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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 08:22

 Seventh 2008




 

Entre le 10 mai et le 10 juin 2005, le Triton, le club des Lilas dirigé par Jean-Pierre Vivante avait pris cette formidable initiative de demander à Magma de venir tout un mois durant faire une sorte de rétrospective en 4 volets ou plutôt 4 « epok » prétexte chacune à un DVD dont 3 ont déjà paru. Il s’agit donc ici du 4ème  et dernier volet qui retrace une période venue, comme le dit Vander, « mettre un terme aux grandes fresques des années 70 ».

Comme toujours, inlassablement, infatigablement, Christian Vander y est le gardien du temple, grand gourou perpétuateur de la légende, maître du feu chargé de maintenir ce magma éruptif en fusion dans un volcan qui jamais ne s’éteint. A tel point que le génial chanteur- batteur porte à bout de bras (qu’il a fort musclés au demeurant) cette mécanique bien huilée à vous coller des transes sur des tourneries épuisantes, éreintantes dont on sort ( après près de deux heures) totalement lessivés. A l’époque des trucs hyper formatés, Magma 35 ans après donne les mêmes leçons d’énergie que c’est pas possible que vous restiez les fesses vissés sur le tabouret en écoutant ça. Inventeur d’un langage qui jette des ponts entre le Jazz rock et Coltrane, Magma reste paradoxalement d’une brûlantissime actualité à l’heure où certains pourraient penser à tort que l’engagement  ne  serait plus cette composante nécessaire du jazz et du rock.

Il faut attendre le deuxième set pour pouvoir entendre Vander délaisser le micro  et se poser derrière la batterie, toujours avec la même incandescence généreuse abordant un thème comme Ka I-ka II – ka III  de près de 50 mn sans jamais mollir un seul instant. Magma mythique et toujours légendaire. Magma insurclassable !

Et pour cette rétrospective il faut rendre hommage au travail du Triton et au travail de co-production de Seventh record. Il faut une réelle science du cadrage, de la lumière et des plans nerveux mais jamais chaotiques pour maintenir à l‘écran cette énergie qui ne tombe jamais dans le plan saccadé ou stroboscopique. C’est super intelligemment réalisé, sans plans bidons et toujours au plus près de la musique. On a le sentiment alors de rentrer au plus près de ce temple à l’ésotérisme post Coltranien à l’heure de la grand messe sacrificielle.

Le moins que l’on puisse dire c’est que Magma c’est sûr, était ce soir là au rendez vous de sa propre légende. Inusable !Jean-Marc Gelin

 

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 07:41

Un film de Fabrice Ardenac et Alexandre Gonin

Artofilms 2008




 

 

Il ne faut pas grand-chose. Juste trois morceaux, trois thèmes du dernier album du Strada sextet de Henri Texier ( Alerte à l’eau paru chez Label Bleu), pour faire un grand film. Tout dépend de l’angle que l’on choisit. Tout dépend de l’approche.

Car le travail que propose ici Artofilms et de ses deux réalisateurs Fabrice Radenac et Alexandre Gonin repose sur l’approche au plus intime des musiciens à savoir leur travail de création collective au cours des répétitions et des ultimes réglages, propositions des uns et des autres avant la présentation en concert. Agrémenté d’interviews des musiciens prises – pour le coup - en dehors du contexte de la répétition, ceux ci s’expliquent sur l’apport de chacun et sur le tramage de ces voix qui donne à ce Strada sextet cette texture unique, cette couleur revendiquée et totalement travaillée. En nous permettant ainsi de voir hors scène le travail de ces musiciens on perçoit mieux l’alchimie que Texier est parvenu à créer avec ces instrumentistes de haut niveau, tous éléments indissociables d’un puzzle si cohérent dans l’approche et dans la compréhension de ce que veux Texier. Trois morceaux travaillés ici : Afrique à l’eau, Valse à l’eau et enfin Reggae d’eau font ressortir la personnalité de chacun et la fusion de tous. Toujours la pâte du maître qui, sans exigence et toujours en connivence avec ses musiciens les emmène exactement au point précis qu’il a en tête. Parce que Texier connaît l’apport de chacun. De Corneloup dont il dit qu’il est la continuation de cette école du post free jazz qui va de Portal à Sclavis et sur qui il se repose pour apporter un zeste de déstructuration. Ou Christophe Marguet, le complice en rythmique. Christophe Marget, le seul à qui Texier n’apporte pas de partition mais dont il peut compter sur sa compréhension des atmosphères rythmiques. Manu Codjia dont Texier dit qu’il est une palette incroyable à lui tout seul apportant autant l’assise d’une basse que celle, mélodique d’un violon. Gueorgi Kornazov, le tromboniste dont la science du contrepoint l’amène à toujours proposer de nouvelles directions au cours des répétitions. Sébastien Texier enfin dont Henri utilise aussi bien sa patte plus légère et lyrique au saxophone qu’à la clarinette.

Les deux réalisateurs ne se contentent pas de s’immiscer dans ce travail mais poursuivent en montrant l’application sur scène et filment alors avec une réelle compréhension du travail demandé, un peu comme s’ils étaient eux aussi partie intégrante du travail préalable, mettant en valeur les parties de solistes en soulignant leur intensité. Le filmage de ce concert n’est jamais fainéant et jamais avare sur la qualité des plans qu’il propose.

Ce travail parle alors à l’intelligence de l’auditeur. Lui offre une clef de lecture inédite. La musique est alors révélée autrement. Quand tout, encore une fois est question d’angle. Jean-Marc Gelin

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 07:39

DUKE ELLINGTON

At The Côte d’Azur  with Ella Fitzgerald and Joan Miro

The Last Jam Session

2 DVD Eagle Vision –

DVD 1 : JJJJJ

DVD 2 : JJ





Attention, ce double DVD consacré à Duke Ellington présente deux films fort différents, que ce soit du point de vue du fond (l’intérêt musical) que de la forme (l’intérêt cinématographique). Le premier DVD est un véritable chef d’œuvre qui mérite de figurer en bonne place sur les étagères de tous les passionnés de jazz. L’action se déroule d’abord au festival d’Antibes–Juan Les Pins en juillet 1966, où l’orchestre de Duke Ellington va jouer quatre soirs de suite. On connaissait les enregistrements audio de ces concerts parus chez Verve et c’est avec un grand plaisir que nous découvrons les images, remarquablement filmées en vidéo noir et blanc par de talentueux techniciens de l’ORTF. Des belles et pertinentes prises de vues, d’élégants mouvements de caméras sur grue qui balayent l’orchestre et un montage efficace, qui colle à la musique et qui n’oublie personne pendant l’exécution des chorus. L’orchestre d’Ellington en 1966 est composé de musiciens exceptionnels, rien que la section de saxophones peut rendre fou de jalousie tous les big bands du monde (Johnny Hodges, Paul Gonzalves, Harry Carney, Jimmy Hamilton, Russell Procope). Le répertoire va intégrer des classiques de l’orchestre mais aussi des titres plus rarement joués comme Such sweet Thunder. On assiste aussi à la création d’un nouveau morceau : « The Old Circus Train Turn-Around Blues » où un montage habile nous fait passer des répétitions sous le soleil de l’après-midi à la finalisation du morceau lors du concert du soir. Puis changement de décor, nous sommes à St Paul de Vence à la fondation Maeght et Duke Ellington va jouer en trio au milieu des statues de Giacometti et en présence du peintre et sculpteur Joan Miro. C’est une excellente idée de confronter l’art musical d’Ellington à l’art pictural moderne du XX ème siècle, surtout lorsque la réalisation est à la hauteur de l’évènement par son originalité et son audace. Enfin retour à Antibes avec la grande Ella Fitzgerald qui va interpréter trois titres (dont un très émouvant Something To Live For), intégrant son trio à l’orchestre de Duke. On regrette juste que les caméras n’aient pas captés les remarquables I Don’t Mean A Thing, Mac the Knife et Cotton Tail dont le témoignage discographique nous reste encore en mémoire. Après ce sommet, la vision du deuxième DVD nous paraît bien fade et ennuyeuse. Il s’agit des séances studio de l’enregistrement de Duke Big 4 en 1973, où Duke est en compagnie de Joe Pass, Ray Brown et Louie Bellson. Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas d’un véritable film finalisé, mais d’une longue série de rushes, en temps réel (une heure trente), filmés par une caméra de reportage qui cherche ses cadrages et effectue la mise au point pendant qu’elle filme. Ce document « brut de décoffrage » arrive très vite au bout de ses limites et l’absence de montage se fait cruellement sentir. En montant ces images, On aurait pu réaliser un intéressant document de 15 ou 20 minutes sur le travail en studio de ces quatre monstres sacrés. C’est dommage et pas très professionnel de la part d’Eagle Vision de nous présenter ce document tel quel, malgré l’évident et poignant témoignage musical qu’il nous restitue.
Lionel Eskenazi

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5 mai 2008 1 05 /05 /mai /2008 23:32



Éclipse, un film de Jacques Goldstein

Fredon No Collection

LA HUIT - 2008

 

Poursuivant son chemin en direction de l’ancienne avant-garde New Yorkaise et des jazzmen qui continuent de faire les beaux jours du post-free jazz tel que l’on peut l’entendre au Vision Festival ou à la Knighting Factory, la Huit présente ici, après le travail remarquable de Anaïs Prosaïc sur Marc Ribot, un film de Jacques Goldstein sur le trompettiste New Yorkais Wadada Leo Smith filmé le 31 mars 2005 à l’occasion du festival Banlieues Bleues.

Il s’agit essentiellement d’un concert ( au demeurant magnifique) donné avec son groupe, le Golden Quartet composé de Vijay Iyer aux claviers électroniques, de John Lindberg à a basse et de Ronald Shannon Jackson à la batterie. Un concert filmé en noir et blanc, caméra sur l’épaule (un peu trop agitée à notre goût et évitant hélas les plans fixes trop longs) et qui ravira les partisans de cette prolongation par d’autres moyens du free jazz d’Ornette Coleman.

Une performance magnifique comme le est toute la prestation de ce trompettiste d’exception qui à 66 ans cultive le goût du quartet d’Ornette sans jamais pourtant singer le jeu de Don Cherry. Son goût de l’improvisation et du cheminement solitaire évoque parfois le travail de Antony Braxton, la dimension expérimentale en moins. Mais toujours chez Smith ce goût de la musique envoûtante, du mystère presque pictural et si proche d’autres formes artistiques que l’on y associerait volontiers les

Films de Cassavetes ou la peinture de Jackson Pollock.

 

Entre chaque morceau de ce concert, Jacques Goldstein recueille quelques courtes reflexions du musicien sur quelques points essentiels de sa musique que, dans le sillage de Ornette il qualifie de « creative music » au détriment de jazz qu’il ne retient pas comme définissant son propre travail. Puis suit une interview plus longue où Wadada Leo Smith poursuit sa réflexion autour de quelques questions captées vraisemblablement lors de sa venue en France à l’occasion de ce concert.

 

On ne saurait donc que rendre hommage à ce travail qui permettra à beaucoup de découvrir cet artiste absolument incomparable même si, comparativement au vrai travail de fond qui avait été fait sur Marc Ribot, on reste là beaucoup plus réservés, moins sur la qualité de ce concert passionantissime que sur la réalisation dont on ne comprend pas toujours les partis pris esthétisants : pourquoi le noir et blanc ? Pourquoi des images imposées à notre imaginaire comme celles un peu ridicules – excusez le cliché – d’une voiture roulant dans le nuit au milieu des néons de la ville ? ). Mais surtout ce travail se révèle particulièrement pauvre quand à sa documentation totalement inexistante sur le musicien que tout un chacun est censé connaître. Il est peu admissible en effet que la Huit ne se donne pas le temps de rédiger au minimum quelques liner notes à défaut d’un véritable livret pour présenter en quelques mots au moins la biographie de ce trompettiste essentiel qu’est Wadada Leo Smith.

 

Cependant, pas de quoi bouder notre plaisir et il faut rendre au moins justice au courage de la ligne éditoriale de la Huit qui n’hésite pas à s’investir dans cette musique exigeante au mépris des considérations commerciales qui animent aujourd’hui un grand nombre d’éditeurs de DVD. C’est assez rare pour être souligné et précieux pour être encouragé. Peut quand même mieux faire dans l’approche didactique.  Jean-Marc Gelin

 

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26 avril 2008 6 26 /04 /avril /2008 07:33

Yohimbe Brothers

Sylvie Courvoisier trio ABATON

Freedom Now Collection

LA HUIT - 2008

 

                                                                               

 

“Listen to the film and watch the music”, voilà le pari que s’est fixé La Huit Edition avec cette série de films musicaux captés à Banlieues Bleues. La série s’intitule « Free Form Now » et chaque réalisateur a l’entière liberté de filmer la musique à sa guise.

 

La dernière livraison donne de la production actuelle, un échantillon fort intéressant et contrasté dans les approches .Chaque film est confié à des cinéastes pour qui la musique est choisie comme un authentique sujet de travail. La carte blanche qui leur est confiée permet de dépoussiérer les codes plus ou moins figés de la représentation de la musique filmée, problème qui se pose également au théâtre. L’image est souvent privée de sens quand on regarde de la musique enregistrée en concert.

Jacques Goldstein s‘est attaché à suivre le Golden quartet de Wadada Leo Smith en 2005.

Filmé dans un beau noir et blanc, avec une grande précision et au plus près de chacun des musiciens qu’il met ainsi en valeur, le réalisateur ne donne pas souvent une image d’ensemble du quartet mais s’attache plutôt aux différentes phases de jeu.

 

Par contre, une expérience radicalement opposée a été tentée avec le spectacle des Yohimbe Brothers où des effets graphiques et visuels incessants viennent se superposer à la représentation du concert, masquant le caractère réel de la performance. C‘est un vrai film d’animation qui nous est montré autour de la musique du groupe.

Le VJ’ing de Mathieu Foldes impose par ses coups de palette, des kaleidoscopes chamarrés et psychédéliques. Ce travail audacieux, proprement vertigineux occupe en premier toute notre attention. La musique souligne les effets visuels du guitariste Vernon Reid, formidablement présent, affublé d’un drôle de chapeau péruvien.

Enregistré à Bobigny en 2005, ce concert avec la chanteuse Latasha Diggs, le turntablist DJ Logic nous entraîne dans ce qui est supposé être une vision moderne d’un spectacle musical. Chaque titre se transforme en un tableau vivant : l’effet est frappant mais quelque peu intoxicant. On en arrive à être parasité par ce déluge de couleurs et de formes. Cette réflexion autour des rapports entre l’image et la musique est néanmoins passionnante. Car que privilégie-t-on au juste ? Ne s’efforce-t-on pas de rendre la musique visuelle et de traiter à part égale les différentes disciplines artistiques ? C’est le par(t)i pris ici par Jérôme de Missolz et avouons-le cela correspond bien visuellement à l’engagement des Yohimbe brothers dans leur musique fusion, à la croisée du rap et du funk.

 

 

Le dernier DVD proposé d’Anais Prozaic serait la synthèse parfaite entre la représentation attendue d’un trio « classique » ( violon, violoncelle et piano ) filmé  souvent au moyen de zooms qui nous mettent tout près des musiciens. On ressent ainsi le premier titre de la même façon qu’au concert  quand on est bien assis dans les premiers rangs, visualisant  les gestes  tout en tensions et ruptures, le frémissement de la musique de Sylvie Courvoisier.

Puis, c’est la surprise : intervient une rupture brutale avec un duo de danse contemporaine dans un montage qui fait se correspondre les pieds et jambes des danseurs, les mains des instrumentistes. Juxtaposition rapide saccadée, haletante qui colle à la musique et à la danse. Voilà une tentative d’accompagnement plutôt réussi, symbiose de deux formes artistiques performantes.  On est évidemment un peu fasciné par les mouvements des danseurs et sans oublier la musique, la concentration est ainsi divisée. Risque de dilution ? En tous les cas, l’expérience est intéressante dans le rapprochement de diverses disciplines qui se marient bien.

A suivre.                                                                     Sophie Chambon

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26 février 2008 2 26 /02 /février /2008 07:33

Jazz Icons 2007


Dexter.jpg

La collection des DVD «  Jazz Icons » de l’éditeur Naxos est, disons le tout net une petite merveille. A juste titre d’ailleurs récompensée par l’Académie du Jazz qui à l’occasion de sa dernière session donnait pour la première fois un prix à un DVD. Signe des temps
…!…Récompense largement méritée si l’on en juge par la qualité du support éditorial. Pensez, pas moins de 21 pages de liner notes avec explications de texte, photos, mise en perspective, travail de journaliste allant jusqu’à interroger aujourd’hui certain des protagonistes encore vivants, crédit photographique puisant dans des images d’archives de qualité illustrant judicieusement cette mise en perspective et enfin analyse plus ou moins poussée des concerts proposés. Ces films d’archives que les éditeurs sont allés chercher (avec un grand soin dans la sélection) en club ou lors d’émission de radio ou de télévision (pour l’essentiel dans les années 60) sont, pour tout jazz fan, un outil ultra précieux. Un vrai travail de choix des images est ainsi réalisé où la sobriété le dispute au sens du détail et du respect du temps musical. Du vrai bon boulot qui ne se contente pas comme le font certains (en très grand nombre par les temps qui courent) de vider les fonds de tiroirs et de mettre sur le marché de l’image à consommer tel quel sans le moindre commentaire.

Et dans cette belle collection il est quelques petits bijoux dont on ne se lassera jamais et qui pourraient bien devenir le complément absolument indispensable de votre discothèque. Il y a celui sur John Coltrane (tapant le boeuf avec Stan Getz), celui avec Wes Montgomery. Celui sur Dexter Gordon pourrait bien être l’un de ceux là.

Lorsque Dexter Gordon enregistrait cette série de concerts donnés en clubs en Hollande, en Suisse et en Belgique entre 1963 et 1964, il était déjà européen d’adoption et vivait à l’époque au Danemark où il avait l‘habitude de se produire au célèbre Café Montmartre. A l’époque, ses multiples arrestations lui avaient coûté sa fameuse carte lui permettant de jouer dans les clubs de la Grosse Pomme et l’avaient contraint à l’exil. Dexter alors était âgé de 40 ans et se trouvait au sommet de son art, dans un état de plénitude comme on peut s’en rendre compte au travers des multiples enregistrements phonographiques de l’époque publiés sous le label Steeplechase. Ici, la preuve éclatante en est simplement apportée par l’image Les trois premiers morceaux sont issus d’une séance en Hollande enregistrée pour la télévision néerlandaise. Dexter accompagné de la rythmique type de l’époque jouait avec G. Grunz (p) et Daniel Humair ( alors tout jeune batteur). Un What new admirablement filmé domine cette partie. Chorus de Dexter absolument renversant de facilité, de sensualité. Extra terrestre. Les deux morceaux suivants furent captés à Lugano en Suisse et enfin les 3 derniers à jazz Prisma en Belgique.

Alors se succèdent ces images rapprochées de Dexter suant à grosses gouttes, Dexter au plus près de cet instant, mais Dexter s’en fout, car Dexter a quitté ce monde, Dexter s’envole avec son saxophone dans une sorte de dimension dans laquelle définitivement nous ne sommes pas. Mais qu’il nous permet, en rêve d’approcher un peu

Jean-Marc Gelin

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8 janvier 2008 2 08 /01 /janvier /2008 22:49

JJJJ(J) Non stop travels with Michel Petrucciani - Live in StuTggarT

De Roger Willemsen

 

petruciani-dvd.jpgC’est bien plus qu’un travail que livre là Roger Willemsen. Plus qu’un hommage bien sûr et plus encore qu’un témoignage, une sorte de déclaration d’amour fraternelle entre lui et son sujet Michel Petrucciani. Et il ne peut pas en être autrement pour parvenir à tant de complicité, tant de liberté dans l’échange et tant de sincérité aussi. Alors entre eux tout est dit, rien n’est éludé et naturellement tous les thèmes sont abordés tout au long de ce chemin que nous parcourons en 1995 avec Petrucciani de San Francisco, à Paris et enfin à New York. Et il faut rendre hommage à la simplicité, à l’humour et à l’immense force du pianiste avec qui il était possible de parler de tout, de la vie, de la maladie, de la souffrance, de la mort, de l’amour et de ses souvenirs d’enfance sans la moindre gêne.

 

Ce DVD n’est pas un inédit et il avait été diffusé il y a quelques années par la chaîne Arte. Beaucoup le connaissent donc déjà. Il est complété par un concert donné par le pianiste à Stuggart en février 1998 moins d’un an avant sa disparition en janvier 1999.

 

Michel Petrucciani dont jamais autant que dans ce DVD nous n’avions pu percevoir la force titanesque qui l’habitait. Et nous ne parlons même pas de son courage même si toujours il s’impose d’évidence. Nous parlons de ce regard pétillant et malicieux toujours porté sur le futur de lui-même. Cette gourmandise de la vie autant que cette volonté farouche de la mordre à pleine dent

Les rires succèdent aux moments d’émotion pure. On rit lorsque Petrucciani parle de la mort et de son agnotisme ( je veux bien croire qu’il y a quelque chose après la mort mais si je me suis trompé je demanderai à ce que l’on me renvoie sur terre !) et l’on pleure lorsque Charles Llyod, 20 ans après leur première et magnifique rencontre, reprend la même prose qu’une photo de l’époque et lui dit combien il est aujourd’hui un homme fier de lui. Petrucciani parle de tout très simplement. Il évoque son père, musicien pour qui il avait une admiration sans borne ( terrible souvenir de cette séance de répétition tant attendue et tournant au désastre),  il évoque le jazz et un peu son regard sur les autres pianistes. On rit encore lorsqu’il raconte ce thème qu’il avait composé pour Charles Llyod « She did it again » que d’aucuns croient dédiés à une femme et qui en fait raconte l’histoire de Josy, la chienne de Charles Llyod qu’il emmenait en voiture et qui ne cessait d’émettre des pets insupportables ! On frémit lorsque Roger Willemsen ave une infinie délicatesse pose à Petrucciani la question de la souffrance. Moment terrible.

Ce voyage réalisé en 1995 avec Petrucciani le mène en studio lorsque fut enregistré l’album Flamingo avec Stéphane Grappelli et Roy Haynes (ainsi que George Mraz). La rencontre de trois générations de jazzmen mythiques. Et l’on suit Petrucciani concentré et ému à l’écoute d’un chorus de Grappelli et s’en aller voir avec une grande humilité ce vieux monsieur pour lui dire combien il avait été touché par ce qu’il avait entendu. Le DVD s’achève sur un rêve, comme un défi lancé un jour à l’heure du thé dans le jardin de Charlotte Rampling : Willemsen lançait l’idée de filmer Petrucciani assis devant un piano posé sur le toit d’un building en plein cœur de Manhattan. Quelque mois plus tard un hélicoptère un peu kitsch tournait dans les airs autour de cet homme de génie posé sur le toit du monde et de nos rêves. L’image s’arrête, nous laissant le regret de ne pas avoir connu l’homme. Nous laissant aussi avec le souvenir d’un extraordinaire musicien dont on perçoit aujourd’hui l’empreinte qu’il laisse sur des générations entière de pianistes et qui, irrémédiablement ne cesse de nous manquer.                                                                            Jean-Marc Gelin

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 08:42

JL Mahavishnu Orchestra : «  live in Montreux 1974 – 1984 »

Eagle vision 2007




Ce nouveau DVD de la série des « live » à Montreux propose une double approche du groupe légendaire du guitariste britannique John Mc Laughin. On connaît les vicissitudes qui ont émaillé la vie de ce groupe maintes fois dissous et maintes fois reconstitué.

Du coup Eagle Vision nous propose deux concerts. Le premier proposé dans son entier propose est un concert de 1984 dans une version qui sentait déjà un peu la fin du groupe et où il était surtout question d’y entendre sa belle association avec Bill Evans (le saxophoniste, pas le pianiste !!). Pour le reste, ça déroule en toute sagesse un tapis jazz rock qui à l’époque déjà avait quelque chose d’un peu désuet.

En revanche gloire et honte à Eagle qui propose un 2ème CD dans lequel on entend sur deux titres très longs la version de 1974 avec Jean Luc Ponty au violon et Gayle Moran aux claviers (La femme de Chick Corea et future membre de Return to Forever). Bien plus intéressant en effet en ce que l’on entend là cette musique en mouvement. Cette musique qui cherche sa voie entre jazz, rock et pop ne manque pas en effet de belle inventivité dans le sillage tracé quelques années avant par Miles dans Silent Way et sur lequel Weaver Report ou Return to Forever de Chick Corea traçaient leur route.  Mc Laughin en grand ordonnateur impose le blues comme le rock le plus lourd, prolonge le son d’un quatuor à cordes tandis que Ponty lui-même au violon s’inscrit dans la résonance de sa guitare. Quel dommage qu’à cette époque le batteur Billy Cobham ait déjà quitté le groupe et qu’il ne nous soit pas donné de l’entendre.

Mais la supercherie vient surtout de ce que cette version de 74 n’offre que deux titres, les autres étant uniquement audio ce qui, pour un DVD est franchement limite et doit nous inciter à la prudence avant de nous précipiter sur cette production somme toute très moyenne.                                                                                       

Jean-Marc Gelin

 

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12 juin 2007 2 12 /06 /juin /2007 07:32

JJJ MARC RIBOT: “The lost string – La Corde perdue”

La Huit DVD Edition 2007

 

MARC-20RIBOT-20copie.jpg

La Huit
, producteur de DVD documentaires de qualité a eu la belle idée d’étoffer son catalogue «  musique » d’un DVD consacré à l’un des guitaristes majeurs de la scène actuelle. Car dans le prolongement des amis de John Zorn, Marc Ribot est en effet un guitariste New Yorkais qui compte énormément tant sur le plan d’une certaine conception de la musique que sur celui de la pratique de l’instrument. Un musicien en constante réflexion. Un de ceux qui avec d’autres comme Marc Ducret en France par exemple fait partie de ceux qui réinvente sans cesse l’instrument bien que se situant dans une veine radicalement différente de son compère français. Et Marc Ribot malgré ses régulières apparitions de ce côté-ci de l’Atlantique (à l’occasion de Banlieues Bleues notamment) reste relativement peu connu du grand public en France. Songez que l’ Encyclopédie du Jazz par exemple n’en souffle pas le moindre mot.

Il était temps de lui consacrer un  travail et de tenter d’approcher au plus près de sa démarche. Car celle-ci est complexe et absolument pas linéaire, empruntant des voies inattendues et inclassables. Car Marc Ribot, souvent associé à son compère de toujours Anthony Coleman a été de toutes les aventures musicales undergound de New York en passant par la scène néo-punk des Rootless Cosmopolitans où il avouait son adoration pour le Prime Time de Ornette Coleman, aux scènes alternatives du jazz qui l’emmenaient loin du côté de la Knitting Factory. Mais Marc Ribot est un boulimique de musique, considérée presque comme un champ expérimental pour toutes ses tentatives et multiples recherches. Il s’enorgueillit d’avoir joué  à la fin des années 70 avec l’organiste Jack Mc Duff, Etta Jones ou Jimmy Mc Griff à l’époque où il passait pas mal de temps du côté du Key Club. Ou encore revendique t-il clairement d’avoir joué de la soul music à un moment de sa vie avec Solomon Burke. Sans parler des rythmes afro-cubains d’Arsenio Rodriguez avec qui Marc Ribot a eu longtemps l’occasion de jouer.

Dans ce travail documentaire particulièrement bien réalisé, Anaïs Mosaïc semble en totale admiration pour son sujet, captant au cours de bribes d’interviews réalisées récemment ou provenant d’archives, la cohérence d’un discours complexe. Pour mieux pénétrer au cœur du personnage, la réalisatrice laisse s’exprimer le musicien en concert en groupe ou en solo dans un  travail documentaire qui ne se situe jamais dans une logique chronologique qui aurait été ennuyeuse mais en tentant d’approcher un fil conducteur dans la démarche artistique du guitariste. Pas sûr d’ailleurs qu’elle y parvienne totalement tant le sujet est caméléon. Mais si l’on retient une sorte de ligne directrice de son travail, elle viendra sûrement du blues, une sorte de blues venu de l’âme de New York, une certaine façon de faire gémir la guitare toujours ressentie comme l’expression d’une douleur sauvage. Au fil de ces belles images on entendra Marc Ribot dans des contextes aussi différents que dans une salsa endiablée (prise à banlieues Bleue) ou dans une sorte de sublime flamenco joué en solo en hommage à son maître, Frantz Casseus qui lui apprit la guitare à l’âge de 11 ans. Capable aussi de  transfigurer littéralement un thème aussi connu que St James Infirmary, Marc Ribot apparaît comme il est, un artiste total avec ce que cela suppose de gravité légère.

Un travail assurément exemplaire et particulièrement éclairant sur la dimension autant humaine qu’intellectuelle d’un artiste absolument majeur dans l’histoire du jazz et de la musique actuelle.

Jean-Marc Gelin

www.lahuit.com


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4 juin 2007 1 04 /06 /juin /2007 22:26

JJJ Daniel Humair, la batterie jazz

#1DVD

Nocturne NT 103

 

danielhumairdvd4557.jpgSans évoquer la batterie jazz comme le batteur- écrivain Georges Paczynski dans son histoire en trois tom(e)s, Daniel Humair fait œuvre de pédagogie dans ce DvD et donne son propre « discours de la méthode », appuyant ses analyses et commentaires toujours simples et précis, sur sa propre expérience musicale. Sa carrière de sideman  est des plus impressionnantes ( depuis ses débuts il  y a une cinquantaine d’années, il a  joué avec les plus grands musiciens européens et américains). Enseignant au CNSM, il  a aussi assumé le rôle de leader, invitant de jeunes instrumentistes dans ses nouveaux groupes.

Gaucher naturel mais  ambidextre par ailleurs, son style et sa technique sont uniques et il entend prodiguer généreusement  quelques-unes de ses  recettes : comment distribuer de façon complexe et asymétrique les accents tout en conservant une grande continuité rythmique,  travailler à l’égal des percussionnistes les timbres les plus variés.   

Si ses conseils ne manqueront pas d’intéresser les débutants ou les amateurs non pratiquants,

Humair va plus loin et  présente sa conception de la batterie ternaire, jazz.

Pour les batteurs de jazz qui commencent le métier, les questions sont  « qu’est ce qu’un batteur de jazz ? Comment improviser  et  pourquoi ne peuvent ils pas utiliser ce qu’ils connaissent du tambour pour le faire ?»

Si la mise en place reste essentielle, Daniel Humair renvoie, sans se poser en historien pour autant, à l’écoute indispensable des enregistrements les plus marquants qui témoignent des diverses façons d’interpréter le jazz :  Ben Webster et Sonny Rollins participent en effet d’une même lignée même si leur jeu est très différent.  

Le DVD présente trois parties : la première intitulée « Découvertes et Connaissances » détaille tout de l’instrument :  les choix de réglages, la position et tenue des baguettes, le rôle dans l’orchestre et le langage jazz . S’édifient devant nous les différentes composantes de la batterie jazz que Daniel Humair présente sobrement, en expliquant ses choix.  Ainsi considère-t-il la grosse caisse comme un tom supplémentaire au son très grave, il aime choisir des cymbales variées, une gamme adéquate et …légère de préférence. 

Il préfère jouer avec les talons posés sur les pédales de grosse caisse et de charleston, recherchant une véritable élasticité dans les mouvements,  avec pour résultat un claquement de charleston sec et coupant. Il saisit ses baguettes d’une certaine façon, à plat toujours (donc évitant le réglage incliné des fûts).

Avec logique, il explique qu’il faut savoir se ménager, que parfois un effort plus grand donne un résultat moindre : l’olive de la baguette doit avoir le circuit le plus long, suivre un mouvement gracieux qui vient de très haut et le batteur ne doit jamais perdre de vue que l’attaque doit revenir immédiatement.

Démonstration à l’appui, il explique que des « papa maman » ou des « moulins » exécutés dans le vide, auront l’avantage,  sans déranger les voisins, de donner l’aisance et la sûreté du geste. Enfin, seul le tempo travaillé le plus lentement et le plus régulièrement possible permet d’obtenir une maîtrise parfaite. 

La deuxième partie intitulée « Pédagogie » est constituée d’exemples nombreux et de démonstrations éloquentes soulignant le travail d’indépendance totale, les écueils du phrasé ternaire, le travail spécifique du jeu de balais, sans oublier des exercices qui sont proposés aux apprentis batteurs.

Le DVD propose en bonus un court métrage sur le travail en studio, avec Louis Sclavis et Jean Paul Celéa, d’un des titres de l’album Air Libre du guitariste JP Muvien et ensuite le même morceau « Couscous Purée », joué en concert au Triton, en novembre 2005.

 

Daniel Humair témoigne ainsi avec bon sens et efficacité de sa formidable expérience de la batterie. Il a su donner ses lettres de noblesse à l’instrument, le « démilitarisant » du tambour de base.

Son credo implique donc  la « prise de pouvoir du soliste, qui a un  rôle d’initiateur, d’arrondisseur d’angles et de soutien du tempo ». Il souligne aussi l’importance de la chanson des fûts, conseillant de travailler plus encore que la figure rythmique, sa petite chanson,  à la façon des percussionnistes indiens qui chantent les phrases, avant de les jouer.

Enfin, chez ce musicien exceptionnel est resté intact le désir de garder toujours main mise sur sa propre distribution de sons, en club ou dans une salle de concerts. Il est, décidément,  encore à l’heure actuelle, l’une des meilleures illustrations de la fonction  créative de l’instrumentiste-batteur de jazz.

Sophie Chambon

 

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