Thomas Naïm May This Be Love
(Acoustic guitar takes on Jimi Hendrix)
Rootless Blues/ L’Autre Distribution
Sortie le 7 mars 2025.
Concert de sortie le 20 mars @ Le 360, Paris précédé d'une mini conférence de Yazid Manou.
Une version sobre mais jamais désincarnée de Hey Joe commence l’album du guitariste Thomas Naïm et très vite on comprend que l’on a affaire à un maître de la six-cordes qui, en aucune façon, ne tentera de faire des reprises au plus près des originaux. D’ailleurs la version la plus proche de ce titre, je me souviens que c’est Bashung qui la donna, un soir en laissant tourner les bandes après un concert, une “version” bluffante mais sans variation.
Daniel Yvinec, directeur artistique (toujours un gage de qualité) de ce May this be love sorti sur Rootless Blues dans des notes de pochette éclairantes souligne que le son joue son rôle (micros anciens placés efficacement dans le studio et guitares d’époque Gibson et Martin). On oublie paradoxalement dès le premier thème à dire vrai, les fulgurances, le déferlement sonore, le déluge électrique des murs de Marshall. Pourtant, l’esprit de Jimi plane sur ses chansons désormais sans parole que l’on connaît si bien et a dû s’imposer sur la scène de l’opéra de St Etienne, le projet étant une commande du Rhino Jazz festival.
S’il revient sur les titres parmi les plus connus d’Hendrix, après un premier album en groupe en 2020 Sounds of Jimi, c’est qu’il semble difficile pour un guitariste d’échapper à la fascination voire à la tentation hendrixienne. Pourquoi s’attaquer à cet olympe et comment s’y prendre? S’il n’a pas choisi la facilité, il le fait en solo et en acoustique, avec l’élégance d’un pas de côté tout en cernant les contours de mélodies tout simplement envoûtantes.
Sur les treize compositions, hormis Cherokee Blues de sa plume, un Sergeant Pepper des Beatles et un Jealous Guy de Lennon seul qui s’intègrent sans mal dans la cohérence de l’ensemble, se retrouvent évidemment les tubes du génial gaucher Purple Haze, Voodoo Chile, The Wind Cries Mary...Le standard est le terrain créatif d’un musicien de jazz. Thomas Naïm est un guitariste qui a une signature sonore particulière et un jeu d’une sophistication incroyable, toujours en mouvement. Les arrangements font évoluer chaque titre au profit de ces miniatures d’une grande variété rythmique, récital de petites pièces qui prennent néanmoins le temps de tisser une ambiance, une bulle irisée, colorée par un interprète au jeu précis et vivifiant, énergique et doux. Une douce rêverie qu’alimentent ses échos tendrement mélancoliques (One Rainy Wish).Avec une virtuosité tout en retenue d’un guitariste sorcier, voilà un album d’une grande fluidité aussi apaisant qui se termine avec élégance sur ce May this be love.
Sophie Chambon