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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 07:39

Act - 2011

Rudresh Mahanthappa (Alto Sx), David Gilmore (Gt), Rich Brown (Bs), Damion Reid (Dms), Anantha Krishnan (Perc) 

 rudresh-mahanthappa-samdhi.jpg

 

 

A la fois rageusement rock, sophistiquée, ornée de mélodies indiennes, la Musique de ce power quartet est produite avec originalité. Cette fraicheur se ressent aussi bien dans la qualité des compositions que dans la fougue de l’improvisation. Rudresh Mahanthappa y est d’une vivacité d’esprit incroyable, voguant en permanence sur les limites de la folie. L’inaltérable David Gilmore évolue toujours de façon éclectique en mêlant le tricotage du manche au son trituré de sa guitare rugissante.  Et les fondations de cet édifice sont tenues par les mains de maîtres tel que Rich Brown à la basse électrique et Damion Reid à la batterie. A noter aussi la présence d’Anantha Krishnan usant de Mridangam et de Kanjira, qui ne sont autres que des percussions, accentuant un peu plus l’influence de la Musique indienne dans ce recueil Jazz-Rock psychédélique. Souvent s’installent des dialogues écrits entre chaque instrument, avec une dose incommensurable de malice. Dans certains morceaux, les introductions d’une guitare planante offre un aperçu plus onirique de ce répertoire si contrasté, dans par exemple Richard’s Game ou encore Rune. On peut y trouver aussi des pans entiers de compositions découpés dans le swing le plus profond, juste le temps de quelques mesures, comme dans Breakfastlunchanddinner. Mais aussi, et surtout, l’omniprésence de l’utilisation d’effets multiples et divers, issu d’une catégorie bizarroïde, parfois à la limite du mauvais goût, en témoigne l’ouverture du disque avec ces Parakram # 1 et Parakram # 2. On y ressent très fortement les influences de Steve Reich, John Zorn, Steve Coleman... Tout en tenant compte des origines de ce leader charismatique qui s’amuse à mélanger les esthétiques contemporaines, dans « Samdhi », disque très réussi. Tristan Loriaut

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15 novembre 2011 2 15 /11 /novembre /2011 19:08

Enja 2011

Rez Abassi (g), Rudresh Mahantappa (as), Vijay Iyer (p), Johannes Qeindenmuller (cb), Dan Weiss (dm)

 rez-abbasi-invocation-cd-cover-art.jpg Il n’y a pas si longtemps nous nous intéressions déjà au sort de ce jeune guitariste pakistanais de New York, à l’occasion d’un précédent album ( REZ ABASSI : " Natural selection " )  


Un an plus tard Rez Abassi nous revient avec une nouvelle formation, un power quintet métissé qui réunit un pianiste (Vijay Iyer) et un saxophoniste (Rudresh Manhatappa) indiens un contrebassiste allemand (Johannes Weindemuller) et un batteur américain (Dan Weiss) comme l’illustration éclatante de ce que le jazz New-Yorkais peut fusionner de cultures dans un melting pot des plus foisonnant.

Avec un quintet de ce calibre là, on se dit que Rez Abassi tient quelque chose d’assez fort et puissant dans son expression. 5 talents exceptionnels et convergents dont on entend perceptiblement qu’au-delà de leur énergie fusionnée il affirme très nettement le dessin contrasté de 5 personnalités affirmées et musicalement fortes.La musique peut alors s’y faire torrentielle portée par le flux carnatique du saxophoniste ou par la puissance une nouvelle fois exceptionnelles de Vijay Iyer, maître dans l’art de faire exploser les codes de l’improvisation, donnant à la musique du guitariste une nervure et une expressivité rare. Ajouter à cela le travail immense d’un Johannes Weindemuller , lourd, prégnant, à la limite du rock, ancrant la musique dans une sorte de force tellurique.

Malheureusement si tout les ingrédients semblent réunis, la musique quand à elle n’est pas toujours à la hauteur de nos espérances et les compositions peinent parfois à emporter l’adhésion. Ca joue grave mais ça joue parfois à vide. Ces compositions , pour certaines longues, très longues, peinent à embarquer et il faut que les solistes sortent leurs tripes et réalisent chacun un vrai tour de force pour animer et insuffler la flamme sacrée.

Chacun semle se passer le relais un peu à la manière des cadavres exquis, tous tournés vers le sens du groove.

 

Avec ce groupe-là c’est sur le guitariste tient quelque chose de précieux, qui pourrait bien marquer de son empreinte les prochaines années du jazz New-Yorkais …. Et d’ailleurs.

Jean-marc Gelin

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14 novembre 2011 1 14 /11 /novembre /2011 22:07

« Classics, Originals, Standards& Pop Songs »

Label Durance/ Distribution Orkhestra

www.atelier-de-musiques-improvisées.com

www.label-durance.com

www.orkhestra.fr

larry.jpg

Voilà un album réjouissant qui montre  les limites des chapelles en musique comme dans d’autres sphères d’activités. Ce n’est pas tant le discours que la forme, la façon de jouer qui  importe en jazz. Et  c’est le son qui donne son identité au musicien ! Instructif, ce programme décliné en deux Cds que le titre décrit parfaitement, dévoile un répertoire des « favorite songs » du trio composé de Larry Schneider aux saxophones ténor et soprano, Alain Soler à la guitare électrique, Lionel d’Hauenens à la basse électrique fretless. Ils jouent à se faire plaisir et pour notre plus grand plaisir, dès ce « Waltzing Mathilda » qui inaugure la longue liste de toutes ces mélodies aimées, perles de nostalgie…Le premier album fait plutôt la part belle aux compositions intimistes des guitariste et bassiste, avec la restitution de leur univers irrigué de blues et d’une mélancolie sourde ; comme dans le prenant « Au fond » que l’on préfère dans sa version lente, avec ce thème au saxophone  qui revient toujours nous étreindre, fonctionnant comme un point d’ancrage. On a une petite préférence pour le deuxième Cd, illustrant les standards de l’American Song Book comme l’inoxydable « They All Laughed » des frères Gershwin qui  évoque le couple Astaire Rogers et le final masqué de Swing Time. Un standard est fait pour être joué, rejoué et déjoué, le fredon reste et ensuite, on suit ou pas les modulations : rien à dire sur « Ain’t misbehaving » très fidèle à la version « princeps ». « Skylark » est plus original dans la version du trio, exercice de style réussi, où Larry Schneider se montre dans la plénitude de son talent merveilleux accompagné délicatement par la guitare fine d’Alain Soler. Des mélodies accrocheuses, un parfum, une couleur que l’on aime retrouver. Le concerto pour clarinette de Mozart auquel s’est essayé plusieurs fois notre Michel PORTAL a de curieux accents d’hymne religieux avec les nuances folk de la basse électrique fretless de Lionel d’Hauenens. Quant à « O Caroline » de Robert Wyatt, voilà une façon bien agréable de terminer ce nouvel opus des éditions du label Durance dans le beau département des Alpes de Haute Provence.

Sophie Chambon 

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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 12:11

VidalJacques_FablesOfMingus.jpgCristal Records/ Harmonia mundi


 Voilà un titre bien trouvé, en écho à l’une des plus célèbres compositions du contrebassiste, visant l’horrible politicien, le raciste gouverneur de l’Arkansas. On sait que le contrebassiste  Jacques Vidal  a un rapport passionné à l’homme et au musicien génial que fut Charles Mingus. Comment réussir le portrait éclaté d’un grand du jazz ?  En donnant une évocation lyrique et  convaincue de cet « ogre fâché », contrebassiste et pianiste, compositeur  furieusement ellingtonien dans  « Duke Ellington’s Sound of Love », mais aussi un Jelly Roll Morton du jazz moderne dans le portrait réussi intitulé simplement «Jelly Roll». Le tendre mélodiste, catalyseur d’énergie, toujours sur le fil du rasoir mais inquiet pour de bonnes raisons, était véritablement enragé contre toutes les injustices raciales et sociales, rebelle à vif pour une véritable cause. Dans une prose sensible, écrite et lue parIsabelle Carpentier, qui sait aussi scater avec sensualité,  se dessine en contrepoint  le portrait de celui qui se considérait  comme moins qu’un chien « Beneath the Underdog » (c’est le titre de son autobiographie, parue en 1971), de celui «bigger than life» qui se démultipliait en trois « moi » au moins ! Jacques Vidal, contrebassiste et arrangeur doué, est l’homme orchestre de ce nouveau projet. Il réussit en quelque sorte à prolonger l’esprit du fameux Jazz Workshop, en une plus petite formation certes mais qui fait vivre et revivre la musique mingusienne. Un hommage volcanique  que lui rendent, avec  cette acuité de passionnés également  spécialistes, l’altiste Pierrick Pedron,  le tromboniste (et tubiste) Daniel Zimmerman et le percussionniste Xavier Desandre Navarre. Une formation qui sait mélanger tradition et respect de cette musique généreuse, émotionnelle et physique avec une réelle  liberté : pour preuve, un éblouissant «Boogie Stop Shuffle» où chacun choruse avec incandescence, un swingant « Nostalgia in Times Square ». On songe qu’ils doivent être drôlement heureux de pouvoir jouer cette musique aujourd’hui encore. En tous les cas, nous sommes  sûrs d’entendre  un sacré moment de musique, une petite illusion de bonheur  dans ce Winter of (our) discontent. Avec raison,  Jacques Vidal reprend des titres phares du maître (Moanin’, Pithecanthropus Erectus) qu’il déjoue à sa manière, arrange sans déranger. Toujours dans l’esprit, il ajoute deux compositions de son cru qui introduisent et soulignent l’intérêt du projet.

Enfin, nous avons été sensible au livret soigné, évoquant le Grand Concert de Nicolas de Staël, à moins que ce ne soit simplement la magnifique teinte d’ « Orange was the colour of her dress ».Fabuleux !

Sophie Chambon

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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 12:08

dedierlabbe.jpgCompagnie Messieurs Mesdames/Mosaïc Music


 

 

 

Découvert à la dernière Fête de l’Huma sur la scène Jazz Hum’ Ah !, le quartet de Didier Labbé fit à juste titre, une forte impression et l’album correspondant au programme Le Cap, nous fait entendre un magnifique groupe entraîné par le saxophoniste qui aime à se jouer des modes et du temps, dans ce voyage en terres australes. On est immédiatement plongé dans le bain, du Cap dans une Afrique imaginée, imaginaire (?),  une Afrique bigarrée, festive, frémissante et inquiète, sur des rythmes chaloupés qui swinguent sans retenue. Ça chante aussi  avec ce merveilleux accordéoniste Grégory Daltin ( l’instrument revient en force - il faut s’en réjouir quand il est aussi bien joué - sur la scène du jazz hexagonal ), entouré d’un tubiste brillant  dans ses rugosités même, Laurent Guitton, que soutient et renforce un batteur des plus attentifs Jean Denis Rivaleau . Une rencontre fusionnelle entre ces quatre musiciens, un échange sensible et rayonnant sur scène et sur l’album. Chacun prend à l’aise de puissants solos, accordéon et tuba se répondant sur le « Did you hear that sound »? de  l’emblématique Abdullah Ibrahim, fil conducteur, inspirateur de l’album, auquel Didier Labbé rend hommage dans un émouvant  «Merci Monsieur Abdullah Ibrahim». Comme si les compères voulaient faire allégeance au piano absent, dernier élément, virtuel, de leur groupe. Une aventure collective avec une instrumentation aux timbres originaux qui force l’écoute, pour une musique simple mais forte, toujours en mouvement. Qui surprend et attache. Ça commence de fort belle manière dès l’entraînant « Le cap », rejouant des traditions millénaires. «Pas cap» est troublant  avec la plainte vive du saxophone sur fond de tambours et  grognement du tuba, et en arrière plan, un accordéon menaçant. Comme si chacun jouait sa peau, à moins que ce ne soit avec nos nerfs. Enfin, à la flûte et aux divers saxophones, le leader de ce groupe épatant  conduit son discours explicitement, avec générosité, lyrisme, mélancolie parfois, en dépit de l’énergie déployée constamment. L’Africanité dans tout ça ? Le disque se réclame, on l’ a dit, du grand pianiste converti  depuis à l’Islam et devenu Abdullah Ibrahim.  Notre ancien Dollar Brand  composait des mélodies chatoyantes, plus vives et épanouies bizarrement, issues du blues, des ballades du répertoire populaire, où dominait le chant profond des graves. Si vous ne dansez pas sur l’hypnotique « Imam »  où tuba et flûte s’enroulent, vous méritez de demeurer à jamais cloué sur votre siège. «The Wedding », hymne tendre et prometteur, en miroir au premier titre, conclut le disque,  exaltant le phrasé du saxophone. Traversé de fulgurances, l’album fait entendre un chant mélodique profond.  Absolument ensorcelant !

Sophie Chambon

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3 novembre 2011 4 03 /11 /novembre /2011 21:34

 

BRAD MELDHAU & KEVIN HAYS (Nonesuch 2011)

CHICK COREA & STEFANO BOLLANI ( ECM 2011)

 

 BRAD_MEHLDAU-_KEVIN_HAYES-_PATRICK_ZIMMERLI_Modern_Music-13.jpg                                   Chick-Corea-and-Stefano-Bollani-Orvieto.jpg

 

 

A quelques semaines d'intervalles sont sortis dans les bacs deux duos exceptionnels de pianistes : d'un côté Brad Mehldau avec Kevin Hays pour un enregistrement en studio et d'autre part Chick Corea et Stefano Bollani pour une série de concerts enregistrés en public.

Deux approches radicalement différentes de la rencontre. Deux exigences différentes. Et pourtant, dans les deux cas, une même magie qui opère, un art de la fusion qui se crée sous les doigts de ces immenses musiciens.

 

Chez Brad Mehldau et Kevin Hays ( tous deux anciens pianistes chez Joshua Redman), c'est d'un travail construit de longue haleine, envisagé depuis 2007 qu'il s'agit. Un désir de faire quelque chose ensemble qui taraudait les deux pianistes . S'ils avaient d'abord en tête un projet autour des "Métamorphoses" de Richard Strauss c'est finalement autour de leur rencontre avec Patrick Zimmerli, compositeur oeuvrant plus dans la musique contemporaine-classique que dans le jazz que ce projet prit finalement forme. L'inspiration de celui-ci (et en partie le matériau de cet album) lui vient de Steve Reich ou de Philipp Glass (Music for 18 musiciens pour le premier ou le Quatuor à cordes no 5 pour l'autre), Zimmerli ayant pour ce projet composé 4 titres, Mehldau et Hays étant venus chacun avec un thème. Et c'est une rencontre extrêmement construite qui en résulte. Où les deux pianistes se partagent le travail sur l'écriture et l'improvisation dans un ensemble complexe où chacun des deux parvient à porter sa part de musique sans empiéter sur l'autre. Bien sur il y a ces lignes naturelles de partage quand l'un improvise alors que l'autre joue les parties écrites. Il y a aussi cette autre ligne qui donne à l'un la parties mélodique et à l'autre la rythmique. Mais il y a aussi quelques tours de forces, selon l'aveu même de Mehldau, comme par exemple cet exercice consistant pour les deux pianistes en même temps à jouer ce qui est écrit de ma main gauche et à improviser de la main droite.

Et l'ensemble fonctionne à merveille. La musique passe, entre musique classique et musique répétitive de Reich, Glass ou Riley. La complicité de Brad Mehldau et de Kevin Hays y est évidente et élève cette musique à quelques sommets. La rencontre de deux pianistes d'exception produit ainsi le résultat que l'on attendait ( redécouvrir absolument ce magnifique pianiste, Kevin Hays de quelques petites années, aîné de Brad Mehldau, trop méconnu ici). De cette rencontre On perçoit cette intelligence commune de la musique, cette sensibilité partagée fruit d'une longue collaboration et d'un intense travail à la table.

La musique y est sérieuse et empreinte de gravité. Peut être même un peu trop, dirons quelques esprits chagrins.

 

Tout le contraire avec cette formidable série de concerts donnés par Chick Corea et Stefano Bollani dans le cadre de L'Umbria Jazz Festival. Ici une sorte d'explosion d'enthousiasme, un feu d'artifice des énergies fusionnées. Entre Chick Corea, adepte des duos pianistiques ( notamment avec Herbie Hancock) et Stefano Bollani, pas moins de 32 ans d'écart. Et pourtant là rien ne les oppose, tout les réunit, emportés ensemble dans un mouvement irrépressible. L'un joue avec l'énergie de l'autre, s'en nourrit, joue avec l'autre dans les deux sens du terme, s'amuse et joue avec l'autre. Avec ce placement rythmique hallucinant de Chick Corea et cette fraîcheur du jeu de Bollani. C'est un peu comme si Art Tatum rencontrait Bud Powell. Ou comme si Oscar Peterson jouait avec Martial Solal. Imaginez un peu ! Un flot que rien n'arrête comme ce Doralicede Joao Gilberto, percussif en diable. Une version sublime de Retrato em branco ( Portrait en noir et blanc) qui égale à mes yeux un autre duo magnifique, celui de Michel Grailler et Alain Jean-Marie.

Dans ce duo là, pas de question d'ego, pas question non plus d'y abandonner son identité au profit dont ne sait quel dénominateur commun. Chacun affirme son jeu et pourtant tous les deux fusionnent. Il se crée alors de ces moments rares et absolument exceptionnels en musique où la musique elle même semble transcender ses créateurs. Affirmation intrinsèque de la musique. Ontologique. Dans If I should loose you, Corea et Bollani se jettent a corps et à coeurs perdus dans l'improvisation, alternent les jeux de rôles, la main gauche de l'un libérant les facéties du haut de clavier de l'autre. C'est génial de bout en bout. Et toujours cette magie de la coda qui à chaque morceau montre que ces deux là se comprennent parfaitement, on beaucoup travaillé et savent que trop en faire serait aussi mal faire. Ce que font ces deux là est incroyable de technique, de liberté et d'audace harmonique, rythmique. Ces deux là peuvent tout jouer, car Corea à près de 70 ans (!) et Bollani à 40, en connaissent tous les détours. Ils peuvent rè-animer Jitterburg Waltz de Fats Waller ou encore faire du bouche à bouche à ce vieux standard comme Darn that dreamou jouer leurs propres compositions comme le superbe A valsa da pauladu pianiste milanais, tout est empreint de la même flamme. Avec deux musiciens comme ceux-là, la technique libère tout et permet d'aller loin. Très loin. Comme sur cette double improvisation déroutante et presque facétieuse de Nardis recrée sur l'instant. Mais s'ils peuvent tout embarquer avec eux et renverser le public au passage ce n'est pas seulement parce que ce sont deux techniciens de très haute volée qui se rejoignent ici mais deux âmes à l'unisson, en totale fusion. Et l'on meurt de n'avoir assisté à aucun de ces concerts tout bonnement exceptionnels.

Jean-Marc Gelin

 

 

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1 novembre 2011 2 01 /11 /novembre /2011 21:55

Cristal records 2011

www.cristalrecords.com

COUDERC_96X96.jpg

On ne peut qu’être intrigué puis séduit à l’écoute de ce formidable instrumentiste-collectionneur qu’est Frédéric COUDERC. Non content de jouer de divers clarinettes, saxophones, flûtes, cor anglais et taragot (instrument en bois d’origine hongroise, proche du soprano et /ou du cor anglais sur « Déjà demain »), il a trouvé le moyen de penser à un nouveau prototype, le coudophone, à savoir un saxophone ténor en ut droit (sur deux titres). Diable d’homme évidemment passionné par Roland Kirk, qui se promène à l’aise dans la Kirkophonie, a su faire sa place dans le Paris Jazz Big Band, qui réunit la fine fleur des musiciens de jazz français, orchestre de Pierre Bertrand et Nicolas Folmer qui choruse sur un titre « Preludio nazarresco ».  Mais Couderc va voir aussi du côté des expérimentations de Vincent ARTAUD(Music from early times) . Quand on est sensible à la beauté et l’alliage des timbres, comment résister à ce délicat « C’est pas grave » (cor anglais et violon) sur lequel Frédéric Couderc a su s’entourer d’une rythmique de rêve,  André Cecarelli  qu’on ne présente plus  et le Vénézuélien Juan Sébastien Gimenez,bassiste et contrebassiste, auteur de la plupart des compositions et des arrangements de ce disque. Le pianiste est Vincent Bourgeyx, Bordelais émigré aux States, familier du Japon, revenu enfin au pays. Sur une de ses compositions « While she sleeps » faussement mélancolique, Frédéric Couderc joue du saxophone mezzo soprano.  La musique de cet album est festive, colorée, chatoyante, rythmée : elle invite réellement au voyage et ce n’est pas une image, par le déploiement de tous ces sons convenablement arrangés. Chaque nouvelle composition assortit des sonorités différentes,  soprano et kayamb du Réunionnais Olivier Ker Ourio sur « La didonade » du pianiste du PJBB Alfio Origlio. C’est bien une histoire de sax et de famille musicale  où la couleur est partout. Comme si Klee, qui mania l’archet avant le pinceau l’avait inspiré. Klee qui transcrivait ses partitions en géomètre aventureux, déroulant la représentation plastique des mesures d’une sonate de Bach, dans des lignes de rêve. D’ailleurs l’une des définitions possibles de la Coudophonie serait « l’art d’appliquer aux sonorités les règles de couleur du peintre ». Et l’on se perd volontiers dans la peinture de la couverture de Philippe Conord qui tangue entre de Kooning et Bram van Velde, ouvrant des fenêtres sur cet univers passionnant des correspondances.

Sophie Chambon

 

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1 novembre 2011 2 01 /11 /novembre /2011 17:37

Label Manivelle – 2011

Etienne Lecomte (Flûte traversière), Laurent Guitton (Tuba), Oriol Roca (Dms), Radek Knop (A. Sx), Jaime Pantaleon (Gt & Electronic)

 vrak.jpg

 

Un projet complètement fou. Une osmose volontairement désorganisée, faite de paradoxes, de faux semblants sonores. Un foutoir incommensurable, au service de la plus intense des créativités. Vrak’Trio est un groupe (dés)articulé autour de trois malicieux artistes, en la personne de Laurent Guitton au tuba, Etienne Lecomte à la flûte traversière et Oriol Roca à la batterie. Ce trio arbitre les débats par son assise rythmique et le lyrisme des mélodies distillées avec sagesse. Dans le rôle du trublion, le guitariste Jaime Pantaleon utilise une palette d’effets électronique aussi bizzaroïdes que dérangeants, Ring Modulator et Distorsion synthétique à l’appui. Cette série de Crossroads, apatride de tout acte d’esthétisme préétabli et politiquement correcte, se veut être une suite de rêveries parfois satirique, parfois faussement naïve. Il s’agit là d’une création Live en 2008 pour le Festival « Musiques au présent » de Narbonne. La présence de Mia Makela à la video témoigne de l’ampleur artistique d’un tel projet. Par ailleurs, le saxophoniste Radek Knop y évolue avec sagesse, sachant allier spontanéité avec audace. Lors de quelques accalmies, la Musique de ce projet dingue s’organise en Groove monstrueusement envahissant, communicatif. Malicieux unissons opposés à de rugissants effluves sonores, les solistes occupent l’espace de façon onirique. Les fréquentes mises en place témoignent d’ailleurs de l’incroyable talent de compositeurs de ces interprètes, notamment Etienne Lecomte. Ce n’est pas sans rappeler l’influence bienfaitrice d’un John Zorn ou d’un Steve Reich, desquels les musiciens de ce disque sont les dignes héritiers. Tristan Loriaut

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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 22:28

 

clarinet-masters-original-sound-deluxe.jpgCLARINET MASTERS

Original  Sound Deluxe

Cristal records/Harmonia mundi


 

Pour ce 34 ème numéro de la série Original Sound de Luxe, la clarinette est à l’honneur. Et ce n’est que justice, car si le saxophone est associée au jazz dans l’imaginaire collectif, la clarinette fut  historiquement  un des instruments privilégiés des débuts de cette musique. A la Nouvelle Orléans. C’est ainsi que les deux premiers morceaux rendent hommage aux pionniers de l’instrument,  Jimmy Dodds dans « Blue Piano Stomp » et Jimmy Noone dans un éblouissant « I know that you know », en 1928. Et si vous n’avez toujours pas compris  après ça ce qu’est le swing, consultez ! Figure ensuite  Sidney Bechet qui s’illustra surtout au saxophone soprano mais que l’on entend ici dans un émouvant « Blues in thirds » du pianiste Earl Hines.  Rien qu’avec ces trois premiers titres, on goûte la quintessence du jazz et de cet instrument difficile.  On ne sait pas toujours que, dans les sections de saxophones, les instrumentistes devaient être capables de jouer de la clarinette pour rendre certains effets. On en aura des exemples avec des saxophonistes devenus pour la circonstance  clarinettistes d’un soir  comme  Al Cohn,  Zoot Sims, ou encore  Art Pepper.  Et pourtant de grands orchestres à la grande époque  furent conduits par des clarinettistes souvent rivaux, le roi du swing Bennie Goodman que l’on entend dans un éblouissant et véloce « Clarinade » avec des acrobaties dans les aigus et le séduisant Artie Shaw dont le nom en français  a de quoi faire sourire, mais qui rencontra un grand succès auprès de ces dames, on le comprend  aisément avec  ce  « Lady Day » qui rend  galamment hommage  à Billie Holiday qu’il engagea  un temps dans son orchestre au plus fort de la ségrégation raciale. On retrouve avec plaisir  le trop méconnu (aujourd’hui), Hubert Rostaing avec Django et le quintette du Hot Club de France en 1947 dans « I Love You » : il remplace très avantageusement (pour nous) Stéphane Grappelli. Et puis Jimmy Giuffre en trio en 1959, quand il ne jouait pas encore free,  dans ce « Princess » intense, enregistré au plus près, dans le souffle : du jazz de chambre dans sa plus belle expression avec Jim Hall (g) et Red Mitchell (b). Suivent ensuite quelques  perles rares, Lester Young qui ne fit que quelques enregistrements avec l’instrument  en métal (se référer à la collection amie Cabu jazz et au numéro chroniqué dans les DNJ  sous ce thème des curiosités) livre ici un fondant «  I want a little girl » avec Buck Clayton à la trompette, qui vaut bien « These Foolish Things ».Vous l’aurez compris, la liste des instrumentistes géniaux, oubliés ou non est grande et le mérite de cette série est de nous permettre de (re)découvrir ces joyaux qui devraient figurer dans toute discothèque éclairée. Pour les non connaisseurs, comment ne pas venir au jazz en écoutant pareille sélection, justifiée par de vraies notes de pochette ? Les titres s’enchaînent,  peut-on rester insensible  devant Stan Hasselgard,  Buddy de Franco, la clarinette jouée de toutes les façons, de tous les styles possibles ? Pour terminer ce tour de l’instrument  des origines aux années soixante, quoi de plus indiqué qu’Eric Dolphy qui contribua au succès de la clarinette basse ? Il est en quartet avec Jaky Byard (p), Ron Carter  (b), et Ray Bryant (d)  dans « It’s magic » ! On ne saurait mieux dire !

Ce numéro est tout simplement enthousiasmant !

Sophie Chambon

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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 22:20

Love-songs-Original-Sound-Deluxe.jpgLOVE SONGS

Original Sound Deluxe

CRISTAL RECORDS/ HARMONIA MUNDI


Sélection musicale/Réalisation artistique Claude Carrière et Illustrations originale de Christian Cailleaux.

Dans la pile de disques qui attendent à être chroniqués, quand figurent les albums Original Sound De luxe,  on sait que la chronique sera assortie d’un plaisir sans précédent d’écoute. Témoin la dernière livraison de cette impeccable collection qui propose une brassée de petits chefs d’oeuvre  de l’histoire du jazz tombés dans le domaine public….et souvent dans l’oubli. Pour l’amateur, le plaisir de découvrir dans la suite ainsi compilée avec amour et érudition par Claude Carrière quelques pépites et de chercher quels autres titres, quels interprètes manquent à l‘appel. Mais  tout compte fait, la sélection est  une fois encore parfaite, variant  les interprètes et les styles, choisissant dans le grand « American Songbook »  les meilleurs  compositeurs  comme Cole Porter, Ira& George Gershwin, Irving Berlin, Rodgers & Hart ou Rodgers& Hammerstein,  ou le plus méconnu Victor Young qui fit beaucoup de musiques de films pour la Paramount. Extrêmement séduisant, le thème consacré à l’amour dans tous ses états et  ses formes part  des interrogations sur la nature de ce sentiment (un formidable « What is this thing called love? » par un ensemble  West Coast comprenant Mel  Tormé et l’orchestre de Marty Paich ), détaille la rencontre -des premiers battements de cœur à la déclaration- avec la solaire ELLA dans  « Love you madly » en 1957 avec Ben Webster et Oscar Peterson sur une composition de Duke Ellington, suit les transports amoureux avec le suave et inimitable Nat King Cole dans « Almost like being in love », passe du bonheur sans nuage  aux affres de la séparation (« When your lover has gone » par un émouvant Ray Charles with the Quincy Jones orchestra en 1959), et déclare la rupture sans appel  dans  I’m Thru With Love,  chanté  par Carmen McRae dont l’ interprétation  vaut bien celle de Marylin ! Enfin une curiosité flattera notre chauvinisme,  la version américaine (une fois n’est pas coutume) de  « I wish you love »  c’est à dire « Que reste-t-il de nos amours ? » par Nat King Cole sans la mélancolie de l’original de Charles Trenet. De très grandes interprètes se sont emparés de ces mélodies : quel  frisson troublant dès  l’introduction avec  Billie Holiday, grande amoureuse toujours déçue et meurtrie dans  « The man I love ». Elle est vraiment l’équivalent de notre Piaf nationale. Suit ensuite une galerie d’interprètes formidables aux voix superbes comme  Anita O’ Day, Frank Sinatra, Sarah Vaughan, Peggy Lee… On écoutera avec intérêt même les voix plus « faibles »,  la belle Lena Horne dans « Love » avec  l’orchestre de la MGM en 1944,  celles qui ont quelque chose de particulier, le grain acidulé de Blossom Dearie

Encore un numéro réussi de cette collection que nous retrouvons toujours avec le même intêrêt !  For (jazz) music lovers !

Sophie Chambon

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