Possible( s) Quartet Gymnostrophy
Inouïe Distribution
Rémi Gaudillat et Fred Roudet trompettes
Loïc Bachevillier trombone
Laurent Vichard clarinette basse
On retrouve avec plaisir le Possible(s) Quartet actif depuis 2012 dans un tout nouveau projet sur le label IMR toujours intéressant à suivre. C’est le même curieux équipage, un « quatuor à cordes à vent » selon le trompettiste Rémi Gaudillat à l’origine de cette formation de la région lyonnaise, une fanfare poétique et cuivrée, proche de la Marmite Infernale de l’Arfi, chaudron magique de tout ce folklore imaginaire depuis plus de quarante ans. Composé de deux trompettes, d’un trombone et d’une clarinette basse, cette association originale plutôt inédite résulte en un quartet de souffleurs, un jazz de chambre à l’alambic parfois chauffé à blanc dans certains projets comme leur Orchestique qui favorisait la danse et le rythme. Et ça danse encore aujourd’hui dans la ronde des évocations de Monk et Satie, deux musiciens unis dans une excentricité commune, un mélange de douce folie (composition “bipolaire” de Rémy Gaudillat) et d’anticonformisme... Ça danse encore mais de travers avec parfois le sautillement monkien dans ce Gymnostrophy. Les quatre se partagent des arrangements fort réussis qu’ils font dériver tout en conservant l’esprit initial. Douze petites pièces jamais faciles mais fluides qui s’insinuent vite dans le corps et restent dans l’oreille. Les timbres s’ajustent, jouent et se combinent à merveille dans des interactions parfaitement au point dans cet hommage au couple insolite : les recompositions élégantes étagent les timbres, les réunissent en tutti vibrants. Ils s’emparent de titres connus avec brio, quatre de Monk : un enjoué I mean you démarre le programme, Ugly Beauty en marche lente le clôt et Misterioso est revisité de façon espiègle. Dans deux pièces de Satie Gnossienne I , Danse de Travers II, la polyphonie laisse chaque voix s’épanouir sans rompre l’harmonie chambriste dans ce maillage serré qui ouvre des espaces de liberté comme dans Spherik - ils sont tout de même issus de la Compagnie des Improfreesateurs. Leur écriture contrapuntique a une virtuosité formelle sans saxophone et sans le soutien de la section rythmique habituelle contrebasse-batterie. Il revient en particulier à la clarinette basse et au trombone de prendre à tour de rôle la fonction rythmique dans cet exercice de style, sans filet harmonique qui demande un effort constant et du souffle, ce dont nos compères ne manquent pas.
Question originaux, le clarinettiste Laurent Vichard apporte quatre pièces de sa composition, les mélodies hypnotiques, feutrées de “ses” gnomiennes, la complainte mélancolique du présent du passé. Son arrangement du bien nommé Gnossienne de Minuit combinant finement les deux mélodies de Monk et Satie fonctionne parfaitement. Il fallait y penser...
Dire qu’ils ont continué à ouvrir le champ des possibles (leur premier CD) est une évidence, un titre qu’ils auraient pu reprendre d’ailleurs! On n’est jamais déçu avec ce quartet plein d’une fantaisie triste qui nous entraîne dans une rêverie poétique.
Sophie Chambon