Dans le petit monde du jazz dans lequel nous évoluons, l’univers peut nous sembler étroit et parfois confiné. Un peu étouffant. Dans ce microcosme dont on fait assez rapidement le tour, tout le monde se connaît et se reconnaît, à l’entrée des clubs de jazz et dans les « milieux autorisés ». Comme dans toutes familles nous avons nos guerres de clans, genre de guerre des boutons qui ne dure jamais bien longtemps. C’est drôle de voir les tranchées sans merci entre les « pro » et les « anti » qui d’un mois sur l’autre basculent dans le camps d’en face et fraternisent avec les ennemis d’hier au gré d’un concert ou du dernier disque entendu et autour duquel on se retrouve en se tapant sur le ventre. Nous avons nos codes, nos écoles et évidemment le soleil brille bien plus fort chez nous qu’en face. On a nos « Monseigneur Lefebvre », nos partisans de la musique en latin, nos figues aigres et nos raisins moisis. Cela n’a guère changé avec le temps et les « clochers » sont assurément bien gardés. Les partisans du jazz comme-ci ne se mêlent que rarement aux partisans du jazz comme ça et l'on voudrait nous faire croire à la suprématie des journaux de jazz « web » sur les journaux de jazz « papiers » lançant ainsi de faux débats sous l’oeil amusé ou consterné d’un public qui s’en bat les oreilles comme de son premier album de jazz.
Et c’est en partant de ce constat que certains en ont tiré la conclusion que le monde du jazz est un monde qui ne peut se contenter de cet espace clos et par trop fragmenté en chapelle. Il est urgent de se retrouver, de regrouper nos forces, de fusionner en quelque sorte. Car c’est à se diviser que l’on s’étiole. Or le jazz a besoin d’ouverture, de révolution et même de s’alimenter constamment de fausses notes. C’est ce qui lui donne vie.
Et par chance, l’ouverture nous allons la retrouver, l’été venu avec tous ces festivals, sortant ainsi de l’univers des réseaux de tel ou tel club pour aller à la rencontre d’un public pas toujours érudit mais toujours composé d’auditeurs formidablement généreux et curieux.
La révolution, nous la connaîtrons plus tard. A la rentrée. Des signaux de changement. Des signes de l’existence d’un monde en mouvement. D’une remise en cause perpétuelle de ses certitudes et de ses formats. Remise en cause sans laquelle tout risquerait de décrépir avant de tout simplement périr. Ces minis- révolutions sont une saine obligation qui nous est faite à tous, journalistes, musiciens, publics. Car le jazz ne cesse de tirer sa vie et sa formidable vigueur de ses petites morts domptées et toujours surmontées.
Des grincheux crieront alors aux fausses notes. Des puristes se lèveront, vilipenderont, quitteront la scène en criant au scandale ou bien jubileront bêtement dans leur coin. Ils en oublieront que le jazz c’est aussi l’art de composer avec la fausse note. L’essentiel en jazz c’est que cette fausse note soit toujours voulue et toujours bien placée. C’est là tout l’enjeu.
Jean-Marc Gelin
Redacteur en chef