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20 septembre 2015 7 20 /09 /septembre /2015 21:48
DOMINIQUE PIFARÉLY « Time Before And Time After »

Dominique Pifarély (violon). Poitiers, Auditorium Saint-Germain, septembre2012 ; Argenteuil, Cave Dimière, février 2013.

ECM 2411 / Universal

www.pifarely.net

Alors même qu'il a enregistré, au début de l'été 2015, avec son nouveau quartette (Antonin Rayon, Bruno Chevillon & François Merville), le violoniste publie un album solo totalement inclassable. Entre écriture et improvisation, sans qu'il soit possible de faire de l'une et l'autre l'exact départ, l'album se construit, de plage en plage, avec une cohérence remarquable. Chaque pièce, après avoir été jouée dans l'intensité de l'instant, a reçu pour identité un mot ou une expression, et ces titres sont empruntés à des poètes dont le violoniste tire sa sève d'artiste : Paul Celan, Mahmoud Darwich, Fernando Pessoa, André du Bouchet, Henri Michaux.... Quant au titre de l'album, il est emprunté à un poème de T.S. Eliot, où « le temps présent et le temps passé sont tous deux peut-être présents dans le futur, et le futur contenu dans le passé ». La question de l'idiome sera fatalement posée par tel ou tel, mais elle ne s'impose pas : on est ici en territoire de musique, au sens le plus large, et dans ce lyrisme assumé, dans cette finesse d'expression, et dans cette audace mélodique, le jazz, la musique dite contemporaine, ou classique, et bien des musiques du vaste monde, pourront se reconnaître. Le timbre de l'instrument est d'une richesse incroyable, entre acidité et rondeur, et cette sonorité fait corps, à chaque instant, avec le propos musical. L'album se conclut pas un magnifique standard, My Foolish Heart, ultime poème d'amour de la poésie. On tutoie ici une forme de perfection, ou plutôt d'accomplissement. On écrit souvent, et souvent avec une certaine imprudence, que l'improvisateur est un compositeur de l'instant. On pourrait dire, non sans malice, que composer c'est improviser durablement. Car ce disque, et cette musique, traverseront à n'en pas douter les affres du temps, passé, présent et futur enfin réconciliés.

Xavier Prévost

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20 septembre 2015 7 20 /09 /septembre /2015 11:18
STEVE COLEMAN Music live in Paris

2Oth anniversary Collector’s Edition

1 coffret 4C D RCA Legacy / Sony MUsic

Ceux qui se désolent encore de ne pas avoir pu assister aux résidences du grand saxophoniste de Chicago lors du festival Jazz à la Villette (sessions 2015) ont matière à se consoler. En effet, Sony Legacy vient de rééditer l’enregistrement des 3 concerts mythiques donnés par Steve Coleman en mars 1995 au Hot Brass (l’actuel Trabendo). Comme le racontent les pages du superbe numéro de Jazzmagazine n°676 consacré ( enfin !) au saxophoniste, ces concerts restent de toute évidence gravés dans les mémoires des aficionados parisiens.

1995. Le jazz cherche ses nouvelles voies. Ses nouveaux moyens d’expression. De nouvelles musiques surgissent et Steve Coleman avec ses trois formations (Mystic Rythm Society, Metrics et Five elements) faisait alors, comme il le fait toujours : ouvre des portes. Va puiser dans toutes ces musiques, qu’elles soient traditionnelles ou modernes pour en offrir un génial melting pot syncrétique. Trois volets donc. Avec « Mystic Rythm » il y est question de transes mêlant le jazz à la world music, au koto japonais autant qu’aux chants arabes. Avec « Metrics » il y est question du mélange des pulses du jazz avec celles du rap ( Coleman n’aime pas parler de rappeurs il préfère parler de lyricists). Là, c’est le jazz qui s’acoquine avec une autre musique de la rue. Et enfin avec « Five Elements » il est question d’une vraie réflexion sur les formes du groove plongeant au cœur des racines d’un jazz plus bop pour lui montrer des vois plus actuelles et incandescentes.

Sans relâche, Coleman travaille sur l’intégration des différentes formes d’improvisation dans le cadre de structures polyrythmiques complexes. Quelle qu’elles soient. Et c’est toujours jouissif ! Notamment parce que dans la bande des fellow partners de Steve Coleman il y a un Gene Lake qui atteignait des sommets. Ou encore un maître du groove, avec un Reggie Washington impérial. On y entend aussi les interventions du trompettiste Ralph Alessi ou encore d’un tout jeune pianiste promis à l’avenir que l’on sait, Vijay Iyer. Et même David Murray qui s’invite sur le plateau le dernier soir pour jeter une huile bouillonnante sur le feu de la lave colemanienne.

Le dernier soir, C’est le grand gourou de ces sessions, Steve Coleman lui-même qui explose, pas seulement grand ordonnateur, pas seulement grand maître du tempo, pas seulement cérébral mais aussi grand maître d’un son venu de très loin, digne héritier de Charlie Parker par d’autres moyens.

Ces sessions rééditées par Daniel Baumgarten sont le formidable témoignage d’une époque. Si les rappeurs des Metrics peuvent nous sembler un tantinet désuets et ringards aujourd’hui, force est néanmoins de constater que les deux autres volets n’ont pas pris une seule ride et qu’hier comme aujourd’hui la musique des Five Elements porte le jazz aux sommetx que seuls des génies de la trempe de Steve Coleman ou John Zorn peuvent atteindre..

Est ce qu’en mars 95, Paris brûlait ? En tous cas il se consumait de plaisir ….

Jean-Marc Gelin

Pas beaucoup de traces vidéo des sessions de 95. Celle-là date de l'année suivante.

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11 septembre 2015 5 11 /09 /septembre /2015 07:04
Vincent Courtois : " WEST "

Label La Buissonne/ Harmonia Mundi

www.labuissonne.com

www.LACOMPAGNIEDELIMPREVU.com

www.vincentcourtois.com

https://www.youtube.com/watch?v=SZk_SijXtQw

Une musique fraîche et enthousiaste, grave et introspective pour un musicien établi qui continue à chercher, pour qui la chose qui compte encore avant tout est le plaisir de jouer ensemble, de se surprendre et nous surprendre, de ne pas se reposer sur ses lauriers. Le violoncelliste Vincent Courtois sait valoriser l’apport des musiciens qu’il a choisis, deux excellents saxophonistes ténor, combinaison inédite d'instruments du milieu, proches du registre du violoncelle. Comment arrivent ils à s’ajuster et se répartir les rôles? Cela semble aller de soi, tant ces deux musiciens Robin Fincker et Daniel Erdmann jouent avec une pertinence élégante, se répartissant les rôles avec une rapidité confondante, en bonne intelligence. Le quatrième larron est le formidable pianiste Benjamin Moussay (sur 5 des onze titres) dont la folie inventive s’accorde à merveille à tous ces « jouets » musicaux, variations du piano, du toy piano au célesta ou au clavecin. Quant à Vincent Courtois, il peut, je le répète, tout obtenir de son violoncelle, le transformer en guitare, violon, lui faire pleurer le blues, ou le rendre à sa dignité classique à l’archet. Electrifié, il sonne autrement et donne des effets plastiquement sonores fascinants.

Une façon pour le groupe de jouer avec la spontanéité, tout en enfonçant le clou d’une certaine sophistication, n’omettant jamais la préméditation de ce projet baroque et foisonnant où distorsions électriques, envolées pop rock, jazz et classique se jouent dans l’instant. Ce nouvel album évoque le "Go West Young Man", une nouvelle frontière à atteindre?, un départ vers l’inconnu, et montre, en un écho brillant et évident, une réelle continuité avec le précédent Mediums en trio (les mêmes saxophonistes sur le même label). Il y est par exemple question de ces êtres monstrueux des baraques foraines, ces « Freaks » en hommage au film muet en noir et blanc de Tod Browning, dont la plainte intérieure nous est perceptible par le velouté tendrement moelleux des saxophonistes. Parfaite bande originale du film qui se joue dans nos oreilles si l’on se prête au courant de la narration. Et que dire de «West», le titre éponyme de l’album qui vous emporte dans une boucle obsédante? Poursuivant la beauté pleinement féconde de ses projets qui trament une toile de vie, Vincent Courtois a déjà d’autres idées à défendre, avec cette formation qu’il affectionne, sur les «Bandes Originales» de films, justement. En attendant, voilà un cadeau pour les fans, qui continueront ainsi à le suivre avec délectation comme moi cet été à Cluny et une entrée pour ceux qui étaient peut-être restés en retrait jusque là.

Sophie Chambon

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7 septembre 2015 1 07 /09 /septembre /2015 21:25
Gérard Marais quartet : " Inner Village"

Gérard Marais quartet

INNER VILLAGE

Cristal records/ harmonia mundi

www.cristalrecords.com

www.gerardmarais.com

Concert le 29 septembre à Paris au Sunside

Voilà un CD que vous ne regretterez pas d’écouter et de réécouter pour en découvrir les moindres espaces et recoins cachés. Du jazz qui groove d’un bout à l’autre de cet album d’un fameux quartet qui célèbre le retour après dix ans du leader, le guitariste Gérard Marais. Lui qui pensait avoir pris sa retraite, l’âge venu, n’a pu résister à revenir sur scène, pour notre plus grand plaisir. Gérard Marais, l’un des pionniers de la guitare jazz des années soixante dix, a multiplié les rencontres et les échanges avec la « crème » de la scène jazz hexagonale : jugez plutôt, en duo avec Raymond Boni , en trio avec Didier Levallet et Dominique Pifarély ; en sextet, il créa Katchinas et participa aussi au collectif Zhivaros, réunit enfin le premier big band de guitares...Un palmarès de choix pour ce musicien surdoué qui réarrange brillamment pour l’occasion certaines de ses compositions, dans cet Inner Village, sorti chez Cristal Records. Il est entouré de son vieux complice Henri Texier à la contrebasse, du bouillonnant Christophe Marguet, intense jusqu’au solo final de « Katchinas ». On ne saurait rêver de plus puissante et mélodique rythmique comme dans «Think Nocturne». Quant au pianiste, ce pourrait être une révélation pour ceux qui ne connaissent pas le collectif lillois Circum, ou le trio TOC dont Jérémy Ternois fait partie. Il accomplit ici un travail extraordinaire d’improvisation en parfaite osmose avec le guitariste. Le résultat est une musique fluide et si brillante qu’elle en paraît simple. Elle restera dans votre oreille : écoutez donc «Le Rouge et le noir», qui a plus à voir avec Nino Rota qu’avec Stendhal, ou «Inner Village Song». Mais comme le souligne fort justement Xavier Prévost dans son compte rendu du Festival de Jazz Campus en Clunisois, sur les DNJ, «ce sont des circonvolutions très lyriques où le chant conduit toujours vers des sentiers harmoniquement féconds». C’est là tout l’art de ce compositeur subtil et discret que de nous révéler les formidables envolées de son chant intérieur.

Sophie Chambon

INNER VILLAGE

Cristal records/ harmonia mundi

www.cristalrecords.com

www.gerardmarais.com

Concert le 29 septembre à Paris au Sunside

Voilà un CD que vous ne regretterez pas d’écouter et de réécouter pour en découvrir les moindres espaces et recoins cachés. Du jazz qui groove d’un bout à l’autre de cet album d’un fameux quartet qui célèbre le retour après dix ans du leader, le guitariste Gérard Marais. Lui qui pensait avoir pris sa retraite, l’âge venu, n’a pu résister à revenir sur scène, pour notre plus grand plaisir. Gérard Marais, l’un des pionniers de la guitare jazz des années soixante dix, a multiplié les rencontres et les échanges avec la « crème » de la scène jazz hexagonale : jugez plutôt, en duo avec Raymond Boni , en trio avec Didier Levallet et Dominique Pifarély ; en sextet, il créa Katchinas et participa aussi au collectif Zhivaros, réunit enfin le premier big band de guitares...Un palmarès de choix pour ce musicien surdoué qui réarrange brillamment pour l’occasion certaines de ses compositions, dans cet Inner Village, sorti chez Cristal Records. Il est entouré de son vieux complice Henri Texier à la contrebasse, du bouillonnant Christophe Marguet, intense jusqu’au solo final de « Katchinas ». On ne saurait rêver de plus puissante et mélodique rythmique comme dans «Think Nocturne». Quant au pianiste, ce pourrait être une révélation pour ceux qui ne connaissent pas le collectif lillois Circum, ou le trio TOC dont Jérémy Ternois fait partie. Il accomplit ici un travail extraordinaire d’improvisation en parfaite osmose avec le guitariste. Le résultat est une musique fluide et si brillante qu’elle en paraît simple. Elle restera dans votre oreille : écoutez donc «Le Rouge et le noir», qui a plus à voir avec Nino Rota qu’avec Stendhal, ou «Inner Village Song». Mais comme le souligne fort justement Xavier Prévost dans son compte rendu du Festival de Jazz Campus en Clunisois, sur les DNJ, «ce sont des circonvolutions très lyriques où le chant conduit toujours vers des sentiers harmoniquement féconds». C’est là tout l’art de ce compositeur subtil et discret que de nous révéler les formidables envolées de son chant intérieur.

Sophie Chambon

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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 08:25
CECILE MC LORIN SALVANT : «  For one to love »

Mack Avenue / Hamonia Mundi

Cécile McLorin Salvant (voix) - Aaron Diehl (piano) - Paul Sikivie (contrebasse) - Lawrence Leathers (batterie) - Vincent Peirani (accordéon)

Nouvel album de Cecile Mc Lorin. Véritable choc !

Ceux qui ne connaissaient pas la jeune chanteuse franco-haïtienne, ex-lauréate du prestigieux concours Thélonious Monk, ne resteront pas longtemps dans l’ignorance, on peut vous l’assurer. Car, tenez-le vous pour dit, Cécile Mc Lorin est ce qui nous arrive de mieux dans le paysage du jazz vocal depuis bien longtemps.

Quelle chanteuse !

Dans cet album très personnel qui exhale à chaque chanson l’essence et les racines du jazz, il y a une formidable et audacieuse liberté où elle livre beaucoup d’elle-même.

Cette liberté, elle se l’accorde en premier lieu en nous livrant cinq sublimes compositions personnelles. Il faut entendre ce Look at me poignant, à la musique et aux paroles sublimes ou encore Monday. On les croirait tous sortis du real book. Moment d’intimité partagé avec la chanteuse. De proximité.

Mais il n’ y a pas que cette mise à nue. Il y a aussi cette liberté du chant incroyable où Cécile Mc Lorin se livre toute entière, sans réserve et sans calcul. Car avec Cécile Mc Lorin il n’est pas seulement question de chanter, il est question d’interpréter, de se muer en diseuse d’histoires.

Artiste totale.

Engagement corps et âme où toute la gamme des expressions humaines passe par sa voix. A la fois joueuse, cajoleuse, railleuse ou gouailleuse, Cécile Mc Lorin Salvant est devant nous la pièce maîtresse d’une comédie musicale faite de jazz et de blues.

Elle y proclame son amour sans limites pour cet art de la scène, se fait elle-même comédienne avec beaucoup d’humour comme sur ce Stepsister’s Lament de Rodger's et Hammerstein (« Cinderella ») ou encore dans Trolley Song immortalisé par Judy Garland (tiré du film « Meet me in Saint Louis ») et ici magnifié par une rythmique exceptionnelle. On se pince, on croit à la réincarnation, cette fois de Sarah Vaughan. Parfois enfantine ( « Woman Child était le titre de son premier album), Cécile nous émeut aux larmes ou à la joie. Chacune de ses chansons parle d’elle-même. Son interprétation de Barbara nous bouleverse. Celle très simple et efficace de Burt Bacharach frémit de soul.

Son chant, on l’entend, on le sent, on le ressent, il vient du fond des tripes. Il brûle et se consume à la manière d’une Bessie Smith réincarnée dans un rade de la Nouvelle Orléans (comme ce Growin dan totalement incandescent et sexuel ou encore sur ce What’s the matter now chanté jadis par la reine du Blues ).

Se murmure dans un chant d’amour déçu.

Donne beaucoup d’elle-même avec une sincérité touchante et parfois même d’autodérision émouvante.

Et pour faire un grand album de jazz, il faut de bons musiciens, il faut un groupe. Cécile Mc Lorin Salvant s’accompagne ici de ses musiciens habituels avec lesquels elle a l’habitude de tourner. À la légèreté délicate d’un Aaron Dhiel s’ajoute la profondeur sensuelle de Paul Sikivie et le drive très subtil de Lawrence leathers.

« For One to Love » est le 3ème album de la chanteuse. Le plus personnel. Le plus intime.

Il dit en musique la comédie de l’amour. Sa tragédie aussi.

Jean-Marc Gelin

NB : album très personnel où Cécile va jusqu’à signer elle-même la pochette en rouge et noir.

Cecile Mc Lorin Salvant sera au Festival Jazz à la Villette le samedi 5 septembre à 21h30. A ne manquer sous aucun prétexte.

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28 août 2015 5 28 /08 /août /2015 06:47
YARON HERMAN : " Everyday"

Yaron Herman (p, vc), Ziv Ravtiz (dms, vc), Helgi Jonsson (vc), Jean-Pierre Taieb (vc)

Bluue Note 2015

On aurait un peu peur d'utiliser une formule galvaudée si l'on disait que ce nouvel album du pianiste marque une nouvelle étape dans le développement de la musique de Yaron Herman. C'est pourtant bien de cela dont il s'agit lorsque l'on écoute "Everyday", le nouvel opus enregistré en grande partie en duo avec batteur israélien Ziv Ravitz. Car ainsi qu'il le confiait dans les colonnes des DNJ, Yaron Herman est parvenu à exprimer ici l'essentiel dans un rare moment d'entente télépathique entre les deux musiciens.

Avec ce 7eme album on entre de plain pied dans une musique fusionnelle, au confluent de sa propre progression musicale, entre classique et tradition, jazz et pop, entre chant et impro, entre le groove qui emporte tout et les fluidité harmoniques qui enveloppent. Il y a tout ! Et il y a surtout la fraîcheur d'un travail en studio en grande partie spontané où Yaron et Ziv se jouent des structures rythmiques complexes ( Nettish) ou bien , dans un moment de jaillissement font émerger un groove absolu, forme d'art total, engagement à corps perdu ( Everyday). Une sorte de dialogue interactif sans cesse en mouvement.

Si l'on sait que Yaron Herman aime rendre quelques hommages à ses contemporains en empruntant parfois au répertoire de la pop actuelle, il s'agit ici moins d'emprunt que d'une influence forte et prégnante sur sa musique, celle de l'esthétique de Radiohead dont il revendique clairement qu'elle est pour lui une source fondamentale d'inspiration. Comme sur ce coup de génie sur Volcano où Yaron Herman ajoute un duo de voix qui s'envolent au dessus de la mélodie portée avec autant de force que de légèreté. Il en est de même sur 18:26, très fort dans la force d'entrainement d'un flot inexorable portée à son paroxysme par l'intervention furtive et éphémère des voix et par le silence brutal qui s'en suit. Ou encore sur Rétrograde, morceau de James Blake admirablement suspendu comme entre deux eaux, morceau flottant et très émouvant par la place qu'il laisse à l"espace, au non dit, à la force suggestive.

Cet album est puissant, terriblement puissant. Structuré ou déstructuré, improvisé ou harmonisé, il dit quelque chose d'un moment de musique essentiel au sens propre du terme. Cet album est powerful et riche. Riche de la force de ses reliefs, de ses micros incrustations sonores, de son travail sur le son façonné à quatre mains. Ce travail sur le son. Ce travail d'osmose.

On a souvent dit que Yaron Herman suivait un chemin Jarretien. Image un peu agaçante parce que, là encore galvaudée. Il y a bien sûr un peu de cela tant il est marqué à vie par le pianiste américain. Toutefois on entend bien comment sur Fast life cette influence importante débouche sur un discours original où Yaron Herman semble explorer tous les registres d'émotions portées par le grave du piano. Exprime une identité. Mais surtout on est ici, avec "Everyday" à la croisée des chemins de toutes ses influences, de tout ce qui le nourrit depuis des années, de tout ce qu'il écoute et, forcément de tout ce qu'il vit.

Et si la croisée des chemins débouche toujours sur une route nouvelle, celle qu'il va suivre désormais s'annonce d'ores et déjà lumineuse.

Jean-marc Gelin

Ps : Mention spéciale au graphisme de la pochette ( Yann Legendre) , un peu destructurée et très moderne. Très urbaine dans un esprit Kandisky.

PS : Yaron Herman sera en concert à Paris, à la Villette le 10 septembre 2015

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2 juillet 2015 4 02 /07 /juillet /2015 19:09
Pascal SCHUMACHER : "Left Tokyo Right"

www.laboriejazz.fr

www.pascalschumacher.com

https://www.youtube.com/watch?v=0RDtAAhW3h8

Pascal Schumacher (vibraphone, compositions)

Pol Belardi (basse, contrebasse)

Franz von Chossy (piano, fender)

Jens Düppe (batterie)

Sylvain Rifflet (saxophone)

Verniri Pohjola (trompette)

Guests : Magic Malik (flûtes) et Aliénor Mancip (harpe)

Ce LTR album du vibraphoniste Pascal Schumacher ne signifie pas « Long term relationship » mais LEFT TOKYO RIGHT. D’une voix douce, dans le petit film promotionnel du label Laborie, il explique la genèse de cet album à 8, conçu après une résidence au Japon. En bon occidental, il a vite été fasciné par la dualité de la civilisation japonaise prise entre tradition et modernité. Ce qu’il exprime dans un travail sur les contrastes dans le titre éponyme « Left Tokyo Right » au juste milieu de l’album. « Left » représentant les quartiers modernes de Tokyo, ceux des néons et du J pop, alors que « Right » fait référence aux temples, aux femmes en kimono, aux joueurs de taiko. Vraiment séduit, le vibraphoniste a ensuite fait des séjours privés reliant Tokyo à Kyoto et Nagano dans une découverte plus approfondie de l’âme de ce pays.

Après cinq disques sous le nom du Pascal Schumacher quartet, il était temps de faire évoluer sa musique : aussi au quartet belge initial, composé du batteur de Cologne Jens Düppe et du pianiste allemand Franz Von Chossy, s’est rajouté le bassiste électrique luxembourgeois Paul Belardi. Voulant ouvrir encore davantage à d’autres influences, Pascal Schumacher a fait venir le trompettiste finnois Verneri Pohjola, emblématique pour lui d’un renouveau de l’instrument, un son feutré mais moderne ; ayant déjà travaillé en duo avec le saxophoniste français Sylvain Rifflet, il lui demanda son concours pour alimenter en tant que souffleur mais aussi « percussionniste » la machine à jazz qui se créait.

Enfin deux invités, le flûtiste Magic Malik indispensable pour donner cette coloration japonaise de la flûte shinobue sur « Lilia » par exemple et la harpiste Alienor Mancip dont l’introduction de «Sakura -San » nous immerge dans une pluie de fleurs de cerisiers.

Ainsi aux commandes d’un nouvel équipage, Pascal Schumacher mène à bien un projet ambitieux, dévoilant un arrière-pays attachant, qui ne cache en rien un authentique travail de recherche, de placement et de répartition des rôles. On sent bien cette volonté délibérée de bousculer certaines lois du genre et d’imposer doucement sa manière mélancolique, parfois contrariée d’un entrain rebondissant.

La plupart des compositions sont du vibraphoniste mais il réussit une version envoûtante du thème principal du film Furyo d’Oshima, « Merry Christmas, Mr.Lawrence » (titre original) où la star de la pop japonaise Ryuichi Sakamoto, non seulement composait la B.O et ce tube planétaire à l’époque (1983) tout en affrontant David Bowie à l’écran.

Left Tokyo Right nous fait entendre une musique amoureuse et sérieuse, énergiquement rythmée tout en étant lyrique. Un savoir-faire « maillochique » poétique qui culmine peut-être dans « wabi-sabi », ce concept japonais qui combine harmonie et désordre. Un rêve de musique, sinon de vie.

Sophie Chambon

Pascal SCHUMACHER : "Left Tokyo Right"
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1 juillet 2015 3 01 /07 /juillet /2015 23:44
CHICAGO REED QUARTET  : "WESTERN AUTOMATIC"

WESTERN AUTOMATIC

Mazzarella / Rempis/ Williams/Vandermark

Label Aerophonic

www.aerophonicrecords.com

www.davidrempis.com

Le label du saxophoniste chicagoan David Rempis, créé en 2013, Aerophonic, est la manifestation d’une indépendance voulue, assumée mais obligée qui pousse les musiciens à exercer un contrôle serré sur toute la chaîne de production musicale, à maîtriser la « fabrique » de leurs albums, surtout quand il ne s’agit pas d’une musique «main stream ».

Cet étonnant Western Automatic réunit en un quartet de saxophones paritaire, quatre générations de musiciens chicagoans, séparé chacun de dix ans, si l’on admet cet intervalle suffisant. Ils ont fourni deux compositions spécifiques, qui, après une série de répétitions et de concerts dans diverses salles de la ville, ont été enregistrées en une seule prise, lors d’un après-midi d’été, le 10 août 2014, au club The Hungry Brain.

On a ainsi l’occasion de découvrir l’étendue des registres de saxophones, du sopranino au baryton, tous, à l’exception de l’altiste Nick Mazzarella, empoignant divers horns et Ken Vandermark jouant aussi des clarinettes. Tout un florilège de styles qui révèlent ces fortes personnalités au travers de leurs compositions : après le « Burning Unit » de Mars Williams qui porte bien son titre, où le quartet démarre en vrombissant, pour virer ensuite à un climat de film noir, survient le délicat et presqu’ellingtonien « Remnants » terriblement velouté, qui contraste avec le « Broken Record Fugue » de Ken Vandermark plein de chausse-trappes, et de pointillismes où se poursuivent au baryton Rempis et Vandermark. Des morceaux qui prennent le temps, sans traîner pour autant, de développer des motifs complexes,au long desquels les quatre voix se répondent. Combinant lyrisme, spontanéité, rigueur et appétit de liberté, cet album nous abreuve d’une musique désirante, sans nostalgie, ouverte au contraire au monde actuel, avec parfois des échos au World Saxophone quartet.

La lecture de la presse spécialisée m’apprend que le quartet est mort-né, rupture due peut-être à des dissensions ou plutôt aux difficultés quasi-insurmontables pour trouver des gigs. C’est vraiment dommage et l’on ne peut que louer le saxophoniste David Rempis d’avoir enregistré cet unique et inoubliable moment musical.

Sophie Chambon

Sophie Chambon

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1 juillet 2015 3 01 /07 /juillet /2015 23:40
THE REMPIS PERCUSSION QUARTET : " Cash and carry"

Dave Rempis (alto/tenor/baritone saxophones)

Ingebrigt Haker Flaten (contrebasse)

Tim Daisy Frank Rosaly ( drums)

Label Aerophonic records

www.aerophonicrecords.com

www.davidrempis.com

En ce début d’été, canicule annoncée, voilà de quoi se rafraîchir la tête... Suivez mon conseil et posez-vous pour écouter des groupes qui décoiffent...

Comme ce quartet très actif sur la scène des musiques improvisées de la Cité des Vents, fondé par le saxophoniste David Rempis, il y a déjà onze ans, avec les batteurs Tim Daisy et Frank Rosaly et le contrebassiste norvégien Ingebrigt Häker Flaten,

On s’aperçoit très vite qu’avec ces quatre musiciens, les possibilités sont presqu’illimitées, puisqu’ils savent à merveille déconstruire les mélodies de base pour mieux les réarranger en de nouveaux motifs. Et que leur aptitude à l’improvisation peut les conduire à des développements substantiels.

Deux pièces très longues composent donc cet album Cash and Carry, enregistré live, le 31 août 2014 au Club de Chicago The Hungry Brain qui semble bien être leur repaire : de sensibilité différente, la première composition «Water Foul Run Amok» ne fait pas moins de 39’14, alors que la dernière «Better Than Butter» est beaucoup plus ramassée 15’29.

C’est à l’ampleur et à la fascination du chant, à l’expression libre que ce quartet se réfère. Sans relâche le saxophoniste attaque, poursuit l’échange, le reprend en passant au baryton par exemple, avec une énergie indéfectible.

Dans la première composition, l’affirmation franche et précise au ténor dure près de 9’, soutenue par le pilonnement des deux batteries chargées à bloc alors que la contrebasse, proche et palpitante, n’est pas en reste. Puis, étonnamment,survient un passage long et méditatif, d’une douceur inquiétante ; car le répit, on le comprend vite, est toujours provisoire. Vers la 23ème minute, la pulsation de la contrebasse re joint le cliquetis-claquettes des batteries, en des motifs complexes influencés par les rythmes africains. Très vite, le saxophone revient tel un sifflet moqueur pour s’entretenir, vers la 31ème minute, avec la basse, avec en fond des interventions nettement plus légères des batteurs.

Quand il passe au baryton, David Rempis semble plus apaisé, rigoureux dans le phrasé, s’étant soulagé ailleurs de torrents de musique incandescente.

Pour la deuxième pièce, qui passe presque trop vite en comparaison, c’est la contrebasse qui attaque sur le crépitement des percussions, alors que le baryton la joue plus blues (pas bluesy, attention !). Vous l’aurez compris, nous sommes au cœur d’un dispositif de « wide open free jazz » avec des fragments de mélodie et des changements de rythmes contrôlés, une vibrante démonstration sans vociférations, plutôt rageuse et rebelle, un flot qui ne manque ni de délicatesse ni de force. Ces quatre là se connaissent depuis longtemps et n’ont aucune difficulté à converser, improvisant de façon si complice, en un élan continu, dans un arrière-pays transgressif. C’est dans de drôles de voies que nous entraîne ces amis qui ont joué et jouent encore dans des contextes très différents (pas moins de quarante groupes pour les batteurs). Ainsi s’entend dans cette musique sans parole, un seul chant qui exprime souvent la colère mais promet aussi la (ré)conciliation. C’est une vérité de « la chose » qui n’est sans doute plus «nouvelle» mais qui continue à se modifier : un projet collectif cohérent, intègre, constamment sous tension, dans une réelle urgence du jeu. A écouter sans modération...

Sophie Chambon

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29 juin 2015 1 29 /06 /juin /2015 21:10
BRUNO ANGELINI : « Instant Sharings »

La Buissonne RJAL397022 / Harmonia Mundi

Bruno Angelini (piano), Régis Huby (violon, violon ténor, effets électroniques), Claude Tchamitchian (contrebasse), Edward Perraud (batterie, percussion)

Jazz de chambre dira-t-on ? Peut-être.... Jazz, assurément, avec cette fine connivence propre à la musique de chambre, le goût des nuances exacerbées, et à chaque instant cette liberté propre au jazz, qui donne à entendre, dernière chaque note de chaque musicien, une délibération autonome dans un espace collectif.

Les compostions sont majoritairement celles du pianiste, mais l'on y trouve aussi la reprise (en deux versions : introductive et conclusive) d'un thème de Paul Motian, Folk song for Rosie (qui en donna une première version en 1979 dans « Voyage », puis plusieurs autres....). Suit un thème de Wayne Shorter, issu de son duo avec Herbie Hancock, et plus loin une composition de Steve Swallow tirée de l'album « Echoes ». Dans tous les cas, ce qui va prévaloir, c'est l'intensité du lyrisme, avec une forte expressivité, forte mais retenue, pour jaillir parfois jusqu'en un épisode violent. Les compositions de Bruno Angelini sont dans une adéquation remarquable avec l'instrumentation, la personnalité musicale de chacun des partenaires, et avec les reprises déjà citées. C'est à tous égards du grand art, et s'il est pertinent parfois de dire de certains musiciens qu'ils tutoient le sublime, on pourrait dire qu'ici ils le caressent, jusqu'à le troubler.... Troubler le sublime : c'est peut-être l'une des portes du bonheur musical !

Xavier Prévost

Une vidéo du groupe, dans le live de la Matinale culturelle de France Musique : http://www.dailymotion.com/video/x2tek33

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