter l'aventure?

Le résultat équilibré, cette année encore, donnera le Grand Prix au 3ème groupe du premier soir Own your bones, le prix du meilleur instrumentiste au saxophoniste du dernier groupe, Sam Comerford, le Prix de la meilleure composition à Rémi Savignat, le prix du public revenant à Walter Sextan. Alors que Thomas Enhco et Franck Bergerot s’entretiennent avec certains des perdants, les vainqueurs font retentir leur joie. Une nouvelle édition s’achève avec un cru charpenté et délicat qui ira enregistrer au studio la Buissonne chez le maître de Haro et fera la première partie d’un des concerts du festival l’an prochain.

 

Revenons justement aux concerts du festival proprement dit : le groupe de la pianiste et chanteuse australienne Sarah McKenzie a connu un franc succès, remplissant à ras bord le Cloître des Carmes, pour l’ouverture du festival, dans son programme autour de « Paris in the rain » avec Pierre Boussaguet, Hugo Lippi, Sebastian de Krom. Un groupe sensiblement différent de celui entendu au Mucem l’an dernier mais toujours une technique élaborée pour un répertoire qui puise dans la tradition américaine. Une classique mais convainquante performance de la (jeune) pianiste dont la blondeur n’avait d’égale que la douceur. Bon point pour le retour de Michel Eymenier en Directeur artistique, après 3 ans d’absence, lui qui fut l’un des fondateurs de l’événement avec JP Ricard, président de l’Ajmi.

Très différent était le programme du vendredi soir, avec moins de public, pour une soirée pourtant originale, dominée par des personnalités attachantes de la scène hexagonale, le pianiste Andy Emler dans son solo singulier autour de Ravel et le Sons of Love du groupe explosif de Thomas de Pourquery, "un groupe de rock déguisé en jazz". Le saxophoniste est un membre actif du survitaminé MegaOctet d’Andy Emler, qui fut, on s’en souvient, la vedette incontestée d’une folle soirée du festival en 2008 : une évidente fraternité unit les deux musiciens, adeptes d’un humour potache et toujours tendre.

N’ayant pu entendre ni le Cd de Supersonic Pourquery, ni la version théâtrale de My own Ravel avec comédien, écrite par Anne Marie Lazarini d’après le livre de Jean Echenoz, Ravel, sorti en 2006 aux Editions de Minuit, je me réjouis de l’aubaine, pouvoir entendre en live ces musiciens. Voilà encore une preuve de la diversité de formes de cette musique qui a(urait) cent ans cette année. D’ailleurs, avant de présenter la soirée, Michel Eymenier fait entendre quelques mesures bienvenues (en 2017), en blindfold test, de l’Original Dixieland Jass Band, « blanc comme une hostie » selon les mots du critique du Monde dans son article du 7 août, intitulé Le premier disque de jazz. Jazz ou « jass », on sait que l’appellation de jazz est loin d’avoir fait l’unanimité parmi les musiciens noirs, justement. De quelle couleur est le jazz d’ailleurs ? Je ne saurai trop conseiller de lire à cet égard la réponse précisément éclairante de Franck Bergerot à l’article de Francis Marmande

http://www.jazzmagazine.com/quelques-eclaircissements-caractere-symptomatique-premier-disque-de-jazz-enregistre-1917/

 Le pianiste tire astucieusement parti de son solo pour présenter, annoncer des anecdotes significatives sur les dix dernières années de la vie de Ravel, depuis sa traversée sur le Normandy, sa folle tournée US en 1927, sa rencontre avec Gershwin et surtout la maladie qui toucha le compositeur à la fin de sa vie, où il fut selon une autre belle formule de J. Echenoz, « un peu absent de lui-même ». Cet exercice de style, pastiche brillant, qui faisait revivre le compositeur sur le Cd, est ce soir, une variation selon l’instinct et l’instant, d’un pianiste dont les doigts courent sur les touches, au gré de sa fantaisie et d'une mémoire qu’il a vive. Ce n’est plus exclusivement du Ravel (Concerto en sol « conçu non pas pour le piano mais contre lui », « Ma Mère l’Oye », le ressassé « Boléro » dont le succès surprenait Ravel lui-même, vu sa facture)… Beethoven, Bach, Gershwin, entrent dans la danse. Il est revigorant d’entendre ce récital emlerien au sein d’un festival de jazz. Mais peut-on aimer le jazz sans vibrer à Ravel ?

Vient ensuite le Supersonic de l’altiste Thomas de Pourquery (vainqueur d’un tremplin eh oui, il a obtenu le 1er Prix d’orchestre et de soliste à la Défense, en 2002 avec le tromboniste Daniel Zimmermann). Qu’il s’essaie au chant en croonant, anime la fanfare Rigolus, soit sideman de n’importe quelle formation, il est repéré. Jusqu'à se lancer à jouer au cinéma cet été. Qui sait?

Donc, ce n'est pas seulement pour sa grande barbe et ses rutilantes boots rouge, sa gentillesse évidente et son énergie débridée au saxophone qu'il se remarque. Il ne décevra pas ce soir encore, avec cette première formation en leader qui « visite » SunRa, sans refaire le show du Sun Ra Arkestra, compositeur psychédélique, icône de la musique électronique, pionnier de l'afrofuturisme, explique le saxophoniste.

Un équipage solide et vibrant pour cette embardée dans l’espace, avec des soufflants aussi originaux qu’énergiques qui, suivant le leader, chantent aussi. Une musique d’influence, si ce n’est sous influence, illuminée par le jazz déjanté et mystique de Sun Ra, irrigué de rock et de blues. Sans pour autant suivre la philosophie très singulière de Sun Ra, TdP prône un amour universel qui n’a rien de mièvre, qui prend toute sa force sur scène quand il est servi par des musiciens aussi brillants. Si le batteur Edward Perraud est insurpassable dans sa gestuelle ébouriffante, fougueux, impatient et toujours bondissant à la façon d’un Keith Moon sur des tempi enflammés, le trompettiste bugliste Fabrice Martinez (découvert, pour ma part, en remplaçant de Laurent Blondiau dans un concert du Méga à Jazz à la Tour d’Aigues en 2010), est incroyable. Puissant et souple, élégant, quand il s’arcboute, le son se projette haut dans le ciel avignonnais. Au lieu des 25 membres du vaisseau, au son free orchestral de l’original, ils ne sont que six dans cette troupe, à embraser le cloître avec des compositions free ou lancinantes comme « Slow Down » et surtout ce « Simple forces ». TdP s’en tire admirablement en réussissant à faire chanter le public, ce qui n’est jamais gagné. Tous adhèrent à  ce cosmic jazz : s’il n’y a pas beaucoup d’étoiles dans le ciel du cloître, la nuit remue et un vent libérateur est venu rafraîchir un public qui apprécie un certain sens de la transe, de la mélodie et d’un jazz vif, un engagement authentique. On se laisse volontiers emporter par une déferlante aussi réjouissante. Un moment de grâce tant musical que climatique, la canicule ayant momentanément abandonné le terrain. Est-ce un signe ? On voit surgir, à la fin du concert, dans les ailes du cloître, alors que TdP tombe dans les bras de son pote Andy, tous les bénévoles, heureux de manifester leur plaisir; ils scellent pour moi la fin de ce festival, puisque je n’assisterai pas au dernier concert, celui du Robert Glasper Experiment.

La petite histoire du festival continue de s’écrire, Avignon reste un lieu d’ouvertures, de passages, toutes frontières abolies. Le Tremplin Jazz poursuit l’aventure lancée par ces passionnés de jazz, soutenu par une vaillante et résistante équipe de bénévoles, des plus fidèles, que l’on retrouve chaque année avec plaisir. Et qui fait tourner le tremplin et le festival. Que ce soit la dynamique team du bar où officient Cyril et Jean Charles (« le bar est ouvert »), les trois formidables et infatigables chauffeurs, Dominique, Patrick et Serge qui convoient musiciens, groupes du tremplin et jury à n’importe quelle heure. Ou encore les photographes Sylvie Azam, Jean Henri Bertrand, Claude Dinhut et Marianne Mayen (photos de l'article) , sans oublier Jeff Gaffet, l’homme-orchestre, chargé de production, toujours sur le pont, disponible et de bonne humeur. Souhaitons à cette manifestation sensible de se renforcer et de garder longtemps une place méritée dans le paysage du jazz hexagonal.

Sophie Chambon

 

Sam Comerford ( Thunderblender)  Prix d'interprétation

Sam Comerford ( Thunderblender) Prix d'interprétation

Own your bones Jonas Engel (sax alto) et Sébastien Gilles (sax tenor)

Own your bones Jonas Engel (sax alto) et Sébastien Gilles (sax tenor)

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28 juillet 2017 5 28 /07 /juillet /2017 18:39

Seconde et dernière semaine pour la programmation jazz du festival.

Lundi 24 juillet, le saxophoniste Christophe Panzani faisait revivre, sur scène, l'aventure du disque «Les Âmes perdues», où il avait dialogué en musique, à leur domicile et sur leur instrument personnel, avec sept pianistes. Trois d'entre eux, Yonathan Avishai, Édouard Ferlet et Tony Paeleman, se sont prêtés au jeu de la scène, avec un piano de concert et un piano droit, pour raviver ce beau moment d'intimité musicale.

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     (photo David Abécassis)

Le lendemain le trio Das Kapital administrait une belle leçon de vitalité musicale, entre mémoire de l'héritage jazzistique et dérives transgressives : densité musicale, humour et chaleur communicative étaient au rendez-vous, le tout magnifié par les exceptionnels talents de solistes de chacun.

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(photo David Abécassis)

Le mercredi 26 juillet, le pianiste Yaron Herman donnait en trio, avec grand renfort de technologies diverses, une belle version du programme de son disque « Y » paru voici quelques mois chez Blue Note. La version de scène offre plus d'espace à l'improvisation, à l'expression personnelle et à l'approfondissement musical du matériau thématique : un vrai beau moment de musique.

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Et pour conclure, le jeudi 27 juillet, le saxophoniste Émile Parisien (qui, arrivé avec une journée d'avance, était venu la veille se joindre au rappel de Yaron Herman) nous a offert une magnifique apothéose avec son quartette, en état de grâce, et avec une musique exigeante, pleine de surprises et de détours inattendus. Le très nombreux public, pour qui cela n'était pas forcément conforme à l'idée qu'il se fait du jazz, a adhéré avec chaleur à cette belle proposition artistique.

Xavier Prévost

 

Ces concerts seront diffusés sur France Musique à la rentrée :

Christophe Panzani le 22 septembre à 18h dans l'émission 'Open Jazz'

Das Kapital le 11 novembre à 19h dans l'émission 'Le Jazz Club'

Yaron Herman le 15 septembre à 18h dans l'émission 'Open Jazz'

Émile Parisien le 29 septembre à 18h dans l'émission 'Open Jazz'

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