AVISHAI COHEN : « BIG VICIOUS »
ECM 2020
Avishai Cohen (tp), Yonathan Alabalak (b), Uzi Ramirez (g), Aviv Cohen, Ziv Ravitz (dms)

Que l’on ne se méprenne pas. Il n’est rien de plus détestable que de brûler aujourd’hui les idoles que l’on adorait hier. Et ceux qui lisent régulièrement nos chroniques n’ignorent pas combien nous avons porté aux nues le trompettiste israélien, considéré lors de ces derniers albums comme l’un des grands maîtres de l’instrument.
Il y avait chez Avishai Cohen le feu et la flamme. Avishai Cohen était un engniaqué !
Mais voilà, le trompettiste s’il avait réussi un sublime album chez ECM se voit contraint (contrainte d’un contrat d’artiste ?) de poursuivre sur la ligne esthétique qui régit les choix de Manfred Eicher. Et alors quoi ?
Et bien Avishai Cohen s’aplatit, s'affadit dans cet album où tout ce qu'il y avait d'un peu brutal dans son jeu s'arase sous l'ambition d'un renouveau Milesien dans le carcan d'ECM. La ligne d'horizon est droite et l'horizon c’est loin. C’est très loin.
On voyait pourtant dans le titre et la pochette de l’album la promesse d’une aventure un peu garage. Une réunion de bad boys prêts à en découdre. Et les premières notes du premier morceau sont à l’encan.
Malheureusement on tombe vite dans une sorte d’ambiant-jazz qui s’écoute sans plaisir ni déplaisir. Le prometteur King Knutter s’annoncait bien avec sa rythmique plus rock plus lourde. Mais on sent bien que pour le label c'est ici le point extrême de ce que peut supporter la firme helvétique.
Alors pour tout dire, on s'y ennuie légèrement mais sûrement. La rythmique est si sage et si dévouée au service du leader dont elle sert le propos en prenant bien soin de ne pas déborder, que l’on se demande même s'il elle existe vraiment.
Pas vraiment opératique. Pas vraiment animé d'une flamme porteuse. Pas vraiment dans la lignée des trompettistes du Nord sur lequel il semble vouloir se glisser ( Nils Petter Molvaer fait bien mieux dans ce registre) on peine à lui trouver un âme.
Justement cette âme du génial trompettiste israélien qui semble ici se dissoudre.
Mais où est donc passé Avishai Cohen ?
Jean-Marc Gelin