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10 septembre 2006 7 10 /09 /septembre /2006 23:11

 

 

 

 

S’il y a bien quelque chose à dire aux enfants aujourd’hui c’est «  Vive la rentrée » !  Car finalement y a-t-il quelque chose de plus merveilleux que cette fameuse « rentrée » qui porte si mal son nom. Cette rentrée qui pour eux comme pour nous est justement le temps de la découverte. Le moment de sortir, d’aller apprendre ailleurs. La rentrée aux enfants comme à nous même va nous permettre de découvrir ce que l’on ne connaît pas. Et ce n’est pas un hasard si la rentré c’est aussi la période …..des sorties : sorties d’albums, sorties de livres, présentation de nouveaux projets, émergence de nouveaux artistes, éclosion de nouveaux talents.

Il nous appartient de lire et d’écouter ce que les artistes connus ou inconnus ont à nous dire, nous laisser séduire, aller à la recherche de ceux qui figureront dans les festivals de demain, écouter les premiers albums qui fleurissent en cette saison et remettre sur le métier ce que nous pensions savoir un peu trop mais que nous avions pourtant oublié. En voulant donner une place aux premiers albums et aux musiciens qui n’occupent pas forcément le devant de la scène, nous voulons aller dans cette voie. Découvrir ainsi ce premier album du saxophoniste Jean Charles Richard qui nous fait l’honneur d’une interview dans ces colonnes avant la sortie de son premier album le mois prochain. Mais aussi réviser nos classiques et se laisser émerveiller par les anciens. Hier les notes d’Ornette Coleman qu’à 76 ans que nous redécouvrions lors de son concert à La Villette suffisaient à nous convaincre en cette période de rentrée du bonheur d’apprendre et  de redécouvrir.

 

 

 

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3 septembre 2006 7 03 /09 /septembre /2006 23:04

JJJJTRIO BEYOND: “Saudades”

 Jack De Johnette/ Larry Golding/ Johns Scofield

 ECM 2006

A Coutances, on savait bien qu’il s’agirait d’un événement. Car ceux qui avaient déjà eu la chance d’entendre cet album présentant dans son intégralité 2h30 d’un concert donné à Londres en Novembre 2004 n’en était pas tout à fait revenu. Car ce trio créé au départ pour jouer en hommage à Tony Williams se situe bien au-delà d’une simple formation tournant autour d’un simple « tribute to ». Bien au-delà. Beyond. Le génial batteur de Miles Davis disparu en 1997 est certes bien présent dans cet album dominé par les couleurs jazz rock des années 70. Et ce n’est certainement pas un hasard si la réédition en 2003 de l’album « Emergency » de Tony Williams en trio avec John Mc Laughin (g) et l’organiste Larry Young est ici une référence incontournable. Deux titres (Spectrum et Emergency) en sont d’ailleurs repris. Mais « au-delà » de cet exercice on voit bien que les trois hommes peuvent s’emparer de n’importe quel répertoire et lui imprimer véritablement leur propre marque. Pourquoi pas alors s’aventurer du côté de Big Nick de Coltrane ou d’un énorme standard comme I fall in love too easily pour les façonner autrement, au-delà. Et c’est dans l’espace d’un long concert, totalement affranchi des contraintes de format, que ces musiciens parviennent, en temps réel à développer avec autant de science de l’improvisation, ce son et cet espace absolument uniques. Parce que les années ont passées et que ces trois musiciens géniaux ont goûté à d’autres délices, ils transcendent totalement le jazz rock des années 70 (ou fusion) tout en sachant y rester d’une grande fidélité.

 

 

Au rock moelleux de John Scofield s’associe le son lunaire d’un Golding marchant sur les traces d’un autre fameux organiste, Larry Young. Scofield survole l’exercice, balance entre improvisations totalement débridées, citations inventives (Seven Steps), chorus fous et sonorités poisseuses à vous coller aux basques comme dans Saudade qui atteint là des sommets de guitare. Golding lui, pose le jeu, déroule le tapis et lisse les inflexions de Scofield quand il ne se transforme pas lui même en deuxième guitariste comme dans ce Seven Steps to heaven   à un moment donné (tel Coltrane/Elvin Jones), Scofield s’efface pour laisser Golding et De Johnette dans un face à face à haute tension.

 

 

Pour se convaincre que cette association là est d’une complémentarité aussi évidente que riche, il n’est que d’entendre les longues introductions à l’orgue sur As One ou sur I fall in love sur lequel Golding crée une sorte d’éther musical, une torpeur languide totalement décalée en ouverture de John Scofield qui peut alors s’emparer du thème et se l’approprier.

 

 

Mais le maître absolu de cet album, l’extra terrestre, celui qui constamment imprime sa marque est l’IMMENSE Jack de Johnette. Jamais nous n’avions entendu le batteur atteindre un tel sommet. Et s’il y en avait un seul qui pouvait légitimement rendre hommage à Tony Williams, c’est bien lui. Maître absolu des cymbales (auxquelles il rajoute des petites cymbales inversées) son jeu est tout droit issu de celui du batteur de Miles. Mais «  au-delà » il incarne là une sorte de synthèse entre le jeu de Tony Williams et celui d’un Elvin Jones, les deux grands inventeurs de la batterie jazz avant Paul Motian. Jack de Johnette s’inscrit dans leur tradition et se lâche comme rarement auparavant. Porte cet album à bout de bras. Insuffle une mise en tension permanente, structure/destructure la base rythmique tout en donnant toujours le sentiment d’être constamment dedans, innove, invente, transcende le discours des musiciens. Anime et donne le tempo comme on donne la vie. Un travail de géant. De Johnette est le seul aujourd’hui qui peut à ce point et avec autant de génie, casser les riffs, casser les structures rythmiques sans jamais, jamais porter atteinte à la dynamique dont il reste le gardien. Joue avec le feu. Inventeur inouï. Son solo sur Spectrum, à la manière d’un Billy Cobham semble venir d’une autre dimension.

 

 

On pourra certainement objecter que cet album tourne un peu en rond autour du même modèle. Qu’il présente quelques longueurs. Celles que l’on retrouve forcément en concert lorsque les musiciens ne s’imposent plus aucune limite pour « tourner autour » et créer des espaces sonores. Mais il fallait ce temps long pour nous emmener dans leur autre dimension. Nous emmener au-delà. Bien « Au-delà ».

 

 

Jean-Marc Gelin

 

 

 

 

(*) Billy Cobham seul batteur à pouvoir rivaliser avec Johnette sur ce terrain là, avait signé en 1973 un album qui s’appelait justement « Spectrum »

 

 

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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 23:33
Éditorial

 

 Ne le cachons pas ce début d'été commençait à nous inquiéter un peu. La situation devenait franchement préoccupante et il était urgent que le monde du jazz en prenne conscience. Peut être est ce dû à la chaleur de l’été ou aux échos qui nous arrivaient des tribunes allemandes, mais le fait est que la désaffection des clubs de jazz tend à se confirmer sérieusement. Songez que pour ses deux concerts à Paris, le grand saxophoniste américain Tony Malaby n’a réuni à peine qu’une dizaine de spectateurs. On pourra toujours objecter que la musique qu’il proposait ces soirs là était ardue et difficilement accessible mais l’argument est un peu fallacieux car, pour le savoir, encore fallait il y être.

Heureusement face à ce risque de voir les salles continuer à se vider et les clubs fermer les uns après les autres, une belle initiative est née du côté de la rue des Lombards. L’association Paris jazz Club créée autour de Jean Michel Proust, Alex Dutilh, Claude Carrière, Stéphane Portet et Maria Rodriguez est née de cette volonté de ramener le public dans les clubs. Cette initiative va permettre aux spectateurs, une fois toutes les six semaines de bénéficier d’un tarif unique pour naviguer entre les 4 clubs que compte la rue. Ces clubs qui contribuent tant à l'essor du spectacle vivant, à la création instantanée bref à l'essence même du jazz. C’était une idée aussi simple qu’évidente. Encore fallait il la mettre en oeuvre. Chapeau !

 Du côté de la programmation des festivals  on trouvait là encore quelques motifs d’inquiétude. Une certaine morosité nous gagnait à voir les grosses machines se mettre en route avec une programmation lourde et démago qui semblait dérouler quelques affiches sans surprises et surtout sans aucune prise de risque. L’impression aussi d’avoir à affronter des organisateurs plus enclin à faire de l’événementiel pour VIP façon Stade de France qu’à ouvrir un espace inédit à un public avide de choses riches. Un grand nombre de musiciens français, chroniqués dans ces colonnes même et qui se sont signalés cette année par de belles sorties d'album nous ont dit qu'ils n'avaient aucun engagement cet été. N'y aurait il pas quelque chose qui cloche dans le paysage ?

Mais voilà il y a quelques exceptions heureuses. Découvrir par exemple que Blandine Hermelin qui préside à la programmation du très select festival d’Enghien cherche tout au long de l'année des chanteuses inconnues du public sur le web, découvre des talents nouveaux, les écoute et prend le risque de les programmer est en soi une démarche qui nous plaît. Chapeau là aussi !

Ailleurs, à Maisons Laffitte, Nicole Bykoff pour son tout nouveau festival prend elle aussi le pari de faire découvrir une scène d’Europe. Pour cette première édition elle a programmé des artistes venus de la scène belge. Il fallait oser. Chapeau là encore !

Et ce ne sont que deux exemples parmi d’autres de ce que les vrais passionnés du jazz sont capables de faire. Ceux qui sont investis dans leur propre festival font partie de ceux là, et comme ont dit en ce moment Outre Rhin ailleurs, "ils savent mouiller le maillot".

 Et puis il y a ceux aussi qui font le pari de l’intelligence. Ceux qui misent sur l’explication de texte. La Cité de la Musique   nous offrira à la rentrée un festival somptueux avec des têtes d’affiches exceptionnelles. Mais dans le même temps et parce que c’est aussi sa vocation il saura s’ouvrir à des conférences avec des invités vedette ou encore au cinéma avec quelques belles programmations au MK2 Quai de seine. Manière de poser quelques débats sur la place du jazz aujourd’hui. Encore une fois Chapeau

 Et au travers de ces exemples on voit bien que c'est à nous tous, programmateurs, journalistes, propriétaires de clubs et musiciens de susciter l'envie, le plaisir et la curiosité du public.

 Il y a dans ce paysage de début d’été bleu pâle autant de raisons de s’inquiéter que d’autres de se réjouir. Un peu comme une coupe du Monde qui commencerait en demi teinte et qui pourrait bien finir en apothéose.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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25 juin 2006 7 25 /06 /juin /2006 10:10
Éditorial

 

 En me réveillant ce matin j’ai bien vu que la presse s’agitait. J’ai bien vu que les sondages prévoyaient la victoire de Nicolas Royal aux prochaines élections présidentielles. J’en ai entendu certains se lancer dans de folles spéculations pour savoir si l’équipe de Zizou parviendrait à prendre moins de trois buts face au Togo. J’en ai même entendu annoncer de la neige sur les plages de Lacanau pour le 15 août. Mais sur les Victoires du jazz, rien, j’ai pas entendu un mot, zéro. Et à l’heure où j’écris ces quelques lignes j’ignore encore tout du palmarès alors que vous bande de petits veinards vous savez. Vous connaissez le choix de ceux qui comptent dans le jazz  (car il y a effectivement dans le jazz ceux qui comptent et recomptent encore…). Mais je suis sûr que vous, sacrés chanceux vous aurez été quelques millions de spectateurs à vous pâmer devant les yeux de la belle Isabelle Giordano qui est au jazz, il faut bien le dire ce que George Clooney est à l’association de entomologistes de France.

 Donc vous avez certainement une longueur d’avance sur moi. Et j’ai décidé, dans un long face à face avec moi-même dans la salle de bains ce matin, que je ne me déroberai pas et que je vous annoncerai avec trois métros de retard le résultat de cette 1223ème édition des Victoires Du Jazz. De me lancer à l’eau telle Pierrette Bres à l’heure du 20 heures annonçant avec panache ses pronostics pour les courses dans la troisième ! Ensuite libre à vous. Vous pourrez tout aussi bien me jeter au pilori et me couronner du titre du plus mauvais critique de jazz ou alors si j’ai raison me demander des tuyaux pour la cinquième à Auteuil. Alors bon comme Madame Irma, je me lâche, c’est sans filet, on verra bien !

 

 

 

 

 

Dans ma boule de cristal, je vois

 C Artiste ou formation de l’année : Daniel Mille

 C Révélation française : Eric Legnini

 C L’album jazz français : l’Influences des frères Belmondo (ou plutôt, les frères Belmondo pour Influences)

 C L’artiste de jazz vocal français : Elisabeth Kontomanou

 C La révélation internationale : Tineke Postma (mais là j’ai pas beaucoup de mérite parce qu’elle est la seule nominée….)

 Voilà maintenant vous n’avez qu’à comparer avec les résultats officiels et voir su je l’ai mis dans le mille (c’est le cas de le dire) ou  non. En tous cas une chose est sûre, si jean Paul Belmondo se met à la clarinette basse ou au trombone à pistons, sur un malentendu il pourra prétendre qui, sait à une nouvelle consécration. Jazzistique cette fois.

 

 

 

 

 

 

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17 mai 2006 3 17 /05 /mai /2006 07:41

 

Ces petits airs de printemps qui flottent dans l’air, ces terrasses de café qui commencent à se remplissent, ce soleil qui devient un peu plus chaud tout cela nous fait penser que le jazz va reprendre quelques couleurs. C’est la saison des festivals qui commence un peu partout depuis Saint Germain des Prés jusqu’au pommiers de Normandie en passant par les rives de Tanger jusqu’aux abords de Constantine. Et pourtant si l’on en croit la table ronde organisée par L’Afijma il y aurait tout lieu de s’inquiéter. Certes les festivals de jazz sont passés d’une 30 aine en 1984 à plus de 500 aujourd’hui.  Pourtant la part des fonds publics destinés à ces festivals est en constante diminution. Les DRAC n’octroient plus d’aide et il n’y a même plus de dossiers de subventions. Seules subsistent les aides à résidence. Alors, que L’AFIJMA organise une table ronde sur le thème : « Quelle  politique nationale pour le jazz », voilà qui est salutaire. Même s’il y aurait quand même beaucoup à dire sur le discours de fond et sur le choix des participants.

Mais finalement même s’il faut rester vigilant ce que nous constatons de notre côté c’est l’extraordinaire vitalité de la musique que nous défendons. Beaucoup de signes pour lesquels les pouvoirs publics n’y sont pas pour grand-chose, se multiplient de façon encourageante. Cristal qui fête ses dix ans vient d’ouvrir une première boutique récemment, les albums pleuvent et l’on se délecte d’entendre Gérard Badini qui sort aujourd’hui l’un de ses meilleurs albums, Philippe Ghiemetti que l’on croyait exsangue depuis la vente de Sketch nous revient pour de nouvelles aventures avec Minium et des talents nouveaux apparaissent comme Géraldine Laurent à qui nous donnons la parole dans ces colonnes.

Alors, ne boudons pas notre plaisir en ces premiers jours de mai. Le printemps du jazz s’annonce en effet plus fleuri que jamais.

 

 

 

 

 

 

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3 mai 2006 3 03 /05 /mai /2006 07:35
Interview du pianiste Nico Morelli

 

 

 

 

Quel est ce parcours avant que tu arrives en France en 1999 ?

 

J’ai commencé à jouer vers l’âge de 7 ans. Mes parents n’étaient pas musiciens, mais un jour ils m’ont donné un petit accordéon en jouet et à partir de ce jour là je me suis enfermé dan ma chambre pour jouer et jouer encore. Et quand ils ont vu que j’avais ce rapport à la musique, très jeune ils m’ont offert un piano. A 15 ans j’ai commencé à jouer dans des groupes de rock. En fait j’étais très déçu par les études classiques car j’étais déçu par l’enseignement qu’on y professait.

 

A cette époque j’étais fan de Pino Daniele. C’est un joueur de blues napolitain qui chante en dialecte. Dans ses disques, il invitait parfois des gens du jazz comme Wayne Shorter, Pat Metheny ou Chick Corea. Moi, à l’époque, je reproduisais à l’oreille les chorus de ces gens là qui me fascinaient. Et j’avais du mal à comprendre leur construction harmonique. Du coup, je me suis plongé dans le jazz rock de l’époque (Weather Report ou Steps Ahead). J’étais surtout branché sur le jazz électrique. Mais de fil en aiguille, j’ai atterri du côté de l’acoustique au point de tomber sur un album de Oscar Peterson qui est tombé comme une révélation. Je n’arrivais pas à croire qu’un être humain puisse jouer comme cela.

 

A 18 ans, j’ai vraiment décidé que je voulais devenir musicien (pas de jazz à l’époque). Et du coup comme j’étais, en Italie, trop âgé pour entrer dans un conservatoire j’ai fait mes études à l’extérieur mais tout en m’inscrivant chaque année aux épreuves des examens du conservatoire. J’étais assez motivé pour faire en 5 ans le cursus classique qui en principe en demande 10.

 

 

Cet apprentissage du piano a-t-il aussi été douloureux ?

 

Je l’ai pris comme une discipline très stricte et pendant 5 ans j’ai perdu tous mes amis, toutes mes relations et je travaillais de 8h du matin jusqu’à 11h le soir. Mes voisins étaient fous…. Mais c’était le seul but de ma vie même si pour moi à 18 ans, commencer du classique c’était déjà bien trop tard si l’on en juge par les gamins de 15 ou 16 ans qui deviennent très tôt des petits génies. Quand au jazz, il n’y avait pas vraiment d’écoles pour cela. Après mes années d’étude, j’ai fait quelques concerts de classique mais je continuais surtout à faire des masters class. Après mes études, en 1990 j’ai fait une audition pour un  cours de formation au jazz  qui durait deux ans dans une ville à côté de l’endroit où j’habitais (dans les Pouilles). Et parmi les invités du big band de la formation il y a eu des gens comme Steve Lacy, Glenn Ferris ou Paolo Fresu. A ce moment là, je ne jouais que dans les Pouilles. Dans ma région. En 1993/1994, j’avais déjà écrit quelques compositions et j’ai rencontré un saxophoniste italien avec qui on a eu la chance de faire un premier disque en 1993. C’était un groupe drumless. C’est ce premier groupe qui m’a fait mettre un peu le nez dehors et jouer un peu dans des festivals dans d’autres régions. J’ai commencé alors à véritablement côtoyer le milieu du jazz (musiciens, journalistes, éditeurs etc.…). J’ai alors pu jouer avec d’autres musiciens qui étaient bien plus avancés que moi dans leur carrière.

 

Puis en 1998 on m’a proposé un disque avec le très grand Marc Johnson à la contrebasse et Roberto Gatto à la batterie.

 

 

Ça doit être émouvant de jouer avec le dernier contrebassiste de Bill Evans On doit se sentir tout petit ?

 

En fait oui, mais il fallait que je dépasse la dimension du personnage parce que c’était mon projet, mes compositions, mon groupe. Il fallait que je me transcende. Mais jamais Marc Johnson ne m’a fait sentir le poids de sa notoriété. Extrêmement humble,  il m’a énormément encouragé. Le jour du premier concert il y a eu un retard de son avion qui venait de New York et on a presque annulé le concert. Il est arrivé à Rome juste une heure avant le concert. Pas le temps de répéter. J’imaginais alors qu’il n’y avait rien d’autre à faire qu’une sorte de jam session avec simplement des standards. Il est arrivé juste sur scène le temps de mettre le jack et tout a marché comme sur des roulettes tout simplement parce qu’il avait travaillé de son côté toutes mes compositions. Et il les connaissait par cœur. Et tout a été parfait !

 

Après cette expérience j’ai remonté mon propre trio avec des musiciens peut être moins célèbres mais avec qui je pouvais tourner plus souvent. On a alors beaucoup tourné et même gagné un concours international en 1998. On s’est à cette occasion trouvé sur scène avec Herbie Hancock, Dee Dee Bridgewater, Tom Harrell et là on a gagné le premier prix ! Du coup on est passé à la Télé et tu n’imagines pas ce qui m’est tombé dessus. Moi qui venais de mon village des Pouilles, on me reconnaissait dans la rue !

 

En octobre 1998, je n’avais pas beaucoup d’engagements en Italie et Flavio Boltro m’a proposé de venir en France. J’ai saisi l’occasion de venir faire un tour pour les vacances tout en profitant de cette occasion pour jouer un peu. Mais je n’avais pas l’intention de rester. Et de fil en aiguilles, j’ai rencontré pas mal de musiciens français et j’ai vite eu des engagements dans des clubs. Mais mon arrivée à Paris a été en fait mon premier contact avec une grande ville. C’était la première fois que j’habitais dans une mégapole. Et pour l’activité de musicien il y a une telle activité dans les clubs à Paris que tout s’est enchaîné. Et là j’ai d’un seul coup été confronté avec plein de musiciens qui ne me connaissaient pas forcément et qui m’invitaient de partout. Et surtout j’étais confronté avec des musiciens de tous les niveaux. Avec des bons et des mauvais musiciens. Je me rends compte que l’on progresse autant avec les premiers qu’avec les seconds.

 

 

En venant en France, tu es venu avec ton bagage universel, celui de la musique du jazz qui te permet de communiquer avec tout le monde. Est ce que cela a été aussi l’occasion de te confronter avec d’autres cultures musicales que tu ignorais ?

 

Ce qui est sûr c’est que j’ai retrouvé en France d’autres façons d’aborder la musique. A Paris il y a une multi ethnie bien plus importante qu’en Italie. J’ai donc pu confronter mes idées avec des musiciens Africains, Argentins, avec plein de musiciens qui ne sont pas forcément de jazz mais qui m’ont appris de nouveaux langages et qui m’ont donné de nouvelles ouvertures propices à ma propre musique

 

 

Dans ton gotha en matière de piano, quel et celui ou ceux qui t’influencent le plus ?

 

C’est un parcours. J’ai commencé avec Chick Corea, Herbie Hancock, Oscar Peterson pour arriver finalement à Art Tatum. Même si quelqu’un qui a dit que Art Tatum n’était pas un musicien de jazz sous prétexte qu’il faisait des variations et n’était pas réellement un improvisateur. C’est un musicien fondamental pour moi.

 

 

Cette référence n’est pas étonnante. Dans ton dernier album il y a c’est vrai dans ta façon de jouer celle d’un mort de faim, une sorte d’expression vitale et une énergie désespérée que l’on retrouve un peu aussi chez Tatum.

 

C’est vrai que lorsque j’ai enregistré mon dernier disque c’était l’un des moment les plus beaux de ma vie. Il est différent des disques précédents. Dans ce disque c’est un rêve de musicien ? Quelqu’un est venu me voir et m’a demandé d’enregistrer pour lui. Ce disque était une énergie plus qu’un projet. Et puis j’ai eu la chance d’avoir pour cet album Marc Burronfosse et Stéphane Kérécki, Aldo Romano et Stefano di Battista.

 

 

Tu aimes visiblement composer. As-tu beaucoup de demandes ?

 

Composer c’est aussi un défi, mais il ne faut pas le mettre à côté et ne jouer que des standards. Je regrette par exemple que quelqu’un comme Jarrett ne compose plus. C’est pour moi une expression intime essentielle de l’artiste.

 

 

 

 

Quelle est ton actualité ?

 

Je travaille sur ce film qui me prend pas mal de temps. Depuis mai 2004, un réalisateur m’a appelé pour me proposer de faire un film sur ma vie. J’ai raccroché en pensant que c’était une blague ; mais en fait il a rappelé ensuite et m’a donné rendez vous dans un  café. Il m’a exposé son idée. Ce sera un documentaire- fiction. Dans la partie fiction il y aura des acteurs. Par exemple Il y aura un enfant qui fera moi quand j’avais 3 ans, ou un acteur qui jouera mon rôle à l’âge de 15 ans et puis il y aura aussi de faux parents. Ça c’est pour la partie fiction. Pour la partie documentaire il y aura des invités, des musiciens avec qui j’ai collaboré, des interviews etc…. En fait l’équipe de réalisation me suit partout, filme mes concerts. Le film sortira avec le prochain disque que j’enregistrerai chez Cristal. Il sera aussi diffusé sur les chaînes de télé, Arte, Mezzo, la Raï.

 

 

Il y a donc un nouvel album en préparation

 

Je ne suis pas encore rentré en studio. Je rentrerai début 2006 pour une sortie en octobre 2006. Mais tant que cela n’est pas fait je ne veux pas trop en parler. Ce sera avec un groupe de jazz qui s’intègrera à d’autres éléments.

 

 

Dans tes rêves de musicien, avec qui rêverais-tu de jouer ?

 

Je crois que j’adorerais jouer avec Lee Konitz car c’est un musicien pur. J’adore cette école tristaniene. Dans le phrasé de Konitz il invente toujours des choses. Il ne retombe jamais sur les phrases qu’il a déjà joué.  Quand à Tristano c’est une musique sans compromis. Il est quasiment dans les mathématiques dans sa construction. La signification est purement dans les notes. Je pense que Tristano a inventé le free dans le sens où ils ont inventé des structures libres. Il y a un disque de Tristano qui s’appelle «  Descent into the maelstrom » c’est un disque qu’il a fait en superposant des bandes de piano. C’est encore plus avancé que le free. C’est incroyablement moderne pour l’époque. C’est ce que l’on fait aujourd’hui en électro mais à l’époque il le faisait en acoustique. Il était extrêmement moderne.

 

 

Tu écoutes quoi en ce moment ?

 

Ce matin j’écoutais « New Conception » de Bill Evans. J’adore sa notion du trio.

 

 

Justement, alors que Bill Evans semblait toujours mal à l’aise avec la place de la batterie, toi tu sembles t’appuyer beaucoup sur le drumming

 

Moi j’adore les batteurs qui donnent de l’énergie. J’adore cet échange d’énergie entre le batteur et le piano. Les bassistes tiennent la barque mais l’échange de l’énergie c’est pour moi entre le piano et la batterie. Il doit y avoir beaucoup d’intelligence de la part des batteurs pour comprendre et soutenir l’esprit d’un morceau. J’adore les batteurs comme Roy Haynes ou Tony Williams.

 

 

Sur ton île déserte tu emporterais quoi ?

 

Pour la musique c’est Keith Jarrett en live avec De Johnette et Peacock «  Still live » (ECM 1986). Sinon j’emmènerais un livre de James Redfield : «  la prophétie des Andes ». Et puis sinon un bateau.

 

Propos recueillis par jean marc Gelin

 

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30 avril 2006 7 30 /04 /avril /2006 17:42

Éditorial AVRIL

 

 

 

 

 

 

 

Je ne sais pas si vous aviez des doutes mais nous on peut vous rassurer. La musique est une affaire de professionnels pour professionnels. Il y a des sachants qui causent entre eux et s’échangent leur savoir entre eux, pour que vous, public béat et spectateurs éclairés vous puissiez écouter sagement et sans mot dire ce que l’on vous propose. Quand à laisser des espaces de création, des passages de témoins aux amateurs, c’est une toute autre histoire.

 

 

C’est en tous cas ce que doit penser l’Ariam (Association régionale d’information et d’actions musicales) qui vient de décider après plus de 15 années d’ateliers ouverts aux amateurs, de les supprimer tout bonnement et de faire de cette noble institution un lieu exclusivement réservé à la formation pour formateurs. Que l’élite reste ente elle. L’école c’est pour les gens qui veulent en faire leur métier, pas leur passion ! Cette décision est brutale pour les centaines d’élèves amateurs qui trouvaient là un espace d’apprentissage que leur refusent souvent les conservatoires, fermés au public adulte. Elle l’est tout autant pour les enseignants qui tous affirment la magie qui régnait dans ces lieux d’échange. Lieux de passion pour passionnés. Lieux de flammes partagées.

 

 

 

 

Il y a selon nous dans cette décision une grande stupidité. D’abord parce qu’on ne forme pas des formateurs en ayant perdu tout contact avec les élèves, fussent ils de simples amateurs.

 

 

Ensuite parce qu’il y a dans cette décision une indicible ignorance de ce que doit être la transmission de la connaissance. L’ignorance de ce que le meilleur des maîtres ne se nourrit pas que de son propre savoir mais aussi de l’échange avec celui qui ne sait pas. Qu’il se nourrit autant de ses connaissances que de l’esprit critique qu’il créé chez son disciple. La grand philosophe George Steiner : « La libido sciendi, la soif de connaissance, le besoin ardent de comprendre, sont inscrits dans le meilleur des hommes et des femmes. Comme l’est la vocation d’enseignant. Il n’est pas de métier plus privilégié […]. Fût-ce à un humble niveau, celui du maître d’école, enseigner, bien enseigner, c’est se rendre complice du possible transcendant »

 

 

Mais plus généralement alors que certains élus en France se battent pour instaurer une démocratie participative, et offrir aux citoyens des lieux d’expression, d’action et d’interaction, la décision de l’Ariam de fermer ses portes au peuple des citoyens de la musique nous semble extraordinairement rétrograde. Cette décision qui, paraît il n’a rien de financier mais procède juste d’une volonté politique va à l’encontre de ce qui se dit ailleurs, dans la rue. Avec la véhémence que l’on sait.

 

 

Le risque est alors de voir un grand nombre d’amateurs se détourner de l’art qui les anime faute de lieu d’apprentissage et par là même d’expression. Et c’est alors casser une des chaînes de la transmission du savoir. Celle qui va de l’enseignant à l’élève (ici l’amateur souvent adulte) et donc à l’enfant. Et c’est  cloisonner encore un peu plus les structures sociales dans lesquelles nous évoluons et dont nous aspirons à sortir un peu comme une bouffée d’oxygène indispensable à la cohérence du corps social par ailleurs bien fragilisé. On ne sait pas trop ce que la musique peut à gagner là dedans. On voit simplement ce que la culture en particulier et la société en général  ont à y perdre.

 

 

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12 mars 2006 7 12 /03 /mars /2006 14:42

 

 

 

Je ne sais pas si c’est moi mais je trouve qu’il flotte en ce début du mois de mars comme un vent d’optimisme sur la scène du jazz. Tout nous incite à sourire. C’est comme si c’était le printemps avant l’heure.

De très bons albums, de nombreuses BD,  nous arrivent de partout en ce dernier mois de l’hiver. Les chanteuses chantent bien et même les plus lyriques d’entre elles se mettent à bien chanter du bon jazz. Les clubs de jazz renaissent et le Duc des Lombards que nous pensions à vendre retrouve, avec l’arrivée de Jean Michel Proust une seconde jeunesse. Le label bleu d’Amiens, celui de Texier, de Steve Coleman et de Magic Malik fête ses vingt ans en beauté. Les noirs nuages qui avaient un temps recouvert le ciel de Radio Aligre (avec qui nous collaborons régulièrement) se sont provisoirement éloignés. Nos craintes de l’hiver sur la sauvegarde des droits d’auteur s’estompent avec l’adoption par le parlement d’une solution plus douce concernant la loi DAVDSI sur le piratage. De nouveaux talents émergent de partout. Selon les chiffres de l’Adami, ce sont près de 40.000 artistes qui ont reçu un paiement en 2005 soit 10% que l’année précédente témoignant ainsi de la force de notre vivier qui attire toujours à lui de plus en plus de talents créateurs. Et même si cela ne nous regarde pas ici, on ne peut pas s’empêcher d’applaudir la qualité d’un travail comme celui d’une Camille qui en se voyant décerner les récompenses des Victoires, montre qu’il y a encore quoiqu’en disent les esprits grincheux, une large place pour les talents nouveaux.

De quoi avoir de la musique plein les oreilles sur vos platines, dans les clubs,  la radio. De quoi nous donner de sérieuses raisons d’avoir le sourire aux lèvres. Un mois de mars à vous décrocher la lune….

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12 mars 2006 7 12 /03 /mars /2006 14:41
DERNIERES NOUVELLES DU JAZZ

 

 

 

Sommaire

 

 

Éditorial : ……………………………………………   p. 2

 

Les disques du mois : ………………………………      p. 3

 

Laurence AllisonJJJ

Suzie ArioliJJJ

Chris Cheek JJJJ

Emmanuel Cisi JJJ

Steve ColemanJJJJJ

Hubert DupontJJJ

Renée FlemingJJJJ

Jim Hall/ Enrico PieranunziJJJJ

 

Nicolas Rageau/ Yves Brouqui/ Grant Stewart/ Philip Stewart/ Joe Magnarelli JJJ

Michel Sardaby JJJJ

Lambert WilsonJJJJJ

 

 

Brèves de club………………………………………… p.11

 

Le coin de la feuille……………………………………     p.13

 

BD d’Jazz……………………………… …… ………   p.13

 

Interview de Nico Morelli……………………………….p.16

 

1

 

Ça s’est passé près de chez vous ……………          p.20

 

Les concerts à noter …………………………         p.20

 

On my radio            ……………………………       p.20

 

 

 

 

 

 

 

Éditorial

 

 

 

 

Je ne sais pas si c’est moi mais je trouve qu’il flotte en ce début du mois de mars comme un vent d’optimisme sur la scène du jazz. Tout nous incite à sourire. C’est comme si c’était le printemps avant l’heure.

De très bons albums, de nombreuses BD,  nous arrivent de partout en ce dernier mois de l’hiver. Les chanteuses chantent bien et même les plus lyriques d’entre elles se mettent à bien chanter du bon jazz. Les clubs de jazz renaissent et le Duc des Lombards que nous pensions à vendre retrouve, avec l’arrivée de Jean Michel Proust une seconde jeunesse. Le label bleu d’Amiens, celui de Texier, de Steve Coleman et de Magic Malik fête ses vingt ans en beauté. Les noirs nuages qui avaient un temps recouvert le ciel de Radio Aligre (avec qui nous collaborons régulièrement) se sont provisoirement éloignés. Nos craintes de l’hiver sur la sauvegarde des droits d’auteur s’estompent avec l’adoption par le parlement d’une solution plus douce concernant la loi DAVDSI sur le piratage. De nouveaux talents émergent de partout. Selon les chiffres de l’Adami, ce sont près de 40.000 artistes qui ont reçu un paiement en 2005 soit 10% que l’année précédente témoignant ainsi de la force de notre vivier qui attire toujours à lui de plus en plus de talents créateurs. Et même si cela ne nous regarde pas ici, on ne peut pas s’empêcher d’applaudir la qualité d’un travail comme celui d’une Camille qui en se voyant décerner les récompenses des Victoires, montre qu’il y a encore quoiqu’en disent les esprits grincheux, une large place pour les talents nouveaux.

De quoi avoir de la musique plein les oreilles sur vos platines, dans les clubs,  la radio. De quoi nous donner de sérieuses raisons d’avoir le sourire aux lèvres. Un mois de mars à vous décrocher la lune….

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Disques du mois :

 

 

 

JJJ  LAURENCE ALLISON : “Secrets”

 

Âmes 2005

 

 

Quelle artiste ! Laurence Allison signe les paroles et musiques des treize titres de ce nouvel album. Dans ses chansons, il est question de tempêtes intérieures, de parole bâillonnée (A prison of glass), de jalousie (« Il rêve, elle donnerait son âme pour se glisser par effraction dans ses songes et tout savoir de lui »/ Insomnia), d’aspiration à la liberté (« qu’on ne me tire pas les cartes, je veux espérer et douter, je veux être surprise chaque matin »/Let me doubt). Il est question de tous ses secrets tus enfouis dans la nuit de nos vies. Il est poignant ce jeu de cache-cache de la petite fille qui porte une étoile jaune, dont chacun des doigts est une poupée et qui finit par devoir se cacher pour de vrai (Hide and seek). Elle est émouvante cette rencontre entre une femme, l’enfant qu’elle était et la vieille femme qu’elle sera (The corridors of time). Elle est drôle cette arrivée de Bill Evans au 7ème ciel, où on lui ouvre les grandes portes en lui vantant les avantages des lieux pour un concert éternel ; il hésite et finit par avouer qu’il n’est venu là que pour visiter un ami. Il est difficile de pénétrer dans l’univers dense et hanté de Laurence Allison, parce que ses mots sont à la fois pesants (Born in the night), dérangeants et envoûtants. Sa musique est habitée, animée (est-ce un doux hasard que le label qui produise cet album se nomme «Âmes » ?). Elle a un don exquis pour l’écriture d’histoires courtes, de presque comptines et sait créer pour chaque titre un climat particulier, la palette de ses talents d’interprète pouvant s’exprimer ainsi largement. Elle est accompagnée, on aimerait presque dire portée, par trois pianistes d’exception, Alain Jean-Marie, Benoit Sourisse et Niels Lan Doky, qui servent sa musique avec un immense respect. Les artistes invités viennent enrichir et nourrir l’inspiration de l’artiste. Notons en particulier le sublime accompagnement de Didier Lockwood sur Una Palara. Un album qui ne livre pas facilement ses Secrets mais indubitablement de la belle ouvrage.

 

Régine Coqueran

 

 

 

JJJ  SUSIE ArIOLI BAND:  “Learn to smile again”

 

Justin Time Records 2005

 

 

 

 

« Learn to smile again » est un album-hommage au chanteur de country Roger Miller (1936-1992) qui reçut au cours de sa carrière 11 Grammy Awards. Excusez du peu ! Six des ballades de Miller sont interprétées par Susie Arioli avec la nonchalance qui convient bien à ce type de musique. Chemin de traverse pour cette chanteuse de jazz, habituée du Festival International de Jazz de Montréal et qui dans son précédent album, « That’s for me », ne chantait que des standards. Sur ce répertoire qui évoque les rocking-chairs, les longues chevauchées dans la plaine texane, les colts de John Wayne, le duo composé par la chanteuse montréalaise et Jordan Officer à la guitare et aux arrangements fait merveille. Leur complicité est absolument magique : elle, dans la plus pure tradition des chanteurs de country, lui dans un registre plus jazzy. Le son d’ensemble du Susie Arioli Band est capiteux et rond avec de belles guitares acoustiques, une discrète section rythmique et un harmonieux tapis vocal de Jason et Sheldon Valleau. On est sous le charme à l’écoute de cet album : du  magnifique standard de jazz By Myself revisité en folksong au très célèbre By the time i get to Phoenix de Jimmy Webb, en passant par les pièces composées par Jordan Officer et interprétées à la Django Reinhardt. Un album sans coup d’éclat et sans virtuosité extravagante. Ils sont dans le Less and Less (au passage sublime chanson de Miller). Avec eux, on part sur les routes à la rencontre de l’Amérique profonde et bien sûr on finit le voyage avec un bon blues à la papa composé par Jordan Officer, Leo’s blues.

 

Régine Coqueran

 

 

 

JJJJ CHRIS CHEEK: “Blues Cruise”

 

Fresh Sound New City 2005

 

 

 

Il ne faut pas prendre ce disque trop à la légère. Malgré les apparences (un titre-invitation au voyage, une jaquette en forme de carte postale, un répertoire de standards divers et variés) Chris Cheek n’a pas pris cette session par-dessous la jambe. Embarquons donc pour cette croisière de charme, la « Blues cruise » dans le sillage d’une digne nostalgie avec un quatuor de qualité. A l’heure où la grippe aviaire nous  menace en nous encerclant, on s’envole dès le premier titre sur les ailes d’un volatile porteur d’un onctueux son d’alto : incontournable, le majestueux Flamingo qui fit aussi les beaux jours du (très emphatique ) crooner Herb Jeffries. Et le final mancinien « The sweetheart tree » est un hommage à tous les merveilleux instrumentistes d’antan. Presqu’inconnu (ne pas confondre avec Chris Speed, à peine plus connu il est vrai ) ce saxophoniste soprano-ténor-alto  est somptueux dans les ballades de jadis comme dans ses propres compositions qui ne dérogent pas à l’harmonie de ce disque bienvenu.  Une formation chic et choc, remuante,  accompagne le saxophoniste puisqu’il s’agit du trio bien connu et toujours  impeccable  de Brad Mehldau. Que c’est bon de se laisser bercer par le deuxième thème « Low key lightly » du Duke ; si le pianiste est toujours capable d'infinies délicatesses de toucher et poursuit avec bonheur dans le fil de ses pulsions rythmiques,  c'est avant tout l'instrumentiste Chris Cheek que l'on découvre dans le même temps, soliste généreux, puissant, soucieux de la mélodie et du rythme. Ecoutez son solo à l’ambiance lunaire dans « Song of India » et vous comprendrez comment on peut construire un thème avec un étonnant sens de l'envol  : et puis c’est la « madeleine » du « Captain Troy et des Aventures dans les îles » que ce thème de Rimsky-Korsakov induit ! Il ne manque plus que Gilda-Rita  glissant sur le parquet du « dance-floor» pour que notre bonheur soit complet.  Bravo donc au label défricheur catalan de Jordi Pujol  « Fresh Sound  New Talent » ondoyant  et ouvert, qui  ressort aussi des « oldies but goldies »  tout à fait formidables comme ce  « Russell Garcia and his four trombone band » dans la série Jazzcities  où l’on réentend avec délice le tromboniste inspiré et ombrageux qu’était Frank Rosolino.

 

Sophie Chambon

 

 

 

JJJJJ STEVE COLEMAN: “Urban adventures”  

 

Elabeth 2006

 

 

 

 

Pas une seconde d’hésitation, 5 Smiles pour le dernier album de Steve Coleman !  Après Lucidarium qui était déjà un album superbe, Steve Coleman revient avec un album différent tout en restant la même, celui que l’on reconnaît entre mille. Et s’il faut avancer des raisons à notre enthousiasme débordant nous dirons d’abord qu’avec Steve Coleman c’est chaque fois une évidence : he « got the sound » !  On le sait bien, depuis le temps mais chaque fois on reste saisi par le son Coleman qui porte assurément la marque des géants. Jamais il n’a été aussi superbement parkerien. Et le truc, je vais vous dire, c’est que ce « son » Coleman et bien il ne le garde pas, il circule, comme une sorte d’énergie, de relais qu’il sait transmettre et insuffler aux autres musiciens. Par capillarité.

 

Cet album est construit à géométrie variable et les formules en solo ou en duo jouxtent celles en trio ou en septet (on y entendra ainsi la contribution de Jason Moran au piano, celles de Tim Albright au trombone ou encore Jonhatan Finlayson magnifique à la trompette, sans parler de Magic Malik, de Jeff  Watts ou de Sarah Murcia ou encore Nelson Veras). L’album remarquablement agencé renvoie les thèmes en correspondance les uns avec les autres. Ainsi la série des Ritual’s absolument exceptionnelles reprend la même formule mélodique pour l’adapter à différentes  formations (en solo –Aether-, en duo - water- en trio – earth ou en septet – fire). De même la série dans les Triads où le travail de Coleman  est une réflexion personnelle sur la signification non religieuse de la trinité revient régulièrement dans l’album. Base de ce que Coleman entreprend : une sorte de mystique non religieuse, une alchimie où l’ésotérisme côtoie la numérologie voire l’astronomie. Les parties chantées donnent lieu à deux morceaux d’exception, eux aussi en correspondance l’un par rapport à l’autre : Gregorian et Glyphs in motion. Dans ces deux cas il est question de thèmes conçus comme des fugues de Bach où Coleman multiplie les contrepoints derrière la vocaliste. Jen Shyu  ne chante pas mais se fait instrumentaliste vocale. Il n’y est pas question de belle voix mais de vocalises déformées parfois même grimacées comme pour donner à ses interventions une sorte de dimension d’une actrice de théâtre Nô.

 

Dans cette musique complexe harmoniquement mais dans laquelle l’auditeur entre avec facilité (on songe encore à Parker), la difficulté des structures ne cède jamais le pas ni au « son » ni au swing toujours présents. Des personnalités se dégagent comme ces quelques découvertes que sont le trompettiste Jonathan Finlayson ou le tromboniste Tim Albright. Et surtout il est l’occasion d’entendre une rythmique extraordinairement riche, baliseur d’un chemin circulaire.

 

Et s’il fallait encore donner une autre raison d’aimer cet album, il fat absolument parler des deux DVD qui se lisent sur le verso de chaque CD. Le premier est une passionnante interview de Steve Coleman. Le deuxième est un moment immense qui nous permet d’entendre durant près de 15mn Steve Coleman s’amuser en duo avec Marcus Gilmore, jeune batteur de 19 ans découvert au Brésil et qui montre dans cette vidéo (mal filmée au demeurant) qu’il atteint déjà la dimension des géants.

 

Label Bleu, le label qui produit Steve Coleman depuis déjà de nombreuses années en enrichissant son catalogue de ce bel ouvrage entre dans sa vingtième année de fort belle façon. Et Steve Coleman au sommet de son art lui fait là, à l’aube de ses cinquante ans, le plus merveilleux des cadeaux.

 

Jean Marc Gelin

 

 

 

 

JJJ EMMANUELE CISI: “Urban adventures”  

 

Elabeth 2006

 

 

 

 

Concernant le  très sympathique label Elabteh, on peut dire deux choses : d’abord qu’ils aiment les saxophonistes. On s’en était rendu compte avec le merveilleux album de Sam Newcombe il y a deux mois et ce mois ci avec Grant Stewart associé à Nicolas Rageau. On pourrait aussi bien dire que le label aime les albums consensuels. Ceux où l’on entend du bon jazz qui résonne entre tradition, évidence des thèmes choisis et une certaine modernité dans le jeu. Et l’album d’Emmanuele Cisi n’échappe pas à la règle. On y retrouve en effet un jazz bop revival servi par un remarquable ténor italien (ah les ténors italiens…).

 

Car Emmanuele Cisi qu’il soit au sax ténor ou au soprano est un saxophoniste de la nonchalance qui se ballade le nez au vent sur les harmonies des thèmes qu’il compose. On est assez d’accord avec les liner notes de Benny Golson lorsqu’il dit que, l’air de ne pas y toucher, Cisi n’hésite pas à prendre des risques. Là où certains saxophonistes croient s’en sortir en alignant des gammes descendantes suivies de gammes montantes le saxophoniste italien explore sans en avoir l’air toutes les possibilités harmoniques des thèmes qu’il joue avec un sens de la mélodie qui rend évidentes toutes ses compositions. Sur neuf titres il en signe 7 et interprète pour les deux autres un thème de Victor Young pour un superbe Weather of dreams et de Charlie Parker pour un Quasimodo aux arrangements particulièrement raffinés avec une guise d’intro et de conclusion un contrepoint avec le trompettiste niçois, François Chassignite qui semble là avoir été élevé au biberon de Kenny Dorham. A l’opposé d’un Stefano Di Battista qui semble parfois pressé d’en finir, Cisi joue ne se dépêche pas, toujours au fond du temps avec une précision rythmique diabolique à laquelle sa belle section rythmique n’est pas étrangère. Sur deux de ses compositions il ajoute avec un raffinement et une élégance toute transalpine une légère section à cordes. Sur lazy rainy Sunday Cisi fait pleurer le soprano qui devient alors un instrument à la lancinante mélancolie. Cielo Celeste est une composition ultra efficace presque chantante où Cisi fait sonner son ténor comme un alto cristallin. Sur Primaltina le ténor redevient velouté et la composition semble rendre un hommage à Benny Golson alors que le point de départ de La notte delle lucciole est une descente chromatique un peu à la manière de Midnight Sun de Lionel Hampton. Emmanuelle Cisi tout au long de cet album s’imprègne

 

de tous les styles de ce hard bop calme et posé que l’on trouve parfois chez Joe Henderson, parfois chez Benny Golson et parfois même plus près de nous chez Joe Lovano ( Weather of dream)

 

L’album de Emmanuele Cisi n’est assurément pas un grand album mais c’est un bon album de jazz. Qui ne laissera certainement pas un souvenir impérissable. Auquel on ne reviendra pas forcément tous les jours. Pas un chef d’œuvre mais un album parfaitement honnête qui donne à entendre un saxophoniste d’une grande intelligence harmonique et d’un sens mélodique remarquablement affûté. Album éminemment consensuel qui a fort peu de chances de décevoir les amoureux du jazz. Dont vous êtes.

 

Jean Marc Gelin

 

 

 

 

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