BACK TO BASICS 2 THOMAS CLAUSEN TRIO
Label STUNT RECORDS/UVM
On retrouve le contrebassiste Thomas FONNESBAEK cette fois en trio, celui du pianiste danois THOMAS CLAUSEN, un des musiciens les plus reconnus dans son pays; s’il n’est plus à présenter dans le royaume nordique, précisons pour le public français que ce pianiste qui a expérimenté tous les genres, vécu toutes les formules, du big band à la musique de chambre, sans oublier les choeurs et la comédie musicale, aime passionnément les trios (un premier remarquable avec Henning Orsted Petersen et Aage Tangaard dans les années 80). Il en est à son quatrième et ce, depuis 2006, quand il fit appel à Thomas Fonnesbaek et au batteur Karsten Bagge pour un premier album consacré aux standards, dont le titre suffisamment explicite est Back to Basis. Il revient à ce répertoire de valeurs sûres en 2021 avec Back to Basis 2, enregistré pendant le confinement, sans public dans les studios MillFactory, à Copenhagen, dans les conditions d’un concert sans public mais avec un soin particulier apporté au son. Si ce très bel album n’est en aucun cas révolutionnaire, le jazz “classique” que l’on entend est de la plus belle facture. Du jazz dont la spontanéité (chaque piste est une première prise ) est captée sur un grand piano Steinway D et l’on entend chaque note chanter.
Le résultat est éblouissant : plus d’une heure de musique élégante, qui revisite avec intelligence ces standards. Rien de plus difficile que de reprendre ces thèmes éternels, constitutifs de cette musique, avec humilité, en oubliant les versions majeures déjà enregistrées qui ont sculpté notre oreille et fait notre apprentissage?. Non seulement ça sonne avec ce trio mais ça swingue, les trois complices réalisant la synthèse de diverses influences. Le pianiste aime chanter et cela se sent : il a les paroles dans l’oreille et se sert de cette connaissance pour donner du sens à son interprétation. On entend aussi bien Debussy qu’Ellington sous ses doigts et bien évidemment Bill Evans. Quand on aime ce pianiste, comment ne pa être sensible aux versions délicates de Thomas Clausen qui a retenu la leçon du maître et sait en un ressassement travaillé et spontané, diriger l’improvisation du trio. Il laisse d’ailleurs à son contrebassiste toute liberté. Et si on avait apprécié les qualités de ses arrangements avec la chanteuse Sinne EEG dans Staying in touch, toujours sur le label classieux Stunt Records, on écoutera avec intérêt sa façon de faire sonner sa contrebasse.
Un trio équilibré et subtil qui laisse de l’espace dans l’interprétation de ces thèmes chéris qui débutent par l’impeccable “Just one of these things” du grand Irving Berlin. Comment ne pas être sensible aux notes de pochette qui détaillent les commentaires précis et inspirants du pianiste? Sa version de base est celle de Sinatra, la voix toujours en majesté, la façon de sculpter les mots et d’étirer le temps. Il semble que Thomas Clausen ait tout compris de l’art du trio en piano jazz et des standards. Et si on apprécie sa version “latine” de “Nature Boy”, on est attaché au merveilleux thème mélancolique de Bronislaw Kaper, grand compositeur de musiques de films hollywoodiens, créé pour ce mélo de George Cukor assez méconnu A life of her own, de 1950 avec Lana Turner et Ray Milland. Il en fait un blues, joue beaucoup de la main gauche et change les couleurs de la partie de contrebasse. Ou comment s’adapter merveilleusement à une musique quand on en a saisi le sens.
Sophie Chambon