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26 avril 2022 2 26 /04 /avril /2022 16:58
FLAVIO BOLTRO & FABIO GIACHINO        THINGS TO SAY

THINGS TO SAY   FLAVIO BOLTRO & FABIO GIACCHINO

CAM JAZZ/L'AUTRE DISTRIBUTION 

 

Voilà que le label italien CAM JAZZ nous propose deux CDs d’artistes transalpins, musiciens au sommet de leur art.

Commençons par le duo du trompettiste Flavio Boltro et du pianiste Fabio Giachino dans ces Things to say.

Un dialogue lyrique et passionné s’engage vite dès l’explicite “Dark Fire and Desire”. Le ton est donné, on ne perd pas de temps en préambule avec ces deux là.

Si on ne connaissait pas ce pianiste effervescent, le trompettiste, nous l’avions découvert, il ya longtemps, en quintet avec le saxophoniste Stefano di Battista, un frère en musique et c’était éblouissant. Mais Flavio Boltro n’est jamais plus près de lui même que dans le duo, configuration rêvée, chant de désir ou aveu d’une plainte. Point trop de méditation ni de recueillement, ce n’est pas là leur pente naturelle, ils préfèrent escalader le versant jazz en grimpeurs fous de rythmes. Ils restent vifs jusque dans la gravité. Même dans le “Prélude to Salina”que le pianiste interprète seul, on sent une force irrésistible qui préfigure l’histoire vibrante de “Salina” au mitan de l’album, ballade animée d’une douce violence. L’alchimie fonctionne avec une expressivité mélodique à son acme.

Onze pièces composent l’album, assez courtes mais suffisamment intenses pour ne pas nous laisser souffler, six du pianiste, quatre du trompettiste et une collective qui s’ajustent parfaitement dans un montage intelligent. Après “No Noise” à la tristesse marquée, le “Seven Dwarves” très dansant et le “Mood and Blues” improvisé et galopant en  toute liberté justifient peut être la remarque de Brian Morton, critique et auteur des liner-notes qui compare les deux Italiens aux fougueux  Louis Armstrong et Earl Hines. Il va même jusqu'à rapprocher le duo actuel, enregistré en 2020 en pleine pandémie à Turin (Boltro est Turinois ) avec le Weather Bird de 1928, dynamitage en règle du jazz de l’époque ... quelques années après la grippe espagnole! Association un brin curieuse, le duel constant entre Pops and Fatha se reproduit-il ici? Il s’agit  plutôt d’une entente cordiale, suite espiègle de “call and responses”, giro endiablé, avec des growls enjoués, pas trop de feutré dans le son rond et chaud du trompettiste, mais des aigus maîtrisés, sans fausse fragilité .

On se laisse entraîner par la vivacité de l’échange, clairement articulé jusqu’au final très court mais sans appel “Spicy Blues”. Emballant!

Sophie Chambon 

 

Pre-release - Flavio Boltro & Fabio Giachino - Things To Say release by Cam Jazz on April 22nd, 2022 - YouTube

 

Things To Say from THINGS TO SAY album 2022 (CamJazz) - Flavio Boltro, Fabio Giachino - YouTube

 

Le CD suivant, toujours sur CAMJAZZ, est celui du quintet d'Enrico Pieranunzi, un live au Village Vanguard qui sortira le 20 mai prochain.

A SUIVRE... 

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26 avril 2022 2 26 /04 /avril /2022 10:31

Matthias Spillmann (trompette & bugle), Francesco Geminiani (saxophone ténor), Manuel Schmiedel (piano), Fabien Ianonne (contrebasse), Noé Tavelli (batterie, composition)

Fribourg, 19-20 février 2020

Fresh Sound New Talent FSNT 635 / Socadisc

 

Assez différent du disque enregistré en 2017 (Noé Tavelli & The Argonauts Collective, Double Moon Records), et publié deux ans plus tard, ce nouveau CD ne doit pas ce renouvellement au seul changement de nomenclature, avec le passage, par l'arrivée du pianiste Manuel Schmiedel, du quartette au quintette (le bassiste a été oublié sur la jaquette, mais ils sont bien cinq). Il y a là comme l'affirmation d'une pulsation plus ferme, plus forte, qui ne sacrifie en rien les subtilités de la construction mélodique et harmonique, mais trouve au contraire dans ce nouvel essor la confirmation de son identité. Sans épiloguer outre-mesure sur la métaphore suggérée par l'allusion aux compagnons de Jason et à leur quête de la Toison d'or, on doit bien reconnaître que la référence choisie pour le discours d'escorte mérite quelque attention. C'est bien une sorte d'aventure exploratoire qui se joue dans ce nouvel opus. Différentes facettes du jazz contemporain s'y trouvent abordées, et développées avec une indiscutable richesse qui tient autant à l'écriture qu'à l'interprétation des membres du groupe, et à leurs qualités d'improvisateurs.

Bref c'est un vrai bon disque d'aujourd'hui, relié à la mémoire de ce jazz moderne qui s'était épanoui dans la seconde moitié du siècle dernier. Ce groupe international, avec tropisme new-yorkais et centre de gravité helvétique, nous offre une sorte d'état de lieux du jazz de stricte obédience, dans sa composante transatlantique. Plus que convaincant, le résultat est jouissif.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

 

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24 avril 2022 7 24 /04 /avril /2022 19:23

Claude Tchamitchian (contrebasse, composition), Daniel Erdmann (saxophones ténor & soprano), Régis Huby (violon), Rémi Charmasson (guitare), Christophe Marguet (batterie)

Pernes-les-Fontaines, sans date

émouvance emv 1045 / Absilone-Socadisc

 

Le précédent «Ways Out» (Abalone AB 012), enregistré en 2012, était en quartette. L'équipe s'est étoffée, depuis environ 4 ans, par l'arrivée de Daniel Erdmann. La musique s'en trouve légèrement infléchie, peut-être vers un son plus explicitement 'jazz' (le saxophone n'y est pas pour rien), mais pas moins aventureux. Les sorties dont nous parle le titre seraient-elles de secours ? Ou simplement de liberté, pour désigner une échappée, un chemin inexploré ? Le texte de présentation du contrebassiste nous inviterait plutôt, si je le comprends bien, à sortir d'un monde précarisé par l'inconscience humaine, par l'espoir autant que par le rêve, sans abandonner ni la lucidité, ni la mémoire du passé. Et le fil rouge de la musique trace sa route, très librement, selon une dramaturgie essentiellement musicale, et assez différente au disque du concert auquel j'avais assisté voici quelques mois. Aux compositions d'une belle facture, et d'une réelle originalité, se mêlent des évocations : ici Charles Mingus, là Jacques Thollot, références chargées d'histoire et de densité musicale, dans les 2 cas. Force expressive du premier, liberté du cheminement mélodique du second, ces références transparaissent au fil d'un développement pourtant musicalement et artistiquement autonome : la vraie valeur de l'hommage. Et l'ultime plage nous entraîne encore ailleurs, là où le rêve rejoint la musique, ou l'inverse peut-être. D'un bout à l'autre, une œuvre musicale, accomplie, dont on devine qu'elle s'est concrétisée telle que les musiciens, collectivement, l'avaient rêvée. Et le texte de Jean Rochard qui accompagne le livret nous ouvre un sentier de poésie autant que de mémoire : comme pour nous rappeler qu'un disque n'est pas qu'un objet sonore, mais que l'ensemble fait œuvre.

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert à Paris, au Studio de l'Ermitage, le mardi 26 avril 2022

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Un avant ouïr sur Youtube 

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23 avril 2022 6 23 /04 /avril /2022 14:16

Charles MINGUS (contrebasse), Eric Dolphy (saxophone alto, flute, clarinette basse), Clifford Jordan (saxophone tenor), Jaki Byard (pian) et Dannie Richmond (batterie).  Théâtre des Champs Elysées, Paris, le 19 avril 1964.
Coffret de 2 CD incluant un livret. Decca/Universal.
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   Charles MINGUS est né le 22 avril 1922 à Nogales (Arizona). Il aurait eu 100 ans hier.

   Cette réédition concerne le deuxième concert parisien de la tournée 1964 de Mingus, donné au Théâtre des Champs Elysées le 19 avril, dans une ambiance un peu dramatique, le contrebassiste devant se passer de son trompettiste Johnny Coles, hospitalisé en urgence (hémorragie interne) pendant sa prestation à la Salle Wagram le 17 avril au soir. Le leader rend d’ailleurs un bel hommage à son musicien dont la trompette trône sur scène ... sur une chaise !

 

   Amputé de l’une de ses voix, le groupe de Mingus va faire vibrer les spectateurs tout au long de ce concert qui, retardé, débutera finalement après minuit. Reproduit dans son intégralité, il permet d’entendre la voix rocailleuse du leader dans ses commentaires et l’accueil survolté du public parisien.

 

   Le programme se révèle à peu près identique à celui du vendredi (1), si l’on excepte un solo de piano de Jaki Byard ‘’A.T.F.W.’’ (Art Tatum, Fats Waller), synthèse brillante de l’époque classique, et un standard de l’un des maîtres de Mingus, Duke Ellington, ‘’Sophisticated Lady’’, donné par le contrebassiste en solo, sobrement accompagné par Byard.

 

   Mingus se montre fidèle à lui-même, incandescent, quand il livre au public pendant l’interprétation (près de 28 minutes) de ‘’Fables of Faubus’’(2) les paroles censurées dans le disque paru l’année précédente chez Columbia. (Extraits : « Ah Seigneur, ne les laisse pas nous tirer dessus…plus de croix gammée… plus de Ku Klux Klan… Faubus, un homme malade, ridicule, abruti, nazi »).

 

   Dans la même veine de son engagement on retrouve donnée ‘’Meditations on Integration’’, autre composition phare de Mingus traitant des conditions de vie dans les ghettos du sud des Etats-Unis. Le rebelle salue également la mémoire d’un autre de ses inspirateurs, Charlie Parker dans une longue version (27 minutes aussi) d’une autre de ses œuvres, sorte de collage de compositions du Bird, ‘’Parkeriana’’.

 

   Un moment d’émotion avec ‘’So Long Eric, Don’t Stay Over There Too Long’’ (21 minutes), où le compositeur exprime toute sa tristesse de voir son complice le quitter pour rester en Europe (où il décédera le 29 juin à Berlin à l’âge de 36 ans).

 

   Si l’on ajoute enfin un titre marqué par l’esprit du blues, ‘’Orange was the colour of her dress then blue silk’’), c’est bien tout l’univers mingusien qui se dévoilait cette nuit-là avenue Montaigne. Compositeur, interprète, chef de groupe, les trois facettes de l’art du grand Charles s’illustrent de la plus belle des manières.

 

... Un coffret indispensable dans toute discothèque.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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(1). Concert publié en 1996 par le label Revenge Records de Sue Mingus, veuve du musicien, sous le titre ‘’The Legendary Paris Concerts’’ et comprenant un solo de Johnny Coles sur « So long Eric ». Des copies et des éditions pirates du concert avaient circulé et été publiées avant la sortie de cette version officielle et le versement des droits aux interprètes.

 

(2)Stigmatisation du gouverneur de l’Arkansas Orval E. Faubus qui interdit en 1957 l’accès à l’université de Little Rock aux étudiants de couleur.

 

 

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20 avril 2022 3 20 /04 /avril /2022 17:24
RENE BOTTLANG  RALF ALTRIETH    NUMBERS

RENE BOTTLANG/ RALF ALTRIETH

NUMBERS

Meta records/ Socadisc

www.metarecords.de

 

Numbers, voilà un nom d’album en parfaite adéquation avec des titres en espagnol formant une série de nombres, sans correspondre à leur ordre de classement. Etrange...

Enregistré à la Buissonne pour le compte du label indé allemand Metarecords, fondé en 1999 autour du jazz et du classique, par Johannes Reichert et Ralf Altrieth, c’est à la découverte d’un duo pétillant et efficace que l’on assiste, celui du pianiste suisse René Bottlang et du saxophoniste allemand Ralf Altrieth. Un travail artisanal au sens le plus noble du terme, depuis la pochette peinte par le saxophoniste, également peintre, jusqu’ au livret-carnet de photos des deux musiciens, tableaux de leur séjour en Provence, tout un art de vivre que partagent ces exilés volontaires, adoptés et adaptés au Sud.

Musiciens paysagistes, inspirés par leur environnement naturel, ils creusent les possibilités de leurs instruments en 18 petites pièces, toutes du pianiste. Reste à tenir la route sur la durée mais le résultat est convaincant avec ce récital au répertoire métissé. Leur complicité manifeste, l’homogénéité de leur duo chambriste y est pour beaucoup. La séduction immédiate qui émane de ce duo fusionnel, complice en tous les cas, entraîne dans les méandres et rêveries d’une balade/ballade, sur une ou deux ailes, comme on voudra. On suit en effet les chemins d'un compagnonnage qui a su vite fusionner genres et styles, dans une grande clarté de discours, porté par le son impeccable de la Buissonne. Ces performances ont la teneur d’une aventure, des moments poétiques, des formes ouvertes, structurées néanmoins, alternance de pièces enlevées avec d’autres aux cadences moins rapides.

Trop méconnu, René Bottlang est un pianiste original qui compte à son actif une remarquable suite d’échappées libres ou belles selon la formule de son compatriote Nicolas Bouvier. Les Suisses savent s’échapper, on le sait. Il a d'ailleurs pas mal bourlingué... jusqu’en Mongolie d’où il revint avec un album pour le label avignonnais Ajmi series, un solo Solongo évoluant entre musique classique et jazz. Toujours aventureux, désireux de se frotter à d’autres musiciens, René Bottlang a tourné dans pas mal de groupes avec Charlie Haden, Barre Philips, Phil Minton. En Provence, c’est Jean-Paul Ricard qui le fit jouer avec André Jaume, Bruno Chevillon, Guillaume Séguron. Je me souviens d’un duo décoiffant à Arles à Jazz au Mejan en 2014, avec Louis Sclavis… Aussi n’est il pas étonnant de le retrouver dans pareille configuration avec cette fois un saxophoniste ténor et soprano. Ralf Altrieth que l’on découvre n’est pas pour rien dans l’installation d'un climat serein et vibrant, intemporel. Les tempos plutôt vifs laissent  respirer ses phrases dans une fluidité mélodique. Le piano est  archipel, singulier pluriel, percussif, chaloupant, en parfait écho les volutes soyeuses des saxophones.

Un art narratif sans débordement romantique mais romanesque, le long de compositions rythmées, plus acrobatiques qu’il n’y paraît. Des notes en pluie serrée et persistante, un martèlement audacieux du clavier, des superpositions d’accords et brisures rythmiques composent un chant profond, une mélodie jamais heurtée pourtant, dansante même. Cette conversation musicale est pleine de rebondissements, de traits vifs, de fulgurances, de changements d’humeur, d’expérimentations sur le son, le souffle où le silence joue aussi son rôle. Si, sur l’une des photos, on voit les deux amis jouer assis, d’un air faussement détaché, autour de verres de rosé (on est en Provence !), ils ne se laissent pas troubler dans leur partition, chacun jouant alternativement le rôle de soutien pour l’autre. Appliqués à peaufiner leur matière, dans ces miniatures réclamant un équilibre particulier, ils s’adaptent en permanence au caractère des pièces sans oublier de s’écouter, tout leur art résidant dans cette manière légère.

Sophie Chambon

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11 avril 2022 1 11 /04 /avril /2022 12:16

Avec Frédéric Loiseau (guitare, voix), André Charlier (batterie, percussions) et Benoît Sourisse (orgue, sifflet).
Studio des Egreffins, 2021.
Gemini Records / Absilone / Socadisc.
Parution le 15 avril.


   Voilà un guitariste qui nous est bien connu pour son ouverture d’esprit et d’écoute et pour refuser les effets. Frédéric Loiseau aime à participer à des projets où prime l’intime.
   Son terrain d’excellence, les petites formations, et  sur un large spectre : en duo avec le chanteur baryton Laurent Naouri sur des œuvres de Fauré, Debussy, Poulenc (‘En Sourdine’ -Outhere. 2020-), au sein d’un quartet de chambre (‘Looking Back’ -Black & Blue. 2010-)* pour honorer quelques-unes de ses idoles, (Billy Strayhorn, Kosma et Jobim), en quintet (‘For All We Know’ -Black & Blue. 2013-)** ou encore dans un format de trio avec orgue (Benoit Sourisse) et batterie (André Charlier) dans ‘Smile’ (Black & Blue. 2015).
   Ces deux derniers compères sont à nouveau mis à contribution dans « D'Intant en Instant » (Gemini Records).

  

   Délicatesse, sensibilité (et non sensiblerie), précision, ces vertus s’invitent pour ce périple musical sous la houlette attentionnée d’un guitariste à la démarche évoquant celle de Jim Hall, Fred Loiseau. Un parcours en douze étapes, encadré par deux compositions du leader (clin d’œil à son patronyme), ‘Morning Bird’ et ‘Cuicui du soir’, et qui fait une amicale référence posthume à Claude Carrière avec trois titres, ‘Fleurette Africaine’ de Duke Ellington, ‘le Duc de Charonne’, signé Bob Dorough (auteur du générique historique de Jazz Club) et ‘Waltz for C’, hommage personnel de Fred.

   Bref, Frédéric Loiseau nous parle à l’oreille et au cœur, dans un album où l’improvisation rime avec l’émotion.


     Vivement conseillé.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

* regroupant Rebecca Cavanaugh (voix), Marie-Christine Dacqui (contrebasse) et Claude Carrière (piano)
** Mêmes musiciens, avec André Villéger (saxophone ténor) et Bruno Ziarelli (batterie).

 

En concert le 22 avril à 20 h 30 au Sunset (75001).

 

©photo X. (D.R.)

 

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8 avril 2022 5 08 /04 /avril /2022 20:17

Guillaume Orti (saxophones alto & soprano), Benoît Delbecq (piano), Hubert Dupont (contrebasse), Samuel Ber (batterie)

Malakoff, 19-21 octobre 2021

PeeWee! PW 1006 / https://peeweelabel.com/fr/albums/33 & Socadisc

 

Septième album de ce groupe né à l'orée des années 90 et toujours, pour l'auditeur que je suis (et au risque de la redite), la sensation d'une absolue singularité. J'ai beaucoup écouté les disques précédents, et de nombreux concerts de ce groupe, avec ses batteurs successifs, le reste de l'équipe demeurant d'une stabilité remarquable. Et j'avais aussi écouté le quartette dans sa composition actuelle, avec le jeune Samuel Ber à la batterie, lors de deux concerts récents, le premier quelques semaines seulement après l'enregistrement de ce disque. Comme lors de ce concert, le disque commence par une composition du nouvel arrivant, manière élégante de confirmer qu'il a d'emblée sa place, de plein droit, dans cette phalange d'exception. Et ce thème est parfaitement en phase avec ce qui fait la force de ce groupe : liberté tonale et rythmique, cheminement sinueux dans les sons et les sensations, à quoi se reconnaît la musique quand elle est totalement un art. Ici le concept est en prise directe avec l'émotion, les labyrinthes rythmiques, mélodiques et harmoniques, sont autant de portes ouvertes sur l'émoi, le songe, le choc esthétique ou la douceur soyeuse (suggérée par le titre de l'album) de l'immersion dans une expérience d'écoute qui va nous entraîner loin de nos bases. C'est un disque à aborder sans idée préconçue sur ce qu'est le jazz, d'hier à demain. Et ce «bel aujourd'hui» (comme disait Mallarmé), nous est offert comme une invitation à suivre ce chemin (route de la soie ? Qui sait....). Si notre écoute est à l'aune du mystère qui se joue dans ces plages, le bonheur est au bout du chemin.

Xavier Prévost

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Le groupe fêtera la sortie de ce disque par un concert à Paris, au Sunside, le 12 avril à 21h

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Une vidéo d'avant-ouïr

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1 avril 2022 5 01 /04 /avril /2022 23:35

Sylvain Rifflet (saxophone ténor, shruti-box, boîte à musique artisanale), Verneri Pohjola (trompette, électronique), Philippe Giordani (guitares), Benjamin Flament (percussions)

Sarzeau (Morbihan), mars 2021

Magriff 0357 / l'autre distribution

 

Anges tutélaires, anges gardiens, voire anges exterminateurs ou anges devenus démons, qu'importent les spéculations : en fait l'aveu du saxophoniste est plus simple et limpide «à mes anges, à ces êtres, artistes ou non, qui m'inspirent et m'aident à vivre». Ce disque est comme un exercice d'admiration, de ferveur, en même temps qu'un jeu de piste, quand dans la première plage, après un clin d'œil aux répétitifs américains, il bifurque vers le jazz avant retour au bercail. Au fil du disque défilent les repères d'une passion musicale mais aussi amicale (Thomas de Pourquery, le complice de Rigolus) ou littéraire (l'évocation de James Baldwin). Et les anges tutélaires sont en bonne place : Getz, dissimulé par son pseudonyme des années 50, Abbey Lincoln, dans toute sa stature artistique, engagement compris.... Et aussi le goût pour la musique électronique, sans oublier un hommage complice aux partenaires récents : Jon Irabagon, et le trompettiste de ce disque, Verneri Pohjola. Avec ce dernier, il conclut le CD par une improvisation en duo, prolongée en une plage fantôme par une reprise en quartette. Il y aura aussi cette valse aux deux vikings : le trompettiste partenaire, et le fameux Moondog, auquel Sylvain Rifflet avait naguère rendu un hommage singulier, et à bien des égards précurseur. Tout au long du disque s'épanouissent des musiques sans cesse renouvelées, toujours d'une grande densité, comme autant de jalons sur un parcours multiforme dont le saxophoniste serait le centre de gravité. Comme au fil de ses disques précédents, Sylvain Rifflet embrasse du regard tous les horizons de la musique, mais cette fois il nous en livre une sorte de florilège, en un seul opus «… mon disque le plus personnel,écrit-il, comme une synthèse du travail entamé il y maintenant dix ans...». Une indiscutable réussite.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

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31 mars 2022 4 31 /03 /mars /2022 21:34

Ingrid Laubrock (saxophones ténor & soprano), Brandon Lopez (contrebasse), Tom Rainey (batterie)

New York, 25 avril 2021

Intakt CD 376 /Orkhêstra International

 

Les multiples collaborations, dans divers contextes (dont le duo) entre Ingrid Laubrock et Tom Rainey, ont aussi débouché voici quelques années sur un premier trio, en concert, avec Brandon Lopez. Ce disque concrétise la fructueuse pertinence de cette rencontre. Après un début rêveur et méditatif, qui nous révèle une fois de plus l'étendue de la palette de la saxophoniste, la même plage s'épanouit en libre cavalcade et trilogue effervescent. Et cette connivence va trouver au fil des plages une foule d'expressions différentes, mettant à profit toutes les singularités des protagonistes pour une véritable œuvre collective. Ça bouge, ça vit, ça s'interpelle, et ça nous interpelle, nous qui sommes auditeurs (et presque spectateurs) de cette cérémonie secrète qui mêle transgression des codes et adhésion sans faille à tous les sortilèges de la musique. C'est fascinant, puissant, et riche de toutes les métamorphoses. Le cinquième titre nous embarque dans une sorte de périple abstrait, dont l'abstraction semble feinte, car la sensualité des sons, leur richesse timbrale, convoque simultanément une espèce de chaleur organique, comme une ode à la musique incarnée, au sens propre, une musique qui prend chair. Et cela se conclut dans l'ultime plage par une folle explosion. Magnifique !

Xavier Prévost 

 

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20 mars 2022 7 20 /03 /mars /2022 19:11
PRONTO! Daniel Erdmann & Christophe Marguet  Hélène Labarrière Bruno Angelini

PRONTO! Daniel Erdmann  & Christophe Marguet

Hélène Labarrière Bruno Angelini

Label Mélodie en Sous-Sol

 

Soir Bleu (avec Hélène Labarrière et Bruno Angelini) - YouTube Music

 

Prêts, nous le sommes toujours avec ces musiciens qui se retrouvent depuis quelques années pour des projets excitants. Le duo saxophone-batterie, voilà une association réduite à l’essentiel qu'aiment le saxophoniste Daniel Erdmann et le batteur Christophe Marguet-on se souvient de leur Together, Together en 2013, qu’ils prolongent à leur manière aujourd’hui en demandant à la contrebassiste Hélène Labarrière et au pianiste Bruno Angelini de les rejoindre. De vieilles connaissances, puisque Hélène Labarrière joue dans le quartet de Christophe Marguet Happy Hours et Bruno Angelini dans son autre quartet Résistance poétique.

Rapides, voire prompts à trouver leurs marques, ils forment  à eux quatre, dès l’initial “Numero uno” un équipage qui tient la route. Chacune des interventions de cette bande complice sonne juste et dans une écoute mutuelle, la musique respire. Le quartet évolue sur des terres musicales connues, des références fortes sur lesquelles repose ce Pronto! jusqu’à la photo de la pochette délicieusement vintage, celles d’un jazz familier, “ancien” mais qui ne date pas, nuance. Pour une formation qui paraît historique, comme le fait remarquer subtilement Francis Marmande dans les notes de pochette. Car ces magnifiques musiciens ne perdent jamais leurs repères. S’il y a belle lurette qu’ils ont brisé les codes, ils restent dans l’idiome jazz et cela s’entend dans le son, le jeu de Daniel Erdmann sans qu'il se livre pour autant à des hommages pontifiants.

Pas de pas de côté ni de pas en arrière avec ce groupe qui est un exemple de maîtrise et d’interaction tout au long de huit pièces, sans désaccord entre titres et formes, sujet et matériau sonore. Leur musique paraît à la fois simple et intrigante. Simple car accessible, mélodique, avec des sonorités rondes, douces et chaudes du ténor qui joue moins cette fois avec les aspérités du métal, distille un souffle moins rugueux. Christophe Marguet est aux aguets, délicat, en phase avec son camarade, dans un équilibre sonore adapté, léger aux baguettes ou aux mailloches.

Ils ont écrit chacun, à armes égales, une histoire sensible où flotte parfois un parfum de mélancolie, un temps dilué dans une ballade superbe “Elevation”, où piano et contrebasse prennent aussi leur part dans d’exquises nuances. Enclins à faire une musique qui flotte presque sans attache, avec des séquences immersives, une tension certaine sur les creux et  une attente sensuelle de la narration dans “Soir bleu”. “Avant la parole” a la beauté d’un chant élégiaque. La force de leur engagement, leur vive énergie ne semblent pas alors primer sur l‘intime dans cet album. Faux-calme cependant quand on connaît ces musiciens soudés, combatifs et habités. Quelle intensité des instants traversés dans “Tribu” ou le vigoureusement balancé “Hotel Existence” qui rocke véritablement malgré le contrepoint du piano. Quant au final, où règne un motif chaloupé, pirouette charmante qui illustre “DE Phone Home”, il laisse vite éclater la folie communicative du piano et de la batterie. C'est ainsi que jaillit la revendication pour une urgence du jeu, qui est la signature de ces musiciens, la marque de leur identité. Alora, pronti, via! 

 

Sophie Chambon

 

 

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