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17 octobre 2016 1 17 /10 /octobre /2016 21:26

C'est un événement : un concert de Martial Solal en trio ! Cela fait pas mal de temps que ce n'était pas arrivé. Après avoir cessé de se produire pendant toute une année, Martial avait fait son retour en club, au Sunside, en décembre 2015, pour un duo inédit avec Dave Liebman. Et le voici, pour un trio tout aussi neuf, dans la grande salle de l'Opéra de Lyon. Fidèle auditeur de Martial, au disque comme au concert, et depuis des décennies, je ne voulais pour rien au monde manquer cet événement. Direction Lyon, donc, où je gagnerai l'Opéra par la ligne « A » du métro ; Martial jouera ce soir quelques mesures de Take the « A » Train : clin d'œil.... ou hasard objectif ?

 

 

 

QUELQUES HEURES avec MARTIAL SOLAL à l'Opéra de Lyon

À 17h, je suis dans les coulisses, derrière le grand plateau. Martial arrive, très entouré. Il marche lentement, un peu voûté par la fatigue du voyage : « Je me sentirai mieux quand je serai assis, me dit-il ». Effectivement, une fois installé devant le piano, Martial oublie sa fatigue et pilote les préparatifs. Les régisseurs installent la batterie, que Bernard Lubat va disposer à sa guise. Bernard et Martial sont de vieilles connaissances. Dans sa première vie professionnelle de jazzman presque de stricte obédience, le batteur a parfois apporté son concours au pianiste. Mais leur plus récente rencontre s'est faite à deux pianos, au festival Sons d'hiver en janvier 2104 : un DVD intitulé « In and Out », et signé Thierry Augé, en témoigne. Pendant que Bernard s'affaire sur le réglage de ses toms, Martial dialogue avec le contrebassiste Mads Vinding. Le pianiste l'a rencontré en 1999 à Copenhague lorsque, récipiendaire du prestigieux Jazzpar Prize, il devait donner un concert de création avec des musiciens danois. Martial apprécie ce grand contrebassiste, pilier du célèbre Montmartre Jazzclub de la capitale danoise, où il a accompagné tout le gotha du jazz international durant des lustres. François Postaire, qui programme le jazz à l'Opéra, veille sur le plateau à ce que tout soit fait pour le mieux. Les équipes de son et de lumière s'affairent avec une fluide efficacité. La balance peut commencer. Un tour de chauffe sur un standard, Here's That Rainy Day, avant de passer aux compositions originales de Martial : Coming Yesterday , Aigue Marine... ; Certaines nécessitent une très précise mise en place, ce qui n'est pas un problème pour ces partenaires de haut-vol. On affine le son avec quelques standards, dont On Green Dolphin Street, que Martial affectionne, mais qui ne sera pas joué le soir. Le son du trio est au point : c'est le moment d'accueillir l'invitée : Claudia Solal. Martial a prévu de jouer deux standards, puis une improvisation totale, avec sa fille. Pour les standards (Lush Life et In Walked Bud), ils font un petit galop d'essai, histoire de vérifier que tout fonctionne. On rectifie ici un accord de passage, là une inflexion, et le tour est joué. Mais pour le duo improvisé, pas question de répéter : ces deux intrépides improviseront à vue... et il en ont vues d'autres ! Tout est paré. Sophie Jarjat, l'attachée de presse, s'enquiert de l'accueil des invités des artistes. La peintre Anna Solal, la femme de Martial, s'assure que personne n'a été oublié parmi les amis attendus à concert-événement. En attendant l'ascenseur qui va le conduire aux loges Martial, très détendu, admet qu'une pause lui fera le plus grand bien. Mais, pour me rassurer, ou plutôt pour me taquiner, il me dit « La tête et les doigts fonctionnent parfaitement ! ». Qui pourrait en douter ?

 

QUELQUES HEURES avec MARTIAL SOLAL à l'Opéra de Lyon

Et le concert à 20h30 en administre, s'il en était besoin, la preuve éclatante. En trio d'abord, avec Swing Spring pour se mettre en jambe sur un classique du bop, suivi par deux très belles compositions de Martial : Aigue Marine et Coming Yesterday. Puis, prétextant avec humour que ses partenaires ont besoin de repos, il nous offre en solo un éclatant medley du répertoire de Duke Ellington. Il connaît cette musique, il l'aime, et prend avec elle toutes les libertés qu'autorise l'amour. Puis il accueille Claudia « ma chanteuse préférée, dit-il, et pas seulement parce qu'elle est ma fille ». Ils jouent les deux standards prévus : Claudia fait merveille d'expression dans Lush Life, et introduit In Walked Bud en chantant a cappella, avant d'être rejointe par Martial, en pleine effervescence bebop. Le troisième duo, totalement improvisé, est fascinant : dialogue télépathique, où les audaces de la chanteuse stimulent les réponses inouïes du pianiste. C'est un enchantement, jusqu'à l'instant final où, dans le suspens d'un élan que l'on croirait indécis, Martial pose les notes conclusives. Le public est conquis, et continuera de l'être au retour du trio : standards encore, avec un fabuleux solo de Bernard Lubat, aux balais, sur Here's That Rainy Day. Dans le suivant Mads Vinding aura largement loisir de s'exprimer, avant que le trio ne se lance dans le labyrinthe de Zag-Zig, une composition de Martial pleine de chausse-trapes et de rebondissements. Un Tea For Two d'apparence récréative permettra à chacun de jouer le jeu du jazz : surprises, acuité musicale, liberté d'improviser.... Le public est aux anges, et rappelle à tout-va. Bons princes, les musiciens reviennent pour un Lover Man porteur de mémoire et d'émois ; rappelés encore ils nous offriront What Is This Thing Called Love, et au troisième rappel, après que Claudia, mandée en coulisse par Bernard Lubat, s'est jointe au trio pour recevoir les vivats, c'est en solo que Martial va conclure. D'abord en donnant mille fantaisies, très musicales, et plutôt hardies, sur l'air de Happy Birthday To You. (au prétexte suivant « Il y a bien ce soir dans la salle, dit-il, quelqu'un dont c'est l'anniversaire.... »). Puis, faisant mine de partir encore, il nous donne une version inédite, façon puzzle, de sa partition pour le film À Bout de souffle. Ovation d'un public heureux, bonheur partagé avec un artiste manifestement comblé par cette soirée où chacun a donné le meilleur : un rêve en somme !

Xavier Prévost

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Martial Solal jouera en duo avec Dave Liebman le samedi 29 octobre à 20h, dans le grand studio 104 de la Maison de la Radio, pour un concert « Jazz sur le vif » exceptionnel.

http://www.maisondelaradio.fr/evenement/jazz/jazz-sur-le-vif-20

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6 août 2016 6 06 /08 /août /2016 15:29
@Claude Dinhut & Marianne Mayen  (TJA)

@Claude Dinhut & Marianne Mayen (TJA)

Mercredi 3 Août : Cloître des Carmes

A la fin de leur concert, le quintet de Kyle Eastwood entonne, après un rappel musclé du « Boogie Stop Shuffle » tiré de Mingus Ah Hum, un « Joyeux anniversaire » et, à la plus grande surprise des deux présidents du Tremplin, Robert Quaglierini et Jean Michel Ambrosino, les nombreux bénévoles, tout de bleu vêtus, entrent en scène avec un énorme roulé de crêpes Suzette ( absolument délicieux, je confirme) soulignant ainsi le final de cette vaillante édition 2016. Il fallait bien ça en ce passage de la nuit symbolique du 4 Août, de l’abolition des privilèges, pour nous faire oublier une année sinistre.

Sinne EEG Quartet : la sirène de Copenhague sinnemusic.com

Sinne EEG (vocal), Jacob Christoffersen (piano), Lennart Ginnman( bass) Zoltan Csörz( drums)

La soirée avait commencé avec le concert de la chanteuse danoise Sinne EEG (prononcez « ig ») une révélation du jazz vocal suédois, bien qu’elle en soit à son septième album, intitulé sobrement Eeg- Fonnesbaek du nom de son contrebassiste virtuose. Elle a remporté en France le prix de jazz vocal de l’Académie du Jazz en 2014. Elle choisit d’interpréter en quartet un panaché de chansons de ses différents albums, dont Face the Music. Très enjouée, vive et gracieuse, la blonde et grande Scandinave présente de bon cœur ses compositions comme « The Best I Ever Had » qui se partagent son programme à égalité avec les standards du Song book qu’elle maîtrise parfaitement. C’est vrai que les Scandinaves ont la tradition chevillée au corps : elle a choisi de reprendre un « It might as well be spring » assez mélancolique (mais « April is the cruellest month » selon T.S ELIOT ) ainsi qu’un débridé « What a little moonlight can do » tout à fait indiqué en ce début août où le ciel se pare d’étoiles. Elle scate et improvise avec aisance d’une voix claire et chaude, se glissant dans le sillon creusé par Sarah Vaughan qui me semble être sa principale influence.

Kyle Eastwood Quintet :

Andrew McCormack (piano), Quentin Collins (trompette), Brandon Allen (saxophones), Chris Higginbottom (batterie)

Entouré de la fine fleur des jazzmen anglais, le contrebassiste californien va nous régaler de compositions de son dernier album, paru en 2015, chez Jazz Village, Time Pieces, dont le titre est parfaitement explicite. Kyle Eastwood joue la musique qu’il aime et qu’il a entendu pendant son enfance, et cela peut remonter à « Bullet train » de Big Noise from Winnetka du batteur Gene Krupa, en passant par le hard bop d’ Horace Silver, pianiste co-leader des Jazz Messengers. Et ce n’est sans doute pas un hasard si Horace Silver écrivit un mémorable Song for my father. Ou encore le caméleon surdoué Herbie Hancock ( « Dolphin Dance » de Maiden voyage). Un jazz historique. Il ne faut sans doute pas lui demander de s’aventurer sur les terres du free. Tout comme Woody Allen qui ne dépasse pas les années quarante dans ses BO ou alors passe à d’autres musiques y compris contemporaines. il mettrait ses pas dans les traces de son père ? Justement c’est le moment d’en parler,de la figure paternelle. Time Pieces, c’est le passage du temps, l’inscription dans une filiation assumée, si ce n’est revendiquée. Si la tentation du cinéma l’a effleuré, on se souvient du blondinet attendrissant, le neveu de Clint dans Honky Tonk Man en 1982, Kyle a choisi de se consacrer à la musique américaine. Et par des chemins qui bifurquent, il revient au cinéma puisqu’il participe aux B.O paternelles avec Michael Stevens. C’est ainsi que l’un des morceaux marquants du concert est une version réarrangée, du thème principal de « Letters from Iwo Jima » d’une douceur poignante, en duo avec le pianiste. C’est la seconde fois que j’entends ce programme en quelques jours, après la soirée du Mucem à Marseille, dans le cadre du festival des Cinq continents. Mais je suis dette fois tout à fait convaincue. Est ce parce qu’il a pris le temps de se (re) poser 3 jours à Avignon pour participer au jury du Tremplin jazz en tant que président? Le concert emporte très vite l’adhésion du public qui remplit le cloître, l’« acme » se situant lors de l’interprétation improvisée, lentement déployée de son « Marrakech » qu’il commence à jouer à l’archet sur sa drôle de contrebasse raccourcie, accompagné du seul sax soprano avant de passer à la basse électrique. Une pratique longue et assidue d’un instrument dont Kyle Eastwood maîtrise les techniques, à l’aise dans le slap, la walkin bass, à l’archet, changeant aussi pour la basse électrique comme Pastorius sur « Dolphin Dance ». Sérieux, réfléchi, il joue comme il est ou semble paraître. Détendu avec son groupe, comme en famille. Un vrai « professionnel », qui a su s’entourer de musiciens attentifs et experts, d’un pianiste brillant, Andrew Mc Cormack, de soufflants précis que j’aurais aimé cependant voir jouer encore plus souvent à l’unisson. Mais le groupe est soudé autour de sa rythmique et joue collectif, une mécanique bien huilée qui sait aussi donner sur le versant caliente, avec un « Capirinha » de circonstance, ou un « Prosecco smile » effervescent ! Pour l’anecdote, dès le lendemain, le groupe reprenait la ( longue) route pour Marciac (concert le vendredi 6 août) en compagnie de Pascal Bussy, en charge des label Jazz village et World Village chez Harmonia mundi pour aller écouter le soir même Ahmad Jamal …dans son unique concert programmé cet été.

Sophie Chambon

@Claude Dinhut & Marianne Mayen

@Claude Dinhut & Marianne Mayen

@Claude Dinhut & Marianne Mayen

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5 août 2016 5 05 /08 /août /2016 21:37
Grand Prix du Jury  Just another Foundry @Claude Dinhut @Marianne Mayen (TJA)

Grand Prix du Jury Just another Foundry @Claude Dinhut @Marianne Mayen (TJA)

Prix de composition Morgan Freeman  @ Claude Dinhut& Marianne Mayen

Prix de composition Morgan Freeman @ Claude Dinhut& Marianne Mayen

Prix du meilleur instrumentiste Amaury Faye @Claude Dinhut & Marianne Mayen

Prix du meilleur instrumentiste Amaury Faye @Claude Dinhut & Marianne Mayen

@Claude Dinhut & Marianne Mayen (TJA)

@Claude Dinhut & Marianne Mayen (TJA)

Merci au public @Claude Dinhut & Marianne Mayen

Merci au public @Claude Dinhut & Marianne Mayen

Airelle Besson Grand Prix 2002...revenait jouer cette année avec son quintet @Claude Dinhut & Marianne Mayen(TJA)

Airelle Besson Grand Prix 2002...revenait jouer cette année avec son quintet @Claude Dinhut & Marianne Mayen(TJA)

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5 août 2016 5 05 /08 /août /2016 15:58
25 anniversaire Avignon Jazz  Festival :

Avec celui de la Défense, le Tremplin Jazz d’Avignon

http://www.tremplinjazzavignon.fr est l’un des concours-événements qui dans sa catégorie, compte dans le paysage musical du jazz, un espace d’expression des jeunes musiciens européens qui s’affrontent amicalement au cœur de la cité papale. Plus largement reconnu depuis 2000, qui consacra Avignon « ville européenne de la culture », le Tremplin Jazz s’est étoffé, le concours européen s’insérant dans un festival de Jazz, et cette manifestation sudiste, simple et chaleureuse, a pris sa place en dépit du festival de Théâtre qui monopolise toutes les attentions, y compris médiatiques en juillet, profitant de l’accalmie du début août, quand les affiches sont enfin ôtées des rues et ne jonchent plus les caniveaux et que la ville retrouve une apparence humaine. Il perdure bon an mal an, avec des années plus fastes, question subventions. Malgré des partenaires privés toujours solides, les conséquences sont immédiatement visibles sur la programmation- une soirée de moins cette année, du dimanche 30 juillet au mercredi 3 août, avec le Tremplin qui s'insère, les 1er et 2 août : les 6 groupes dont 3 français, retenus sur 110 formations européennes, donnent une vision assez précise du jazz actuel, reflétant le spectre d’une musique qui continue de s’inventer.

La belle aventure, lancée il y a un quart de siècle dans le quartier difficile de la Barbière puis dans le parc public d’Agricol Perdiguier, par une équipe de bénévoles, des amis passionnés de jazz, continue en dépit des problèmes inhérent à ce genre d’organisation : s’il est une chose qui ne change pas, c’est la qualité de l’accueil due à une équipe de bénévoles infatigables, toujours sur le pont qui, avec le temps ont su prendre leurs marques dans le difficile exercice de gestion de groupe : des chauffeurs qui ont la tâche ardue de se coucher tard et de se lever tôt pour amener groupes et musiciens à bon port, au catering ( Nicole et sa petite famille qui concoctent l'une des plus délicieuses cantines collectives de festival), sans oublier l’équipe du bar, des tee-shirts, des photographes…

L’un des atouts du tremplin et donc du festival est un lieu mythique : faire de la musique dans le cloître des Carmes est une expérience inoubliable. Restant à taille humaine, l’architecture de pierres blondes est merveilleusement servie par Mathieu, peintre des lumières. Gaetan Ortega, lui, est le maître incontesté du son : une équipe choc prête à parer à toute éventualité...

Le public qui vient très nombreux lors des deux soirées gratuites du Tremplin est fidèle et connaisseur. On a donc créé un prix du public, très attendu qui, certaines années, rejoint le choix du jury ce qui confirme la qualité de l’écoute. Public et jury continuent à partager ce qui traverse le paysage musical de ces soirées estivales provençales, lieu d’ouvertures, de passages, toutes frontières abolies…. Avec délicatesse, tout en retenue, le Président du Jury, Kyle Eastwood, a laissé cette année circuler les échanges entre les membres du jury qui, s’ils sont reconnus pour leur « expertise » n’en sont pas moins hommes et…femmes avec leur subjectivité. Et il a su entériner les « bonnes » décisions. Comment en effet évaluer des musiques, prendre position sur des esthétiques et des styles souvent contrastés ? Les vainqueurs du Grand Prix ont la chance de pouvoir enregistrer l’année suivante au studio réputé de Pernes les Fontaines, La Buissonne, sous la direction de Gérard de Haro et de faire la première partie d’un concert du festival.

Les groupes en lice :

Première soirée Lundi 1er Août : Cloître des Carmes

Garbage Ghost ( Belgique) Quentin Gayrard ( saxophones) Pierre Heurty ( batterie), Thomas Chabalière ( vibraphone)

Just Another Foundry ( Allemagne) Jonas Engel (saxophone) Florian Herzog ( basse) Anthony Greminger ( batterie)

Frédéric Perreard Trio ( France) Frédéric Perreard ( piano,compositions) Samuel F’Hima (batterie) Arthur Alard (contrebasse)

Le premier groupe, un trio français représentant la Belgique partait avec un handicap sévère, la défection une semaine auparavant du claviériste. Trouver un nouveau partenaire dans un laps de temps aussi court est une gageure et malgré les qualités évidentes de Thomas Chabalière, la «pièce rapportée», l’alliage ne put convaincre d’autant que le groupe suivant allait quasi instantanément imposer un style, une esthétique et un vrai travail de groupe. Le trio formé à l’école redoutable de Köln (l’une des meilleures avec Berlin) a cette connaissance du jazz et de son histoire qu’il sait s’approprier, retraverser en lui conférant des couleurs originales : de Lee Konitz à Ornette Coleman. Que les musiciens s’éloignent de l’écriture pour improviser ou qu’ils y reviennent, voilà un jazz authentique aux structures micro tonales, au groove évident, à la plasticité formelle d’où l’image de la fonderie ou de l’aciérie http://www.justanotherfoundry.de

Un groupe qui s’inscrit intelligemment dans la tradition, un « power trio » fin et racé, surprenant dans l’aisance des changements de rythmes, dont l’expression musicale coule comme un métal en fusion. Le saxophoniste qui avait, en outre, fait l’effort de travailler sa présentation dans un français choisi, drôle, articulé à l’allemande, faisait entendre un son d’une vigueur convaincante, d’une expressive beauté aux coulées vibrantes. Virtuose avec humour. Mention pour le soliste ?

Dans ces conditions, le troisième groupe, un trio français avait fort à faire. Beaucoup plus classique et prévisible en dépit de compositions originales amplement développées, il sut installer un climat appréciable soulignant un jeu de groupe certain. Prometteur…

Deuxième soirée : Mardi 2 Août

LE JARDIN Julien Dubois (saxophone), Ouriel Ellert (basse électrique), Simon Chivallon (piano), Gaëtan Diaz (batterie)

MORGAN FREEMAN Andrius Dereviancenko ( saxophone), Dennis Sekretarev (trompette), Matt Adomiet ( contrebasse), Tristan Renfrow ( batterie)

Trio Amaury FAYE Amaury Faye ( piano), Louis Navarro ( contrebasse ), Theo Lanau (batterie)

Le Jardin est un quartet bordelais qui a tout ce qu’il faut pour envoyer le bois… mené par un saxophoniste alto inspiré, dont les phrases jaillissent avec aisance. Il livrera même un combat vainqueur avec une cigale, son ajustement sur le tempo rappellant d’autres souvenirs vocaux. D’ailleurs le groupe s’enhardit en jouant et le plaisir s’en ressent pour écouter cette suite écrite autour de « Icare ou le drame de l’augmenté » ou du « Sisyphe ou la Révolte du diminué » sans oublier Madoff ou « la tectonique des plaques » ; des titres improbables aux sources d’inspiration variées reflétant la diversité des styles entre fusion, rock progressif, un zeste de Zappa pour les brusques ruptures, Steve Coleman (encore et toujours). Une formation à suivre pour les Rétois lors de leur tremplin à venir, Jazz au Phare. Et pour les Parisiens au Sunset le 28 septembrehttp://www.sunset-sunside.comSi le Jardin avait surpris, le quartet suivant avait de quoi déstabiliser : ces Hollandais « violents » entraînés par un batteur pitre et visuellement déconcertant, à l’attirail imposant, nous prennent à contre-pied : un élan irrésistible, un souffle libertaire, une vraie prise de risque, des souffleurs qui suivent et relancent alors que le contrebassiste imperturbable, garde le rythme et la boutique. Décoiffant et absurde comme le nom Morgan Freeman qui se serait bien demandé ce qu’il venait faire avec cet équipage. Le dernier groupe a toujours un rôle difficile, un trio bien français, conduit par un pianiste lyrique, séduisant par la « joliesse » jamais facile de la mélodie et la finesse technique du pianiste. Vainqueurs de différents tremplins dont celui de Vienne et de Vannes, sans partir favori, il avait la carte du lyrisme dans son jeu surtout en reprenant une composition parkerienne. Après discussions et échanges solidement argumentés, le jury s’entend pour remettre le Grand Prix au trio allemand Just Another Foundry, le Prix de soliste au pianiste français Fredéric Perreard qui sut plaire au président du Jury, et le prix des compositions au trio hollandais de Morgan Freeman, dont le batteur « fou » avait néanmoins composé la majeure partie du programme. Choix souligné par le Prix du Public qui leur allait sans hésitation selon le décompte des voix. Le Tremplin Jazz continue ainsi cette aventure musicale sous la houlette du président Robert Quaglierini et du co président Jean Michel Ambrosino, d’un dynamisme à toute épreuve, en dépit des charges d’organisation, épaulés par l'efficace attaché de production Jeff Gaffet. Le succès de ce très bon cru nous invite à être confiant pour la suite. Souhaitons à cette manifestation sensible de garder longtemps une place méritée dans le paysage culturel avignonnais ! Il me restait encore une soirée à vivre cette année, celle de la clôture du festival...avec le quintet de Kyle Eastwood et en première partie la chanteuse danoise Sinne Eeg.

A suivre…

Sophie Chambon

Le Cloître des Carmes écrin du Tremplin   @S.C

Le Cloître des Carmes écrin du Tremplin @S.C

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29 juillet 2016 5 29 /07 /juillet /2016 08:15
DAN TEPFER : ALGORITHMES, PIANO ACOUSTIQUE & IMPROVISATION

Après le concert du Festival de Radio France & Montpellier, les réflexions du chroniqueur, et les précisions du pianiste apportées lors d'un entretien téléphonique et transatlantique.

À l'occasion de la Carte blanche que lui offrait le festival de Radio France & Montpellier Occitanie, Dan Tepfer a choisi de poursuivre ses expérimentations personnelles autour du piano acoustique à interface numérique, de la programmation et de l'improvisation.

Au cours du concert, le pianiste a fait le va-et-vient entre le piano de concert (Steinway modèle D) et le Disklavier Yamaha, piano à queue d'une taille plus modeste, équipé d'un dispositif qui lui permet tout à la fois d'enregistrer la musique jouée par un pianiste, de la restituer instrumentalement mais aussi, via une interface numérique pilotée par ordinateur, d'exécuter une musique programmée ou, dans le cas qui nous intéresse, de réagir à la musique jouée sur le clavier par le pianiste et de générer d'autres notes, d'autres rythmes, d'autres accords.

Dan Tepfer, de culture scientifique de haut niveau, pratique la programmation depuis l'adolescence. Et il conçoit et programme lui même des algorithmes qui font réagir le piano à ses improvisations selon des choix dûment codifiés par ses soins. Pour éclairer le public du concert donné le 19 juillet dans l'imposant Amphithéâtre du Domaine d'O, il a commencé en jouant, sur le grand piano de concert, la 3ème Variation Goldberg de Bach. Puis, comme il l'a fait régulièrement en concert, et sur disque, il a improvisé à partir de la contrainte que s'était fixées Bach pour cette variation : celle du canon à l'unisson, qui consiste à répéter en décalage de temps et de registre les notes jouées dans la phrase initiale, et de poursuive ainsi le discours en suivant la même règle, ce qui entraîne vers des espaces de complexité dont Bach se délectait. Il a ensuite expliqué au public qu'il allait, sur le Disklavier et en utilisant un algorithme élaboré par ses soins selon le même principe, improviser sur All The Things You Are : et le piano, piloté par l'ordinateur et cet algorithme, ajoute à son improvisation des notes, phrases et rythmes obéissant à cette règle, et suscitées par le jeu de Dan Tepfer au clavier. Le résultat est vertigineux, et reste totalement musical, car c'est le musicien-improvisateur qui fournit la matière, et continue d'improviser en tenant compte de ce que génère le programme.

DAN TEPFER : ALGORITHMES, PIANO ACOUSTIQUE & IMPROVISATION

Pour une série de duos avec ses partenaires (la chanteuse Claudia Solal, le contrebassiste François Moutin, le batteur Arthur Hnatek), il va chaque fois élaborer un algorithme propre à engendrer, à partir de son jeu de piano, la matière d'un dialogue avec l'invité(e). La folle effervescence rythmique du programme destiné au duo avec le batteur va entraîner les deux musiciens dans une complexité ludique réjouissante, où l'extrême concentration de chacun participe de la jubilation commune.

Quand on demande à Dan Tepfer si écrire un algorithme, dans ce contexte, c'est composer, il répond par l'affirmative, mais en précisant que l'algorithme est un procédé, un cadre, comme dans la composition musicale peuvent l'être une choix de forme ou de règles. Si l'on demande au pianiste si l'algorithme écrit par ses soins laisse place à l'aléatoire, il dit que ce n'est pas le cas, en tout cas pour l'instant. Dans le dispositif cependant existe une petite part d'aléatoire, mais qui n'est pas codifiée comme telle, avec l'intention d'introduire l'aléa comme une élément conscient du code. Et lorsque l'on lui demande si l'algorithme conçu par ses soins devient comme un partenaire de jeu, il répond « oui »,sans hésiter.

Quand on évoque la délicate question de savoir si une contrainte, ou un faisceau de contraintes, une règle, stimulent la créativité, sa réponse est aussi nettement positive. Et il cite l'influence qu'a eue sur sa réflexion une pièce de György Ligeti, Musica Ricercata , œuvre pour piano qui utilise d'abord dans un premier mouvement deux notes, dont l'une est déclinée dans d'infinies variations de dynamique, de timbre, de couleur.... Puis dans le suivant trois notes, et ainsi de suite. C'est par exemple le défi que s'impose Dan Tepfer, en improvisant après chacune des Variations Golberg, d'en reprendre les contraintes dans un langage différent, le sien en l'occurrence. Dan Tepfer se dit que l'on eut aller encore beaucoup plus loin dans la démarche entreprise. Le concert de Montpellier, avec différents partenaires, et en public, marque une nouvelle étape, et ces premiers résultats l'encouragent à développer encore ses recherches ; il pointe cependant la limite du conceptuel, et l'importance du facteur humain (compositeur-programmateur-improvisateur) ; mais il reconnaît aussi que, par cette démarche, il parvient à produire une musique à laquelle il n'aurait pas accédé par d'autres voies, et le but recherché est atteint : produire de la joie.

Dans le prochain disque, d'ores et déjà enregistré, avec Lee Konitz, et qui devrait paraître dans les mois qui viennent sous un grand label, il y a une plage qui utilise le disklavier et un algorithme conçu par Dan ; et le pianiste dit que Konitz s'en est trouvé inspiré, entraîné vers un ailleurs insoupçonné. Dan Tepfer prévoit, en 2017, de mettre chaque mois en ligne une vidéo illustrant l'évolution de son travail, avant de publier un nouveau disque qui sera le résultat de ce parcours presque initiatique.

Les Dernières Nouvelles du Jazz suivront cette progression, avec un ou plusieurs entretiens en compagnie de Dan Tepfer, pour illustrer et éclairer ce qui s'annonce, d'ores et déjà, comme passionnant.

Xavier Prévost

Plus d'informations , en anglais, sur le site The Culture Crush :

http://www.theculturecrush.com/acoustic-informatics

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28 juillet 2016 4 28 /07 /juillet /2016 14:29
Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

Samedi 23 juillet, Mario Canonge-Michel Zenino 5tet ©David Abécassis

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Dix jours écoulés depuis le premier concert de jazz du Festival de Radio France & Montpellier Occitanie (nouvelle appellation contrôlée depuis la fusion du Languedoc Roussillon avec Midi Pyrénées). Dix jours de concerts à 22h dans le très grand Amphithéâtre du Domaine d'O, et un bilan globalement plus que positif : très beaux concerts, grande diversité, et belle fréquentation du public, lequel donne toute les apparences de la satisfaction.

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

Début dans l'euphorie avec le duo André Minvielle / Jean-Marie Machado : d'abord solo de l'un, puis de l'autre, et ensuite duo autour de Bobby Lapointe (un projet commun qu'ils ont donné de nombreuses fois), mais aussi du répertoire du chanteur-scatteur-vocalchimiste, avec passage par Mingus et Monk. Quelques beaux moments de folie douce.

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

Puis, dans le cadre du thème général du festival, qui est cette année « Le Voyage d'Orient », présence du « Golan Sextet » du contrebassiste Hubert Dupont. Avec un violoniste tunisien, une flûtiste d'origine syrienne, un percussionniste et un joueur de oud originaires de Palestine, un beau croisement des musiques de Méditerranée orientale avec le jazz, représenté par le contrebassiste, et Matthieu Donarier qui officiait à la clarinette métal. Belle réussite, avec des solistes exceptionnels, et certains arrangements très jazz sur ce terreau d'orient.

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

Le lendemain, « Carte blanche » au pianiste Dan Tepfer. Il a invité des artistes auxquels le lient d'anciennes connivences (la chanteuse Claudia Solal, le contrebassiste François Moutin) et un batteur avec lequel il s'est découvert plus récemment des affinités : Arthur Hnatek. Sur scène deux pianos : un grand Steinway, et un plus petit Yamaha, modèle Disklavier, à interface midi. Dan Tepfer, de culture scientifique de haut niveau, pratique depuis sa jeunesse la programmation informatique. Et il écrit sur son ordinateur, pour ce dispositif, des algorithmes conçus pour faire réagir la partie active et autonome de l'instrument à ce qu'il joue lui-même au clavier. Et il jouera successivement du piano de concert et du piano à interface. Avec ce dernier, il fera trois duos, ayant chaque fois créé un programme spécifique pour ses interlocuteurs et son interlocutrice : fécond et passionnant. La musique sans assistance des machines aura aussi sa place, avec un solo sur et autour de Bach (3ème Variation Goldberg) ; un très beau duo avec la chanteuse, sur Lush Life ; et un trio très effervescent avec le bassiste et le batteur. Le tout conclu par un quartette autour du Disklavier, sur une fractale conçue par Dan Tepfer, pour la circonstance, et dont la représentation visuelle évolutive s'affichait sur un écran géant à mesure que la musique se développe. Un article plus détaillé sur l'aspect informatique et musique viendra bientôt sur une autre page du blog, et sera développé dans les mois qui viennent par un entretien avec l'artiste, et un work in progress en vidéo.

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

Le jour d'après ce fut un autre pianiste, Michael Wollny, en trio : beau mélange d'atmosphères sombres empruntées au répertoire « classique » (Guillaume de Machault, Paul Hindemith, Alban Berg), très transformé, et de débauche d'énergie virtuose, avec une interaction impressionnante entre les membres du trio.

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

Puis ce sera le saxophoniste portoricain Miguel Zenon, avec son quartette régulier, où brille en particulier le pianiste vénézuélien Luis Perdomo. Richesse rythmique, belles improvisations mélodiques, constructions savantes ou tourneries entêtantes : la musique est de haut vol, le répertoire est celui d'un disque à venir, début 2017, qui devrait s'intituler « Tipico ».

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

La soirée suivante, à nouveau inspirée par la thématique orientale du festival, accueillait le groupe « Ethics » du contrebassiste Michel Benita, avec Mieko Miyazaki au koto, Matthieu Michel au bugle, Manu Codjia à la guitare, et Philippe « Pipon » Garcia à la batterie. Musique qui naît dans le recueillement pour ensuite exploser dans l'intensité expressive : grande réussite musicale, et gros succès public.

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

©David Abécassis

La semaine, commencée le dimanche 17, s'achève le samedi 23 avec le quintette qui associe le pianiste Mario Canonge et le contrebassiste Michel Zenino. L'esprit est celui du jazz des années 60, celui qui s'épanouissait sous étiquette Blue Note avec Herbie Hancock, Freddie Hubbard, Joe Henderson.... Très bon groupe, très homogène, avec un batteur guadeloupéen, un trompettiste américain, et un saxophoniste cubain. Effervescence maximale dans l'Amphithéâtre, et confirmation que Mario Canonge est un grand pianiste de jazz.

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Le dimanche 24 juillet, le jazz fait relâche pour cause de Carl Orff. Contrairement à Woody Allen, je n'ai pas envie d'envahir la Pologne quand j'écoute Wagner. En revanche, les Carmina Burana auraient une fâcheuse tendance à réveiller en moi des instincts belliqueux. Donc, prudemment, je me suis abstenu....

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

La reprise du jazz, le 25 juillet, se fit en beauté, avec le trio « Fox » : Pierre Perchaud, Nicolas Moreaux, et à la batterie, remplaçant Jorg Rossy qui participait au CD, Karl Jannuska. Très belle musique, d'apparence intimiste, et pourtant porteuse d'une flamme intense, attisée par le drumming raffiné et pulsatoire du canadien. Lyrisme superlatif du guitariste, et formidable drive du contrebassiste, présent à chaque instant dans le trilogue : vraiment très réussi.

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

La conclusion, le 26 juillet, se fit en compagnie du groupe Pucinella : déjanté, fédérateur et efficace, avec une mention spéciale pour le saxophoniste-flûtiste Ferdinand Doumerc, décidément porteur d'une incroyable énergie, combinée avec une incontestable virtuosité.

Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival

Au fil des jours, chaque soir à 20h30, la pinède du Domaine d'O accueillait un avant-concert avec des groupes de la région, d'une belle tenue musicale. Le plus originale et le plus abouti fut peut-être, le premier soir, le duo « Connie & Blyde », qui associe la chanteuse Caroline Sentis au violoncelliste Bruno Ducret. Et peut-être aussi, l'avant dernier soir, la renaissance du groupe vocal Elull Noomi, qui en 2008 avait eu les honneurs de la grande scène.... mais se trouvait fort heureux, pour sa reprise, d'avoir fait escale à la pinède.

Au total un bilan réjouissant, sur le plan de la qualité artistique et de la diversité du programme, lequel fut conçu par Pascal Rozat pour l'Amphithéâtre, et par Serge Lazarevitch pour la pinède.

Xavier Prévost

Les concerts sont en réécoute sur le site de France Musique :

http://www.francemusique.fr/emission/jazz-ete/2016-ete

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20 juillet 2016 3 20 /07 /juillet /2016 07:45
@jmgelin
@jmgelin

Steve Coleman (Saxophone alto), Jonathan Finlayson (Trompette), Sean Rickman (Batterie), Anthony Tidd (Basse), Miles Okazaki (Guitare)

C'etait hier soir. Paris. Chaleur de boeuf. Une heure d'attente dans la file qui s'étire sur la rue des petites Ecuries. Les femmes s'éventent avec des flyers et tout le monde prend son mal en patience.

Quelques jours plus tôt, Steve Coleman avait donné un concert privé quelque part dans Paris mais je n'avais malheureusement pas pu y aller.

Steve entre sur scène avec son éternelle casquette à l'envers. Depuis quelques temps déjà il orne le bout de son nez de petites lunettes fines.

Les 5 éléments sont sur scène et démarrent assez mollement le concert. Coleman ne trouve pas vraiment son Son. On se dit que la soirée risque d'être longue dans cette salle bourrée à craquer.

Et puis au 3ème morceau, le déclic se fait et le groupe face à la mollesse de la salle monte d'un cran. Et alors le groove s'installe. Coleman s'enflamme.

Et tout à coup la mathématique savante de Five Elements, ce langage qui lui est propre s'éclaire et emballe tout sur son passage.

Steve Coleman est décidément un grand, un immense. Un qui a révolutionné le langage du jazz.

Une grande et belle soirée au New-Morning où la chaleur se faisait soudainement très très légère.....

JM Gelin

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18 juillet 2016 1 18 /07 /juillet /2016 00:06
JAZZ à JUNAS aux ARÈNES de VAUVERT

Le festival gardois, bien connu pour la qualité sélective de sa programmation, donnait cette année ses trois premières soirées à Vauvert. La soirée du 16 juillet, parrainée par la Spedidam, offrait trois visages et trois générations de la scène hexagonale.

JAZZ à JUNAS aux ARÈNES de VAUVERT

Juilien Touéry (piano), Ivan Gélugne (contrebasse), Julien Loutelier (batterie)

Le quartette d'Émile Parisien était prévu en ouverture à 21h, mais le saxophoniste, qui jouait la veille avec Airelle Besson, Anne Paceo, Vincent Peirani, Thomas Enhco et quelques autres français au festival d'Istanbul, s'est trouvé bloqué en Turquie, dont les aéroports ont fermé suite au coup d'état avorté. C'est donc en trio que ses partenaires ont joué, avec le répertoire du groupe adapté à cette nouvelle configuration. Avec audace, il nous ont fait profiter de leur belle connivence, et après une introduction hardie en forme de paysage sonore, ont exploré quelques voies du trio, depuis l'esprit de Paul Bley dans les années soixante jusqu'aux choix de leur génération. Ce fut vivant, tendu, plein de surprises et d'aspérités, et aussi très lyrique : une belle découvert en somme, qui transforme en bonheur la déception de n'avoir pas eu le groupe au complet.

JAZZ à JUNAS aux ARÈNES de VAUVERT

L'après midi, sous le soleil, les gradins attendent un public qui ne viendra qu'avec la nuit

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Éric Séva (saxophones baryton & soprano), Daniel Zimmermann (trombone), Bruno Schorp (contrebasse), Matthieu Chazarenc (batterie)

Puis ce fut le groupe « Nomade Sonore » d'Éric Séva : lyrisme également, bâti sur des mélodies mélancoliques dont l'apparente simplicité s'exaltait dans des développements très subtils. Chaleur et émotion étaient au rendez-vous, servies par la belle cohésion de ce groupe très rôdé, saisi au vol d'une tournée d'été de douze dates (privilège rare pour le jazz hexagonal en ces temps de pénurie....). Fougue virtuose, au service de la musicalité, chez les deux souffleurs, avec une mention particulière à Daniel Zimmermann pour son talent à mettre en relief, par ses contrepoints, le discours de son partenaire.

JAZZ à JUNAS aux ARÈNES de VAUVERT

Les Arènes ont leurs secrets au détour des coursives

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Richard Galliano (accordéon, accordina), Philip Catherine (guitare), Philippe Aerts (contrebasse), Hans Van Oosterhout (batterie)

Et la soirée trouva sa conclusion avec le « New Musette » de Richard Galliano, magnifié par la présence de Philip Catherine. Le guitariste est décidément un orfèvre qui traverse tous les langages du jazz avec une finesse confondante, faisant chanter son instrument dans tous les idiomes. Lui et ses compères du Nord de l'Europe donnaient à l'homme du Sud une réplique impeccable. Beaucoup de valses, des mélodies accrocheuses et sentimentales, jouées sans mièvrerie mais le cœur simple. Le public ne s'y trompait pas, qui fut conquis. Un solo de l'accordéoniste dans son répertoire fétiche (dont Piazzola), un trio sans guitare et un autre sans accordéon apportèrent la touche de diversité qui vint renforcer encore la joie des auditeurs. Et le fête se conclut par La Javanaise, d'abord en impro très libre, puis à la lettre en chant choral de tout l'auditoire. Le festival reprend le 19 juillet à Junas même ( suivre le lien pour le programme : www.jazzajunas.fr ).

Xavier Prévost

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10 juillet 2016 7 10 /07 /juillet /2016 16:17
JAZZ À COUCHES : 30ème Édition !

Les Sourdines à l'huile, presque au complet, donnent l'aubade au public avant le concert

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Célébration en fanfare de la trentième édition du festival bourguignon créé en 1987 dans cette commune du vignoble de la Côte chalonnaise qui, depuis peu, développe sa spécificité de bourgogne-côtes-du-couchois.

Ici jazz et vin sont liés de longtemps. Le vibraphoniste Franck Tortiller, et son regretté père, Maurice « Mimi » Tortiller, vigneron et figure musicale de cette région, ont donné âme à ce festival, entourés d'un inépuisable vivier de bénévoles de toutes les générations. Couches a son big band amateur (qui compte trois vignerons), amicalement encadré par les amis musiciens professionnels de Franck Tortiller, le trompettiste Jean Gobinet et le tromboniste Jean-Louis Pommier notamment. La veille de mon arrivée s'est tenue, sous le chapiteau, une battle de big bands où l'orchestre local affrontait le big band Chalon Bourgogne, plus professionnel. Les échos recueillis par votre serviteur attestaient d'une formidable soirée.

JAZZ À COUCHES : 30ème Édition !

Le quintette "Daïda" de Vincent Tortiller

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Le 7 juillet, c'était la soirée américaine, avec James Carter, et en première partie le quintette « Daïda » du batteur Vincent Tortiller, fils de Franck et petit-fils de « Mimi » : le festival de Couches a donc encore un long avenir devant lui. Vincent a été formé dans les conservatoires du sud de Paris, et au CMDL. Il s'est entouré de musiciens de sa génération : un formidable trompettiste, déjà repéré dans le métier, Alexandre Herichon ; un pianiste qui sait prendre des risques, Joran Cariou ; Eddy Leclerc à la guitare et Richard Metairon à la contrebasse qui complètent l'équipe avec talent. Le répertoire, composé par le batteur, le trompettiste et le pianiste, est finement élaboré, vivant, punchy et nuancé. Et deux compositions de Christian Scott, que le groupe s'avoue comme influence, on conclu un set plus que convaincant.

JAZZ À COUCHES : 30ème Édition !

Pendant la balance de James Carter, les éclairagistes grimpent à l'échelle

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Vient ensuite le même soir le saxophoniste James Carter et son Organ trio, qui l'associe à l'organiste Gerard Gibbs et au batteur Alex White. Grove assuré, très soul jazz, autour des thèmes de Django Reinhardt. Comme il le faisait voici 15 ans, le saxophoniste a repris des thèmes du Grand Manouche, mais cette fois dans une approche un peu différente. Sous le titre « Django Unchained »,Il donne des versions décoiffantes (remix dit-il) de Minor Swing, Anouman, Manoir de mes rêves.... en sollicitant ses saxophones (soprano, alto, ténor) jusque dans les registres les plus extrêmes, avec toujours un à propos et un sens musical confondants. C'est vivant, généreux, et très jouissif. Après une ovation verticale du public, une version pépère de Nuages, en rappel, sera le seul moment un peu tiède du concert ; mais le trio avait beaucoup donné.

JAZZ À COUCHES : 30ème Édition !

Franck Tortiller et le "All Stars du 30ème"

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Le lendemain, pour célébrer dignement les 30 éditions du festival, Franck Tortiller avait concocté le « All Stars du 30ème », rassemblant des musiciens qui tous avaient une relation personnelle, et souvent de longue date, avec le festival : Claus Stötter, Jean-Louis Pommier, Éric Séva, François Corneloup, Éric Bijon, Louis Winsberg, Yves Rousseau, Yves Torchinsky et Patrice Héral. La plupart des musiciens avaient apporté des compositions originales, anciennes ou conçues pour la circonstance. Arnaud Merlin, ami de longue date de Franck Tortiller et du festival, et aussi, outre sa qualité de producteur à France Musique, président de l'Association « Jazz en Bourgogne-Franche-Comté », présentait la soirée, introduisant chaque morceau par une anecdote sur le festival soigneusement recueillie auprès de musiciens. Moment intense, avec de belle compositions (F. Corneloup, J.L. Pommier, Yves Rousseau, Franck Tortiller.... , plusieurs signées Louis Winsberg, et une formidable pièce à tiroirs avec étourdissantes interventions percussives et vocales de Patrice Héral. Grand moment de musique intense, festive ou recueillie, ouvert par un très bel arrangement d'Yves Torchinsky sur For Tomorrow de McCoy Tyner. Et en conclusion, à ce tentet, se sont joints des solistes de la région (notamment l'étincellant saxophoniste soprano Aymeric Descharrières), puis est arrivé en renfort le groupe de jazz traditionnel « Les Sourdines à l'huile » pour un Honeysuckle Rose qui restera dans la mémoire festivalière.

Après quoi, public, musiciens et autres chroniqueurs se sont rapprochés du stand des vins pour honorer Bacchus tout en écoutant « Le Peuple étincelle », rassemblé autour de François Corneloup, pour un concert dansant qui se tenait sous le mini-cirque près de la buvette : les danseurs s'en sont donné à cœur-joie, sur des danses traditionnelles ou modernes : ultime effusion festive de la soirée.

Xavier Prévost

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6 juillet 2016 3 06 /07 /juillet /2016 09:31
ET HOP ! UNE ESCALE VIENNOISE

Quatre juillet : ce n'est pas aujourd'hui pour moi l'anniversaire de l'indépendance américaine, mais plus prosaïquement le jour d'une petite virée sur les bords du Rhône. Un arrêt, au sortir du TGV à la Part-Dieu, dans un sympathique petit restaurant du 3ème arrondissement lyonnais, pour déjeuner avec une amie de très longue date, puis vingt minutes de TER pour gagner Vienne et son festival. A l'affiche de la soirée : Lisa Simone, puis Randy Weston et son « African Rhythms 5tet »

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Lisa Simone « My World »

Lisa Simone (voix), Hervé Samb (guitare), Reggie Washington (contrebasse & guitare basse), Sonny Troupé (batterie)

Festival « Jazz à Vienne », Théâtre antique, lundi 4 juillet, 20h30

Lisa Simone chante, pour l'essentiel, le répertoire de son récent CD « My World » (SoundSurveyor Music). L'ambiance est changeante : folky, soul, parfois carrément rock si l'on a oublié ce qu'est le rhythm'n'blues. Sa faculté d'entrer en relation avec le public est confondante, qu'elle parle brièvement de sa mère (pour un hommage en forme de reprise : Ain't Got No I got Life ) ou qu'elle évoque la France qui l'a adoptée, et où elle renaît, pour devenir totalement elle-même. C'est touchant, profond, et musicalement jouissif. Le groupe, avec lequel elle est en parfaite empathie, porte sa musique, et la fait étinceler dans des solos éblouissants (Hervé Samb, Sonny Troupé, Reggie Washington). C'est une fête, avec des instants précieux d'émoi et de recueillement. Le public ne s'y est pas trompé, qui lui a réservé un triomphe. Et un triomphe dans le Théâtre antique de Vienne, ça fait du bruit !

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Randy Weston African Rhythms 5tet

Randy Weston (piano), « TK Blue » Talib Kibwe (saxophone alto, flûte), Billy Harper (saxophone ténor), Alex Blake (contrebasse), Neil Clarke (percussions)

Invités :

Cheick Tidiane Seck (pianos électrique et numérique, orgue), Ablaye Cissoko (kora), Mohamed Abozekry (oud)

Festival « Jazz à Vienne », Théâtre antique, lundi 4 juillet, 22h

Randy Weston, 90 printemps en avril dernier, s'est fait rare ces dernières années . C'est donc a priori une joie de l'écouter. Et l'on n'est pas déçu ! Il a choisi, pour ce concert, d'explorer majoritairement le répertoire de son disque de 1991 «« The Spirit of Our Ancestors ». Billy Harper, Talib Kibwe et Alex Blake étaient alors déjà de la partie, aux côtés de Dizzy Gillespie, Pharoah Sanders et quelques autres. Le groupe jouera plusieurs suites : African Cookbook et African Sunrise, et aussi Blue Moses, inspiré par un chant des Gnaouas, un peupe musicien que le pianiste a longuement fréquenté au Maroc. En quintette les échanges sont d'une intensité constante, et la musique se déroule avec fluidité dans un jeu de vertige. Un blues nous fera osciller de l'Afrique à l'Amérique du Peuple noir, et l'on sentira sous les doigts du pianiste son admiration pour Thelonious Monk. Et l'indispensable High Fly, véritable standard du jazz (et de haut vol), viendra conclure la session en quintette. Quand surviennent les invités, avec leurs identités musicales du Mali, du Sénégal et d'Égypte, la cohésion se perd. On passe alors de la circulation fluide des énergies entre musiciens à une sorte de défilé de solos, comme le jazz en produit parfois un peu trop. C'est sensible sur une composition de Cheick Tidiane Fall comme sur Blue Moses. Comme les solistes sont survoltés, le public marche, mais l'amateur chenu, un brin nostalgique, préfère garder le souvenir du quintette ; d'ailleurs, en termes d'horloge, c'étaient les quatre cinquièmes du concert !

Xavier Prévost

Le festival Jazz à Vienne se poursuit jusqu'au 15 juillet

Détails sur www.jazzavienne.com

ET HOP ! UNE ESCALE VIENNOISE
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