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27 avril 2021 2 27 /04 /avril /2021 16:55
Le Mans, 2003.

J’ai rencontré Horace pour la première fois à la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence pour les concerts d’Albert Ayler et de Sun Ra en 1970. J’étais tout jeune photographe (accrédité par Nord Matin) et c’est lui qui est venu me parler, nous avons sympathisé immédiatement. Il était un peu plus âgé que moi, de la génération de photographes comme son copain Philippe Gras, Jacques Bisceglia, Thierry Trombert, Guy Le Querrec… Puis je l’ai revu l’année suivante au Festival international de jazz d’avant-garde au Château des comtes de Gand où il était venu avec Philippe Carles, le jeune nouveau rédacteur en chef de Jazz Magazine. Moi, j’avais une accréditation de Jazz Hot mais, là-bas, j’ai fait une interview de Han Bennink (ma première interview) et je l’ai tout naturellement proposée à Philippe Carles qui, évidemment, était très intéressé. C’est comme ça que je suis devenu collaborateur de Jazz Magazine pendant une quarantaine d’années. J’ai fréquenté de plus en plus de festivals en tant que photographe et rédacteur, où Horace était présent, des années 70 aux années 2000.

 

Nancy 1972. Nos premières virées aux NJP.

 

Nous sommes devenus de bons camarades, tous deux amateurs de bonne chère. Je me souviens de lui aux premières éditions des Nancy Jazz Pulsations (souvenance émue d’une dégustation de « bourru » de champagne dans une brasserie de Nancy, je buvais assez peu et ce délicieux breuvage se sirotait comme du jus de fruit. Grosse migraine pour moi le lendemain !). À la Fondation Maeght, j’avais alors un appareil photo Porst (?) que m’avait offert mon père et j’étais fasciné par le Pentax Spotmatic à vis d’Horace, depuis j’ai toujours acheté des Pentax à vis, d’occasion dans des magasins, et même à Jean-Jacques Pussiau qui vendait le sien, pendant ma période de photographe « argentique ». Par la suite, nous nous sommes souvent croisés aux festivals d’Antibes, d’Angoulême, de Mulhouse…

 

Quelque part entre Antibes et Paris, à la campagne chez des amis à lui, 1975.
Mulhouse 2004. Une de ses photographies avait été choisie pour l'affiche du festival.

Horace était un râleur, un gueulard, il gueulait contre la société et le gouvernement (comme moi, il était très à gauche), contre les piges de Jazz Magazine qui n’étaient pas assez élevées, c’est lui qui a réussi à persuader Frank Ténot d’augmenter les piges photos, un peu plus tard je suis allé voir Ténot pour lui demander d’augmenter les piges écrites. Horace était très intransigeant sur le plan des droits d’auteur, à une époque où il convenait d’être plus « arrangeant »… Je savais qu’il  avait « couvert » Mai 68 à Paris et qu’il avait fondé un collectif de photographes, Boojum Consort, formé de sympathisants d’extrême-gauche.

 

Le Mans, 2003.
Mulhouse, 2001.

Mais Horace était un faux dur, je m’en suis rendu compte quand je lui ai demandé un jour, à propos d’une de ses photos de John Coltrane où le micro est juste devant le saxophoniste, pourquoi il ne s’était pas déplacé pour éviter le micro, il m’a simplement avoué qu’il n’avait pas osé. C’était un grand fumeur de Gitanes et il ne crachait pas sur la bouteille.

 

Mulhouse, 2002.
Mulhouse, 2007.

Sur le tard, venu s’installer de Paris dans un bourg dans le Morvan (il était voisin de Daunik Lazro) où il s’était construit un site internet un peu « vieux style », il était fauché et était devenu plus taciturne, semblant avoir perdu confiance en lui sur le plan de sa photographie, d’autant plus qu’il était atteint d’un double glaucome…

 

Mulhouse, 2001.
Mulhouse, 2008.

 

Trop isolé dans le Morvan, épaulé par son amie Manon il émigra à Decazeville dans l’Aveyron il y a trois ou quatre ans. Je ne l’ai plus jamais revu, il m’a appelé un jour au téléphone à ma grande surprise, agréable conversation de septuagénaires… Le 16 avril, dans une salle d’attente de l’hôpital de Montauban, il a fait une chute et heurté le chambranle d’une porte, provoquant un traumatisme crânien au niveau de la tempe et un coma sans issue. La perte d’un vieux camarade est toujours source d’une grande tristesse. Chienne de vie.

 

Gérard Rouy (Texte et photos)

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