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26 février 2008 2 26 /02 /février /2008 07:32

Marie Buscatto

Éditeur : CNRS (28 juin 2007)

Collection : SOCIO.ETHN.ANTH


buscatto.jpgMarie Buscatto est chercheur en Sciences Sociales. Elle travaille comme Maître de conférences en Sociologie à l’Université de Paris I et au sein du laboratoire de George Friedmann au CNRS. C’est donc à ce titre et comme travail de recherche qu’elle a déterminé comme sujet de son étude la place des femmes dans le jazz. Entendez par là qu’il s’agit d’un champ plutôt restreint puisque non seulement les femmes restent peu nombreuses dans le jazz d’une manière générale mais qu’en plus Marie Buscatto confine son étude aux femmes dans le jazz hexagonal. C’est dire qu’elles se comptent sur le doigt de la main.

Son angle d’attaque consiste à travailler sur ce que nous observons dans le jazz comme miroir très grossissant de ce qui se passe dans d’autres secteurs de la société. Dans le jazz (comme ailleurs)  le rôle et la place des femmes dans un univers aux codes hyper masculinisés et, lâchons le mot, très machiste est en effet limité à des représentations globalement très sexuées. Apparaissent ainsi au cours des entretiens menées par la chercheuse, des barrières « non écrites » infranchissables. Les femmes sont en majorité cantonnées au rôle de chanteuses, contraintes de jouer avant tout sur les caractéristiques de leur féminité. Le clivage entre la chanteuse et les musiciens apparaît clairement et les chanteuses font un travail qui est ainsi très dévalorisé par les instrumentistes (hommes) qui dénient souvent à ces chanteuses le qualificatif de « musicien ». La pratique du jazz vocal est encore considérée pour grand nombre d’instrumentiste comme une voie mineure du jazz qui ne demande que peu de qualités musicales. Une sorte de sous -musique de laquelle émerge des figures de chanteuses souvent dévalorisées et abordées sur d’autres caractéristiques que celle que l’on utiliserait pour qualifier des musiciens.

L’auteur n’oublie pas cependant qu’il existe des femmes instrumentistes. Elles sont peu nombreuses (même si Buscatto oublie de mentionner leur part croissante). Mais Buscatto n’oublie pas en revanche de signaler la part très secondaire qu’il leur est réservé. D’abord parce que l’intégration au réseau des musiciens passe souvent chez les femmes par une stratégie matrimoniale, la part des musiciennes vivant en couple avec un homme du même sérail musical étant très fréquente (Ce qui au passage pourrait s’appliquer à un grand nombre de milieux socioprofessionnels fermés). Si la part des femmes instrumentistes leader est très faible, celles qui sont appelées comme pour jouer en sidewoman avec un autre groupe y est exceptionnellement rare. A partir de ces deux constats Marie Buscatto semble un peu tourner autour de son sujet. Elle enchaîne des chapitres fort intéressants qui tournent autour de quelques idées fortes mais néanmoins un peu simples si elles ne dépassent la simple approche anthropologique.

Dès lors deux réserves s’imposent à la lecture de l’ouvrage. En premier lieu le fait que sur une étude portant sur un champ d’investigation aussi restreint il n’y ait pas d’approche quantitative. On serait en effet en droit d’attendre d’une étude scientifique quantifiée. Qu’elle aille au-delà de la simple approche anthropologique faite de constatation et d’entretiens avec musiciens et chanteurs pour en livrer une approche quantitative. Car dans cet espace restreint et étroit un travail statistique aurait été utile. Nous aurions ainsi aimé dénombrer les musiciennes dans le paysage, la part des chanteuses, celle des instrumentistes, leur progression, leur nombre dans les écoles, leur place dans les programmations, les enregistrements en leader ou en sidewomen.

L’autre réserve tient à la forme de l’enquête réalisée. En effet les différents intervenants ne sont pas nommés. Toutes les citations sont attribuées non nominativement (de type : «  selon une instrumentiste femme de 45 ans »). Ce qui soulève un problème réel. Non pas que l’on puisse mettre en doute l’intégrité de son travail. Mais plus parce que en refusant de nommer ses intervenants, elle a certes obtenue une parole plus libre mais apporte un bien involontaire caution d’une certaine manière à un système très fermé et dans lequel les pressions sociales existent bel et bien au point d’en être parfois insupportable. L’auteur soulève de manière très discrète la question de la discrimination positive en jazz. Cette question qui peut faire sourire mérite néanmoins d’être posée. Dans son introduction elle rappelle la pratique au États-Unis qui consiste lors des recrutements de chefs d’orchestre à les faire additionner derrière un rideau de manière à ce que les jurys ignorent le sexe du postulant. Les résultats en sont étonnants et démontrent si besoin en était le chemin qui reste à faire pour parvenir à la parité ici comme ailleurs. Pour que le jazz se féminise enfin.                                                                          Jean-Marc Gelin

 

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13 janvier 2008 7 13 /01 /janvier /2008 07:36

JJJJ Compils BD MUSIC NOCTURNE 

 

                           BEST-OF-BD-JAZZ-copie-1.jpg                       

 

Noël passé, la nouvelle année 2008 ne fait que commencer, mais célébrons comme le bouquet final pour 2007 de la collection BD Music de Nocturne, la livraison de ces quatre superbes compilations Best of BDJazz,  Best of BDCiné, Best of The Girls, et Best of Christmas. Quel bonheur de redécouvrir ces pépites accumulées avec patience  par le directeur de la collection Bruno THEOL qui en assure aussi la sélection.

La thématique est claire et on retrouve les caractères propres à la série, BD-CD, notice chronologique, biographique et discographique détaillées.

Cette fois,  chacune des compils est constituée d’une BD confectionnée avec un titre et une des planches des principaux albums de la collection.

Ainsi, ce bel objet qu’est Best of BD Jazz que l’on aime feuilleter tout en écoutant Don Byas dans le ravageur « The man I love » a aussi  une vocation ludique et  pédagogique. Prenons le, il est parfait pour exercer ses talents en société dans  un classieux « blindfold test » avec des incontournables qui jalonnent l’histoire du jazz comme l’irrésistible « entrain » de  « Take the A train » de Duke Ellington, le velours incomparable de Coleman  Hawkins dans « How high the Moon » la version magistrale de « My funny Valentine » par Chet Baker, mais des outsiders se sont glissés pour piéger même les plus érudits : la version des Frères Moutin de « Stomping at  the Savoy » en surprendra plus d’un …

 

On aime se laisser séduire par  les « morceaux choisis » de Best of THE GIRLS, car il s’agit bien d’une  anthologie  des chanteuses,  un panorama de ces Ladies du jazz où figurent aux côtés des grandes prêtresses du culte, la triade d’ Ella, Sarah, et Billie, d’autres figures tout aussi « royales » comme Anita O’Day ( « Tea For Two »), Betty Carter (« I could write a book »), Peggy Lee (« How deep is the ocean »), Julie London (« I’m glad there’s you »), Annie Ross (« I love Paris ». Quel plaisir d’entendre sur plus d’une heure, ce palmarès des chansons de la belle époque du jazz,  florilège enchanteur de ce qui comptait alors, entre 1933 (Mae West in « Easy rider ») et 1959 (Marylin Monroe in « I wanna be loved by you ») avec une décennie de rêve, celle des années cinquante : voilà une formidable concentration de talents June Christie, Chris Connor , Blossom Dearie, Jo Ann Greer, Helen Merrill…

Ajoutons que les planches donnent un autre aperçu, complétant la lecture sonore,  des sensibilités des  graphistes d’aujourd’hui qui ont illustré à leur manière l’univers choisi.

 BEST-OF-THE-GIRLS.jpg

Le Best of BDCiné est plutôt exemplaire de l’âge d’or de Broadway,  des comédies musicales de Gene Kelly et de Fred Astaire :  on se souvient de l’extraordinaire « Singing in the rain » ou de l’entraînant  « On the town » (musique de Bernstein) , du cultissime « Wizard of OZ » avec le thème immortel d’ « Over the rainbow » interprété par la toute jeune Judy Garland.
Les grandes icônes de l’ écran, Marylin (“My heart belongs to Daddy”), Mae West (“I’m in the mood for love »), Marlene Dietrich (“La vie en rose”) ne sont pas oubliées et on est même tout étonné d’apprendre que ce n’est pas Rita Hayworth, la bombe Gilda , qui chante, en ôtant son long gant de satin noir « Put the blame on Mame’ mais Anita Ellis, tant Margarita Cansino était une artiste complète.

On ne dira jamais assez à quel point Woody Allen est précieux pour entretenir la mémoire de ce patrimoine musical, puisque la BO de chacun de ses films est un trésor pour les amateurs de jazz classique : dans « Hannah et ses sœurs », le trompettiste Harry James joue un entraînant « I have heard that song before » et dans « Play it again, Sam », le bon génie Woody ressort l’extrait  du film de Michael Curtiz Casablanca où le pianiste Dooley Wilson devant une Ingrid Bergman frémissante  joue « As time goes by » . Mythique !

Comment choisir parmi tant de souvenirs ? Bruno Théol le directeur de la collection  a fait ses choix et c’est ainsi que « Johnny Guitar » ou  « The Third man »   figurent dans la liste des musiques de films inoubliables…   

 

Enfin , tout à fait de circonstance, la dernière compilation,  Best of Christmas, consacrée aux fêtes de Noel est tout à fait étonnante pour un public non anglosaxon. Si on connaît « Jingle Bells » ou  « White Christmas » par Bing Crosby, on l’entendra ici dans  deux versions, par  the Ravens et par Clyde McPhatter& the Drifters,  si on se souvient de « The Christmas Song », chanson de Mel Tormé, interprétée ici par  Doris Day en 1946 et Nat King Cole en 1953, et si Dean Martin dans “The Christmas Blues” nous enchante comme d’habitude,  on découvrira “Let it snow, Let it snow, Let it snow” “”de Woody Herman en 1945 ; ou « Santa Claus got stuck in my chimney » par Ella avec l’orchestre de  Ray Brown en septembre 50. Et l’on comprendra à quel point le folklore de Noel est fort dans tous les pays  qui célèbrent  Santa Claus avec l’incontournable Bing Crosby  dans  « Rudolph the red-nosed reindeer”. Tandis que Eartha Kitt chante « Santa Baby » et Lightning Hopkins nous souhaite une « Happy New Year » en 1953, on se réjouira d’entendre l’inusable Satchmo qui comme toujours, se prête avec entrain, à la fête la même année, avec « Christmas in New Orleans » et « Christmas Night in Harlem » accompagné de l’excellent

orchestre de Benny Carter.  Rafraîchissant !                                                                                        Sophie Chambon

 

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:04

MILES DAVIS :

Alain Gerber

Fayard – 500 p

24€

 

miles-Gerber.jpg Décidemment les ouvrages d’Alain Gerber se suivent et… se ressemblent tous. Chaque année, l’animateur de l’émission vedette « le jazz est un roman », revient vers le mois de novembre (avant les fêtes) avec ses biographies romancées où il fait parler des personnages réels dans une sorte de fiction biographique où se mêle des monologues inventés à des faits avérés. On en a savouré quelques uns comme Louie (Armstrong), Billie (Holiday), Chet (Baker), Charlie (Parker) etc…

Et voilà Alain Gerber qui revient aujourd’hui tel le Beaujolais Nouveau avec cette fois-ci Miles (c’etait couru) qui, une fois n’est pas coutume ne surprend pas. Car à la différence de son modèle qui cherchait toujours le coup d’après, la réinvention de son art, l’évolution de son expression, les livres d’Alain Gerber se répètent et nous plongent dans une sorte de logorrhée sans fin qui au fil de ses ouvrages de l’auteur devient de plus en plus indigeste. Une lourdeur qui, pour le modeste chroniqueur, obligé pour la bonne cause de s’arrêter à l’ultime page 410 du roman, ressemble à un pensum. C’est un peu comme gravir l’Everest mais en moins beau. On exulte certainement de l’avoir fait une fois que c’est fini mais Dieu qu’est ce qu’on en bave avant ! C’est aussi un peu comme d’aller travailler un jour de grève. On a pas le choix quand faut y aller, faut y aller mais qu’est ce qu’on sera content quand on sera arrivés.

Pourtant Alain Gerber a choisi un angle d’attaque plutôt intéressant qui consiste à alterner la voix de Miles avec notamment celle de ses batteurs. Mais le premier (le pauvre) à ouvrir le bal est Max Roach  qui nous gratifie durant les 40 premières pages de tous les lieux communs que l’on peut rencontrer sur Miles. Alors comme c‘est le pauvre Max qui s’y colle, le voilà qui balance en ouverture tous les thèmes les plus lourds : Miles et les voitures, Miles et les femmes, Miles et la came, Miles et Bird, Mile set les femmes, Miles et son papa dentiste etc….. Comme ça c’est dit une bonne fois pour toute et on aura plus besoin d’y revenir….Alors Max parle un peu comme un intello alors que Miles qui lui emboîte le pas juste après et se pare d’un autre langage plus conforme à l’image que l’on se fait du personnage. Et tout cela sur le mode du monologue long et assez vain. On peut allègrement sauter des pages entières un peu comme l’on poserait le combiné de téléphone face à un incorrigible bavard qui s’écoute parler. Vous pouvez le reprendre 5 mn (ou 30 pages plus loin) après, la personne parle toujours sans que vous n’ayez rien loupé du discours qui tourne sur lui même.

Alors, s’il nous est permis de donner un conseil aux lecteurs de cette chronique déjà trop longue, ce serait d’aller vite se plonger dans le petit et dernier ouvrage de Philippe Roth (Un Homme) qui n’a strictement rien à voir ou bien d’écouter les émissions d’un certain Alain Gerber sur France Musique. Vous verrez ce gars là quand il cause dans le poste pour vous expliquer que le jazz est un roman sur France Musique tous les jours de 18h à 18h55,  il est absolument génial.                                                                                                           Jean-Marc Gelin

 

 

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:01

robert-copie-1.jpgPhilippe Robert est journaliste. Il collabore à plusieurs publications dont notamment Vibrations, Jazz Magazine ou les Inrockuptibles. Plutôt familier de cette musique à la marge, ayant lui même été à un moment très proche du groupe mythique Sonic Youth, Philippe Robert s’intéresse et nous passionne pour tous ces expérimentateurs, ces décalés de la musique, ces révolutionnaires du son.

A partir de 102 courtes fiches consacrées à ces musiciens, l’auteur revient de manière chronologique sur le parcours des musiques décalées, commençant sa course avec  les tentatives de Luigi Russolo qui, en 1921 ( !) cherchait à élargir la palette des sons aux sons industriels, et la finissant avec l’hyper expressionnisme de John Zorn (2007 ses « Six Litanie for Heliogabalus » – cf supra). On y trouvera alors des génies que tout le monde croit connaître comme Edgar Varèse par exemple ou Iannis Xenakis ou encore John Cage ou Stockhausen. On y découvrira d’autres bien moins connus comme Nancarrow, Moondog et autres Jacques Berrocal. Tout y est des bruitistes aux minimalistes, aux free jazzmen jusqu’aux tenants de l’électro acoustique. On y découvre ainsi un panorama des expériences les plus passionnantes jusqu’aux plus insolites que l’on soit captivés par l’approche scientifique de Varèse, fascinés par la vision cosmogonique de Moondog ou interpellés par Stockhausen qui conçoit la musique et surtout le son comme un véritable matériau artistique dont l’assemblage peut répondre à des lois plus ou moins aléatoires.

Le jazz y trouvera son compte avec Albert Ayler, Evan Parker, Jacques Coursil, Derek Bailey…. On y croisera aussi quelques personnages venus d’ailleurs comme Joe Jones (pas le batteur bien sûr) ancien franciscain frère copiste qui suivit une voie musicale après avoir participé à un album avec Yoko Ono et suivi des cours de pilotage d’avion dans le but un jour de doter les avions d’harmonica géant pour en faire de la musique volante ! Quelle poésie plus sauvagement libre ?

 

Chaque fois Philippe Robert s’appuie sur une ou plusieurs références discographiques par musicien, pour en livrer non pas une analyse musicologique mais plutôt une passionnante mise en perspective aux confins de la philosophie et de la sociologie musicale. Ce livre est un véritable puit de science dont on regrettera juste l’absolue frustration de ne pas avoir le matériau musical qui permettrait de découvrir un peu ces pépites de l’art musical du XX° siècle. Mais l’on se consolera en lisant l’absolument géniale introduction de Noël Akchoté qui ouvre ce livre sur les musiques expérimentales par une incantation papale : «  n’ayez pas peur » !

Non, n’ayez pas peur de vous perdre, de perdre toutes vos références, de vous laisser surprendre ou choquer. La musique c’est de l’art et l’art est là pour ça. C’est ce que montre et démontre cette brillante Anthologie de Philippe Robert : La musique véritablement comme l’exercice d’une forme de liberté et de pensée sur le monde.                                                           
Jean-Marc Gelin                                                                                                                                                                                               

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 08:38

JJJJ Judy gARLAND

BD Jazz - Nocturne

Garland.jpg

Dans la collection « BD Ciné » du label Nocturne qui a déjà publié entre autres Marilyn, Mae West, Fred Astaire ou Rita Hayworth, il en manquait une à qui il fallait absolument qu’ un hommage soit rendu, c’est Judy Garland. Celle dont on sait que sa carrière débuta de manière très précoce au point d’être l’une des enfants stars de Hollywood au même titre que son compagnon de toujours, Mickey Rooney, cantonnée à ses débuts dans des rôles sucrés de comédies musicales un peu gnian gnian mais que les petits comme les grands se repassent aujourd’hui encore en boucle au moment des fêtes de Noël. Celle qui immortalisa à tout jamais l’inégalé Over the rainbow qu’elle chanta dans le Magicien D’Oz à l’âge de 17 ans (ce qui était d’ailleurs considéré à l’époque comme un peu vieux pour le rôle), avait commencé déjà sa carrière 4 ans plus tôt avec, comme en témoignent ces intéressants CD qui accompagnent la BD, une étonnante maturité de chanteuse. Et l’on est surpris de voir à quel point Judy Garland a toujours su d’instinct faire la part des choses et savait se muer en chanteuse interprète, ajoutant ce petit quelque chose qui faisait d’elle à la fois plus qu’une chanteuse et aussi plus qu’une actrice. Et au-delà de cette actrice de comédie musicale mignonnette et bourrée d’énergie il y a surtout la vraie voix d’une très grande chanteuse. Lorsque Judy Garland chante une version géniale de Beir Mir Bist Du Shoen dans un film assez peu connu (Love finds Andy Hardy) on a le sentiment que personne ne pourra chanter le thème après elle. Le double CD qui agrémente la BD donne ainsi l’occasion de découvrir d’autres petites merveilles comme par exemple cette version de Singin’ the rain de 1940 dans un film là encore peu connu, Little Nellie Kelly sorti 14 ans avant le film de Stanley Donen et la célébrissime version de Gene Kelly.  Très (trop) tôt sur les rails, Judy Garland va enchaîner les succès du cinéma hollywoodien  avec des films comme Meet me in Saint Louis (1944), Ziegfled Follies (1946) , The Pirate (avec Gene Kelly) ou Easter Parade avec Fred Astaire (1948) et enfin et surtout A Star is Born de George Cukor en 1954. Sa vie est émaillée de mariages plus hollywoodiens les uns que les autres dont le plus célèbre avec son metteur en scène de mari Vincente Minelli  avec qui ils auront ensemble une fille Liza Minelli qui naîtra en 1946.

La partie BD est scénarisée et illustrée avec beaucoup d’inspiration par Annie Goetzinger, l’une des dessinatrices vedette de chez Dargaud qui a signé entre autres des BD comme Aurore ou Felina. Annie Goetzinger a aussi travaillé pour Fluide Glacial et l'Echo des Savanes. Visiblement inspirée par son sujet, la dessinatrice- scénariste fait parler Judy Garland dans une sorte de monologue inventé où l’actrice -chanteuse revient sur sa carrière dans une vision, plutôt amère de la machine hollywoodienne aussi prompt à faire naître les étoiles qu’à broyer les individualités qui finissent toutes par mourir un jour d’excès de gardénal ou de barbituriques. Le dessin, très réaliste et très stylé s’attache alors à faire revivre une époque et nous ramène au graphisme américain des années 50. Nous ramène à des images féeriques de comédie musicales gravées à tout jamais dans notre inconscient collectif de gosses éternellement émerveillés.                          Jean-Marc Gelin

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6 novembre 2007 2 06 /11 /novembre /2007 23:15

WILLIAM PARKER : « Who owns music ? »

William Parker

Buddy’s knife 2007


parker-who-owns-music.jpg

William Parker est l’une des figures majeures depuis 30 ans de l’avant garde New Yorkaise. L’une de ces figures tutélaires qui règne dans ce paysage post free. Un colosse à la dimension d’Ellington ou de Mingus, véritable figure de proue pour toute une génération de musiciens noirs de Harlem.

 

A cette question volontairement polémique et engagée ( à qui apprtient la musique ?) William Parker répond pêle mêle dans ce petit opuscule en faisant à la fois un retour sur lui même, en livrant une suite de pensées et d’analyses libres et personnelle du paysage musical. C’est à l’image de ce qu’est William Parker, totalement anarchique, volontairement déstructuré, drôle et parfois même carrément ésotérique.

William Parker théorise tout dans une sorte de vision philosophique et cosmogonique de l’univers.

Sur l’improvisation par exemple : « there is also a theory of non repetition, which means if we play a note, say, a Bb, at 12 p.m, and play the same Bb at 12 :01, it sounds different, because time is moving around us every second the earth is rotating”….. Comprenne qui pourra.

Parfois aussi W.P s’engage politiquement et parfois avec beaucoup d’humour. Des bribes de réflexion décousues apparaissent comme ces 16 « entries » posées sur un carnet entre 1967 et 2006. Entry 6: “What is free jazz = Is this a movement to liberate jazz from its schakles, its name and standing ? Does it mean the audience gets in free? The musicians play for free?”

 

Au delà de l’intérêt évident à suivre William Parker dans le flot de ses pensées pas si  désordonnées que cela, il y a de toute évidence autre chose qui en émerge. C’est notamment cet esprit de la scène undergound New Yorkaise qui transparaît à chaque page.

Malheureusement,comme l’ouvrage de Henry Grimes (ci-après) ces opuscules ne sont disponibles que chez un petit éditeur allemand de Cologne difficilement trouvable, Buddy’s Knife. Un jeu de piste pour les amoureux de l’esprit de cette musique irrésistiblement libre. Il reste simplement à espérer qu’il fasse un jour l’objet d’une traduction chez nous                                                                       - Jean-Marc Gelin

 

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6 novembre 2007 2 06 /11 /novembre /2007 23:13

HENRY GRIMES: « Signs along the road - poems »

Henry Grimes

Buddy’s knife 2007 
grimes-sings-along-road.jpg

Henry Grimes est un drôle de personnage. Une de ces légendes du jazz qui en ont écrit les plus belles pages lorsqu’il traîna sa contrebasse avec les plus grands musiciens de jazz New Yorkais des années 60 : Cecil Taylor, Sonny Rollins, Don Cherry, Pharoah Sanders et bien d’autres.

Mais Henry Grimes disparut un beau jour sans laisser de trace et il devint quasiment impossible de savoir où il était. Nulle part peut être. Beaucoup pensaient qu’il était mort. En réalité Henry Grimes, parce que les temps étaient terriblement durs pour les musiciens dans cette Amérique là, avait dû se résoudre à vendre sa contrebasse pour résoudre ses problèmes d’argent. Mais dans l’incapacité totale de racheter ensuite son instrument, Grimes se vit contraint de disparaître totalement de la scène, faute de moyens de jouer. Il disparut alors plus de 30 ans jusqu’à ce qu’un jeune cadre américain, par ailleurs grand amateur de jazz reconnut stupéfait en son gardien de parking celui qui n’était autre que son contrebassiste idolâtré. Alors lorsque la nouvelle se répandit que Henry Grimes etait bien là, en 2003 le réseau des musiciens se mit en marche et l’on raconte que l’on doit à William Parker de lui avoir racheté son instrument, de l’avoir remis en selle sur toutes les scènes de jazz du monde entier où l’on peut à nouveau l’entendre dans une sorte de renaissance à la musique et à lui même.

Durant toutes ces années d’errance Henry Grimes écrivait. Des poèmes essentiellement. Une 50aine de poèmes essentiellement mystiques et quasiment ésotériques que l’éditeur Allemand Buddy’s Knife se propose de publier aujourd’hui dans un petit opuscule préfacé par le guitariste Marc Ribot. Il y est question des forces obscures et des énergies telluriques qui régissent notre univers dans une espèce de labyrinthe dans lequel on peut se perdre et ne pas se retrouver. Juste berçés par les mots enchaînés les uns aux autres dans une sorte de musicalité poétique.

 

Comme pour le livre de William Parker on remarquera dans ces petits ouvrages l’extrême élégance de ces éditions particulièrement soignées dans le parti éditorial et la qualité des clichés superbes en noir et blanc qui émaillent ces ouvrages. Assurément du beau travail dont on attend avec impatience une version traduite en français                                                                  - Jean-Marc Gelin

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16 septembre 2007 7 16 /09 /septembre /2007 10:10

LE JAZZ

Philippe Hucher

Ed. Librio

75 pages – 2 €


le-jazz-librio.jpg



 
On serait presque tenté de dire qu’à ce prix là, l’ambition de raconter le jazz en 75 pages et pour la modique somme de 2 € seulement relève d’une gageure impossible à tenir. C’est pourtant ce que propose la collection Librio au travers de sa collection « Musique ». Elle nous avait pourtant notamment gratifié en son temps d’un très efficace et sommaire ouvrage sur Coltrane écrit par Pascal Bussy ( n° 267), mais là il faut bien avouer que l’auteur, Philippe Bucher qui pourtant ne manque pas d’offrir quelques réflexions intéressante sur le sujet s’est trouvé confronté à un sujet bien trop grand pour lui.

Refusant une vision qui aurait été chronologique de bout en bout il consacre la première partie à l’énoncé des grands courants du jazz préférant s’attaquer dans un deuxième temps à une vision plus sociologique du jazz et de ses interconnexions culturelles. Mais force est de constater qu’à vouloir hésiter entre un pur ouvrage didactique (ce qui est la vocation première de ce type d’ouvrage) et une approche plus personnelle, l’auteur dans les deux cas ne fait que survoler largement le sujet. Ce qui se comprend aisément compte tenu de la contrainte formelle. Dès lors une exercice ultra difficile comme donner une discographie que toute personne désireuse de découvrir le jazz est en droit d’attendre, se traduit par une sorte de non choix du type : voilà ce que moi, Philippe Hucher j’ai écouté durant l’année 2006 ! Ce qui, il faut bien le dire n’est ni un critère de découverte du jazz, ni obligatoirement un critère absolu de bon goût. On trouve alors dans cette 50aine d’entrées, du Bach par Glenn Gould comme du Franck Zappa, du Robert Wyatt ou encore du Suzan Abuelh. Mais de Lester Young ou de Duke Ellington, rien. Comme dirait l’autre : «  choisir c’est renoncer…. »

Quand au choix des supports de presse, si à côté de la presse nationale, quelques sites internet sont cités dont celui des Allumés du Jazz (no comment), on constatera la cruelle absence de celui (désormais incontournable) de Citizen Jazz et encore, plus impardonnable, celui bien sûr des Dernières Nouvelles du Jazz. C’est pas grave on est pas rancunier.

Mais quitte à aborder la question du jazz avec un grand « J » on ne saurait trop que vous recommander d’investir 25 euros de plus et de lire « Jazz dans tous ses état » de notre confrère Franck Bergerot aux Éditions Larousse. Vous en sortirez à la fois bien plus érudit et bien plus intelligents

Jean-Marc Gelin

 

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16 septembre 2007 7 16 /09 /septembre /2007 10:08

JJJJ La preuve par neuf 

Trois trios (Teddy Wilson Duke Ellington Ahmad Jamal)

Alain Pailler

Birdland, Rouge profond

2007

 

arton2434.jpg




Avoir à choisir trois trios pour illustrer l’intérêt de cette formule en jazz était une mission impossible dont Alain Pailler se sort avec aisance et savoir-faire dans l’ouvrage intitulé La preuve par neuf. Trois trios : Teddy Wilson, Duke Ellington, Ahmad Jamal, paru dans la collection Birdland, aux Editions Rouge Profond, dirigées avec talent par Christian Tarting.

 

Alain Pailler malgré son érudition dans ce domaine, ne se pose jamais en historien ni en chercheur musicologue. Il nous raconte ses souvenirs, ses émois en jazz. Ce n’est donc pas l’histoire des trios dans cette musique mais plutôt sa vision personnelle de cette musique au travers d’une formule intemporelle, qu’il affectionne particulièrement, peut-être parce qu’elle rappelle « la pulsation du jazz, d’essence ternaire.». Ce format est «la combinaison la plus exigeante…où chacun des membres affirme sans réserve et sans relâche sa personnalité propre».

Alain Pailler se risque à faire des choix précis, émet des avis parfois tranchés et peut-être discutables, mais il livre son appréciation sensuelle et sensorielle en amateur éclairé.

Dans le premier trio choisi, celui de Teddy Wilson, hommage est rendu au grand classicisme de ces gentlemen musiciens qui maîtrisaient parfaitement la langue jazz. « Nul n’attendait qu’ils réinventent le jazz à la façon d’un Martial Solal ou d’un Daniel Humair ». Mais dans ce trio sans contrebasse, Jo Jones sideman est un batteur sur lequel on peut drôlement compter. Plus que cela même puisqu’il a, selon Pailler, une rare qualité d’empathie, quasi-gémellaire avec le pianiste Teddy Wilson, d’où le titre de ce chapitre « Hommage aux Dioscures ».

Extrêmement prévisibles, les interventions en 1955 de Jo Jones, Teddy Wilson et Milt Hinton n’en sont pas moins admirables de précision d’élégance et de swing. Certes, ce jazz n’aborde pas des terra incognita comme le feront Bill Evans et Ahmad Jamal, mais « il ne manque pas pour autant de flamme ».

 

L’auteur ne pouvait pas faire l’impasse de Duke Ellington, objet de ses précédents ouvrages chez Actes Sud, mais dans la partie intitulée, « Duke et le pianorchestre », il reprend à son compte la déclaration du fidèle Billy Strayhorn : « Ellington jouait du piano mais son véritable instrument était l’orchestre».

Si, dans «Duke Plays Ellington» (1er mars 1961), on retrouve sa fascination pour l’Afrique, véritable «scène primitive», avec Mingus et Roach, il s’agit désormais d’une conception polémique du trio que propose « Money Jungle » (17 septembre 1962), refusant toute séduction, « formidable machine à broyer de la couleur… annonçant Randy Weston, ou Cecil Taylor ».

Ahmad Jamal, enfin, a l’originalité de ne pas suivre l’esthétique bop de son temps. Epris de mélodie, il est la synthèse parfaite du piano mainstream. Ni pur soliste de l’instrument, ni sideman, il a besoin de bien s’entourer pour élaborer son propre discours. Après la réussite d’une première formation avec le guitariste Ray Crawford, Alain Pailler souligne la véritable originalité du trio légendaire de 1958 au Pershing Lounge, avec Vernell Fournier et Israel Crosby, qui arrivait à faire entendre ce qui est là mais se dérobe sans cesse », de se refuser en quelque sorte à la déclaration, avec « le secret de la mise en espace »

 

Aux choix revendiqués, assumés, qu’il nous fait partager, sans omettre de précieuses indications discographiques, Alain Pailler inclut, dans sa Coda, en feintant quelque peu la contrainte imposée, Bill Evans dans son album posthume de 1977, l’admirable « You must believe in spring ». Ainsi, il a le mérite d’évoquer deux compagnons inattendus Peter Erskine, et Zigmund Eliot, jolie pirouette à la tradition critique qui ne manque jamais de citer le premier trio (Scott Lafaro et Paul Motian) et le dernier (Marc Johnson et Joe La Barbera).

 

Ainsi, avec des descriptions imagées et une sensibilité de romancier, ce livre entraîne à réécouter ces formations mythiques, ces associations parfois éphémères qui firent merveille et l’un des mérites -et non des moindres- de cette «Preuve par neuf» est d’inciter le lecteur à se précipiter, une fois l’ouvrage fini, sur les enregistrements cités pour se faire sa propre idée et se constituer sa petite histoire du trio jazz.

Sophie Chambon

 

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16 septembre 2007 7 16 /09 /septembre /2007 10:07

JJJ L’âme de Billie Holiday

MARC EDOUARD NABE

Ed. La petite Vermillon

Edition originale

270 pages – 8,50 €

 

 

Marc Edouard Nabe n’était pas encore né lorsqu’il découvrit Lady Day. Il était alors dans le ventre de sa mère qui était elle-même à un concert de Billie. Il est vrai qu’il était là dans un cocon favorable puisque l’écrivain Marc Édouard Nabe, de son vrai nom Alain Zanini n’est autre que le fils du célèbre clarinettiste, Marcel Zanini. Et c’est naturellement que durant son enfance, Marc Edouard Nabe fut amené à côtoyer les plus grands musiciens de jazz. Dans les années 50 son père jouait d’ailleurs dans les meilleurs clubs de New York. Un cliché pris en 1955 au sortir de l’Apollo hantera certainement l’imaginaire de l’écrivain durant son enfance. On y voit ainsi son père aux côtes de Clifford Brown, James Moody, King Pleasure et, au centre la photo, Lady Day (pas la femme au Gardénia mais juste la spectatrice de passage ce soir là avec l’un de ses salopards de mari). Dès lors son amour pour la chanteuse n’a jamais quitté l’écrivain. Un amour sans limite.

Dans cette réédition d’une version originale publiée en 1997, ne vous attendez pas à une biographie de la chanteuse. L’affaire est bien  plus grave puisqu’il s’agit d’une profession de foi. Mais Nabe ne se contente pas de dire qu’il aime Billie Holiday. Sa foi n’est pas aveugle. Au contraire, il sait bien pourquoi il aime. Un amour lyrique mais un amour savant aussi, capable d’analyser l’irrationnel. Car l’affaire est entendue pour Nabe, il n’y a pas et il n’y aura pas plus grande chanteuse de jazz que Lady Day. Et comme pour tout croyant cette vérité là ne souffre pas de contradictions. C’est un fait ! Et pour preuve il sait tout d’elle. Il a tout écouté, tout lu, tout entendu. Et il nous restitue tout. Et ce qu’il dit relève de toutes les passions amoureuses. Donc forcément il y a de l’érotisme. Celui que l’on voit, celui que l’on entend, celui de la voix de Billie qui fait l’amour aux mots qu’elle chante et celui qui laisse notre écrivain fou transi lorsqu’il entend Lester prendre un chorus derrière la chanteuse comme s’il lui murmurait une caresse dans le cou.

L’amour de celui qui n’a jamais pu se défaire de cette voix envoûtante. L’amour de la chanteuse mais aussi l’amour de l’âme de la chanteuse. La fascination pour cette façon de vivre et mourir sur scène. Pour cette façon de donner vie et mort aux phrases et aux mots. Marc Edouard Nabe le dit bien : «  le chant de Billie Holiday est l’oubli et la mémoire simultanés de ce qu’elle a souffert ».

L’écrivain Marc Edouard Nabe, de son vrai nom, Alain Zanini  est un génial manipulateur des mots. Chez lui se retrouvent toute une tradition des écrivains français des années 40 qui va de Vian à Céline. Un style à la fois direct mais aussi magnifiquement emphatique. Pas question de sentiments mous dans ce livre mais un dithyrambe d’érudit.  Bâti comme des chansons sur la base de petits chapitres très courts, suivant un ordre chronologique mais bousculant l‘ordre logique, passant du « elle » à «  je», se perdant dans les méandres de sa pensée lyrique, Marc Edouard Nabe donne rythme à son texte. Il y a dans ce voyage au pays de Billie Holiday comme des airs de voyages Céliniens à New York. L’écrivain journaliste qui jadis faisait les beaux jours de Charlie Hebdo aux côtés du professeur Chorron nous emporte dans une ivresse locutive, une suite des mots d’amour hallucinés et lucides :

Extraits :

Werner Schroeter disait que le son de la voix de Maria Callas le faisait saigner du nez. Les morceaux de Billie Holiday m’ont arraché plusieurs dents.

Ni grave ni aiguë, ni sucrée ni salée, ni aigre douce ni douce-amère, la voix de Billie n’a pas de tessiture : elle serpente dans les spectres sans se laisser classer. Elle fore les basses fréquences, déhanches celle des anches qui lui ressemblent : c’est un cygne aux harmoniques inférieur qui joue au basson, puis vibre en vol en laissant dans la mare les ondes suffisantes à troubler la verdeur du ciel reflété. Elle n’a pas de limite : son timbre n’est pas collé d’un tour de langue sur un registre quelconque. La glotte s’ouvre comme la caverne d’Ali- Baba, par Sésames résonateurs. On arrive jamais à imaginer que Billie Holiday possède des cordes vocales.

Il faudrait écrire un gros ouvrage cette fois sur sa voix même, des pages et des pages de listes d’images auxquelles sa voix nous attache, un genre de journal intime du timbre de la grande Dame Diurne.

Ce que son vocal évoque :

Vieilles gazes trempées lentement dans du jus de citron

Tigre pleurant dans un piège

Chat de gouttière qui se roule dans le sucre glace

Lac des Cygnes dans la  cendre

Chewing-gum ombilical

Dents qui tombent

Ski céleste

Fourrure qui brûle

Moteur d’aspirateur qui expire

Toboggans sous-marins

Bulles de savon crevées par coup de griffes

Tièdes douches de miel

Zig-Zag d’un lézard dans la nuit

Oraison d’un boxeur blessé

Luge sur de la fourrure

Confidence d’une descente de lit. »

 

A lire donc et déguster comme un verre de Château Latour après l’amour en écoutant de préférence les enregistrements de Lady Day en 1939 en compagne de Lester Young et de Teddy Wilson

Jean-Marc Gelin

 

NB : à lire de Marc Édouard Nabe son article sur Jaco Pastorius dans Jazzman de septembre

 

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