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19 mars 2021 5 19 /03 /mars /2021 18:41

LYNN CASSIERS – ALEXANDRA GRIMAL «Hybrids - Hi Birds»

Lynn Cassiers (voix & traitements électroniques)
Alexandra Grimal (saxophone soprano & voix)

Albi & Anderlecht-Bruxelles, 2017

https://alexandragrimal.bandcamp.com/album/hybrids-hi-birds

 

La musique surgit d'un lieu singulier, fait de nature et d'intervention humaine (culture autrement dit). Tout ici paraît mystère, magie, surgissement de l'inattendu. Et nous voilà embarqués. Le sax soprano survole un paysage de fréquences presque surnaturelles et de métallisations de synthèse. Puis la voix chuchote des mots d'outre-monde, jusqu'à un seuil de crissements qui se perdent dans le silence. D'autres sons, d'autres mystères, une mélopée qui pourrait avoir des siècles, ou tout aussi bien naître de l'instant. Des textes d'Alexandra Grimal croisent des extraits du livret d'Antoine Cegarra pour La vapeur au-dessus du riz, 'opéra clandestin' donné sur scène à Orléans en 2017, et récemment publié sur disque (Ovni records 2020). La musique et les sons tutoient les limites, toujours à la recherche de l'inouï, qui est bel et bien là. Ça bouge, ça s'emballe, puis ça se fond dans une aura de mélancolie. Dépaysement assuré, avec les émois qui s'imposent. Comme je disais dès l'abord, on est embarqué. Très beau voyage, qui semble nous ramener pour conclure aux premiers grondements de l'univers. Beau travail sur le son. Bienvenue à bord. Attention au départ !

Xavier Prévost

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16 mars 2021 2 16 /03 /mars /2021 17:47
Pierrick PEDRON  FIFTY FIFTY New York Sessions

Pierrick PEDRON

FIFTY FIFTY

New York Sessions

Sortie 5 mars 2021

l’Autre Distribution/Gazebo

 

Pierrick Pédron - Teaser - Sakura - Fifty/Fifty New York Sessions - YouTube

 

Enregistré en janvier 2020, en quartet, à New York avec la fine fleur de la rythmique américaine, ce CD fait partie d’un “faux-double” album, puisque fin 2018, pour les cinquante ans du saxophoniste alto Pierrick Pédron, fut gravé un autre CD, à Paris cette fois, toujours en quartet mais avec une instrumentation différente (clavier, sax, tp, batterie).

Cet album de l’équilibre, ce que souligne la photo de Pierrick sur les rails, a été enregistré sur Gazebo, le label de Laurent de Wilde qui ne peut résister à “un vrai disque de jazz”. Il fut conçu avec la complicité constante du producteur et ami Daniel Yvinek, sous la houlette de James Farber, le sixième homme de la formation, qui a enregistré le son sur 2 pistes en direct.

Laurent de Wilde vous présente FIFTY-FIFTY NY SESSIONS - PIERRICK PÉDRON - YouTube

Je me souviens encore de ma rencontre musicale avec Pierrick Pedron pour son troisième album en 2005, qui rendait hommage aux standards, Deep in a dream, déjà enregistré aux Usa, avec le pianiste Mulgrew Miller. Cette fois, ce sont des compositions originales, denses et inventives avec leurs modulations brusques, leurs variations de temps, et toujours cette ferveur.

Bien que fidèle au bop (de ses débuts au Petit Op’ aujourd’hui disparu), amoureux de Charlie Parker mais aussi de Sonny Stitt, Pierrick Pédron ne veut pas se focaliser sur ce style,  son carburant, il reste ouvert aux influences, aussi bien jazz que pop et rock, comme il l’a prouvé dans toute sa discographie!

Pierrick raconte comment il s’y est pris pour composer : parti d’improvisations libres, aléatoires sur dictaphone, sans cellule rythmique ni structures harmoniques, une fois les thèmes non harmonisés choisis, il les a soumis à Laurent Courthaliac, pianiste expert en be bop, s’il en est, qui a su retravailler ces morceaux "éclatés".

Dans ce retour aux sources, qui est tout sauf rétro, on le retrouve comme on l’aime, du vif argent, dès le démarrage comme un boulet de canon, avec ce “Bullet T”. Si certains prenaient le “A train” dans le passé, le quartet a gagné encore en vitesse, en prenant le Shinkansen. Et ça dégage!  Pierrick Pédron a une passion pour le Japon, terre de jazz par excellence, beaucoup de ses thèmes ont ce parfum d’origine dans leur titre de “Bullet T” ( le shinkansen) à “Origami”, “Mr.Takagi”, “Mizue”, sans oublier les cerisiers qui sont roses dans le pays du soleil levant, les “Sakura” évidemment!

Toujours aussi généreux dans l’engagement, donnant toute sa puissance, il est soucieux de mélodie, du phrasé et de rythme, mais il sait se faire tendre, lové dans une rythmique soyeuse, dans les ballades alternées finement dans le programme. “Sakura”, après une introduction stimulante de près de 2 minutes au piano, fait entendre un alto sensible, jamais éploré. Pierrick Pedron s’y fait chanteur, souple et éloquent. La pulse ne cesse jamais, même dans ce mouvement plus voluptueux. L’esprit de la danse tantôt alanguie, tantôt débordante d’énergie infuse tout l’ album. Avec un entraînant “Boom” aux réminiscences monkiennes, Pierrick n’attend pas que le monde vienne à lui, sa séduction n’est ni tranquille ni douce, elle emporte  l’adhésion par une urgence, une intensité, jamais fabriquées. C’est qu’en prenant des risques, il se livre. C’était assurément un nouveau challenge que de travailler avec ces trois Américains  à la complicité indiscutable. Pierrick qui aime se mettre en danger, a su très vite s’imposer, conquérir l’équipe qu’il avait "castée", Sullivan Fortner au piano, Larry Grenadier à la basse, Marcus Gilmore aux drums (le petit fils de Roy Haynes !). Il a trouvé des partenaires qui l’ont suivi, en donnant le meilleur d’eux mêmes pour une musique qu’ils connaissent presqu’instinctivement. Les voix dialoguent et/ou fusionnent dans un souci constant d’équilibre; on ressent parfaitement l’énergie live de cette session unique au Studio. Après une bonne préparation des compositions, Pierrick est suffisamment chaud, il a “le jargon dans les pattes”, et c’est gagné comme il dit dans la belle interview de JM Gelin sur Radio Jazz Aligre, 93.1.

Avec ces fines gâchettes du cru, il s’est offert une expérience tonique, une cure de jouvence. Une recette infaillible jouée avec conviction et foi. Que demander de plus?

Oui, encore une chose, le deuxième volet, français, à sortir cet automne…

 

Sophie Chambon

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15 mars 2021 1 15 /03 /mars /2021 13:40

Airelle Besson (trompette), Isabel Sörling (voix), Benjamin Moussay (piano, piano électrique, synthétiseur), Fabrice Moreau (batterie)

Pernes-les-Fontaines, août 2020

Papillon Jaune ATJ 250119 / l'autre distribution

 

Le retour du groupe de l'album «Radio One» (Naïve Jazz) enregistré en 2015. Avec le bénéfice de l'expérience produite par de nombreux concerts. Et toujours cette atmosphère où se mêlent des rêves de chansons sophistiquées, des impressions furtives d'évasions hors du cadre, et la constance de deux chants : celui de la trompette, limpide et droit ; et celui d'une voix plus troublée que trouble, riche de mille frémissements, et qui porte dans ses envols maîtrisés ce qu'il faut d'incertitude pour nous rappeler que l'expression est bien là. D'un thème à l'autre, la simplicité peut faire place à une grande sophistication musicale sans que jamais le chant ne se dérobe. Claviers et batterie jouent le jeu de cette atmosphère qui va d'une joyeuse insouciance pop à d'insondables profondeurs mélancoliques. Bien des plages sont autant de petites fictions où le cadre va changer, d'un plan à l'autre, d'une phrase à l'autre, faisant évoluer (Wild Animals) en moins de quatre minutes ce que l'on aurait cru ritournelle vers une forme mouvante. Beau travail d'Airelle Besson et de ses fidèles partenaires sur ce que peut être un disque entendu comme un récit pluriel, un objet ductile qui trompe nos repères et nos certitudes.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

Et l'élaboration   

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14 mars 2021 7 14 /03 /mars /2021 19:14

Tony Hymas (piano)

Meudon, 2016

nato 5782 / l'autre distribution

 

De Tony Hymas, j'ai la tentation de dire, d'abord, qu'il est résolument inclassable. Facilité ? Lieu commun ? J'assume. C'est que je garde le souvenir ému d'un jour ancien (deuxième moitié des années 90) : je venais de diffuser sur France Musique, à la fin d'une émission dite de jazz, un mouvement de sa Symphony (disque éponyme, KPM 280 CD) par le London Symphony Orchestra, symphonie en 5 mouvements dirigée par ses soins. C'est Jean Rochard qui m'avait donné ce disque. Le claveciniste et chef d'orchestre Hervé Niquet, spécialiste de la musique baroque, me succédait à l'antenne. Très intéressé par cette musique, il me demanda de lui confier le disque, ce que je fis avec d'autant plus de plaisir qu'il eut le bon goût de me le rendre quelques semaines plus tard. J'avais déjà écouté Tony Hymas dans toutes sortes de configurations, sur disque et en concert. J'avais diffusé sa musique, et d'autres auxquelles il participait pleinement, dans mes émissions, et j'aurais, en 2010, le plaisir de l'accueillir en trio (avec Bruno Chevillon & Éric Échampard) pour un concert 'Jazz sur le Vif' célébrant les 30 ans du label nato. Autant dire que le retrouver sur ce disque est plus qu'une joie. Il s'agit ici d'une exploration de la mémoire musicale, dont la première étape est un hymne delphique du deuxième siècle avant notre ère, et l'ultime une composition du violoniste Jacky Molard publiée en 2007. Le pianiste parcourt allègrement les territoires de ses multiples tropismes sous le signe de la singularité et de la liberté. Côté piano du vingtième siècle Debussy et Satie croisent Cécile Chaminade, Marie Jaëll, Mel Bonis et Leos Janácek. Un blues immortalisé par Leadbelly (et arrangé par le pianiste et compositeur Frederic Rzewski) fait écho à Si tu vois ma mère de Sidney Bechet, et des évocations de la Résistance et de la Commune de Paris côtoient un souvenir des Gitans d'Avignon avec le groupe Ursus Minor. L'unité de tout cela, c'est la densité musicale, la liberté d'un musicien qui creuse profondément le sillon de la musique jusqu'au cœur du sens. Impressionnant de musicalité, de maîtrise, de force et de nuances. On s'abandonne avec enthousiasme !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur le site du label

http://www.natomusic.fr/catalogue/musique-jazz/cd/nato-disque.php?id=315

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13 mars 2021 6 13 /03 /mars /2021 14:49
Hymnes à l’amour  CHRISTOPHE MONNIOT & DIDIER ITHURSARRY  Deuxième chance

Hymnes à l’amour

Christophe MONNIOT & Didier ITHURSARRY

Deuxième chance

Sortie 26 février 2021

Emouvance  Distribution Absilone-Socadisc

Nouveau disque pour le duo Monniot – Ithursarry – Emouvance – Compagnie Claude Tchamitchian

 

www.didierithursarry.com   

www.christophemonniot.com

 

Drôle de titre, car on avait tellement aimé le premier Hymne à l’amour, sorti en 2018, que l’on donnerait à ces deux là une éternelle chance de retour. Le duo formé par l’accordéoniste basque Didier Ithursarry et le saxophoniste normand Christophe Monniot revient en effet, toujours sur le label Emouvance et continue à égrener ses chansons d’amour, un peu étranges forcément, bizarres, pas banales. Détournement de sens mais avec cette paire d’as, il faut s’attendre à tout.

Tel le foie et le confit dans la toupine, les deux amis font bloc. Dans leur mêlée liée serrée, épaule contre épaule, ils font corps inventant tout à la fois leur musique et leur genre musical”. On ne saurait mieux dire que l’accordéoniste Marc Perrone, lui même mélodiste hors pair.

De leur engagement, coeur à corps, on retient les huit compositions fournies à parité, l’énergie irrésistible de l’improvisation, une complicité patente et un sens de la belle mélodie qui touche son noir de cible dans ce rêve de “ Lilia” vaguement inquiétant, mélancolique assurément.

Et puis soudain sans transition, on est dans l’”East side” et quand on arrive en ville… point de quiétude, ça klaxonne au saxophone alto et dérape au final avec “l’allumé du dépliant” sur les trottoirs de la mégalopole.

Toujours au service d’une musique proche des racines populaires, ils n’oublient jamais d’où vient le souffle: ils ne manquent pas d’air, celui des Balkans dans le traditionnel bulgare “Vetcherai Rado”. Ou celui du basque bondissant “Banako”, volontairement sur tempo ralenti, pour se jouer des clichés. Ils arrivent souvent à une épure, et pourtant l’émotion affleure vite : enchantement avec ce “Dede” et émouvante valse à l’ami “Pierre qui vole” tout là-haut, libre désormais?

C’est éminemment virtuose sans en avoir trop l’air, pourtant on sait de quoi ils sont capables. On savoure la vélocité, l’entrain de Didier qui n’a jamais mieux fait résonner sa “boîte à frissons”. Monniot est le compagnon idéal, oiseau qui roucoule et pousse ses gammes au sopranino, nous transportant dans la nature. A l’alto, son timbre particulier fait merveille. Ces deux là savent s’écouter et se répondre, rebondir sans cesse à de nouvelles idées. Changements de rythme, climats alternés se succèdent, éclairant comme autant de tableaux sonores; ce n’est pourtant pas une musique illustrative, mais elle réveille notre imaginaire. Et le corps qui n’oublie pas de danser. D’ailleurs l’album finit sur une interrogation, invitant à “la dernière valse? Nous, on espère encore un prochain tour!

 

Sophie Chambon

 

 

 

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10 mars 2021 3 10 /03 /mars /2021 17:53

Célia Forestier (voix), François Forestier (guitare), Bruno Ducret (violoncelle), Vincent Girard (contrebasse), Rémy Kaprielan (batterie)

Renaison (Loire), juillet 2020

Label A part la Zic APLZ/1 / Inouïe distribution

 

La première plage commence tambour battant, et pourtant l'ensemble est teinté d'une espèce de délicieuse mélancolie à quoi il sera difficile de résister. Le nom du groupe, Komorebi, est un mot japonais réputé intraduisible que l'on dit exprimer 'les rayons du soleil qui filtrent au travers des feuilles des arbres'. L'éclat de la première plage (55 secondes!) résonne aux oreilles du vieux jazzophile déviant (que je suis) comme un souvenir de «Cinq Hops», formidable disque de Jacques Thollot (1978, avec la voix d'Elise Ross, qui n'était alors pas encore reconnue comme une grande voix de la musique classique et contemporaine) : élaboration harmonique, étrangeté du climat, présence de la voix multipliée par l'artifice du ré-enregistrement. Le décor est posé. La barre est placée haut, et l'ambition sera largement honorée. De plage en plage, on traverse des horizons de rock progressif, de pop (très) sophistiquée, d'improvisation hardie, voire de musique de chambre. Très belle voix, aux multiples atouts ; et l'instrumentation, très singulière, du groupe est l'un des facteurs de réussite de ce croisement stylistique. La qualité des instrumentistes renforce encore cette impression.

Original, très maîtrisé musicalement autant qu'esthétiquement : un vrai régal.

Xavier Prévost

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Des avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=fRWB6KU-MBw

https://www.youtube.com/watch?v=BqG4Zr7JT4g

Le site

https://www.celiaforestier.com/komorebi

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8 mars 2021 1 08 /03 /mars /2021 09:04
Jonathan Orland Quartet     ​​​​​​​Something Joyful

Jonathan Orland Quartet

Something Joyful

STEEPLE CHASE Look out

www.steeplechase.dk

Music — Jonathan Orland

A lire les notes de pochettes rédigées par Jonathan Orland lui même, on comprend ce qui constitue la force de la musique de son quartet: un jazz sans affèterie, asssez loin de ce que l’on entend dans le registre des musiques actuelles. Avec ce quatrième album depuis l’inaugural Homes en 2012, on remarquera qu’il n’ a pas souvent enregistré avec la même formation, comme pour marquer une étape dans son évolution, de sa quête musicienne. Mais il a su se constituer des partenaires complices au fil du temps et dans ce “Something joyful” qui se voudrait “something else”, le groupe soudé a un tel plaisir à jouer ensemble que cela s’entend au long de l’album d’une grande fluidité.

Une bande-son que l’on écouterait bien volontiers dans un club, qui démarre en fanfare, avec “Someting joyful”. Car enfin, le titre de l’album et de la première compo fait référence à la joie de jouer du jazz avec des musiciens amis, le jazz étant la musique qui advient “hic et nunc”. Ce qui tranche avec l’atmosphère pesante de cette année de pandémie. Un jeu instrumental clair, où, si la virtuosité n’est pas essentielle, la musique n’a de simple que l’apparence.  Les dix compositions s’enchaînent en variant les rythmes et les couleurs, déroulant un fil narratif précis. Ce qui permet d’admirer la classe de Yoni Zelnik à la contrebasse et d’Ariel Tessier aux drums et le talent pianistique d’ Olivier Hutman qui a composé un morceau entraînant, lors d’une tournée en Chine du sud à Zhuhai “A night in Zhuhai”. Sans approcher la folie du bop de “A night in Tunisia”, ça swingue drôlement bien! Le phrasé langoureux et lyrique de l’altiste est soutenu par l’énergie rythmique du pianiste, parfait contrepoint. Assez énigmatique avec (“Oops” ), on retrouve le sens et le goût de ballades atmosphériques, comme ce “Petit ballon” qui roule sans se presser, en laissant advenir la beauté des textures et du timbre du saxophoniste alto, mordant, précis, limpide.

Si le jeune saxophoniste n’a pas perdu ses repères, pourtant écrasants, Ornette Coleman et Cannonball Adderley, il leur tire sa révérence et travaille à son propre style, sans maniérisme. On l’attend justement au tournant des standards-il n’ y en a que deux sur les 10 titres qu’il a composés majoritairement). Que ce soit “How about you?” du grand Burton Lane (comédies musicales et films) créé pour une comédie de 1940, Babes on arms avec le couple d’enfants-vedette Judy Garland et Mickey Rooney, repris aussi par Sinatra à ses débuts avec l’orchestre de Tommy Dorsey ou l’immortel “Day Dream” de Billy Strayhorn, l’alter ego du Duke, le quartet les reprend avec une science des standards de la grande époque et une maîtrise rare en changeant le tempo, l’atmosphère sans dénaturer la mélodie chantée à l’époque. Sans cliché le swing constant n’est jamais forcé. Un album et un groupe recommandé vivement!

Sophie Chambon

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5 mars 2021 5 05 /03 /mars /2021 17:58
A PLACE THAT HAS NO MEMORY OF YOU  Laurent DEHORS / Matthew BOURNE

A PLACE THAT HAS NO MEMORY OF YOU

Laurent DEHORS / Matthew BOURNE

EMOUVANCE/ ABSILONE

Sortie 5 mars 2021

Label – Emouvance – Compagnie Claude Tchamitchian

Tous Dehors – Compagnie Laurent Dehors (tous-dehors.com)

Un duo toujours surprenant que celui du pianiste Matthew Bourne et du poly-anchiste Laurent Dehors. On se souvient de leurs Chansons d’amour, déjà chez Emouvance, en 2012, qui nous prenait à revers, ne détournant pas précisément de belles mélodies trop connues (à l’exception de “La Vie en Rose”).

Dans ce CD au titre étrange, entretenant un certain mystère, jusqu'à la forme définitive, qui sonne bien au demeurant, on retrouve une prédilection pour des formes courtes, libres, ouvertes, ciselées, qui s’enchaînent sur près d’une heure. Les rêves ont une voix, et la musique se crée à chaque instant, travaillée,  composant avec la douce folie de l’un qui plaît toujours à la démesure de l’autre. Tous deux sur le fil, instables et touchants : leur proximité musicale les met en état d’éveil, les fait vibrer naturellement et ils utilisent le langage musical pour révéler un peu de leur vérité.

Matthew Bourne qui sait se mesurer au silence, se lancer dans des expérimentations, attise la curiosité et l’inspiration de son complice. Un thème “Outré” revient par trois fois, leitmotiv propice à l’improvisation du duo. Qualificatif qui convient bien à Laurent Dehors, volontiers excessif, qui passe souvent les bornes (prescrites par la raison) même si dans cet album, selon les notes de JP Ricard, il consent à nous livrer la part la plus sensible de lui même. Sans qu’il y ait une mélodie au sens strict, ces échappées ardentes, âpres, souvent mélancoliques qui exceptionnellement s'étirent sur près de 7 minutes dans  “Voix”, élaborent un vrai dialogue entre un piano sensible et une clarinette qui chante. Une sobriété de bon aloi, poétique et singulière. Dehors ne nous livre-t-il pas en effet sa part de l’ombre, masquée souvent par ses fantaisies, élucubrations gestuelles et instrumentales, quand il se jette dans la musique, essaie tous ses instruments, sort de la cornemuse un son aigre, persistant qui vrille volontiers les tympans. Il aime se pousser dans les aigus, travaille toujours sur les textures, les timbres, les accidents sonores, et en premier, ce matériau extraordinaire qu’est le souffle comme dans cette miniature précieuse, “Soliloquy”.

Matthew Bourne utilise les cordes du piano dans un “From nature to robots” très explicite avec cette sensation de pluie qui tombe comme des cordes ( pour une fois, le français l’emporte sur le nonsensique “It’s raining cats and dogs”). Mais dans “Je pense à toi”, très simplement, se retrouve une chanson d’amour avec un thème délicatement impressionniste rehaussé de touches légères et vives de clarinette. Bourne pourrait comme Dehors qui a écrit une “ A Short history of clarinette”, en faire de même avec son instrument, un piano intelligent qu’il révèlerait dans tous ses éclats, états.

On arrive, dans une sorte de vertige, à la fin du CD et au titre éponyme, toujours aussi obscur -mais d’ailleurs que veut dire la première plage “The eight veil” (celui de l’ambiité?) d’après la Salomé de Wilde, ou d’une composition de Billy Strayhorn pour un Duke Ellington en grande formation? Ce qui sied à ce climat résolument minimaliste, équilibré néanmoins par des échos de jazz outrés.

Sophie Chambon

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4 mars 2021 4 04 /03 /mars /2021 08:39

Michel Portal (clarinettes, saxophone soprano), Bojan Z  (piano et claviers), Nils Wogram (trombone), Bruno Chevillon (contrebasse) et Lander Gyselinck (batterie).
Studio Gil Evans, Amiens, 26-29 juin 2020.
Label Bleu/L’autre distribution.  Sortie le 5 mars 2021.

Quoi de neuf ? Michel Portal. Longtemps absent des bacs, le poly-instrumentiste éternel rebelle nous revient sur les deux terrains qu’il parcoure avec la même perspicacité : la musique la plus classique (Bach, Telemann, Stamitz...) où le premier prix de clarinette du conservatoire (1959) échange avec un homologue, Paul Meyer (Double. Alpha Classics - Outhere Music), et le jazz qu’il retrouve pour son premier album depuis 'Baïlador' (Emarcy-Universal.2011) avec MP85 (Label Bleu) clin d’œil à son état civil (né le 27 novembre 1935).

Tel est Michel Portal qui se caractérise par son « intranquillité » selon l’expression de son ami le photographe Guy Le Querrec.
Toujours prêt à en découdre, il conduit là une petite formation où se mêlent « anciens » camarades ( Bojan Z au piano, Bruno Chevillon à la contrebasse) et « modernes » dans le sens de complices récents (Nils Wogram, tromboniste allemand, et Lander Gyselinck, batteur belge). Et pour bien marquer son engagement, Michel Portal signe sept des dix titres présentés et insère un chant de sa terre basque natale (Euskal Kantua).

La fougue et la liberté d’expression sont au rendez-vous. L’artiste a dominé l’appréhension qui le taraudait lors de son entrée en studio en juin dernier. « Faire ce disque, déclarait-il à Jazz Magazine, m’a redonné le goût de la musique que j’avais perdu en partie, et par là-même une forme d’espoir. J’ai senti que la musique était encore possible et qu’on allait finir par s’en sortir ».
On retrouve ici l’interprète sans interdits ni frontières, le compositeur sensible (un peu méconnu) de musiques de films (‘Le retour de Martin Guerre’, ‘Max mon amour’…) dans ses envolées, dans ses joutes avec un tromboniste au sommet de son art.
Michel Portal, qui abhorre « réciter sa leçon » nous conduit sur les chemins de la spontanéité créative avec un entrain juvénile de toute beauté.


Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Jean-Marc Lubrano et Stella D

MP85 - Trailer

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1 mars 2021 1 01 /03 /mars /2021 22:07

Joachim Kühn (piano Steinway), ‘Touch the Light’.
Salinas Studio, Ibiza (Espagne), août 2019-octobre 2020.
ACT - ACT 9766-2. (également disponible en vinyl, ACTLP 9766-1).
Sortie le 26 février.

Le piano solo est loin d’être une nouveauté pour Joachim Kühn. Sans remonter à sa prime jeunesse (il donna son premier concert à 6 ans dans des œuvres de Robert Schumann), son premier album sous ce format, produit en France, remonte à 1971 et plus récemment l’amateur de jazz aura remarqué deux prestations discographiques : ‘Free Ibiza’ (2011 chez OutNote Records) et ‘Melodic Ornette Coleman’ (2019 chez ACT).
Sur ce dernier label, le pianiste propose aujourd’hui un album uniquement consacré à des ballades.

 

Après un moment d’hésitation (« Peut-être quand j’aurai 90 ans !»), Joachim Kühn a accepté la suggestion du patron-fondateur d’ACT, son compatriote allemand Siggi Loch. Dès lors, il s’est mis au piano (un Steinway) dans sa maison d’Ibiza surplombant la mer où il réside depuis près de trente ans. « Je peux jouer et composer sept à huit heures par jour sans déranger les voisins », nous confiait-il en 2012 (in ‘Paroles de Jazz’, Editions Alter Ego).

Loin du bruit de la ville, il a ainsi enregistré une quarantaine de titres en quinze mois dont treize ont été retenus. Des pièces de courte durée (à peine 5 minutes pour la plus longue) qui forment une œuvre polymorphe, sorte de voyage rétrospectif dans la carrière d’un musicien actif sur la scène du jazz depuis un bon demi-siècle :


- Des hommages à Joe Zawinul (qui le distingua lors d’un concours à Prague en 1968), et à Gato Barbieri qui l’engagea pour la BO du ‘Dernier Tango à Paris’ (1972),


- des reprises de Mal Waldron (‘Warm Canto’) ou Bill Evans (‘Peace Piece’),


- Une excursion dans la pop (‘Purple Rain’ de Prince) ou les musiques du monde (Milton Nascimento et Bob Marley),


- Une reprise de Beethoven (Symphony No. 7, Allegretto)


... Et bien sûr des compositions personnelles dont ‘Touch the Light’, qui donne son nom au disque et évoque un coucher de soleil sur la Méditerranée des Baléares.


Pianiste fougueux dans sa période free jazz -aux côtés par exemple d’Aldo Romano, Archie Shepp ou encore Ornette Coleman- il n’a jamais trahi la fibre romantique de ses jeunes années à Leipzig. Il nous en donne ici une preuve incontestable faisant montre d’une sensibilité qui ne tombe jamais dans la sensiblerie. Une heure de grâce absolue.

 

Jean-Louis Lemarchand.


 
© Silvio Magaglio & X. (D.R.)

 

 

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