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14 novembre 2020 6 14 /11 /novembre /2020 14:37

*Barney WILEN Quartet feat. Tete MONTOLIU, Grenoble ’88 ‘BARNEY AND TETE’, avec Barney Wilen, (saxophones ténor et soprano), Tete Montoliu (piano), Riccardo Del Fra (contrebasse) et Aaron Scott (batterie).
Elemental Music – 5990438 / DISTRIJAZZ.
Sortie le 4 décembre.

 

Le fait est qu’on ne peut qu’envier et jalouser les veinards qui ont pu assister à ce concert (Martine Palmé en premier lieu) : la seule, unique et éphémère occurrence de l’existence de ce quartet, de la rencontre musicale entre Barney Wilen et Tete Montoliu, deux monstres du jazz du vieux continent, façonnés au creuset du bop dans les années 50 ; Barney très influencé par Lester Young, adoubé par Miles Davis et Art Blakey, Tete dans la mouvance d’Art Tatum et reconnu par Lionel Hampton et Don Byas.

 

A l’époque de ce concert, Barney tournait habituellement en quartet, avec Alain Jean-Marie (piano), Riccardo Del Fra (contrebasse) et Sangoma Everett (batterie).
Tete, quant à lui, rompu à l’accompagnement des plus grands solistes américains de passage en Europe (de Ben Webster à Anthony Braxton ...) dirigeait son propre trio de part et d’autre de l’Atlantique, associant N.H.O.Pedersen, Herb Lewis ou Georges Mraz (contrebasse) à Albert ‘Tootie’ Heath, Lewis Nash, Al Foster ou Billie Higgins (batterie).

On ne sait qui, de Jacques Panisset, qui programma ce concert et aimait favoriser les rencontres musicales inhabituelles, ou de Robert Latxague, alors directeur de l’information de la radio régionale, rebaptisée depuis ‘France Bleue Isère’, eut l’idée de ce quartet de circonstance, associant Aaron Scott (à l’époque batteur régulier de l’Orchestre National de Jazz dirigé par François Jeanneau) et Tete Montoliu, qu’ils admiraient tous deux, à Barney et Riccardo. Le saxophoniste y fut d’ailleurs dans un premier temps opposé, préférant promouvoir son dernier album avec son quartet habituel, avant de finalement adhérer au projet.

Martine Palmé, alors agent de Barney, rapporte qu’il n’y eut pas de répétition avant ce concert, juste une courte discussion entre les musiciens, pour choisir le répertoire à jouer, les enchainements, les tonalités ... bref, la petite cuisine habituelle, que tous les musiciens classiques envient aux jazzmen.

 

Au menu : des standards bien sûr, sur lesquels chacun de ces sorciers excelle à se réinventer en surfant sur l’écoute de l’autre, mais aussi quelques mélodies françaises (Barney avait enregistré son album ‘French Ballads’ en 1987). La suite est magique, de l’Âme des Poètes’ de Charles Trenet, subtilement réharmonisée et introduite en duo soprano-contrebasse, à un joyeux ‘Someday My Prince Will Come’, donné en deuxième rappel sur un rythme de valse.
C’est à un panorama de l’histoire du jazz et de la musique du XXème siècle que l’on assiste, du swing au bop, de la pop à la comédie musicale, de ‘Billie’s Bounce’ (Ch. Parker) à ‘La Valse des Lilas’ (M.Legrand, E.Marnay, E.Barclay), de ‘Round Midnight’ (T.Monk), magnifiquement exposé au soprano, à ‘All The Things You Are’ (J.Kern, O.Hammerstein), ou encore de ‘Summertime’ (G.&I. Gershwin) aux ‘Feuilles Mortes’ (J.Prévert, V.Kosma, J.Mercer) et ‘Sous le Ciel de Paris’ (J.Drejac, H.Giraud).

 

Ces deux CDs reflètent et témoignent de l’intensité et de la réussite d’une rencontre que Barney et Tete devaient pressentir qu’elle serait unique (et elle le fut), et donc qu’elle se devait d’être parfaite.
Tous deux nous ont quitté depuis, trop tôt, Barney le 25 mai 1996, Tete le 24 août 1997.

Leur musique vous tend les bras !

Indispensable.

 

Francis Capeau.

 

©photo X. (D.R.)

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13 novembre 2020 5 13 /11 /novembre /2020 09:32
THE MUSIC OF BILL EVANS :  INTERPLAY     DIEGO IMBERT/ALAIN-JEAN MARIE

 

THE MUSIC OF BILL EVANS : INTERPLAY 

DIEGO IMBERT/ ALAIN-JEAN MARIE

produit par TREBIM music / L’autre Distribution

SORTIE DU CD le 13 Novembre

CONCERT DE LANCEMENT AU BAL BLOMET, le 3 décembre 2020 dans le cadre des Jeudis de Jazz Magazine

https://www.fip.fr/jazz/diego-imbert-et-alain-jean-marie-celebrent-bill-evans-18444

 

Commencer par le titre “Interplay” qui magnifie le jouage, l’échange, la circulation de la musique quand il s’agit de rendre hommage à Bill Evans est de bon augure. Même si c’est le seul titre conservé du CD éponyme de 1962. C’est que dans l’immense répertoire de Bill Evans, il a fallu faire un choix, “cornélien”, on s’en doute.

On peut faire confiance à Alain Jean-Marie et Diego Imbert, deux musiciens humbles mais tellement talentueux. S’attaquer à l’icône absolue pour un pianiste, évoquer les grands de l’instrument qui ont accompagné Bill Evans en renouvelant l’art du trio, Scott La Faro, Marc Johnson et surtout Eddie Gomez que rencontra le jeune Diego Imbert, lors de célèbres stages de Capbreton au début des années 2000. C’est d’ailleurs à l’initiative de Diego Imbert que nous devons ce projet avec le pianiste guadeloupéen, connu pour sa maestria be bop et ses “Beguine Reflections”.

Un duo piano-contrebasse, quoi de plus simple, même si Bill Evans renouvela la forme du trio ( piano/basse/batterie). Ajoutons qu’Eddie Gomez et Bill Evans vécurent un compagnonnage musical de plus de dix ans et osèrent cette expérimentation dont témoignent deux albums en 1974 Intuition et Montreux III en 1975.

15 petites pièces dont 4 ne sont pas du maître, composent donc ce bouquet offrande, effluves d’un jazz aimé, un brin nostalgique mais audacieux dans son agencement, sans aucune volonté démonstrative ni recherche de virtuosité : le résultat d’une juste durée, nécessaire mais suffisante nous fait atteindre la planète EVANS! La chanson du tandem Burt Baccarach/Hal David “Alfie” pour le film éponyme de 1966 de Lewis Gilbert, qui fit de Michael Caine une icône absolue des sixties, avec une B.O entièrement jazz de Sonny Rollins, n’est pas choisie au hasard, car cette composition dont s’empara Bill Evans, pour la mettre à son répertoire, donna lieu à de multiples interprétations comme par exemple celle, avec Eddie Gomez et Marty Morell en 1968, au Village Gate.

La mélodie existe déjà avec les compositions de Bill Evans, il ne faut pas la démolir ni la déstructurer de trop, mais la jouer comme on le ressent. Reste à s'arranger avec l’harmonie qui structure le corps du morceau. Le timide ou réservé pianiste imprime une vigueur peu commune, une ardente fièvre à des compositions aussi connues.  Intime et lyrique dans son déroulé, solaire oui, et ce n’est pas faire de contresens puisque la musique de Bill Evans peut aussi vous chavirer de bonheur, car elle touche body and soul ! Ce ne sera donc pas tout à fait un remède à la nostalgie mais à la mélancolie. 

Des reprises particulièrement réussies, brillantes, prétextes à invention et à une jouissive communication! Si ce “Turn out the stars” des plus énergiques swingue réellement, ça danse sur “Very early” avec un piano clair, dégagé, heureux. Et sur le merveilleux “Waltz for Debby”, pianiste et contrebassiste dansent véritablement, l’un contre l’autre, épousent vraiment les contours de cette mélodie avec chaleur. On attend les passages obligés mais dans l’oeuvre immense du pianiste compositeur, tout ne l'est-il pas? “Nardis”, “Blue in Green” et “Waltz for Debby”, sans compter le déchirant “We will meet again” que le solo de Diego Imbert renouvelle totalement.

Quand on aime passionnément Bill Evans, on ne peut qu’être touché par cet Interplay sobrement intitulé, ce véritable “labour of love” qui, quarante ans après la disparition d'un musicien génial, constitue une forme renouvelée de tombeau avec tout le respect et le talent de Diego Imbert et Alain Jean-Marie. Merci à eux!

NB: Notons enfin les nécessaires notes de pochette de l’ami Pascal Anquetil, toujours aussi pertinentes

Sophie Chambon

 

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12 novembre 2020 4 12 /11 /novembre /2020 21:56

Malika Tirolien (voix), Jacques Schwarz-Bart (saxophones et effets), Grégory Privat (piano, piano électrique), Reggie Washington (contrebasse & guitare basse), Arnaud Dolmen (batterie), Sonny Troupé (tambour Ka)

Villetaneuse, janvier 2020

Enja 9777 / l'autre distribution

 

Retour du plus guadeloupéen des jazzmen établis aux États-Unis vers la fusion qu'il avait amorcée, voici plus de dix ans, entre le jazz afro-américain, qu'il enseigne au Berklee College de Boston après s'y être immergé, et la musique des tambours Ka de la Guadeloupe, qu'il cultive comme un trésor identitaire. Musique d'une énergie folle, d'une précision diabolique, et pourtant d'une liberté confondante. Entouré d'orfèvres des deux rives (la caribéenne et l'américaine), il propulse vers nos oreilles bouleversées des flots de vie et de beauté ciselée. La voix de Malika Tirolien, utilisée comme on le faisait dans la fusion des années 70, électrise littéralement l'atmosphère. L'alliance entre toutes les nuances de la voix, la large palette du saxophone et de son traitement électronique, les claviers tantôt en déboulés vertigineux, tantôt en accords plein jazz, et les deux facettes rythmiques (batterie et tambour ka) qui se répondent et s'épousent, est une totale réussite. Et dans la dernière plage la voix de la romancière et dramaturge Simone Schwarz-Bart, dans un poème créole de sa plume, apporte à ce disque une touche conclusive qui bouleverse. Le disque est accompagné par une sorte de poème d'amour écrit par ses soins, et qui associe son défunt mari, le romancier André Schwarz-Bart, et leur fils. Grand moment de musique, mais aussi de poésie.

Xavier Prévost

.

Un avant-ouïr sur Youtube 

https://www.youtube.com/watch?v=Ob3uJTAuBKQ

https://www.youtube.com/watch?v=ZkUq5mj305o

 

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11 novembre 2020 3 11 /11 /novembre /2020 17:37

Aldo Romano (batterie), Jasper Van't Hof (piano, claviers), Darryl Hall (contrebasse), Enrico Rava (trompette), Baptiste Trotignon (piano), Michel Benita (contrebasse), Glenn Ferris (trombone), Yoann Loustalot (trompette), Géraldine Laurent (saxophone alto), Mauro Negri (clarinette), Henri Texier (contrebasse)

Les Lilas, 44,11, 17 & 25 mai 2019

Le Triton TRI-20556 / l'autre distribution

 

Pour renaître, Aldo Romano a convié quelques-uns des partenaires privilégiés des années proches ou lointaines pour une série de concerts au Triton, et ce disque est le fruit de ces retrouvailles. Au programme, des compositions du batteur, qu'il avait jouées naguère avec les un(e)s ou les autres en concert, ou sur disque : «Carnet de routes», «Corners», «Just Jazz», «Inner Smile», «Because of Bechet», sans oublier les CD du quartette Palatino, dont une composition de Glenn Ferris, et aussi un thème de Frank Zappa enregistré avec ce groupe (se rappeler que Glenn Ferris a joué en tournée avec Zappa, période «The Grand Wazoo»). Et aussi deux standards où s'épanouit le lyrisme d'Enrico Rava. Lyrisme semble d'ailleurs être le maître-mot de cette promenade mélancolique voulue par le batteur dans son parcours personnel. D'une certaine manière, ce disque est une célébration du talent de mélodiste d'Aldo Romano, et aussi de sa faculté de rassembler des artistes avec lesquels il se sent 'en phase'. Il célèbre aussi, dans un certain nombre de plages, ce goût affirmé de la pulsation sans quoi le jazz ne serait pas totalement lui-même. Annobón, ressuscité de l'époque du trio avec Sclavis et Texier, prend de nouvelles couleurs avec clarinette de Mauro Negri, discrètement soutenue par le sax de Géraldine Laurent. Puis c'est un thème de l'époque Palatino, composé par Glenn Ferris, où Yoann Loustalot, nouveau venu, ne démérite pas, et brille même de tous ses feux. Mauro Negri retrouve Petionville, où cette fois Géraldine trouve de l'espace. Et les plages s'enchaînent, d'un thème de Zappa jusqu'à l'ultime standard, en passant par l'immarcescible Il Piacere, remis aux couleurs du temps par Jasper Van't Hof. Positano laisse entendre un solo de Rava peut-être plus impliqué que dans l'album «Inner Smile». Au total un beau parcours dans la mémoire du batteur, revitalisée par cette série de concerts dont le disque livre la quintessence. Dans les années 70, Aldo Romano et Jasper Van't Hof étaient membre du groupe Pork Pie, avec Jean-François Jenny-Clark, Philip Catherine et Charlie Mariano. Sur la jaquette du CD de Didier Lockwood, Gordon Beck, Allan Holdsworth, Aldo Romano, Jean-François Jenny-Clark «The Unique Concert», enregistré en 1980 au Festival de Jazz de Paris (JMS/Pias), qui vient de paraître, Aldo Romano évoque ses amis de ce groupe survolté «Gordon, Allan, JF, Didier, nous nous aimions et je vous aime encore, très fort. J'ai eu la chance de vous survivre, mais vivre sans vous, est-ce vraiment une chance ?» Oui Aldo, une chance pour nous d'assister à cette renaissance, avec cet opus qui n'est pas que mélancolique....

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

Note pour le maquettiste du label Le Triton, qui écorche le prénom du bassiste Darryl Hall  (qui devient Daryll): il ne faut pas le confondre avec le chanteur d'un célèbre duo de rock, Hall & Oates, dont le prénom s'écrit.... Daryl !

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7 novembre 2020 6 07 /11 /novembre /2020 09:42
 M. MICHEL/J.C CHOLET/D. ITHURSARRY      STUDIO KONZERT

 

 

TRIO M. MICHEL/J.C CHOLET/D. ITHURSARRY

SORTIE DU VINYLE STUDIO KONZERT

NEUKLANG/HARMONIA MUNDI

 

Concert enregistré aux studios BAUER à Ludwigsburg, en décembre 2019, cette musique en trio venait d’être écrite, répétée, et donc jamais jouée en public. Une première qui faisait entendre les cinq compositions de Jean Christophe Cholet et Didier Ithursarry dans une ambiance particulière. Gageons que le trio a dû apprécier, puisque selon JC Cholet, ils sont toujours sur le fil, en invention permanente! Construire et déconstruire, souffler et apaiser, cette musique se révèle impressionnante à l’écoute, faussement fragile, sans doute surprenante pour les musiciens eux mêmes qui devaient, selon la loi de l’improvisation, faire surgir ce qui advient.

La direction qu’a toujours suivie le pianiste JC Cholet avec ses diverses diverses formations, grand format (Diagonal), divers trios CKP ou Initiative est d’aller selon des voies obliques, à travers les paysages musicaux, du traditionnel au contemporain, puisant dans le répertoire, le patrimoine européen.

Dans la continuité de projets transversaux, après avoir traduit des impressions de voyages en suites, alpestres, slavonnes, le programme commandé par le festival “Glatt und Verkehrt” s’inspire de traditionnels de l’Atlantique, de la Bretagne au pays de Loire.

S’ensuit une succession de climats sereins ou plus nuageux, sans jamais atteindre le plein soleil. L’entente entre le pianiste JC Cholet et le bugliste Matthieu Michel est évidente et cordiale puisqu’ils se connaissent depuis près de 25 ans: si l’on se souvient de leur Whispers (2016), puis Extended Whispers (2018) où ils invitaient déjà l’accordéoniste Didier Ithursarry, il était presque naturel d’essayer la formule du trio avec le basque. Le résultat est formidable,  dépeignant la poésie du temps qui passe. Avec un son délicat, un phrasé d’une limpidité saisissante dont on se plaît à suivre les méandres, à la fois sensible et technique, Matthieu Michel enchante .

Cela commence avec un “Bird” qui s’élève avec une certaine intensité, le traditionnel “Aureska” égrène sa mélancolique chanson douce, rêverie souvent caressante, jouant à merveille des timbres du bugle et de l’accordéon, soutenus par un piano intimiste. Avec le formidable titre, si étrange, “Half Moon in a blue sky", on entend que le trio ne manque pas de vigueur quand il le faut. Reconnaissons le rôle décisif de l’accordéoniste, Didier Ithursarry, toujours bondissant, qui a le pouvoir de nous entraîner tous dans une ronde effrénée, follement envoûtante. Quelle frénésie dans ce final! On en redemande...

Sophie Chambon

 

 

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7 novembre 2020 6 07 /11 /novembre /2020 09:31
Jean Christophe CHOLET            AMNESIA  Improvisations, piano

 

Jean Christophe CHOLET AMNESIA

Improvisations, piano

Label Infingo /Distribué par l’Autre Distribution

 

www.jeanchristophecholet.com

Photo: bertrandgruyer.com

Pochette : Maud Biron traitpourtrait.org

 

https://www.youtube.com/watch?v=EK7-a7m9VGs

 

Quatorze petites pièces, évidentes et pourtant pas toujours faciles, créées pendant le premier confinement, cet étrange état d’isolement qui a brutalement plongé tous les artistes dans la sidération, condamnés tout d’abord au silence, puisque privés de se rencontrer, de répéter. Il restait donc à utiliser cette période singulière, extra-ordinaire, “profiter” de ce drôle de répit, repos, pour se lancer dans un voyage immobile autour de leur chambre.

Comme Jean Christophe Cholet est pianiste, la tâche était relativement plus aisée, l’instrument conférant liberté et autonomie, une force presqu’orchestrale.

Enregistré en juin dernier, chez lui dans le Loiret, pour la prise de son du moins, cet Amnesia était sa première tentative en solo, après une carrière conséquente dans d’autres formes, orchestre grand format (Diagonal) et divers trios dont le plus long dans le temps le Cholet-Hänzig-Papaux avec ses deux amis Suisses. 

Rien de révolutionnaire dans le parti-pris d'Amnesia, il ne s’agit pas de revisiter l’histoire de la musique, mais de livrer une exploration très personnelle, intime, une broderie délicate sur le temps, l’absence, le sort qui impose la “résignation” mais peut aussi favoriser l’inspiration. Comme une fenêtre ouverte sur son paysage intérieur, évoquant la photographie de la pochette, Fenêtre intérieure n°1 de Bertrand Gruyer : Une fenêtre est faite pour voir au dehors. A moins qu'elle ne décide d'arrêter la vue pour mieux nous laisser revenir en nous-même. Une réalisation sobre qui joue sur un dégradé de teintes, un halo poudré  reflétant une certaine spiritualité de la couleur.

Parfaite adéquation avec l’invitation du pianiste qui nous renvoie aux irisations, aux rutilances diverses de la musique française du XXème. Autant de signes, de passages qui ne répondent à aucune nostalgie puisqu’il y a volonté d’effacer le souvenir, conscient du moins, mais de laisser advenir échos, hommages fugitifs, brèves rencontres en différents climats harmoniques. Une sorte de récital, tout un art de petites pièces, libres, subtiles, aux motifs parfois répétés comme dans ce “Casse-tête”ou cet “Impatient” qui portent si bien leur titre, des improvisations colorées, fougueuses, larguant quelques amarres ou plus délicatement impressionnistes.

On se laisse volontiers entraîner par cette suite qui déferle, cet album vibrant, composé sur le vif, comme dans cet “Aimer se perdre” qui résume le programme, du moins l’état d’esprit du pianiste. Un tour de force -l’actualité rendant créatif, dans l’art d’accommoder et d’acclimater l’instrument à ses humeurs. Singulier pluriel, il n’a jamais mieux raisonné, ce piano.

D’ailleurs, après avoir sorti ces pièces inédites, Jean Christophe Cholet décida de les faire suivre de concerts, dès que possible. Ainsi, son Amnesia put être entendu au Memento à Auch, en octobre dernier. Avouez que cela ne pouvait tomber mieux!

Sophie CHAMBON

 

 

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2 novembre 2020 1 02 /11 /novembre /2020 21:52

Keith JARRETT, ‘Budapest Concert’. Béla Bartok Concert Hall. 3 juillet 2016. ECM/Universal. 2Cds .
A paraître en janvier 2021, 2 LPs.

La sortie d’un album en solo de Keith JARRETT –une vingtaine à ce jour- aura toujours constitué un événement depuis 1971, quand ECM  publia ‘Facing You’, début d’une collaboration exemplaire entre le producteur allemand Manfred Eicher et le pianiste américain.
L’arrivée dans les bacs des disquaires –ou plutôt sur les sites de vente en ligne- de Budapest Concert n’échappe pas à la règle d’autant plus qu’elle intervient dans un contexte personnel (passionnel même) particulier, concernant Keith Jarrett.

Dans un récent entretien avec le New York Times, la star de Köln Concert (1975) confie ses craintes sur son état de santé qui pourraient hypothéquer lourdement un retour sur scène. Victime de deux AVC en février et mai 2018, le pianiste, reclus dans sa maison du New Jersey, avoue que son côté gauche est encore “partiellement paralysé” et doute de retrouver suffisamment l’usage de sa main gauche pour jouer du piano.

L’enregistrement aujourd’hui disponible, réalisé le 3 juillet 2016, l’intégrale d’un concert donné dans la capitale hongroise constitue donc l’un des derniers témoignages en date de Keith Jarrett qui a célébré ses 75 ans le 8 mai dernier. La dernière prestation en public du musicien-phare d’ECM remonterait en effet à 2017 au Carnegie Hall. Certains pourraient dès lors être tentés de voir (ou plutôt d’entendre) dans le Budapest Concert un testament musical du pianiste.


https://ecm.lnk.to/BudapestConcert

 

Nous gardant de tout jugement définitif, nous pouvons humblement relever que Keith Jarrett nous propose ici une œuvre introspective où il se montre spécialement inspiré par l’atmosphère des lieux -une salle où il s’était déjà produit à quatre occasions- et ses souvenirs personnels, une de ses grand-mères était hongroise. Un moment de pure grâce de quelque 90 minutes.

 

Jean-Louis Lemarchand.

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2 novembre 2020 1 02 /11 /novembre /2020 14:33

Alexandra Grimal (saxophone soprano, voix, textes), Benjamin Lévy (électronique), Gilles Clément (textes)

Orléans, mai 2017

Ovni OVN 0003 / https://www.alexandragrimal.com/en/ovni

 

Irremplaçable et irréductible Alexandra Grimal ! Quand elle pourrait s'installer douillettement dans le confort que lui offriraient ses talents d'instrumentiste, de musicienne, de compositrice et d'improvisatrice, elle pousse chaque fois plus loin le bouchon de l'aventure, pour un autre saut dans le vide qui toujours apporte son plein d'émois esthétiques. C'est cette fois un double disque : premier volet, un suite de solos de saxophone soprano ; second volet, des textes d'elle et de Gilles Clément, dits dans sa voix (sans le recours au saxophone), voix traitée électroniquement par Benjamin Lévy.

Le CD 1, construit selon un idéogramme japonais qui désigne l'intervalle, l'espace, la durée et la distance, nous entraîne dans une succession d'aventures sonores et musicales plus que dépaysantes. Chacune des 9 séquences est un fragment de beauté singulière arraché au silence, silence qu'il exalte cependant. Et la neuvième séquence, en explorant les harmoniques, ouvre à nouveau les portes du silence. Quelque chose comme un 'matérialisme spirituel', où l'indiscutable matérialité du son serait inséparable de l'aventure spirituelle que constitue le création musicale.

Le CD 2 nous conduit dans un dédale de textes presque incantatoires autour de la nature, textes dits, parfois chantés, par Alexandra Grimal, dans une voix électroniquement traitée par Benjamin Lévy. Les textes d'Alexandra Grimal et du paysagiste Gilles Clément, parlés ou chantés, sont comme une ode à la beauté du monde végétal. Et la dernière plage, après une longue plongée (plus de 3 minutes) dans le silence, débouche sur une sorte de résolution vers l'aigu.

Singulier, inclassable, et d'une indiscutable et mystérieuse beauté.

Xavier Prévost

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1 novembre 2020 7 01 /11 /novembre /2020 18:16

Michel Benita (contrebasse, ordinateur), Matthieu Michel (bugle), Jozef Dumoulin (piano électrique, électronique), Philippe Garcia (batterie, électronique)

Pernes-les-Fontaines, mars 2019

ECM 2663 / Universal

 

Beaucoup de compositions du contrebassiste, et aussi un thème en collaboration avec Matthieu Michel, un autre élaboré par le groupe, et des emprunts à Kristen Noguès, Antonio Carlos Jobim et Jules Styne, autant d'ingrédients d'apparence hétérogène pour un album totalement cohérent, entre mélancolie, mystères mélodiques et sonorités rêveuses. L'obsession de Michel Benita pour l'extrême qualité du son, et au-delà pour ce que le son porte de sens, y est pour beaucoup. Avec au centre l'extraordinaire expressivité de Matthieu Michel, son absolue pertinence dans le choix des notes et des accents.... Ajoutez à cela le considérable talent de Jozef Dumoulin pour choisir dans la palette de son Fender Rhodes et de ses effets les sons qui vont envelopper les mélodies dans un atour singulier, la finesse des accents de Philippe 'Pipon' Garcia, et le soins jaloux apporté par le contrebassiste à chaque son, chaque ligne, chaque nuance, tout en propulsant la phrase, le thème, le disque même jusqu'à son idéal, et vous aurez un aperçu de ce que peut être, dans ce registre si particulier, une idée de la perfection. Avec peut-être un point culminant, l'acmé de l'émoi et de la musicalité autour d'Inutil Paisagem de Tom Jobim.

Xavier Prévost

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L'élaboration de la musique sur Vimeo

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31 octobre 2020 6 31 /10 /octobre /2020 12:11

1,2,3,4! Philippe Milanta, Thomas Bramerie, Leon Parker, Lukmil Perez.
enregistré par Julien Bassères au Studio de Meudon, (juillet 2020).
Camille Productions - MS072020CD.
Sortie le 7 novembre 2020.
www.camille-productions.com

 

Cela fait plus de quarante ans que Philippe Milanta remet sans cesse sur le métier son art de nous raconter des histoires, en trio ou au piano d’un Big Band (celui du Duke Orchestra de Laurent Mignard), aux côtés d’un Guy Lafitte, d’un Gérard Badini ou d’un Glenn Ferris, et de tant d’autres, de Buster Cooper à Teddy Edwards, ou encore de Barney Kessel à Lew Tabackin, André Villéger... Quarante ans que tel un diamant longtemps et amoureusement poli, sa musique brille de toutes les facettes dont il veut bien nous dévoiler les nuances.

 

Nous avions souligné et apprécié les qualités de ses trois derniers disques*.
Dans ce nouvel album, il continue à surprendre et à captiver l’attention à chaque instant, alternant compositions originales et standards dans un crescendo continu, du solo au trio, du duo au quartet, avec Thomas Bramerie (contrebasse), Leon Parker et Lukmil Perez (batteries), trois complices qui participent du gratin des musiciens que l’on peut admirer sur les scènes du pays, du moins quand la triste conjoncture actuelle nous le permet.

Il faut entrer dans ce phonogramme comme dans un château Renaissance ou une maison d’architecte, où la part belle serait laissée au trio, (pas moins de huit titres dont deux standards, ‘Cotton Tail’ de Duke Ellington et ‘Hackensack’ de Thelonious Monk), qui occuperait le salon et les pièces principales, mais où, de couloirs en escaliers dérobés, on pourrait accéder à de surprenantes alcôves réservées aux pièces en piano solo (quatre occurrences), ou aux duos, piano-contrebasse (‘Palaqwa’) et piano-batterie (‘Tolana’)…avec un petit béguin particulier pour les unissons contrebasse-piano et la belle osmose atteinte par les quatre musiciens sur la seule pièce jouée tout en finesse en quartet, la ballade  ‘Manomena’.

Une clef, dévoilée par le pianiste pour comprendre l’origine d’une partie des titres de son album : « les travaux du linguiste Merritt Ruhlen sur sa recherche d’une langue originelle commune à tous les êtres humains m’ont fortement impressionné. Certains mots qu’il dégage de ses recherches (Aq’wa = eau, Buka = coude, Mano = homme, Mena = penser, Pal = deux, Aja = mère), m’ont inspiré pour quatre compositions : Aqwabuca, Manomena, Palaqwa, Menaaja ».

 

Un jalon certainement important sur la trajectoire d’un artiste de premier plan.

 

Francis Capeau.

 

*For Duke And Paul (CD en duo avec André Villéger, 2015, Camille Productions)

 

*Strictly Strayhorn (CD en trio avec André Villéger et Thomas Bramerie, 2016, Camille Productions).

 

*Wash (CD en piano solo, 2018, Camille Productions).


©photo Carlotta Forsberg, Zoe Forget, Julien Bassères et Patrick Martineau

 

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