Jean Christophe CHOLET AMNESIA
Improvisations, piano
Label Infingo /Distribué par l’Autre Distribution
Photo: bertrandgruyer.com
Pochette : Maud Biron traitpourtrait.org
https://www.youtube.com/watch?v=EK7-a7m9VGs
Quatorze petites pièces, évidentes et pourtant pas toujours faciles, créées pendant le premier confinement, cet étrange état d’isolement qui a brutalement plongé tous les artistes dans la sidération, condamnés tout d’abord au silence, puisque privés de se rencontrer, de répéter. Il restait donc à utiliser cette période singulière, extra-ordinaire, “profiter” de ce drôle de répit, repos, pour se lancer dans un voyage immobile autour de leur chambre.
Comme Jean Christophe Cholet est pianiste, la tâche était relativement plus aisée, l’instrument conférant liberté et autonomie, une force presqu’orchestrale.
Enregistré en juin dernier, chez lui dans le Loiret, pour la prise de son du moins, cet Amnesia était sa première tentative en solo, après une carrière conséquente dans d’autres formes, orchestre grand format (Diagonal) et divers trios dont le plus long dans le temps le Cholet-Hänzig-Papaux avec ses deux amis Suisses.
Rien de révolutionnaire dans le parti-pris d'Amnesia, il ne s’agit pas de revisiter l’histoire de la musique, mais de livrer une exploration très personnelle, intime, une broderie délicate sur le temps, l’absence, le sort qui impose la “résignation” mais peut aussi favoriser l’inspiration. Comme une fenêtre ouverte sur son paysage intérieur, évoquant la photographie de la pochette, Fenêtre intérieure n°1 de Bertrand Gruyer : Une fenêtre est faite pour voir au dehors. A moins qu'elle ne décide d'arrêter la vue pour mieux nous laisser revenir en nous-même. Une réalisation sobre qui joue sur un dégradé de teintes, un halo poudré reflétant une certaine spiritualité de la couleur.
Parfaite adéquation avec l’invitation du pianiste qui nous renvoie aux irisations, aux rutilances diverses de la musique française du XXème. Autant de signes, de passages qui ne répondent à aucune nostalgie puisqu’il y a volonté d’effacer le souvenir, conscient du moins, mais de laisser advenir échos, hommages fugitifs, brèves rencontres en différents climats harmoniques. Une sorte de récital, tout un art de petites pièces, libres, subtiles, aux motifs parfois répétés comme dans ce “Casse-tête”ou cet “Impatient” qui portent si bien leur titre, des improvisations colorées, fougueuses, larguant quelques amarres ou plus délicatement impressionnistes.
On se laisse volontiers entraîner par cette suite qui déferle, cet album vibrant, composé sur le vif, comme dans cet “Aimer se perdre” qui résume le programme, du moins l’état d’esprit du pianiste. Un tour de force -l’actualité rendant créatif, dans l’art d’accommoder et d’acclimater l’instrument à ses humeurs. Singulier pluriel, il n’a jamais mieux raisonné, ce piano.
D’ailleurs, après avoir sorti ces pièces inédites, Jean Christophe Cholet décida de les faire suivre de concerts, dès que possible. Ainsi, son Amnesia put être entendu au Memento à Auch, en octobre dernier. Avouez que cela ne pouvait tomber mieux!
Sophie CHAMBON