Enrico Pieranunzi (p), Scott Colley (cb), Antonio Sanchez (dm)
Cam Jazz 2012
Voilà une façon choc de commencer l’année. Car si le pianiste transalpin nous a habitué à la production d’une abondante d’une discographie dont en suivait l’évolution d’une oreille pour tout dire un peu distraite, il est clair qu’à peine ouvert ce nouvel album en trio du pianiste italien avec deux sérieux clients, Scott Colley à la contrebasse et Antonio Sanchez à la batterie, on est convaincu qu’il s’est décidément passé quelque chose lors de cet enregistrement.
Car là c’est, comment dire…. la force d'un trio qui jaillit, qui explose, qui achève de vous achever. C'est la force des émotions, c’est l’intensité de leur expression et c'est ce qui doit constituer ce que l'on nomme communément un “Power trio”.
Avec Scott Colley et Antonio Sanchez, Enrico Pieranunzi sort ici de ses tropismes qui l'amènent souvent vers Bill Evans, pour aller vers une autre musique, puissante et plus personnelle. Il vous suffit juste de mettre la galette dans votre platine et la machine de ces trois-là se met alors en route pour vous embarquer. Ils ne vous lâcheront pas durant près d’une heure vous faisant passer par à peu près tous les états d’un jazz moderne et classique à la fois. Car Pieranunzi est l'antithèse du pianiste blasé. C'est l'invention au bout de ses doigts qui donne la couleur des thèmes. Ces impros qui chevauchent allègrement les renversements d'accords les plus complexes et qui ont pour fière monture une rythmique déconcertante d’agilité et de puissance. Dans ce sens du rythme qu’ils partagent à trois, on en vient à se demander si le pianiste italien ne serait pas fait naturaliser Cubain !
A eux trois ils parlent d'enthousiasme, véhiculent un vrai plaisir à jouer. C'est de cela qu'ils tirent l'énergie, de l'art de se surpasser à chaque instant et au détour de chaque phrase, de chaque thème. Toujours portés au delà de la simple intention. Une sorte d'over play. Il n'est que d'écouter Permutation, magnifique composition où le jeu prend une vraie densité palpable. Scott Colley y est magistral de force tellurique, puissant métronome, pilier indestructible. Quant à Antonio Sanchez que, pour ma part, je prends comme l’un des batteur majeur de sa génération, il s’y montre capable de toutes les métamorphoses polymorhes ( écouter sur Distance of Departure).
C’est un trio magnifique et flamboyant qui s’exprime là sur des compositions superbes du pinaiste qui affiche là une belle liberté. Sans jamais vouloir tout recréeer, sans jamais renier ses propres racines jazzistiques, Enrico Pieranunzi affiche une modernité que beaucoup de jeunes pianistes doivent lui envier.
Jean-Marc Gelin
A retrouver en concert le vendredi 3 mars à Jazz à Roland garros !!