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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 23:02

JJ MINA AGOSSI : « Who wants love »  

 

Candid 2007

 

Mina Agossi (vc), Eric Jacot (cb), Ichiro Onoe (dm), Daoud David Williams (perc), Rob Henke (tp)

  

Pour sûr Mina Agossi est une chanteuse de scène ! Totalement investie dans la performance « live » elle a cette faconde incomparable qui lui permet de mettre toujours tous les publics dans sa poche. Souvenez vous, il y a un an. Alors qu’elle nous avait totalement conquis un soir au China Club pour la sortie de Well you needn’t, on n’avait pas pu s’empêcher d’un autre côté d’émettre des réserves à l’écoute de l’album qui selon nous avait du mal à tenir la longueur et à captiver son auditoire comme elle sait le faire sur les planches. Et c’est peut-être pour rendre compte de cela que le label Candid a choisi de proposer un nouvel album cette fois capté en « live » un soir d’Halloween à New York en 2006. Ambiance club surchauffé, public chaud comme la braise et un invité surprise, le trompettiste Rob Henke. Alors, ce soir là qui à New York est un soir si particulier, qui se prête dans les rues de la Grosse Pomme à toutes les extravagances, Mina Agossi se montre ensorceleuse, ondoyante autant que serpentine, se lovant dans les méandres d’un chant libre et fou, érotiquement inquiétant. Il y a chez cette chanteuse assurément cette totale émancipation par rapport à la voix qui lui permet de tout faire, depuis les grincements, les couinements jusqu’aux imitations des guitares saturées façon Hendricks. Seulement voilà, la plus étonnante des chanteuses peut faire ce qu’elle voudra si elle ne s’appuie pas sur des arrangements de qualité et sur une rythmique adéquate, elle aura beau s’agiter on passera toujours à côté.  Slap that bass qui ouvre l’album est l’exemple même d’un morceau alléchant mais un peu « cassé » par des arrangements très moyens, alors que sur le prometteur Spanish Castle Magic on sent toute la difficulté pour une rythmique de suivre une chanteuse aussi imprévisible que Mina Agossi. C’est qu’il faut à la chanteuse quelqu’un quoi soit capable d’imposer sa présence, de faire jeu égal. Et à ce titre l’intervention du trompettiste Rob Henke est un coup de génie. Un coup qui sauve tout l’album !  ( Do nothin’ till you hear me). Car alors on entre dans une autre dimension. Celle de la vraie scène New Yorkaise, celle du happening théâtral, celle de la poursuite d’une ambiance post-free, celle que l’on rencontre dans les petits clubs de New York à l’heure des troisièmes sets entre chiens et loups. Un soir d’Halloween à New York.

Jean-Marc Gelin

 

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 16:23
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JJJJ jerome SABBAGH: « Pogo »

Jérôme Sabbagh (ts, ss), Ben Monder (g), Joe Martin (cb), Ted Poor (dm)

 

 Fichu disque ! Non mais c’est pas permis des trucs comme ça ! Parce que moi figurez vous que depuis que je l’ai reçu et ben il tourne en boucle sur ma platine. Bon d’accord c’est bien joli tout ça mais pendant ce temps là, y a du monde qui attend, j’ai les albums qui s’accumulent….Et vas y que je me repasse Pogo et que je me redonne un petit coup de Stand Up, et que Middle Earth me donne des battements au bout du pied et que même si des trucs comme Hamra me gonflent un peu, là c’est Ben Monder qui me décoiffe. Non mais j’vous jure quand c’est pas l’un c’est l’autre. Un coup il y a Sabbagh qui t’assassine, un autre c’est ben Monder à la guitare. Quand à Joe Martin à la basse je te raconte pas ! T’as qu’à écouter cette profondeur (Moon/sun). Non mais franchement vous avez entendu ce truc, comme disent les p’tits gars dans le milieu «  ça joue monstrueux » ! Moi je vous l’dis le Jerôme il a pas intérêt à pointer le bout de son nez parce que là c’est sûr tous les saxophonistes du coin ont dû lancer un contrat sur sa tête. En plus voilà le gars qui vous arrive avec son petit air tout propret de gendre idéal. Le gars qui connaît son affaire et il souffle dans son biniou joliment, totale maîtrise et tu te dis, putain c’est classe ! Et puis avec son air de pas y toucher et sans se départir d’une superbe élégance, il te balance un vieux blues poisseux qui colle aux basques. Et le morceau d’après t’entends un truc genre un refrain que t’aurais pu entendre avec The Police dans les années 80, mais là, Monder et lui en complices ils te balancent un truc plus rock qui assure grave. Mais la connivence de ces quatre là est ailleurs. Elle est plutôt du registre de celle que se trouvent les mauvais garçons quand ils veulent jouer les aristos. A moins que ce ne soit des gars de la haute qui aillent s’encanailler dans les ruelles sombres et les boites mal famées. Avec des mélodies simples voire carrément chantantes, ces quatre là jouent autre chose que le son. C’est plus dans la façon de dire que dans le dire lui-même. Une façon d’installer le groove permanent, de jamais en démordre. Un truc que quand tu l’entend tu pex pas t’empêcher de lâcher un « yeah man ! ».  Et puis moi quand j’entend cet album je pense à des associations évidentes. Je pense à Scofield et je pense à Lovano (tiens Lovano c’est une des références de Jérôme, justement). Mais aussi (allez savoir pourquoi), moi j’avais Lester Young en tête. Parce que justement quand les ténors sont capables de jouer ave autant de classe une musique de voyous, ben moi je pense à Lester. Et pour ceux qui commençaient à désespérer du saxophone un peu trop formaté des scènes New Yorkaises, le jeune frenchy qui aligne toutes les compositions montre là qu’il y a bien d’autres choses que le post fun ou le revival.

Il y aura bien quelques grincheux pour vous dire que certaines parties (notamment au niveau de la rythmique) ont été parfois simplifiées à l’extrême. Il n’empêche qu’on en démordra pas, depuis North on savait que Sabbagh était un grand saxophoniste qui confirme ici sa lancée sans chercher à réinventer le monde. On sait désormais qu’avec cette formation il a réussi à trouver quelque chose de plus. Et quand on les entend on croirait qu’ils jouent ensemble depuis des milliards d’années. Et je sais pas ce que vous ferez de tout ça mais moi c’est sûr je me le mets dans mes favoris sur mon Ipod. Et je peux vous dire qu’il va pas me lâcher de sitôt. Yeah man !

Jean-Marc Gelin

 

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 10:43

JJJJACQUES PELLEN : «  Lament for children »

Naïve 2007- Jacques Pellen (g), Gildas Boclé (cb), Marcello Pelliteri (dm)  Ici comme ailleurs Jacques Pellen reste un guitariste marqué par l’amour de la musique celtique. Mais alors qu’un musicien comme Didier Squiban affiche ses attaches bretonnes à grands coups de clichés et de caricatures, Jacques Pellen lui s’exprime comme un musicien en recherche dont le sujet est moins axé sur une musique folklorique que sur quelque chose qui se situe au-delà. Et c’est tout l’objet de Jacques Pellen de montrer combien la musique Celtique dépasse largement son cadre régional pour s’appliquer à d’autres sujets. Des thèmes comme Lament for children, un blues comme God bless the child ou encore un morceau de Duruflé comme Pie Jesus, prennent avec ce trio un tout autre accent. Car avec sa façon de jouer exclusivement acoustique comme on jouerait de la harpe celtique, Pellen se situe loin de la caricature. Sa guitare au jeu piqueté souvent dénué de tout legato, sans effets ajoutés s’entend parfois comme une gestuelle précise et presque méditative. Et il est vrai qu’il y a dans la musique de Jacques Pellen une très forte dimension Zen par le dénuement dans lequel il s’exprime. Pourtant sur deux titres cette musique peut aussi faire preuve de swing  (Bea’s house ou comme Shh) même si ce n’est pas le propos ici. Car on est plus là dans une sorte de road movie apaisé et inspiré. Jamais évanescent, Jacques Pellen parvient à ce prodige qui consiste à exprimer avec beaucoup de poésie une musique à l’énergie et la puissance intacte.  Et il n’y a pas loin finalement entre les explorations de ses sentiers et les improvisations de Keith Jarrett. Une musique qui au travers de son parcours tracé net peut être aussi sinueuse et se perdre sans s’égarer jamais. Jean-Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

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12 avril 2007 4 12 /04 /avril /2007 22:45

JJJ ROSARIO GIULIANI : « Antything else »

 

 

Dreyfus

 

 

 

 

 Quelques mois après le magnifique album de Pierrick Pedron, l’album de Rosario Giuliani s’écoute sous le même soleil, exactement. Celui du profond respect des saxophonistes pour l’héritage des maîtres et partant, d’une certaine histoire du jazz sur laquelle on rencontre des saxophonistes comme Cannonball Adderley, Phil Woods ou le regretté Jackie Mc Lean. On jurerait même à entendre le saxophoniste italien, qu’il a dû mettre Sonny Stitt en bonne place dans sa discothèque. Ainsi, bourré d’énergie à craquer l’album de Giuliani revisite le bop sans copier, sans revival mais néanmoins bien ancré dans l’esprit. Le saxophoniste italien signe lui-même la plupart des compositions mais laisse néanmoins une place à celles de Ornette Coleman (Invisible) et à son merveilleux pianiste, Dado Moroni pas en reste une seconde dans le genre bopper. Giuliani impressionne, tranche, met le feu et s’envole sur une magnifique ballade (a winter day). Flavio Boltro quand à lui joue les équilibristes avec délectation, flirte border line du côté de l’out off tune et tel un équilibriste se rattrape à la volée. Rythmique bien rodée avec, comme toujours un Rémi Vignolo tout guilleret, dont les lignes de basses semblent presque mutines. Bref album 100% plaisir dans le genre.
Mais voilà, cet album va venir nourrir une polémique entendue ça et là : le sax est il en train de se ringardiser. Jadis instrument de prédilection du jazz, le saxophone a-t-il encore sa place aujourd’hui ? Je vous rassure ce n’est pas moi qui pose la question (rien que la poser me rappe les oreilles) mais j’entend ça et là le débat s’animer autour de cette question face à laquelle celle sur le sexe des anges ne vaut pas tripette. Car les saxophonistes aujourd’hui s’évertuent avant tout à être de bons saxophonistes et surtout de bons solistes. Entre le revival nostalgique et le formatage post funk à l’américaine se pose la question de savoir comment peut évoluer l’instrument ? Et surtout comment peut il contribuer aujourd’hui a réécrire les pages de demain ? On ne boudera donc pas notre plaisir mais malgré le pied absolu que l’on prend à l’écoute d’albums comme celui ci, la virtuosité des uns et des autres n’empêchera pas un néanmoins la question de se poser. Avec acuité

 

 

Le sax est il encore l’avenir du jazz ?

 

 

Jean-Marc Gelin

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3 avril 2007 2 03 /04 /avril /2007 23:08

JJJJ Pierre de Bethmann : « Oui »

 

Nocturne 2007

  

Pierre de Bethmann nous propose un opus à la structure d’interprétation intéressante, complexe voire intellectuelle. En fait, ce n’est pas si surprenant que cela quand on connait l’art du musicien.

Cet opus est consacré à un septet homogène et très cohésif qui joue des compositions elles aussi très homogènes. A l’instar du saxophoniste Donny McCaslin avec son très bel album « Soar » (SunnySide Records 2006) avec la chanteuse Luciana Souza, Pierre de Bethmann utilise la voix de Jeanne Added comme instrument à part entière. Selon un système de superpositions de couches instrumentales et sonores d’expressions différentes, mécanisme que l’on rencontre aussi chez McCaslin, Pierre de Bethmann construit son mille-feuille en y intégrant abondance de notes, goût du risque, diversités harmonique et rythmique aux métriques les plus équilibristes. Peut-on parler d’album concept ?

C’est possible. En tout cas, De Bethmann, très à l’aise dans cet/son univers, est la plaque tournante du groupe : il lance des assauts sonores de son fender qui prennent la forme d’atmosphères chargées de discours et de nappes montantes et descendantes qui sont attribués par musicien ou par petit groupe de musiciens.

Pour continuer à décrire ce groupe à la structure mouvante, on peut dire que le rôle de chacun évolue au fur et à mesure des pièces. Comme dans un réseau de Petri, De Bethmann passe un jeton que l’on se distribue ou que l’on partage par jeu d’associations pour créer des alliances déroutantes et orgasmiques au niveau technique mais plus rarement musicalement.

Les vocalises de Jeanne Added, au timbre de voix carillonnant, soulignent les thèmes à teinte dissonante et surplombent l’ensemble très cohésif  Stéphane Guillaume (as) / David El Malek (ts) / Michael Felberbaum (g) de sa voix juste à la texture claire et voilée à la fois.

Cette cohésion se dissout quand les saxophonistes se détachent de la guitare de Felderbaum si invraisemblablement inspiré (« Singulier ») pour s’associer à Jeanne Added et marquer ainsi le trait de la mélodie, parfois de manière excessive, ou dépeindre un thème à contre-courant.

A son tour, De Bethmann seconde la vocaliste (« Air courbe »), s’associe au guitariste pour nous sortir des sonorités jouissives et variées ou compose avec une rythmique (Vincent Artaud ,Franck Agulhon) que l’on aurait tort de ne pas écouter tant son apport (« Effet tatillon ») favorise les positions à risque du quintet. Aussi, il arrive que la rythmique se dissocie : la contrebasse ou la batterie crée une association éphémère avec un autre instrument pour soutenir son propos.

Entre ballades (« Air courbe », « Silnes »), compositions pêchues (« Schéma »), riffs funky et joyeux (« Oui ») et de très nombreuses montées en puissance des instruments, voix comprise, De Bethmann nous a concocté une musique riche en surprises et en abondances, en sonorités et en formes combinées qui rassasient notre goût de la musique d’aventures.

Jerome Gransac

 

 

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3 avril 2007 2 03 /04 /avril /2007 22:53

JJJ Malcolm Braff Trio : « Yele »

 

Unit Records 2007

Cet album de compositions de Malcolm Braff est en majeure partie enregistré en live au cours du mois de Décembre 2000. Ce n’est qu’en 2006 que sort ce disque sous le nom du pianiste suisse. Ce trio est aussi une rencontre que le Jazz provoque entre le contrebassiste new-yorkais Alex Blake et le percussionniste burkinabais Yaya Ouattara. Dès les premières mesures apparaît avec l’immense énergie du regretté Michel Petrucciani, le coté africain en plus. L’originalité de ce Jazz est de ne pas trouver un batteur au rôle de rythmicien, mais un percussionniste, virtuose du Djembé. Ce rôle fonctionne à merveille lorsque le contrebassiste se met à chanter ses propres notes tel un Slam Stewart en pleine forme. On ressent une telle fougue et un entrain particulier du coté de l’engagement musical. La qualité d’enregistrement de ce concert est remarquable. La fantaisie des trois artistes peut prendre formes et couleurs, au service de la danse, souvent fortement aidée par le Blues. Il est malgré tout impossible de négliger le modernisme dont le pianiste fait preuve. Dans ce disque intitulé « Yele », ce trio laisse beaucoup de place à l’impro et aux joutes communicatives. C’est un disque assez peu « écrit » finalement. La Musique est produite par l’instinct de ses créateurs. Il y a de la bonne humeur à chaque coin de mélodie. Les trois baobabs arborant la pochette du disque témoignent de cet esprit comique et de cette touche africaine que Malcolm veut manifestement donner à son jeu de piano. Cette rencontre de gais lurons est explosive de passion, chacun s’exalte au maximum de son art. Il est à noter aussi l’excellente apparition en piano solo de Malcolm Braff sur quelques morceaux du disque. Cet étonnant pianiste encore trop méconnu n’a aucunement besoin de prouver son talent, car à chaque fois qu’il touche un piano, c’est pour en tirer le meilleur de cet instrument, ainsi que le meilleur de lui-même. Pas de concession. C’est du « rentre-dedans », pur et simple. Il faut parfois omettre les manières et se jeter dans une création dénudée d’appréhension, faite quand même de risques mais à la fois aussi de certitudes. Les musiciens de Jazz connaissent ce sentiment. Celui de l’envie. L’envie de jouer au maximum de ses capacités, dans le plus pur respect de notre passion pour la Musique, pour nous aussi, ceux qui écoutent. Un disque qui rassure avec esprit sur l’engagement de ces protagonistes.

 

Tristan Loriaut

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3 avril 2007 2 03 /04 /avril /2007 22:53

JJJ edouard BINeau / sebastien texier: “L’obsessioniste” Le Chant du Monde 2007

 

 

    Le propos de cet album en duo est tout entier centré sur la poétique. Cette poésie singulière qui trouve son inspiration profonde dans l’œuvre du Facteur Cheval, ici « l’obsessioniste ».  A l’occasion du festival de jazz «  Jazz au palais », Edouard Bineau eut l’occasion en 2004 de jouer au Palais Idéal, l’œuvre architectural du Facteur Cheval, symbole de l’Art Naïf.

L’histoire en elle même est magnifique. « En avril 1879, durant l'une de ses tournées, le pied de Ferdinand Cheval buta contre une pierre, manquant de le faire tomber sur le chemin. Son œil ayant été attiré par la forme curieuse de la pierre, il la ramassa et la glissa dans l'une de ses poches avec l'intention de la regarder plus tard à tête reposée. Le lendemain, repassant au même lieu, il constatait la présence d'autres pierres ayant des formes encore plus singulières et, à son goût, plus belles que celle qu'il avait trouvée la veille. Il se fit alors la réflexion que, puisque la nature pouvait « faire de la sculpture », il pourrait très bien lui-même, fort de ses longues rêveries préparatoires, se faire architecte, maître d'œuvre et ouvrier dans la construction d'un « Palais idéal ». Durant les 33 années qui suivirent, Ferdinand Cheval ne cessa de choisir des pierres durant sa tournée quotidienne. Revenu à son domicile, il passait de longues heures à la mise en œuvre de son rêve, travaillant de nuit à la lueur d'une lampe à pétrole. Cheval passa les vingt premières années à construire la façade est du Temple de la nature. Ferdinand Cheval acheva la construction du Palais idéal en 1912. »

A partir de cette histoire folle, cette obsession grandiose, cette magnifique folie qui fonde l’homme, Edouard Bineau a conçu le projet d’un album très intime racontant avec douceur l’histoire de ce Palais Idéal. Avec le saxophoniste Sébastien Texier (au soprano ou à la clarinette), Edouard Bineau semble partager  la même tendresse pour leur sujet. Deux musiciens connivents murmurant comme on raconte entre enfants des histoires merveilleuses à la nuit tombée. Entre nostalgie et discrète mélancolie, les auteurs alternent les formats en solo ou en duo. Le thème Ideal Circus, point de départ du projet (le thème avait été composé en 2004 en hommage au Facteur Cheval), marque un moment fort de l’album. Mais l’exercice est difficile et l’on accède beaucoup moins aux petits clins d’œil, dont ce Ricochet comme une autre histoire de petits cailloux  dont le thème central rappelle la musique de Yann Tiersen ( Amélie Poulain).

Avec un souci assumé de l’anachronisme, cet album possède la couleur sépia des musiques du début du siècle dernier. La dialogue piano / Clarinette évoque parfois certains lied de Fauré pour une musique de chambre à la poésie intacte. Au charme délicieusement désuet.
Jean-Marc Gelin

 

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3 avril 2007 2 03 /04 /avril /2007 22:50

JJJMANU CODJIA : « Songlines »

 

Bee Jazz 2007

 

Manu Codjia (g), François Moutin (cb), Daniel Humair (dm)

 Il fallait oser ! Lorsque l’on s’appelle Manu Codjia et que l’on a cette réserve presque timide qu’on lui connaît, du genre à jamais jouer les gros bras dans les formations dans lesquelles il joue (comme chez Texier par exemple), il fallait oser pour son premier album se lancer tout de go dans un format en trio. Car dans une formation de ce type, le guitariste y est toujours ultra exposé, soliste d’un bout à l’autre, de surcroît de ses propres compositions et donc livré impudemment aux oreilles critiques. Et Manu a osé avec une formidable liberté qui l’amène ici et maintenant à afficher son caractère particulièrement éclectique, ses choix qui ne choisissent pas, son refus absolu d’enfermement.  Pour ceux qui attendaient l’expression d’un truc perso jamais fait avant que Codjia aurait mûri durant des siècles à grands renforts d’écriture réécrite, on repassera c’est pas le sujet. Et pourtant tout en empruntant aux autres, cet album est incroyablement personnel. Comme un manifeste en somme. Avec une écriture subtile à l’efficacité waterproof, Codjia affirme toutes ses sensibilités avec mesure et élégance (même lorsqu’il se montre un poil furieux, il reste d’une grande classe). Toujours dans la mesure et avec cette fameuse réserve, sorte d’anti guitare héros, Manu Codjia refuse de se laisser enfermer dans un cadre straight. Ses affinités vont bien sûr de Scofield avec ses lenteurs bleutées (référence évidente d’un bout à l’autre), qu’à Frisell dans son jeu réverbéré, à Mike Stern parfois car il y a aussi de la popsong chez Codjia et enfin Ducret dans sa furie rock. Codjia refuse de choisir mais finalement pourquoi  le ferait il d’ailleurs ? Et pourtant si Codjia donne tout ce qu’il aime avec passion c’est toujours sans se départir jamais d’une grande cohésion.

Après avoir rodé avec ses deux camarades son répertoire à l’occasion de deux soirées au Sunside (voir l’article de Sophie Chambon dans Jazzman de mars), Manu Codjia, Daniel Humair et François Moutin prirent la route de la Buissonne pour aller direct à l’enregistrement. Pas mal pour se faire la main lorsque l’on sait que ces trois pointures n’avaient pas trop de temps pour répéter ensemble. Pas mal pour arriver à cette cohésion étonnante que l’on trouve d’emblée à l’écoute de l’album alors même que Moutin et Codjia jouaient là pour le première fois ensemble. Et cette cohésion on la trouve avec ce sentiment de rentrer immédiatement dans la cour des grands. Ce petit quelque chose qui fait qu’avec ces trois là on comprend qu’on a à faire aux choses sérieuses. De la musique de très haut niveau.  Du genre de celle qui n’a pas besoin de complexité pour atteindre à la profondeur, voire à la gravité du propos. François Moutin  (mais on le sait depuis longtemps), s’affirme là une fois de plus comme l’un des 10 plus grands contrebassistes actuel, phénoménal de liberté (on pense à Scott La Faro) et d’énergie qui le laisse rarement derrière. Quand à Humair, bien sûr, rien de son jeu ne s’émousse jamais, maître absolu des relances en douceur, des bruissements fluides et de la passation des pouvoirs.

Avec une très grande intimité, sans jamais donner dans le démonstratif (ce n’est franchement pas le genre à Manu), Codjia nous livre un album jamais uniforme mais toujours dans l’unicité. Ce contour vague au sein duquel se déploient des compositions brillantes et douces à la fois au charme trouble, à l’évanescence éphémère, à la fougue sereine. Avec la reconnaissance de cette paternité multiple qui le pousse à porter plus loin la musique de ses maîtres, Manu Codjia franchit une étape nécessaire à sa propre émancipation. Une étape qui le porte déjà sur le chemin des grands. Des très grands.

Jean-Marc Gelin

 

 

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3 avril 2007 2 03 /04 /avril /2007 22:49

JJJ François Corneloup Marc Ducret Martin France : « U.l.m » 

 

In Circum Girum 2007

 

Sans avoir vraiment le temps de souffler, on s’envole avec le guitariste Marc Ducret dans cet ULM avec aux commandes le baryton François Corneloup, drivé par un jeune batteur anglais, ayant joué avec Django Bates, partisan de l’ « entente cordiale », puisqu’il répond au doux nom de …(Martin) FRANCE . Une musique très écrite au gré de certains… qui reprocheront dès lors un programme trop serré. »
En relisant ces notes sur un des premiers concerts du trio, programmé par le directeur du Bordeaux Jazz Festival, en novembre 2005, comment ne pas se souvenir du plaisir éprouvé à suivre la guitare agile de Marc Ducret qui relance avec délectation, à se laisser porter par le souffle magistral du baryton, présent sur tous les fronts ? Quant au batteur, très concentré, il assurait l’équilibre avec une frappe claire et précise, efficace : une joute franche entraînant des prises de paroles bien dosées et un son saturé, une rythmique de rock progressif. Un ensemble savant et pourtant chaleureux, une organisation collective à trois voix, basée sur la dynamique, très attentive au rythme et à la pulsation, une formule proche de celle du quatuor à cordes en classique.
Comme le passage du concert au disque peut réserver quelque surprise, on attendait l’album de ce drôle d'équipage: le voilà qui vient de sortir en mars 2007 sur le label audacieux qui répond au joli nom d' 'In circum girum'?
Six compositions ouvertes, caractéristiques de l’inspiration du baryton, plutôt longues qui permettent de prendre son temps comme dans « L’ombre d’un chant ».
Une sérénité un peu étrange, inquiétante: on s’attend à un bel éclat, à l’orage de sensations exacerbées. Des fredons tout doux aux plaintes plus saugrenues, sans oublier les ostinatos, François Corneloup assure sur tous les registres de son instrument. D'autant plus que l’ensemble sans basse oblige le baryton à une certaine mobilité, aidé en cela par l’excellent accompagnateur qu’est Marc Ducret.
Une énergie parfaitement maîtrisée, un contrôle total que d’aucuns pourront reprocher. C’est peut être cela qui tranche, cette jouissance jamais épuisée, toujours différée. On sent pourtant une violence douce, comme contenue qui n’explosera pas. Ainsi s’éloigne à tire d’aile, le groupe, des rivages du rock progressif du début des seventies.
La tension est à un haut niveau mais dominée par la rigueur, la musique conservant un aspect profondément mélodique, sans la force d’une conquête ou d’une libération.
C’est en cela peut-être qu’elle est la plus actuelle. Une impatience voluptueusement prudente, un effort d’évitement.
Ne vit-on pas une époque formidable?

 

Sophie chambon

 

 

www.incircumgirum.com

 

 

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3 avril 2007 2 03 /04 /avril /2007 22:48

JJJJJ Jimmy GIUFFRE: “The cool man” (Four brothers et Tangents in jazz)

 

Cherry Red Giant Steps –  Reed. 2007

  

Dans les fameuses sessions Capitol, qui remontent aux années 1954-1955, rééditées par le label Cherry Red,  « Jimmy ne joue pas encore free » comme l’écrira  justement mais non sans malice Philippe Carles, le rédacteur de Jazzmagazine.

Giuffre s’inscrit alors dans le courant West Coast (encore appelé Jazz cool), qui a  constitué une étape importante dans l’aventure du clarinettiste et poly-instrumentiste texan. En symbiose avec le trompettiste Shorty Rogers ou le batteur Shelly Manne, Jimmy Giuffre participait, dans ces années-là, à l’avènement d’un jazz moderne, par la recherche féconde et libertaire de formes ouvertes. Des thèmes virevoltants ou mélancoliques, mais toujours ciselés et lyriques constituent l’essentiel de cette réédition où s’illustre le merveilleux trompettiste Jack Sheldon, omniprésent sur toutes les faces gravées pendant ces séances à Los Angeles entre février 54 et mai 55.

Deux albums sont regroupés pour notre plus grand plaisir : le Four brothers du nom de la composition qui rendit Jimmy Giuffre célèbre et Tangents in Jazz. Dans des ensembles à géométrie variable (sur quatre titres du premier album Four Brothers,  la formation comprend jusqu’à sept musiciens), le chant choral est d’une délicatesse rare dans la maîtrise des canons à  deux, trois ou quatre voix.  Le clarinettiste révèle sur ses propres compositions une époustouflante virtuosité contrapuntique entre écriture et improvisation. Mais les reprises elles mêmes ont de quoi stupéfier :  il suffit d’écouter l’introduction et la reprise du thème de Gershwin « Someone to watch over me » pour en être convaincu.

On aime tout particulièrement  Tangents in Jazz : l’équipe est réduite à quatre membres mais la rythmique fine et pertinente assure bien plus que l’assise d’accompagnement. Le contrebassiste Ralph Pena et le batteur Artie Anton ont un véritable rôle mélodique, joignant leur voix aux soufflants. Les interventions du  percussionniste sont  calculées à merveille pour que l’effet soit haletant dans  « Finger snapper », « the Leprechaun », dans une course-poursuite où l’échange est toujours vif. Quant au contrebassiste, il se révèle l’interlocuteur idéal, à la sonorité chaude et profonde, capable de répondre aux nuances de l’écriture de Jimmy Giuffre.

Une apparence simplicité mélodique, une extrême fluidité, l‘agencement des « voix »  qui se mêlent ou se répondent, en un permanent dialogue font de ces titres de véritables miniatures. Un même thème « Scintilla » est repris quatre fois sur les diverses sessions qui composent cet album, exemple parfait pour signifier l’intelligence et le charme de cette musique ludique, espiègle, qui swingue en toute légèreté. Si « Rhetoric » frappe par la fragilité, la transparence du son de Giuffre, « Lazy tones » aux accents de western  rappelle l’enracinement dans le blues et le folk de ses origines.       

Le phrasé est d’une limpidité saisissante, l’attaque franche et ferme, les capacités d’invention semblent inouïes. Et avec Sheldon, la complicité est totale dans un entrelacement sensuel autant que compliqué.

Une musique épurée, un jazz exquis : rien n’est superflu dans ces albums là, il faut absolument tout garder !

Sophie Chambon

 

 

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