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29 juin 2024 6 29 /06 /juin /2024 11:21

Ludovic Ernault (saxophone alto),
Pierre Bernier (saxophone ténor),
Jean-Christophe Kotsiras (piano, composition),
Blaise Chevallier (contrebasse),
Ariel Tessier (batterie).
Enregistré en juin 2021 à Paris.
Soprane Records. Paru en juin 2024.


     Quoi de neuf ? Lennie Tristano (1919-1978).

 

     Un brin de provocation assorti d’un retour aux sources en forme de réhabilitation pour la jeune génération. Quand fleurissent à ne plus finir les adeptes de Brad Mehldau, Esbjorn Svensson et autres, se plonger dans l’univers du pianiste-professeur marginal mais central relève de l’exercice salutaire.

 

     « Contaminé par le virus tristanien », selon ses propres termes, le pianiste Jean-Christophe KOTSIRAS nous avait déjà donné un album en duo (Linea Bach with Tristano) avec Alice ROSSET, formation dénommée HASINAKIS, où alternaient titres de Tristano, Lee Konitz, Lennie Popkin, Jean-Sébastien Bach, et ses propres compositions.
      Enthousiaste, Kotsiras vante le jeu de Tristano « très fluide, très lié, d’apparence monotone mais en réalité avec beaucoup de relief un peu comme un dessin en noir et blanc ».


     Un enthousiasme qui incite aujourd’hui Jean-Christophe Kotsiras à proposer un second disque (espérons qu’un troisième interviendra) traitant de la musique de Tristano avec un quintet (deux saxophones et une rythmique), rappelant le groupe qui fit fureur à la fin des années 40 où se côtoyaient Lee Konitz (alto), Warne Marsh (ténor), Billy Bauer (guitare).
    Kotsiras présente des œuvres de Tristano (Wow), Konitz (Lennie’s, It’s You, Palo Alto) Billy Bauer (Marionette) s’ajoutant à trois compositions personnelles (Anamnèse, Emelia, Shining).

 

     Avec « LENNIE’S » (Soprane Records), nous disposons d’un quintet qui tout en sobriété (9 titres pour une durée totale de 43 minutes) propose l’exploration d’un univers envoûtant où l’émotion (sans pathos) se conjugue à la rigueur avec une élégance de classe ... Avis aux programmateurs de festivals et de concerts qui souhaitent sortir des sentiers (re)battus !  

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo X. (D.R.)

 

Cet été, on pourra entendre le duo HasinAkis le 20 juillet  à 19 h dans le cadre d'une résidence au Grand Bain de la Madelaine-sous-Montreuil  (62) et les deux pianistes (en solo ou duo) en Charente-Maritime dans des lieux non encore définis.

 

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29 juin 2024 6 29 /06 /juin /2024 08:20

Claude Barthélémy (guitares & autres instruments)

pour l’instant en numérique sur Bandcamp

https://claudebarthlemy.bandcamp.com/album/panorama

 

Une musique commencée pendant le confinement, avec tout le confort moderne des outils numériques ; mais le virtuel n’évacue pas le concret : des guitares, un peu de batterie et un piano jouet…. le tout mixée ensuite en studio. C’est du Barthélémy pur sucre, mélange de débordements et de finesse, de nuances et d’éclats, de mélodie entêtantes et de constructions musicales vertigineuses, de sons saturés et de sonorités bercées dans leur naturel. Des compositions nouvelles, mais aussi des thèmes qui appartiennent au passé, récent ou lointain, du compositeur-guitariste. On se surprend à écouter cette musique comme si, déjà, elle nous était familière. Comme si nous l’avions guettée, derrière ‘la balustrade du possible’, selon l’expression du poète Bruno Capacci. Le résultat de cette aventure solitaire est assez bluffant. Mais le projet musical n’est pas autarcique : au contraire. Claude Barthélémy veut de cette musique donner une version vivante, incarnée, par des musiciens/musiciennes qui lui donneront une autre vie, un nouvel essor, comme une aventure renouvelée. Bref pour en faire ‘de la musique de musiciens, entièrement faire à la main’, comme aimait à le dire notre Ami Jacques Mahieux, longtemps batteur au côté de Claude Barthélémy. Et en l’écoutant dans cette version princeps, on se prend à rêver de la voir resurgir, sous cette forme de réinvention foncière que l’on appelle ‘le jazz’

Xavier Prévost

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22 juin 2024 6 22 /06 /juin /2024 08:48

Christophe Monniot (saxophones, composition), Aymeric Avice (trompette), Jozef Dumoulin (claviers), Nelson Veras (guitare acoustique), Nguyên Lê (guitare électrique), Bruno Chevillon (contrebasse), Franck Vaillant (batterie), Sylvie Gasteau (textes)

Les Lilas, 19-20 mai 2023 et Berlin, 6 juin 2023

Le TritonTRI-23577 / l’autre distribution


 

Un disque-manifeste, qui aborde avec une forme de radicalité artistique la question des migrants, de la migration, de la lutte pour le respect d’autrui, de l’hospitalité…. Toutes choses dont un cruel présent crie, plus fort que jamais, l’absolue nécessité. Un manifeste artistique, pas un prêche édulcoré par une simulation de bienveillance. Les formidables musiciens que l’on écoute ont tous une relation personnelle avec la migration : nés ailleurs, ou de parents nés hors de notre cercle territorial, voire immigrés de l’intérieur, ils se sont retrouvés dans notre capitale cosmopolite. Leur musique parle d’ailleurs et d’ici, de mélange et de singularité. Une aventure née voici plus de 4 ans, dans différents lieux, avec les incertitudes du temps, et des partenaires parfois différents (mais toujours porteurs d’un excentrement par rapport à leur origine). La musique jaillit, elle est forte, presque implacable, et son parcours s’émaille de voix multiples, venues d’ailleurs, qui nous parlent de ces déplacements : subis, forcés ou contraints par la nécessité de survivre. Surgissent des paroles de Martin Luther King, de l’Abbé Pierre, de l’écrivain Abdoul Ali War, de la philosophe Marie-José Mondzain, ou de Bruno Chevillon parlant dans langue de sa mère, italienne…. Et la musique, plus que tout, nous parle avec force, exubérance, violence et conviction. Une très belle réussite artistique conjuguée au présent de l’humanité qui, toujours, doit prévaloir.

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert au Triton, près de la Mairie des Lilas, le samedi 29 juin

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Un avant-ouïr sur Youtube

 

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19 juin 2024 3 19 /06 /juin /2024 18:04
Nell' Italia di Ennio Morricone

 

Vincent Beer Demander    Grégory Daltin

Nell' Italia di Ennio MORRICONE

 

www.labelmaisonbleue.com

Accueil - Compagnie Vincent Beer-Demander & Co (compagnievbd.org)

 

Le mandoliniste Vincent Beer Demander et son ami et complice, l’accordéoniste Grégory Daltin savent faire preuve d’une formidable ouverture musicale. Avec ce nouveau projet Nell’ Italia di Ennio Morricone sorti sur le label Maison Bleue, ils ont voulu enregistrer diverses musiques du maestro mais mettre aussi en lumière ce qu’elles ont pu inspirer à des compositeurs français...Une façon de reprendre des thèmes moins connus et de lui rendre ainsi un hommage plus soutenu encore. Comme ils l’avaient fait pour Lalo Schifrin ( Lalo Schiffrin for mandolin) et Vladimir Cosma avec sa Suite Populaire, ils participent à la création d’un nouveau répertoire avec des commandes passées à François Rossé (à la Calabrese), à Richard Galliano (Umoresca) qui révèle toute son habileté  à faire revivre l'esprit du compositeur.

Ce que l'on connaît d' Ennio Morricone, c’est l’accord parfait avec son copain d’enfance Sergio Leone depuis Per un pugno di dollari jusqu'à l’émouvant et crépusculaire chant de C’era una volta in America   en écho au premier et légendaire Il était une fois... qui finit l'album. Or Morricone est l’auteur de plus de cinq cents musiques de films depuis le début des années soixante, un arrangeur extraordinaire, un compositeur attiré par toutes les musiques, du classique symphonique au contemporain.

Nell'Italia di Ennio Morricone est une façon de montrer la variété d' inspiration du maître avec des reprises qui jouent d’une instrumentation des plus originales, un duo qui “matche” accordéon/mandoline agrémenté accessoirement  de l’apport de complices, à la voix (Petra Magoni) et au piano et aux percussions, Claude Salmieri, auteur d’une Valse di Roma lente et mélancolique. 

L’album commence avec des reprises de colonne sonore de Morricone moins connues comme l’entraînant Viaggio (tout un programme), l’un des thèmes de Stanno tutti bene du Sicilien Giuseppe Tornatore, autre ami de longue date du compositeur qui écrivit la musique si nostalgique de son plus grand succès Cinema Paradiso.

Suivent Variazioni da un tema sereno issu de La Chiave, film érotique de Tinto Brass avec Stefania Sandrelli, un thème baroque, de la musique de chambre où la mandoline se glisse dans le rôle de la flûte, épaulée par un accordéon souverain. Avec Regalo di Nozze du Novecento de Bertolucci en 1976, c'est un changement d’atmosphère plus sombre et entêtante, un inquiétant décompte,  compte à rebours fatal. Le duo alterne les rôles, l’accordéon se chargeant souvent des ostinato de basse dans ce mécanisme d’horlogerie fine. Hundred Yards Dash du film Les Anges de la nuit de Phil Joannon (State of Grace-1990) nous régale d’une montée tout en pizz déchaînés.

Avec Una serenata passacaglia per Cervara, il s’agit de s’amuser comme dans le jazz, avec des variations “rafraîchies” à partir d’une danse d’origine espagnole des XVIè et XVIIème siècles, à l’origine une cantate avec accompagnement de guitare jouée ici par la mandoline, “la petite soeur de la guitare”. L’instrument de quatre cordes doubles se joue sur une corde ou sur les doubles, avec des trémolos tenus ou des notes poussées au plectre, entre pouce et index, à la “plume” comme on disait à l’époque baroque, âge d’or de l’instrument.

On entend dans les quinze petites pièces de l'album une musique solaire aux accélérations brusques, sur un rythme qui jamais ne faiblit comme dans le très insolite  Tango cromatico per il maestro de Régis Campo qui joue d'effets que n'aurait pas renié le maître. Ou comment faire un clin d’oeil à ce qui est aussi l'une de ses signatures, l'utilisation d’instruments des plus originaux guimbarde, sifflets, flûte de pan, hautbois, fouet, enclume...

L’interprétation des musiciens souligne la qualité narrative de pièces témoignant d’une véritable science d’écriture et d’inspiration mélodique comme dans le passionnant A la calabresa de François Rossé, une pièce plus résolument contemporaine,  à l'émancipation parfois dissonante où le duo s’étoffe de percussions et du chant rauque de Petra Magoni. On se souvient de son duo de Musica Nuda avec le contrebassiste Ferrucio Spinetti. Plusieurs lignes mélodiques qui ne s’unissent pas souvent, révèlent cependant toutes les possibilités de la mandoline, si expressive. 

Il y a une réelle cohérence dans cet album car le chant profondément italien, ces rythmes de mélodies populaires se conjuguent avec l’art savant de réharmoniser, le jeu avec la matière musicale pour en faire des miniatures pour mandoline comme dans Il Padrino de Nino Rota (!). Cet arrangement magistral du marseillais Christian Gaubert n’est pas une erreur dans ce programme tant ce thème mondialement connu semble avoir été écrit pour la mandoline qui nous en met plein l’ouïe. 

 

Sophie Chambon

 

Nb: Emouvant aussi à la fin du Cd  cet enregistrement téléphonique de Morricone qui remercie les musiciens pour leur fidélité et justesse d'interprétation. 

 

 

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6 juin 2024 4 06 /06 /juin /2024 19:08
HELVETICUS TRIO                OUR WAY

HELVETICUS TRIO      OUR WAY

 

Produit par Samuel Blaser sur le label Blaser Music

www.samuelblaser.com

 

On retrouve avec plaisir le trio Helveticus découvert il y a quatre ans dans le programme de 1291, date de création de la Confédération Helvétique. Ils continuent cette aventure après avoir beaucoup tourné en Europe et on n’est pas déçu du résultat. Sans se réinventer, il poursuivent l’exploration d’un champ musical aussi ouvert que délimité à la reprise de standards du jazz classique de Duke Ellington, Thelonius Monk (Jackie-ing et un Bemsha Swing métamorphosé sur un tempo étiré au maximum), de traditionnels suisses (Traume der liebe) et des anciens titres de Daniel Humair Ira, Genevamalgame.

Le programme de 1291 tournait déjà autour de reprises de mélodies des origines du jazz à partir du Dixie et du Créole néo-orléanais. Les trois comparses tordent le cadre de la tradition, engagés dans un processus de relectures inventives avec des pièces plutôt courtes, intenses, retrouvant l’esprit des fanfares, parsemant leur interprétation de ces fredons qui courent dans la mémoire collective. Chaque pièce est une succession de séquences libres, du jazz toujours vif, saisissant dans l’instant les voisinages et associations libres. Une musique qui n’oublie donc pas d’où elle vient mais sait se dégager des codes et styles trop marqués. Pas de remise en question radicale mais une appropriation intelligente et sensible, intuitive et logique. Sans thématique précise, le trio s’empare des diverses compositions avec cette qualité pas si fréquente dans le monde du jazz, un humour imparable dans les “déconstructionsapparentées à des arrangements. Un patrimoine inoubliable revu à leur goût, à leur manière, in their Own Way, le titre de l' album à la pochette mise en oeuvre par Daniel Humair qui n’a jamais pu choisir entre peinture et musique, aimant autant peindre que jouer des peaux et des fûts, aussi à l’aise avec les brosses et pinceaux que les baguettes. Si cette fois sa palette travaille plus les neutres, on reconnaît bien ses formes fixes et flottantes.

L’expression collective est essentielle dans ce trio “osmotique” à la formule instrumentale originale (trombone/contrebasse/batterie) avec une rythmique jamais surpuissante, qui soutient et propulse un soliste phénoménal, qui ne prend d’ailleurs pas vraiment de solos tant tous trois se rejoignent constamment, s’épaulant dans ces chemins qui bifurquent selon les changements de couleurs, de tempo de phrasé. 

Affranchi depuis belle lurette des contraintes techniques, Samuel Blaser contrôle le sens narratif de chaque pièce car il sait tout faire avec son instrument, du growl le plus attendu aux glissandi acrobatiques et autres stridences atonales. Il a intégré les styles qui ont irrigué l’histoire de son instrument dans un apprentissage qui a bouleversé parfois la chronologie. Il a écouté Jay Jay Johnson et Albert Mangelsdorff avant de découvrir Jack Teagarden avec Armstrong. Et même rendu hommage au reggae et au ska et à Don Drummond dans son dernier RoutesIl ne la joue pas souvent balade moelleuse et caressante à la Lawrence Brown, surtout quand il reprend du Duke jungle dans “Creole Love Call”. On entendrait plutôt le gouailleur Joe Tricky Sam Nanton rauque sans la wah wah. Utilisant tout le registre de son instrument, il nous offre un feu d’artifice d'effets possibles du plus gouleyant au plus vibrant ou au plus rude. Quant au blues il n’est pas oublié sur son “Root Beer Rag” après un désopilant “Tiger Rag”.

Au cours de sa longue et prolifique carrière Daniel Humair a connu toutes les périodes ou presque du jazz, accompagné les plus grands musiciens européens et américains. Gaucher naturel, ambidextre par ailleurs, son style et sa technique travaillent à l’égal des percussionnistes les timbres les plus variés, distribuant de façon complexe et asymétrique les accents tout en conservant la continuité rythmique, sa pratique des balais et des baguettes qui caressent, frottent, cliquètent, transposant le geste pictural en geste musical. Il ne faudrait pas laisser de côté le troisième homme, la gardien de la rythmique Heiri Kanzig. La prise de son remarquable souligne ses interventions d’une précision et d’une intensité rares, une énergie irrésistible dans ses envolées et ses rebonds organiques, son ostinato sur son Heiri’s idea.

Nos Suisses n’ont aucun mal à dépasser les frontières de la création, à plonger dans l’improvisation y compris sur les airs plus traditionnels comme dans cette Mazurka du tessin insolite. Helveticus ou le goût de la liberté non surveillée sans faire table rase de l’histoire du jazz.

 

Sophie Chambon

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2 juin 2024 7 02 /06 /juin /2024 12:08

Catherine Delaunay (clarinette, cor de basset), Nathan Hanson (saxophones ténor & soprano), François Corneloup (saxophones baryton & soprano), Tony Hymas (piano électrique), Hélène Labarrière (contrebasse), Davu Seru batterie). Invitée pour une plage : Billie Brelok (voix)

Langonet & Brest, 2022

nato 5890 / l’autre distribution

https://www.natomusic.fr/actualite-jazz-cd-concert/actualite-detail.php?id=665

 

Collectif, dans tous les sens du terme : communauté des artistes qui se sont engagé.e.s mutuellement dans ce groupe sans leader, sextette qui rassemble des musiciennes et musiciens qui ont souvent joué les uns-les unes avec les autres (tiens : les autres échappent à la pesante tyrannie du genre). Amitiés, goût de faire de la musique (de la porter, de la penser, de l’offrir) en commun. Choix de thèmes empruntés aux admirations collectives, au souvenir des figures marquantes des musiques libres et émancipatrices.

Plaisir d’écouter des compositions qui parlent de légèreté autant que de gravité, de découvrir sous un nouveau jour une musique de Michel Portal pour un film de Jean-Louis Comolli, ou un thème de Beb Guérin pour rappeler ce  contrebassiste  qui fut une sorte d’étoile filante dans l’effervescence des années 60-70. Se souvenir autrement de ce qui ne peut demeurer immuablement même, identique au souvenir arraché au fil du temps : Cinq Hops, du disque éponyme de Jacques Thollot ; Four Women, à jamais marqué par l’aura de Nina Simone ; Charangalila, naguère gravé par Lol Coxhill avec les Melody Four, ou Waste No Tears, inauguré par Sidney Bechet au temps du 78 tours…. Nostalgie ? Que non ! Cri d’amour joyeux et obstiné, avec La Paloma métamorphosée par l’arrangement de François Corneloup ; et salut amical, et posthume, à Jef Lee Johnson, compagnon de route d’Ursus Minor. Avec aussi des compositions originales des membres du groupe, pour célébrer les surgissements de liberté et de révolte. Les textes du livret, signés Jean Rochard, nous en disent plus encore sur ce qui se joue dans la mise en abyme de l’identité et de l’altérité. Et une plage résume peut-être ce qui, précisément, ne saurait être rejoué, et pourtant nous saisit comme le retour d’émotions surgies du passé : la Romance de la Guardia Civil española, ici dans la voix de la rappeuse Billie Brelok, fait resurgir en nos mémoire la façon dont Violeta Ferrer portait ces mots de Federico García Lorca, comme une tragédie immémoriale.

Xavier Prévost

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30 mai 2024 4 30 /05 /mai /2024 17:18

Trevor Watts (saxophones alto & soprano), Jamie Harris (percussions), Veryan Weston (clavier numérique)

Welwyn Garden City (Hertfordshire, Angleterre), sans date

Jazz Now JN-01-S-CD

https://jazznow.bandcamp.com/album/gravity


 

J’avais écouté ce groupe en concert, avec une bonne partie du répertoire de ce disque (c’est le premier du trio, mais la connivence entre eux est ancienne). C’était en juin dernier à Paris, à la Galerie 19 Paul Fort. Et j’avais été conquis, comme tout le public présent. La musique,composée par Trevor Watts, est un effervescent mélange de jazz de stricte obédience et de musique libre (libre mais très syncopée). La pulsation est reine, elle est souvent véhémente. Les thèmes sont structurés, mais ils incitent à l’échappée, et les membres du trio ne s’en privent pas. La musique puise à toutes les sources. En permanence se télescopent une foule de micro-événements musicaux dont le développement est toujours fécond : musique intensément vivante, qui fait bouger nos pieds autant que nos neurones. Un régal en somme.

Xavier Prévost

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Le trio est en concert le samedi 1er juin à Paris à la Galerie 19 Paul Fort

http://www.19paulfort.com/galerie/index.php/concerts/

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25 mai 2024 6 25 /05 /mai /2024 17:12
DAS KAPITAL  One must have chaos inside to give birth to a dancing star

Das Kapital    One must have chaos inside to give birth to a dancing star

 

Sortie le 24 Mai  sur  Label Bleu/ L’Autre Distribution

Actus — Maison de la Culture d’Amiens (maisondelaculture-amiens.com)

Studio de l’Ermitage 12 Juin concert de sortie du CD

 

Un disque important pour ce trio de camarades toujours aussi soudés après plus de vingt ans d’activité. Même s’ils ne sont pas du genre à éprouver de la nostalgie, le coup d’oeil nécessaire dans le rétroviseur leur a fait mesurer la distance parcourue et l’évolution de leur musique improvisée depuis 2002. Il ne s’agit pas pour autant d’un travail de collectage des musiques héritées pendant toutes ces années. Si leurs deux premiers albums Ballads and Barricades en 2009 et Conflicts and Conclusions en 2011 étaient consacrés aux influences du passé, aux compositions de ce musicien au parcours extraordinaire et pourtant peu connu, Hans Eisler, exilé à Hollywood avant de revenir à l’Est (créateur de l’hymne national allemand), ils se sont très vite abandonnés à leur propre partition, des chansons sans parole d’une grande beauté.

Difficile de définir leur style mais “ça joue” toujours autant entre eux, gardant mélodie et pulsation, sans aucun dogme, tout à leur seul désir et pour notre grand plaisir, ne s’interdisant rien et surtout pas de mêler traditions, références aimées et indépendance dans la musique qui surgit de cet élan collectif. Du lyrisme enfin qu’ils ne dédaignent pas d’injecter dans leur arc narratif et dramaturgique.

Pendant les cinq jours à Amiens chez Label Bleu, enregistrant en direct dans le studio Gil Evans, ils ont joué à perdre haleine et sorti 41 improvisations dont ils n’ont au final retenu que 7 titres* après une écoute des plus attentives. L’ingénieur-son Maïkol Seminatore, le quatrième homme, a fignolé les thèmes choisis avec des arrangements, recadrements et loupes. Du sur mesure,“sans l’éclat, la distanciation ironique, la violence iconoclaste” des débuts disent-ils.

On arrive à se faire une idée précise de la tonalité de la séance dès la première écoute, tant le climat reste homogène. Une musique toujours aussi énergique grâce à la batterie de Perraud, au lyrisme souvent énervé, écorché des saxophones ténor et soprano de Daniel Erdmann et à la guitare maîtresse de Hasse Poulsen. Un triangle plutôt équilatéral qui ne respecte pas l’arrangement habituel (trop classique pour ces poètes libertaires) de guitare-basse/batterie.

Si Edward Perraud, batteur et percussionniste, coloriste et rythmicien attire l’attention dès l’origine avec ce “Birth” à l’ostinato perturbant, s’il varie ses effets par des ruptures de rythme, il s'avère assagi et plus régulier sur “The River” puis “Earth”;  il brosse largement l’arrière-pays, ce socle sur lequel s’élance Daniel Erdmann inimitable, au timbre identifiable. C’est toujours la même séduction, immédiate, à l’ écoute de ce saxophoniste vibrant, tout en souffle, impressionniste ou fougueux… Plus en retrait semble le guitariste à moins que l’auditeur ne soit moins sensible aux accords de guitare qui s’enchaînent, imparables pourtant. Ce serait sans compter les doux effleurements d’Hasse Poulsen sur ce “Dancing star” en deux parties qui courent sans transition, une délicate musique des sphères; la construction ascendante de Hasse Poulsen, intègre avec bonheur tous les imprévus d’une musique invasive, constamment sous tension jusqu’au final prometteur, annonçant une “First Light” plutôt free rock.

Cet album semble une parfaite illustration en images virtuelles, écho à trois voix souvent irréelles, comme les photos d’Edward Perraud fantasmatiques et troublantes. Une suite continue où l’esprit se recentre autour d’ostinatos et de grondements sourds, le saxophone soufflant volontiers le chaud et le froid, la douceur étant du côté de la guitare.

Un peu plus étonnante est cette citation interminable tirée d’“Ainsi parlait Zarathoustra”. On ne comprend pas vraiment comment fonctionne leur alchimie, mais il est manifeste que cette musique à trois est structurée, parfaitement élaborée entre folk, jazz, rock. Ils continuent leur histoire sans perdre leurs repères. Attentifs, délicats, sans fébrilité excessive, ils savent donner à l’album son unité avec une dimension originale et poétique.

 

*2 plages fantômes poursuivent le supposé final!

 

Sophie Chambon

 

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24 mai 2024 5 24 /05 /mai /2024 16:55

Hervé Sellin (piano & piano électrique) et sur deux plages Claude Egéa (bugle)

Meudon, 13-15 septembre & 8 octobre 2023

IndéSens Calliope Records IC 012 / Socadisc


 

Après l’album «Claude Debussy», enregistré en 2017 pour le même label, et publié en mars 2018 à l’occasion du centenaire de la mort du compositeur (http://lesdnj.over-blog.com/2018/04/debussy-vu-du-jazz-par-herve-sellin-et-enrico-pieranunzi.html), Hervé Sellin se penche sur la musique de Gabriel Fauré (en novembre ce sera le centenaire de sa mort) et celle de Maurice Ravel (qui leur survécut jusqu’en 1937). Cette trilogie a un sens, si l’on veut bien se souvenir de ce que le jazz est allé quérir dans leurs langages respectifs. Alors que pour Debussy il était allé chercher du côté des pièces pour piano, Hervé Sellin puise cette fois dans des œuvres orchestrales et vocales (sauf pour ses digressions très personnelles autour du Prélude pour piano de Ravel). Tout au long du disque, c’est une sorte de déambulation amoureuse dans des trésors de ces musiques : trois moments du Requiem de Fauré, ainsi qu’une mélodie - Après un rêve - et la célèbre Pavane du même compositeur. Pour Ravel on chemine de Daphnis et Chloé à la Rhapsodie espagnole en passant par la Pavane pour une infante défunte ; avec aussi deux digressions en duo piano-bugle autour du Concerto en sol majeur et de Ma mère l’Oye. L’amour de ces musiques, autant que la revendication de liberté et d’imagination, président à cette belle entreprise. Le pianiste interroge les harmonies en les transgressant, effleure les lignes mélodiques en les entraînant vers d’autres voies. Sa science du piano et de la musique, côté classique (sa formation au Conservatoire de Paris) comme dans le jazz (qu’il a pratiqué avec les plus grands avant de l’enseigner dans le conservatoire qui l’avait formé), lui donne la liberté d’enfreindre en magnifiant, de contourner sans manquer l’ultime but, d’intensité et de beauté. Dans le livret du disque il commente pour chaque pièce, de manière limpide, le cheminement autant que l’intention. Dans cet exercice, souvent tenté par les artistes de jazz, de puiser dans le répertoire classique (au sens large : du baroque au vingtième siècle) pour produire leur propre musique, exercice périlleux qui a suscité parfois des déceptions, Hervé Sellin nous offre une fois encore le témoignage d’une incontestable réussite. Au plus haut niveau.

Xavier Prévost

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16 mai 2024 4 16 /05 /mai /2024 14:30

Pierrick Menuau (saxophone ténor), Gaëtan Nicot (piano)

Porz Gwen (Finistère), sans date

Tinker Label 0323011 / l’autre distribution

 

Une connivence nouée voici bien ds années dans les jam sessions angevines, et affûtée par ce duo. Des standards inoxydables (Monk’s Dream, Stablemates….), des improvisations, et des thèmes originaux, dont une belle évocation d’un duo resté dans toutes les mémoires, sobrement intitulé For Wayne & Herbie, pour un jouissif mélange de science musicale et de décontraction. Avec aussi une ‘plage fantôme’ après la fin de The Nearness Of You.  En d’autres termes un beau cocktail de maîtrise du langage et de liberté (le jazz, n’est-ce pas ?). Le texte du livret, signé par le pianiste breton Didier Squiban, évoque une parenté artistique avec la poésie de René Char ou la peinture de Vassily Kandinsky, ce qui est totalement pertinent : le souci de la forme ne bride en rien l’imagination, et j’entends aussi dans cette rencontre les échos d’un univers où s’épanouissaient Lennie Tristano et Warne Marsh. Bref, vous l’aurez compris, c’est de la très très belle musique.

Xavier Prévost

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Le duo est en concert à Paris (Sunside) le 21 mai , et à Nantes (Pannonica) le 22 mai

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Un avant-ouïr sur Youtube

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