
Remi Masanuga (piano), David Patrois (vibraphone, marimba)
Paris, 1-3 décembre 2016
Arts et Spectacles ASCD 161204 / Socadisc
Il faut une bonne dose d'audace, et de talent, pour affronter de manière diagonale l'illustrissime partition de Bach, et ses 30 variations sur une aria composée, dit-on, par le tout jeune Johann Gottlieb Goldberg, élève du grand Jean-Sébastien, puis de ses fils. Le pianiste Dan Tepfer s'y était risqué («Goldberg Variations, Variations», Sunnyside), et brillamment, en faisant alterner chaque variation jouée à la lettre avec une improvisation qu'elle suscitait. Le parti pris de la pianiste Remi Masanuga est différent : pianiste classique, et qui avait enregistré ces Variations Goldberg voici quelques années, elle a désiré en 2012 rencontrer un musicien de jazz qui lui donnerait sur cette matière musicale une réplique improvisée. David Patrois a fait plus qu'improviser : il a conçu quelques arrangements qui entraînent certaines de ces variations vers d'autres univers musicaux, ici un boléro, là une rencontre fantasmée entre Bach et Steve Reich, ailleurs un tropisme africain, où le marimba sonne comme un balafon en liberté, tandis que le piano, imperturbable, trace sa route au plus près de la partition originelle, ou de l'arrangement élaboré pour l'occasion. Sans parler d'autres facéties qui bouleversent le rythme, révisent l'harmonie ou entraînent le vibraphone, seul, vers le hors piste. L'instant d'après la pianiste, seule, va donner une séquence telle qu'elle fut écrite. On trouve aussi plusieurs variations originales sur l'aria originelle. Tout se joue entre rigueur et fantaisie, mais manifestement dans un amour exclusif pour cette musique. Pas un disque de jazz au sens strict bien sûr, mais un disque empreint des libertés du jazz : un disque qui mérite vraiment le détour.
Xavier Prévost
Le duo jouera au Triton (Les Lilas, Seine-Saint-Denis) le 9 février à 20h
Un avant-ouïr sur Youtube