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13 janvier 2019 7 13 /01 /janvier /2019 08:25

Ingrid Laubrock, Contemporary Chaos Practices. Two works for orchestra with soloists. Mary Halvorson, guitar, Kris Davis, piano, Nate Wooley, trompette, Ingrid Laubrock, saxophone. Décembre 2017. Power Station, Berkeley NYC. Intakt Records.

 


Lors d’une récente conversation, Philippe Carles, l’auteur de « Free Jazz » (avec Jean-Louis Comolli) me confia son admiration pour cet album sorti l’automne passé par un label suisse assez pointu, Intakt Records, sis à Zurich. Le titre m’avait interpellé, mais j’avoue que j’ignorais totalement l’existence d’Ingrid Laubrock, même si la saxophoniste allemande (48 ans) résidant depuis dix ans à New-York après vingt ans à Londres s’est illustrée au sein des groupes marquants du free jazz. Membre régulière de la formation d’Anthony Braxton, qui l’a grandement inspirée, Ingrid Laubrock s’avère être aussi bien une vraie improvisatrice-au ténor et au soprano- qu’une sérieuse compositrice, Les deux titres présentés dans le disque constituent d’ailleurs des commandes passées à la jazzwoman. L’audace et la liberté tiennent le haut du pavé dans ces deux œuvres –Contemporary Chaos Practices (4 parties pour 24 minutes) et Vogelfrei (hors la loi en français) qui s’étire sur 17.48 minutes. Pas moins de 47 musiciens ont participé à ces créations en studio qui alternent mouvements d’ensemble et solos du quartet de la saxophoniste. Est-on dans le jazz ou la musique contemporaine ? La question ne se pose pas, tant les œuvres vous emportent dans un univers qui marie improvisations et compositions. L’accueil de la presse américaine témoigne de cette appartenance aux deux mondes : le New York Times a retenu l’album parmi les 25 disques de musique classique  (classical music tracks) de 2018 et Downbeat consacré Ingrid Laubrock comme l’étoile montante (Rising Star) de l’année dans la catégorie saxophone ténor après lui avoir attribué la même distinction trois ans plus tôt pour le saxophone soprano. Le chaos et l’harmonie peuvent-ils faire bon ménage ?, 20 ans après l’astrophysicien  Trinh Xuan Thuan (Le chaos et l’harmonie. Editions Fayard), la musicienne Ingrid Laubrock apporte sa réponse, en notes.

Jean-Louis Lemarchand
Ingrid Laubrock se produira le 8 février à Vitry sur Seine (94)au sein de l’Anthony Braxton Zim ensemble dans le cadre du festival Sons d’Hiver.
 

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1 janvier 2019 2 01 /01 /janvier /2019 16:45

 

Daniel Goyone (piano), Thierry Bonneaux (vibraphone, percussions)

Pernes-les-Fontaines, 25-27 septembre & 20-23 novembre 2017

Music Box Publishing A 442 / InOuïe Distribution


 

À la première écoute, à cause peut-être de la plage 1, Baba Rumba, qui exhume le souvenir d'Armando's Rhumba, et aussi en raison de la clarté mélodique, et du dialogue avec le vibraphone, on pense à Chick Corea. Mais c'est un leurre. Daniel Goyone est un brouilleur de pistes, un musicien qui maraude sur les sentiers transversaux, offrant ses talents mêlés de pianiste et de compositeur au jazz, aux musique latines et indiennes, ou à la chanson de qualité. Goût revendiqué de la musique française du début du vingtième siècle (dont une plage-clin d'œil à Erik Satie), mais aussi exploration hardie des combinaisons rythmiques les plus audacieuses, tout chez lui respire l'esprit d'indépendance. Écriture soignée, espaces improvisés quand le déroulement le requiert, le musicien garde la maîtrise de son projet, en harmonie totale avec le vibraphoniste-percussionniste Thierry Bonneaux, complice de longue date. Il en résulte un disque résolument inclassable, et qui manifestement se revendique comme tel. Alors rangez votre étalonneur de catégories musicales, oubliez votre tendance à la taxinomie, et profitez du plaisir qu'offre ce disque singulier et totalement réussi.

Xavier Prévost

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Sur Youtube, extraits et élucidation par le pianiste-compositeur

https://www.youtube.com/watch?v=TJmHKL-nYvM

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31 décembre 2018 1 31 /12 /décembre /2018 17:03

Peu avant la fin de l'année, j'ai reçu des nouvelles du saxophoniste-improvisateur Daunik Lazro, qui avait égaré mes coordonnées et souhaitait me faire partager deux nouveaux disques : le premier, « A Pride of Lions », issu d'une rencontre à Tours dans la cadre transatlantique de 'Across the Bridge' en 2016, et paru lors du match retour à Chicago en mai 2018 ; et le second, enregistré en 2016 à Vandœuvre-lès-Nancy à l'initiative du regretté Dominique Répécaud, mixé ultérieurement, et apparu dans le paysage sonore cet automne.


 

THE BRIDGE SESSIONS 08 «A Pride of Lions»

Daunik Lazro (saxophones ténor et baryton), Joe McPhee (saxophone ténor, trompette de poche), Joshua Abrams (contrebasse, guembri), Guillaume Séguron (contrebasse), Chad Taylor (batterie, mbira)

Tours, Le Petit Faucheux, 30 janvier 2016

The Bridge Sessions TBS 008

https://thebridgesessions.bandcamp.com/album/a-pride-of-lions


 

De ce premier disque on pourrait dire qu'il est dans la tradition de la musique improvisée afro-américaine, car cette musique, surgie à l'orée de sixties, a déjà une (longue) histoire, des codes et une tradition. Et les rencontres suscitées par 'The Bridge', réseau transatlantique surgi à l'orée des années 2010, font vivre et revivre cette histoire presque neuve en organisant, en France et aux USA, des tournées de groupes où s'associent des musicien(ne)s de Chicago (et du Midwest) et des musiciens français. Ceux qui participent à ce disque ont des affinités et des expériences antérieures, mais comme toujours dans la musique improvisée, lorsqu'elle éclot sous un jour favorable, ce sont l'événement singulier, l'osmose du groupe et la magie de l'instant qui tissent un moment musical. Tissage réussi, trame lisible et pourtant pleine de surprises et de bifurcations inattendues, bref tout ce qu'on aime dans ce type de rencontre, sans filet et en concert.

 


 

LAZRO-RÉPÉCAUD-KRISTOFF K.ROLL-KELLER «Actions Soniques»

Daunik Lazro (saxophone baryton), Géraldine Keller (voix & flûte), Dominique “Ana Ban” Répécaud (guitare électrique), Carole Rieussec- Kristoff K.Roll (dispositif électroacoustique : platines, ordinateur, synthétiseur, kaoss-pad, mégaphone, microphones, cailloux, échantillonnage, texte), J-Kristoff Camps-Kristoff K.Roll (sons mémorisés et manipulés, petite électronique, corps sonnants dont guitare sur table, mégaphone, tuyau, ballon, ressort)

Vandœuvre-lès-Nancy, 20-22 mars 2016

Vand'Œuvre 1850

http://www.centremalraux.com/soundtrack/actions-soniques


 

Le second disque raconte une autre histoire, celle d'une musique expérimentale qui, comme la musique improvisée qui puise une part de son idiome dans le jazz.... et ailleurs, va prendre son bien dans d'autres territoires : musique électroacoustique, rock, musique(s) contemporaine(s).... La rencontre s'est faite autour d'une personnalité majeure de ce courant : Dominique Répécaud, guitariste mais aussi fédérateur du festival Musique Action qui vit éclore, sur plusieurs décennies, bien des aventures musicales autant qu'humaines. Cette musique est à l'image de cette rencontre entre des personnes-et des personnalités musicales- qui partagent un goût prononcé de l'aventure et un désir d'action sonique (si l'on veut reprendre l'expression qui identifie l'objet). Dominique Répécaud est mort moins de 5 mois après l'enregistrement. Les membres du groupe ont mis du temps à surmonter la tristesse qui les envahissait à chaque réécoute pour le mixage et l'édition. Mais comme ils l'expriment collectivement dans le livret du CD « Faire durer le travail, les écoutes, c'était encore jouer ensemble. Fraternité inoubliable et Reconnaissance éternelle ». Tout est dit, et cela se confirme à l'écoute.

Xavier Prévost

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9 décembre 2018 7 09 /12 /décembre /2018 20:43

JORGE ROSSY : «  Beyond sunday »
Jorge Rossy (vbes), Mark Turner (ts), Al Foster (dms), Doug Weiss (cb), Jaume Llombart (g)
Jazz & People 2018

On connait Jorge Rossy mais dans un tout autre registre que celui présenté ici. Car avant d'être vibraphoniste comme dans ce nouvel album qui paraît sur le label Jazz & People, Jorge Rossy est avant tout batteur. Et non des moindres puisqu'à côté de ses talents de pianiste, il fut l'un des membres du trio mythique de Brad Mehldau aux côtés de Larry Grenadier. C'est dire s'il s'agit d'un musicien accompli et aux multiples talents.
Son nouvel album s'inscrit dans le registre de la douceur cotoneuse où les belles et agréables compositions vous enveloppent dans une sorte de feel good story.
Mark Turner y survole quelques sommets avec la rondeur et le velouté d'un son plus "Lesterien" que jamais même si l'on ne peut que regretter une prise de son souvent lointaine (p.ex sur Kierra). Quant à Al Foster, c'est l'autre bonne nouvelle de cet album où son drumming est fait de vibrations frémissantes sur les peaux.
Une sorte de complicité amicale semble emerger de ces 10 piéces qui, sans prétention, amènent à ce délicat état de grace où tout semble fluide, simple, naturel et suave. Sans prétention car il y a là une (fausse) apparence de simplicité dans ces belles mélodies servies dans un ecrin de soie. Ce n'est bien sûr pas la révolution du jazz et il est fort possible que cet album file comme une comète dans votre mémoire musicale.
Rien ne vous empêche pourtant de vous laisser aller par ces longues soirées d'hiver. dans votre canapé, un verre de whisky à la main et le cigara aux lèvres et de vous laisser vous évaporer dans les nuées bleutées.
Vous verrez, cela fait un bien fou !
Jean-marc GELIN

 

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6 décembre 2018 4 06 /12 /décembre /2018 09:11

Sophie Agnel (piano), John Edwards (contrebasse), Steve Noble (batterie)

Brighton (Angleterre), septembre 2016 & Nickelsdorf (Autriche), juillet 2016

ONJ Records JF 010 / l'autre distribution

 

Cinq ans après la parution de «Meteo» (Clean Feed Records, enregistré en 2102 au festival Météo de Mulhouse), le trio récidive avec d'autres extraits de concerts, captés plus récemment dans deux autres lieux (Alternative Jazz Festival & Konfrontationen Festival). Trio ouvert, et musique qui l'est tout autant : la prise de son place les trois instruments à égalité de présence et d'écoute, de sorte que le dialogue est permanent, sans prépondérance, la dynamique et le discours structurant la lisibilité de cette création en mouvement incessant. Deux longues improvisations, captées à Brighton, et une troisième, beaucoup plus brève, enregistrée en Autriche : comme trois images instantanées de moments privilégiés de musique vivante. Depuis des années et des années que j'écoute des disques de musique improvisée, je remarque que la plupart de ceux qui me conquièrent ont été captés en public, comme si la présence d'un auditoire induisait une magie particulière, un supplément de communication. Ce n'est peut-être là que le phantasme de l'amateur (de jazz et de musique improvisée, idiomatique ou non) que je fus et demeure. J'accepte l'alibi fantasmatique qui n'ampute en rien mon plaisir d'écoute. Plaisir qui se nourrit aussi, par sensations rétrospectives, des nombreux concerts d'improvisation auxquels j'ai assisté. En écoutant ce disque, j'ai la sensation de vivre un événement, qui a déjà vécu pour ceux et celles qui l'ont joué ou écouté en direct, mais qui pour moi se rejoue comme au premier instant. Ces trois improvisations sont unifiées par leurs titres, évocation d'un oiseau du Groenland dont la photographe Juliette Agnel, sœur de la pianiste, a tiré un portrait plein de mystère qui orne le disque. Et l'on entend, à la fin de la dernière plage, le cri étrange de cette perdrix des neiges que là-bas on appelle aqisseq. C'est un autre mystère, celui d'une musique en mouvement vers un futur aussi fragile qu'inexorable, qui capte notre attention en quête de beauté fugace. Belle(s) page(s) de musique improvisée, assurément.

Xavier Prévost 

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Le trio est en concert le dimanche 9 décembre 2018 , 18h, à Paris, au Lavoir Moderne Parisien, pour les 20 ans de l'Atelier Tampon-Nomade

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2 décembre 2018 7 02 /12 /décembre /2018 22:13

Samuel Blaser Early in The Morning.
Samuel Blaser, trombone, Russ Lossing, piano et orgue, Masa Kamaguchi, basse, Gerry Hemingway, batterie, harmonica, et en invités Oliver Lake, saxophone alto, Wallace Roney, trompette. Enregistré à New York, janvier 2017. OutNote Records-Outhere Music.


Eternel blues. Source permanente d’inspiration pour les jazzmen. Le tromboniste suisse Samuel Blaser vient inscrire son nom dans la liste de ceux qui sans renier les traditions apportent une touche personnelle et originale. Le natif de la Chaux de Fonds passé par New-York et désormais résident à Berlin “hisse toutes les voiles du jazz d’hier et d’aujourd’hui pour faire fructifier cet héritage dans une conception contemporaine de ce répertoire », analyse dans le livret le musicologue Arnaud Merlin. Son traitement du blues mobilise toute sa connaissance de la musique contemporaine (Ligeti, Kurtag) et son inclinaison pour Charles Mingus (avec Early in The Morning, premier titre de l’album) et aussi le Third Stream cher à Jimmy Giuffre. Le trombone se fait sauvage, sombre, profond, majestueux dans un répertoire proposant titres traditionnels et compositions du leader. Sous la direction artistique de Robert Sadin, le groupe s’est plu à méler l’ancien et le moderne. Une formation réunie en studio à New York, où se côtoient des comparses habituels de Blaser (Russ Lossing, Masa Kamaguchi, Gerry Hemingway) et deux invités d’horizons différents (Wallace Roney de facture plutôt classique et Oliver Lake aux confins du free). Un album qui devrait plaire aux amateurs de blues et aux amateurs de musique sans œillères. Chaudement recommandé.
Jean-Louis Lemarchand
 

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25 novembre 2018 7 25 /11 /novembre /2018 19:27

 

 

LEE KONITZ- DAN TEPFER «Decade»

Lee Konitz (saxophone alto, voix), Dan Tepfer (piano)

New York, septembre 2010, juillet 2015 & février 2016

Verve 602567664574 / Universal

 

Dix ans après le premier disque («Duos with Lee», Sunnyside), le saxophoniste et le pianiste se retrouvent sur disque, alors qu'ils se sont souvent produits ensemble sur scène dans l'intervalle (et depuis : encore à New York, à la Jazz Gallery, la veille de l'instant où j'écris ces lignes). Quelques plages aussi en re-recording dans lesquelles Konitz dialogue avec lui-même. Et d'un bout à l'autre l'esprit de l'improvisation, de l'aventure, de l'interaction. Le saxophoniste vétéran et son jeune confrère sont deux virtuoses de cette liberté revendiquée et assumée. C'est comme un voyage onirique : l'espace s'ouvre devant nous, inconnu, et chaque note, chaque accent, dévoilent un nouvel horizon. Ici une Suite improvisée en hommage au victimes du 11 septembre 2001. Ailleurs un incursion dans la technologie, quand le pianiste utilise un piano à interface numérique qui réagit par les algorithmes développé par ses soins. Et pour finir les harmonies de Body And Soul, caressées par Lee Konitz, comme il sait si bien le faire depuis des décennies, ayant de longtemps pris le parti d'entrer directement dans l'impro sans citer le thème.Et Dan Tepfer, familier des libres digressions, est totalement en phase avec ces dérives d'un partenaire qu'il pratique depuis des années. D'un bout à l'autre, leur complicité est fascinante.

 

 

MARK TURNER- ETHAN IVERSON «Temporary Kings»

Mark Turner (saxophone ténor), Ethan Iverson (piano)

Lugano, juin 2017

ECM 2583 / Universal

 

 

Une chronique jumelée de ce disque avec le précédent me paraissait s'imposer : d'abord parce que le disciple de Lennie Tristano que fut Lee Konitz trouve écho chez Mark Turner, qui est une sorte d'héritier de cette famille musicale ; ensuite parce que la plage 4 du disque (Dixie's Dilemma) est une composition de Warne Marsh, partenaire de Lee Konitz auprès de Tristano dès 1949. Ici l'on est dans l'improvisation autour de compositions, signées (hormis le thème déjà cité) par chacun des deux duettistes (6 pour le pianiste et 2 pour le saxophoniste). Et l'univers musical est bien celui auquel je faisais référence à l'instant, et qui mêle extrême liberté, formidable maîtrise, et grande sophistication musicale. On se laisse embarquer dans les sinueuses volutes où s'aventurent les deux improvisateurs au fil de leur dialogue, libres de se surprendre, libres de nous égarer avant de nous recueillir avec bienveillance dans le secret de nos émois d'auditeurs. Ici encore, on se laisse emporter, victimes consentantes d'un égarement qui nous enchante, admiratifs de la connivence qui unit ces deux grands musiciens.

Xavier Prévost

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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 17:11

 

Michel Perez (guitare), Manuel Rocheman (piano), Dominique Lemerle (contrebasse), Tony Rabeson (batterie)

Le Pré-Saint-Gervais, décembre 2016

Black & Blue BB 1010-2 / Socadisc

 

Plaisir de retrouver le contrebassiste. Je l'avais écouté sur scène maintes fois : avec l'Ami Chassagnite, avec Barney, et quelques autres, et bien sûr avec Jimmy Gourley. L'une des dernières fois c'était, voici déjà presque deux lustres, lors d'un concert «Jazz sur le vif» que j'avais organisé pour Radio France en hommage à Jimmy fin 2009, presque un an après la mort du guitariste. Un concert qui rassemblait René et Phil Urtreger, André Villéger, et Philippe Combelle avec lequel Dominique Lemerle avait constitué la fidèle rythmique du guitariste. Le retrouver aujourd'hui sur ce disque, avec des musiciens que je respecte et admire, me réjouit. Cet album au répertoire de tradition est crânement intitulé «This Is New», comme la composition de Kurt Weil qui ouvre et clôt le CD. Manière de rappeler que le jazz, de ces thèmes qui constituent son vivier, donne chaque fois des versions nouvelles. De Charlie Parker à Django Reinhardt, de Paul Chambers à Steve Swallow en passant par Scott LaFaro, et de Miles Davis à Jim Hall et Bill Evans pour les compositions de jazzmen (plus une poignée de chansons américaines bien choisies) c'est tout un répertoire qui s'offre à nous dans de nouveaux atours. Michel Perez, Manuel Rocheman et Tony Rabeson rivalisent de musicalité à ses côtés, et le contrebassiste s'épanouit dans ce contexte, en pizzicato sur la plupart des plages, avec un drive remarquable, et parfois à l'archet : il fait chanter Manoir de mes rêves (avec un 'Si' d'une expressivité microtonale assez sauvage dans le deuxième 'A' de la réexposition finale), et aussi My Foolish Heart . La fluide circulation des échanges entre les quatre partenaires dans Comrad Conrad est une merveille. On se régale avec cette conception, détendue et engagée tout à la fois, du groupe de jazz. Recommandable, Ô combien !

Xavier Prévost

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Le groupe jouera le 27 novembre 2018 à Paris au Sunside

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18 novembre 2018 7 18 /11 /novembre /2018 22:38

Allan Harris. The Genius of Eddie Jefferson.


Allan Harris, vocal, Eric Reed, piano, Willie Jones III batterie, George de Lancey, basse, Richie Cole, saxophone alto, Ralph Moore, saxophone tenor. Yamaha Studios, New York.2018. Resilience Music Alliance.
Il n’est pas trop tard pour réhabiliter Eddie Jefferson ! Mettons à profit le centième anniversaire de la naissance (1918) du chanteur entré dans l’histoire du jazz pour avoir, sinon inauguré, du moins généralisé, dès 1939 au sein de l’orchestre de Coleman Hawkins, le style vocalese. Ce traitement consistant à adapter des paroles sur des thèmes instrumentaux fut popularisé par King Pleasure qui devança de quelques mois dans le témoignage discographique le natif de Pittsburgh. Ce (mauvais) coup du sort, qui permet à Jefferson de figurer dans « Petit dictionnaire incomplet des incompris » d’Alain Gerber (Editions Alter Ego), n’a pas empêché le chanteur de marquer les esprits et de gagner la considération de voix émérites du jazz (Jon Hendricks, les Double Six, Manhattan Transfer…). Doté d’une profonde voix de baryton, le chanteur new-yorkais de Harlem Allan Harris se livre à un hommage de belle facture à Eddie Jefferson. Son répertoire inclut des thèmes des années 40-60, Billy’s Bounce (Charlie Parker), Sister Sadie (Horace Silver), Dexter Diggs (Dexter Gordon), So What (Miles Davis). L’esprit de Jefferson est bien présent au sein de ce groupe réuni par Allan Harris (62 ans), à commencer par le saxophoniste alto Richie Cole qui, souligne Alain Gerber, relança la carrière d’Eddie Jefferson dans les années 70 par son énergie communicative. Hélas, Richie n’était pas là pour servir de bouclier à son idole abattu de quatre balles de revolver à la sortie d’un club de Detroit le 9 mai 1979. Le mystère reste entier sur les motifs de ce crime (erreur sur la personne ?). Toujours est-il que le talent d’Eddie Jefferson, virtuose vocal innovateur, mérite amplement l’hommage rendu ici par Allan Harris, avec vivacité et allégresse.
Jean-Louis Lemarchand
Allan Harris est en concert au Duc des Lombards (75001)les 19 et 20 novembre à 19 h 30 et 21 h 30

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15 novembre 2018 4 15 /11 /novembre /2018 20:45

Label Arts et Spectacle 2018no
Aurore Voilqué (vl, chant), Angelo Debarre (guitare solo), Mathieu Chatelain (guitare rythmique), Claudius Dupont contrebasse


On avait laissé Aurore Voilqué avec plusieurs albums dans lesquels elle avait mis un peu en retrait ses talents de violoniste grapellienne pour se lancer dans une carriere de chanteuse, sans je dois l'avouer vraiment parvenir à (me) convaincre.

Mais voilà, alignement des astres, alignement des rencontres, magie de ces standards magnifiés, avec ce nouvel album le pari aux accents manouche est ici totalement réussi. Car il fallait à Aurore à la fois le repertoire à chanter mais aussi l'association à un guitariste de génie, de l'espace pour s'exprimer au violon et enfin retrouver l'âme du jazz manouche qui lui va si bien.
Son association avec Angelo Debarre est absolument bluffante ( l'ecouter sur cette version renversante de I'll never smile again où le guitariste par la voix (la voie ou la soie) de son instrument se fait lui même chanteur. Mais quel magicien de la six cordes ! (comme sur cet incroyable morceau de bravoure virtuose sur Chinatown). A chacun de ses chorus, chaque note porte en elle plus que la musique parce que chacune de ses notes est essentielle.
Et Aurore ? Elle lui emboite le pas sans complexe. Qu'elle soit au violon ou qu'elle chante elle même, tout se passe comme si elle se trouvait libérée, follement libre et heureuse ( my melancholy baby qui inspire tout sauf la melancolie). Lorsque Aurore chante qu'elle aime Paris au mois de mai, on a envie de la suivre dans les rues joyeuses dd la capitale et de regarder sa robe légère voler au vent. Et dans ses chorus là encore, toute l'expression de l'âme.
Entre Angelo Debarre et Aurore Voilqué c'est fusionnel.
Et avec nous ? Pas qu'un peu !
Jouissif.
Jean-Marc Gelin

 

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