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29 mars 2025 6 29 /03 /mars /2025 09:41

Editions Grasset. Mars 2025.
Roman. 206 pages.


     Cent ans après son décès (le 1er juillet 2025), Erik Satie n’a pas fini de séduire et intriguer ne serait-ce que dans la jazzosphère.  


     Ces derniers mois, sont ainsi sortis dans les bacs des disquaires GYMNOSTROPHY, rencontre de Satie et Monk, signée du Possible(s) quartet (IMR/Inouïe Distribution), chroniquée dans ces colonnes par Sophie Chambon, La MARCHE du CHIEN NOIR (Label Bleu) version big band donnée par le Red Star Orchestra, sans oublier publié en 2023 IKIRU PLAYS SATIE (Collectif Surnatiral/L’autre distribution) où Fabrice THEUILLON (saxophone ténor) échange avec Yvan ROBILLIARD (piano) sur une douzaine de compositions, y compris les célébrissimes Gnossiennes et Gymnopédies.

 

     L’écrivain belge Patrick ROEGIERS (‘Le cousin de Fragonard’, ‘l’autre Simenon’, ‘Eloge du génie’…) livre une explication : « Satie était de son temps, en avance sur son temps et hors du temps. Sa musique était intemporelle, atemporelle ».


      De son vivant, Erik Satie (qui avait troqué le c de son prénom de naissance pour un k rappelant l’origine anglaise de sa mère) connut le succès assez jeune (22 ans) avec les 'Gymnopédies' en 1888 et le scandale à 51 ans avec 'Parade' (18 mai 1917), spectacle-ballet donné au Châtelet par les ballets russes de DIAGHILEV, sur un livret de Jean COCTEAU et des costumes et décors de PICASSO. « Musicien bruitiste », lança un critique.  

 

      Économe de ses notes, « Satie composait la musique du silence, la musique sortait du silence et retournait dans le silence » résume Patrick Roegiers.
 

     Cette sobriété assurée irritait Pierre BOULEZ (allergique par ailleurs au jazz) qui qualifiait le compositeur de ‘Trois morceaux en forme de poire de « talent mineur, indigent techniquement ».  
 

     Tel n’était pas l’avis de compositeurs majeurs du XX ème siècle, qui voyaient en Satie un précurseur de la musique répétitive, minimaliste. A commencer par John CAGE qui interpréta en première mondiale en 1963 ‘Vexations’, partition inédite de 1893 conçue pour la peintre montmartroise Suzanne VALADON, compagne fugace de l’excentrique Satie.
 

 

     Vêtu en toute saison d’un pantalon noir trop court, d’un paletot élimé, coiffé d’un melon, muni d’un parapluie, le normand d’Honfleur (né le 16 mai 1866 à 9 heures du matin) arborant barbichette et lorgnons parcourait tout Paris à pied avant de rejoindre son « placard » d’Arcueil, en banlieue sud, où personne n’avait droit d’entrée. Etre sensible, non dépourvu d’humour, peu sujet aux compromis mondains, Satie confia à Darius MILHAUD : « j’ai eu une belle vie, solitaire et triste, vraiment triste ». Mais, c’est un trait peu connu de sa personnalité, l’ermite d’Arcueil adorait les enfants de la commune banlieusarde auxquels il donnait des cours de solfège quand il n’organisait pas des goûters.

 

     Admiratif de son héros, Patrick Roegiers, nous accompagne (brillamment) auprès d’un Erik Satie intime dans une biographie sans ordre chronologique, romancée et imaginée.
 

     Au fil des pages, se retrouvent ainsi côte à côte des artistes (terme qu’exécrait Satie : « nous n’avons pas besoin de nous dire artistes laissant cette dénomination reluisante aux coiffeurs et aux pédicures ») ne s’étant jamais rencontrés, les amis de Satie (Ravel, Cendrars,  Picabia, Brancusi…) et ses fans futurs (Cage, Bob Wilson, David Hockney, Pina Bausch) ... Tous unis dans une affection pour un compositeur refusant tout carcan et définissant la musique comme « un silence qui parle ».

 

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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